Cour de révision, 21 mars 2022, Monsieur A. c/ la SAM B.

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Abstract🔗

Contrat - Interprétation - Clause ambiguë

Pourvoi en révision - Matière civile - Dénaturation des accords écrits (non)

Résumé🔗

C'est par une appréciation souveraine du sens et de la portée des clauses du contrat litigieux que leur ambiguïté rendait nécessaire qu'après avoir relevé que ledit contrat stipulait qu'il « annulait » et remplaçait, à compter de sa date d'effet, tous les accords existants signés ou non portant sur le même objet, quelle qu'en soit la forme, et que celui du 28 août 2017 emportait résiliation du contrat de sponsoring « sans aucune indemnité, de quelque nature que ce soit, de part et d'autre », que la Cour d'appel a retenu, sans encourir le grief de dénaturation, que le premier contrat de sponsoring du 22 octobre 2016 avait été annulé et remplacé par le contrat du 16 mars 2017, qui a pris effet à compter du 1er janvier 2017 pour prendre fin au 31 décembre 2017, et que M. A. ne pouvait persévérer sans fondement sérieux à vouloir être rémunéré en exécution des deux contrats, le second s'étant substitué au premier.


Motifs🔗

Session civile

LA COUR DE RÉVISION,

Pourvoi N° 2021-67 en session civile

En la cause de :

- Monsieur A., né le 2 juin 1994 à Cagnes-sur-Mer (France), chargé de mission, de nationalité française, demeurant à Saint-Paul-de-Vence (06570) ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Jean-Jacques GATINEAU, avocat aux Conseils ;

DEMANDEUR EN RÉVISION, d'une part,

Contre :

- La SAM B., société anonyme de droit monégasque, dont le siège social se trouve à Monaco, prise en la personne de sa Présidente en exercice, y demeurant en cette qualité ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, substitué par Maître Arnaud CHEYNUT, avocat-défenseur près la même Cour et ayant pour avocat plaidant par Maître Marie MOLINIE, avocat aux Conseils ;

DÉFENDERESSE EN RÉVISION, d'autre part,

VU :

- l'arrêt rendu le 15 décembre 2020 par la Cour d'appel, statuant en matière civile ;

- la déclaration de pourvoi souscrite au Greffe général, le 7 juillet 2021, par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de A. ;

- la requête déposée le 6 août 2021 au Greffe général, par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de A. accompagnée de 17 pièces, signifiée le même jour ;

- la contre-requête déposée le 3 septembre 2021 au Greffe général, par Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, au nom de la SAM B. signifiée le même jour ;

- les conclusions du Ministère public en date du 7 septembre 2021 ;

- le certificat de clôture établi le 17 septembre 2021 par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;

Ensemble le dossier de la procédure,

À l'audience du 17 mars 2022 sur le rapport de Monsieur Laurent LE MESLE, Vice-Président,

Après avoir entendu les conseils des parties ;

Ouï le Ministère public en ses conclusions ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Monsieur A. kitesurfeur professionnel, a signé le 22 octobre 2016 un contrat de sponsoring avec la société anonyme monégasque B. lui accordant une rémunération annuelle de 800 000 euros HT payable en deux versements de 400 000 euros HT à compter du mois de janvier 2017 ; qu'après une renégociation à la baisse des conditions de ce sponsoring, un nouveau contrat a été signé le 16 mars 2017, aux termes duquel les parties ont expressément annulé et remplacé leur précédent accord et prévu une rémunération annuelle de 390 000 euros HT payable, avec effet d'ici au 31 décembre 2017, en trois versements de 130 000 euros chacun les 1er janvier, 1er mai et 1er septembre 2017 ; que suivant convention de résiliation amiable du 28 août 2017, il a finalement été mis un terme au contrat du 16 mars 2017 « sans indemnité, de quelque nature que ce soit, de part et d'autre » ; que, par courrier du 2 février 2018, M. A. a mis en demeure la société B. de procéder au règlement des sommes lui revenant, soit 131 580 euros, puis l'a assignée le 13 mars 2018 en paiement de cette somme devant le Tribunal de première instance ; que, par conclusions du 28 février 2019, M. A. a modifié sa demande principale en sollicitant le paiement de la somme de 400 000 euros majorée des intérêts de droit à compter de l'assignation ; que par jugement du 31 octobre 2019, le Tribunal de première instance a condamné la société B. à payer à M. A. la somme de 130 000 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 mars 2018, débouté M. A. de sa demande en remboursement de frais, condamné M. A. à payer à la société B. la somme de 6 810,71 euros au titre de factures impayées et débouté les parties de leurs autres demandes ; que par arrêt du 15 décembre 2020, la Cour d'appel a infirmé ce jugement en ce qu'il avait condamné la société B. à payer à M. A. la somme de 130 000 euros, a débouté M. A. de l'ensemble de ses demandes en paiement et a confirmé le jugement pour le surplus ; que M. A. a déclaré se pourvoir contre cet arrêt ;

