Cour de révision, 16 décembre 2022, SAM A. c/ B. C. et C.

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Abstract🔗

Bail commercial - Valeur locative

Résumé🔗

Loin d'écarter le rapport d'expertise non contradictoire versé aux débats par la société locataire, c'est au contraire en référence tant au contenu de celui-ci qu'à la méthode de calcul qui y est retenue, que la Cour d'appel a déterminé la valeur locative équitable des locaux concernés, tout en modulant le montant au regard de ses propres constatations, faites à partir des autres pièces régulièrement produites par les parties et portant sur la répartition contractuelle des charges entre elles, sur la localisation de l'immeuble et ses conséquences en termes d'attractivité mais aussi de concurrence et de gêne occasionnée par les chantiers de travaux ayant existé dans le quartier et sur une comparaison avec le montant des loyers commerciaux avoisinants, eux-mêmes pondérés pour tenir compte tant de la différence de nature des commerces en question que des écarts de date. Ainsi, c'est dans le respect du principe de la contradiction et de la disposition conventionnelle, et par une motivation exempte d'insuffisance, que la Cour d'appel a apprécié souverainement le prix de location en application des critères énoncés au deuxième alinéa de l'article 6 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948.


Pourvoi N° Hors Session

Pourvoi N° 2022-51 Hors Session Civile

COUR DE RÉVISION

ARRÊT DU 16 DÉCEMBRE 2022

En la cause de :

  • La société anonyme monégasque dénommée « A. », dont le siège social est sis X1 à Monaco (98000), prise en la personne de son Président administrateur délégué en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant Maître Sophie MARQUET, avocat près la même Cour ;

DEMANDERESSE EN RÉVISION,

d'une part,

Contre :

  • B. C., née le 18 juin 1940 à Montpellier (France), de nationalité française, retraitée, demeurant X2 à Nice, France ;

  • C., né le 16 mars 1965 à Nice (France), de nationalité française, gérant de société, demeurant X2 à Nice, France ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Pierre-Anne NOGHES-DU MONCEAU, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco ;

DÉFENDEURS EN RÉVISION,

d'autre part,

Visa🔗

LA COUR DE RÉVISION,

Statuant hors session et uniquement sur pièces, en application des dispositions de l'article 458 du Code de Procédure civile ;

VU:

  • l'arrêt de la Cour d'appel, statuant en matière civile, en date du 28 juin 2022, signifié le 14 juillet 2022 ;

  • la déclaration de pourvoi souscrite au Greffe général, le 5 août 2022, par Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur, substituant Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, au nom de la société anonyme monégasque dénommée « A. »

  • la requête en révision déposée le 31 août 2022 au Greffe général, par Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, au nom de la société anonyme monégasque dénommée « A. », accompagnée de 15 pièces, signifiée le même jour ;

  • la contre-requête déposée le 29 septembre 2022 au Greffe général, par Maître Pierre-Anne NOGHES-DU MONCEAU, avocat-défenseur, au nom de B. C.et de C. accompagnée de 51 pièces, signifiée le même jour ;

  • la réplique déposée le 6 octobre 2022 au Greffe général, par Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, au nom de la société anonyme monégasque dénommée « A. », signifiée le même jour ;

  • les conclusions du Ministère public en date du 6 octobre 2022 ;

  • le certificat de clôture établi le 17 octobre 2022 par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;

Ensemble le dossier de la procédure,

À l'audience du 17 novembre 2022, sur le rapport de Monsieur Laurent LE MESLE, Vice-Président ;

Motifs🔗

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu, selon l'arrêt critiqué, que la SAM A. est titulaire depuis le 19 juin 1998 d'un bail commercial sur un immeuble appartenant aux consorts B. C. dans lequel elle exploite un fonds de commerce d'hôtel-restaurant à l'enseigne « D.» ; que, par avenants successifs, le montant du bail a été fixé à la somme annuelle de 200.000 euros à compter du 1er octobre 2013 ; que par acte du 6 juin 2014, les bailleurs ont adressé au preneur une offre de renouvellement du bail au loyer annuel de 460.000 euros à compter du 1er octobre 2014 ; qu'à défaut d'accord entre les parties, la commission arbitrale des loyers commerciaux a été saisie et, au terme de la procédure, a, par jugement en date du 9 juin 2021, fixé à la somme de 200.000 euros le loyer annuel révisé ; que sur appel des bailleurs, la Cour d'appel a, par arrêt du 28 juin 2022, réformé cette décision et fixé la valeur locative équitable des locaux loués à la somme annuelle de 247.000 euros ;

Sur le moyen unique pris en ses sept branches :