Sur l'unique moyen de révision pris en ses deux branches

Attendu que M. A. fait grief à l'arrêt de statuer ainsi :

1°) « Alors que les juges ne peuvent dénaturer les termes clairs et précis des actes qui leur sont soumis ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que les parties avaient signé un premier contrat de sponsoring le 22 octobre 2016, avec effet rétroactif au 1er septembre 2016, prévoyant le versement d'une rémunération annuelle de 800 000 euros à M. A. puis un second contrat de sponsoring le 16 mars 2017 prévoyant en page 2 qu'il »annule et remplace à compter de sa date d'effet, tous les accords existants«, ce contrat ayant pris effet à compter du 1er janvier 2017 ; qu'il résultait des termes clairs et précis de ces différents actes successifs que le premier contrat du 22 octobre 2016 conservait toute sa force et tous ses effets jusqu'au 1er janvier 2017, autorisant M. A. à réclamer l'exécution des obligations échues de son sponsor jusqu'au 1er janvier 2017 ; qu'en jugeant que cette clause empêchait M. A. de réclamer le paiement de la rémunération qui lui était due sur la période du 1er septembre 2016 au 31 décembre 2016 au titre de son premier contrat de sponsoring, cette possibilité ayant été annulée par le second contrat qui avait annulé et remplacé le premier contrat et s'était substitué à lui, la Cour d'appel a dénaturé les dispositions claires et précises du second contrat du 16 mars 2017 qui n'avait annulé et remplacé le premier contrat qu'à compter du 1er janvier 2017, violant l'article 989, alinéa 1, du Code civil » ;

2°) « alors en tout état de cause que l'annulation d'un contrat à exécution successive produit les mêmes effets qu'une résiliation du contrat, le juge devant tenir compte de la situation de fait irréversible née des prestations effectuées dans le passé par un des cocontractants et l'indemniser ; qu'en l'espèce, M. A. réclamait le paiement des prestations qu'il avait d'ores et déjà accomplies pour le compte de la société B. sur la période du 1er septembre 2016 au 31 décembre 2016 en exécution de son premier contrat de sponsoring du 22 octobre 2016 ; qu'en jugeant qu'il n'était pas fondé à solliciter le paiement de sa rémunération sur cette période au prétexte que son premier contrat de sponsoring avait été annulé par le second contrat ayant pris effet le 1er janvier 2017, lorsque l'annulation du premier contrat de sponsoring, qui constituait un contrat à exécution successive, produisait les effets une résiliation et obligeait le juge à tenir compte des prestations déjà effectuées par M. A. sur la période du 1er septembre 2016 au 31 décembre 2016 et à l'indemniser, la Cour d'appel a violé les articles 989 et 1152 du Code civil » ;

Mais attendu que c'est par une appréciation souveraine du sens et de la portée des clauses du contrat du 16 mars 2017 que leur ambiguïté rendait nécessaire qu'après avoir relevé que ledit contrat stipulait qu'il « annulait » et remplaçait, à compter de sa date d'effet, tous les accords existants signés ou non portant sur le même objet, quel qu'en soit la forme, et que celui du 28 août 2017 emportait résiliation du contrat de sponsoring « sans aucune indemnité, de quelque nature que ce soit, de part et d'autre », la Cour d'appel a retenu, sans encourir le grief de dénaturation, que le premier contrat de sponsoring du 22 octobre 2016 avait été annulé et remplacé par le contrat du 16 mars 2017, qui a pris effet à compter du 1er janvier 2017 pour prendre fin au 31 décembre 2017, et que M. A. ne pouvait persévérer sans fondement sérieux à vouloir être rémunéré en exécution des deux contrats, le second s'étant substitué au premier ; que le moyen n'est pas fondé ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Rejette le pourvoi,

Condamne A. aux entiers dépens, avec distraction au profit de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,

Ordonne que les dépens distraits seront liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable ;

Composition🔗

Ainsi jugé et prononcé le vingt-et-un mars deux mille vingt-deux, par la Cour de révision de la Principauté de Monaco, composée de Messieurs Laurent LE MESLE, Président, rapporteur, Jean-Pierre GRIDEL, Conseiller, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles et Madame Martine VALDES-BOULOUQUE, Conseiller, en présence du Ministère Public, assistés de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en Chef, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.

Le Greffier en Chef, Le Président.

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