Attendu que la SAM A. fait grief à l'arrêt de statuer ainsi alors, selon le moyen, 1° « qu'au nombre des critères de l'article 6 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 figurent les "aménagements" des locaux, lesquels dépendent nécessairement de l'entretien et des réparations, lesquels en l'espèce incombent, en vertu du bail, entièrement à la locataire ; en refusant de prendre en compte cet élément, la Cour d'appel a violé l'article 6 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 » ; 2° « qu'aucune comparaison n'est possible entre l'exploitation d'un hôtel, même s'il comporte une salle de restaurant, et l'exploitation pure et simple d'un restaurant, ni en matière de charges, ni en matière d'équipements, ni en matière de rentabilité ; en intégrant ces éléments de comparaison dans son analyse, la Cour d'appel a violé l'article 6 précité » ; 3° « qu'en retenant explicitement des chiffres propres à l'année 2019 pour fixer la valeur locative au 1er octobre 2014 la Cour d'appel a encore violé le texte précité » ; 4° « qu'une expertise amiable peut constituer un élément décisif auquel le juge peut accorder du crédit si elle est corroborée par d'autres éléments ; en décidant par principe de ne pas suivre les conclusions de ladite expertise sans rechercher si elle était corroborée par d'autres éléments, la Cour d'appel a méconnu l'étendue de son propre pouvoir et violé les articles 6 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 et 1200 du Code civil » 5° ; « qu'en se fondant expressément sur des valeurs de "comparaison" concernant d'une part des locaux d'autre nature, d'autre part des dates étrangères à la date où la valeur locative devait être fixée, la Cour d'appel a violé l'article 6 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 » ; 6° « qu'en se fondant sur de prétendues "constatations objectives" de sa part, dont on ignore quelles elles peuvent être, la Cour d'appel a violé le principe du contradictoire et les droits de la défense, ainsi que l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales » et 7° « qu'en statuant ainsi par des motifs insuffisants pour ne pas expliquer en quoi les éléments qu'elle retient seraient de nature à écarter les conclusions de l'expertise amiable, et impropres à justifier le refus de les retenir quand tous les autres motifs de l'arrêt approuvent ces conclusions, la Cour d'appel a violé l'article 6 de la loi n° 490 et l'article 199 du Code de procédure civile » ;

Mais attendu que, loin d'écarter le rapport d'expertise non contradictoire versé aux débats par la société locataire, c'est au contraire en référence tant au contenu de celui-ci qu'à la méthode de calcul qui y est retenue, que la Cour d'appel a déterminé la valeur locative équitable des locaux concernés, tout en modulant le montant au regard de ses propres constatations, faites à partir des autres pièces régulièrement produites par les parties et portant sur la répartition contractuelle des charges entre elles, sur la localisation de l'immeuble et ses conséquences en termes d'attractivité mais aussi de concurrence et de gêne occasionnée par les chantiers de travaux ayant existé dans le quartier et sur une comparaison avec le montant des loyers commerciaux avoisinants, eux-mêmes pondérés pour tenir compte tant de la différence de nature des commerces en question que des écarts de date invoqués par les troisième et cinquième branches du moyen ; qu'ainsi, c'est dans le respect du principe de la contradiction et de la disposition conventionnelle visée à la sixième branche du moyen, et par une motivation exempte d'insuffisance, que la Cour d'appel a apprécié souverainement le prix de location en application des critères énoncés au deuxième alinéa de l'article 6 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 ; d'où il suit que le moyen qui manque en fait dans sa première branche n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur la demande des consorts B. C. fondée sur l'article 459-4 du Code procédure civile :

Attendu que les consorts B. C. sollicitent la condamnation de la SAM A. à leur payer une indemnité de 3.000 € ;

Mais attendu qu'il n'y a pas lieu, compte-tenu des circonstances de la cause, d'accueillir cette demande ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Rejette le pourvoi,

Rejette la demande des consorts B. C. fondée sur l'article 459-4 du Code de procédure civile,

Condamne la SAM A. aux entiers dépens, avec distraction au profit de Maître Pierre-Anne NOGHES-DU MONCEAU, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,

Ordonne que les dépens distraits seront liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable ;

Composition🔗

Ainsi jugé et rendu le seize décembre deux mille vingt-deux, par la Cour de Révision de la Principauté de Monaco, composée de Messieurs Laurent LE MESLE, Président, rapporteur, Jacques RAYBAUD, conseiller, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles et Madame Martine VALDES-BOULOUQUE, Conseiller.

Et Monsieur Laurent LE MESLE, Président, a signé avec Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en Chef, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.

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