Cour de révision, 11 novembre 2021, n. T. c/ Ministère public

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Abstract🔗

Procédure pénale - Droit de la défense - Droit de garder le silence - Incidence sur la condamnation (non) - Prévenu ayant eu la parole en dernier (non) - Moyen invocable par le seul intéressé

Abus de faiblesse Testament - État de vulnérabilité de la victime âgée - Abus de faiblesse (oui) - Complicité d'abus frauduleux d'un état de vulnérabilité (non) - Recel d'abus de faiblesse (non)

Conseil juridique - Exercice d'une activité sans autorisation préalable du ministère d'État (oui)

Résumé🔗

La décision de condamnation n'est fondée ni exclusivement ni même essentiellement sur les déclarations du prévenu, mais résulte des investigations, au cours desquelles l'inculpé, assisté d'un conseil, a pu faire valoir sa défense. Le prétendu défaut de notification de son droit de se taire est donc sans incidence.

Le prévenu qui six mois après son entrée au service de la victime, a pu obtenir d'elle qu'il soit testé en sa faveur, s'est bien rendu coupable d'un abus de faiblesse. L'expertise médicale confirme l'état de vulnérabilité de la victime avec affaiblissement de ses facultés mentales et corporelles liées à son grand âge, et qui l'a conduite à se décharger de la gestion de son patrimoine sur son environnement, envers lequel elle manifestait une confiance sans limite. La crédulité, la malléabilité et l'influençabilité de la victime étaient nécessairement connues du prévenu qui entretenait une grande proximité avec la victime.

La condamnation du prévenu du chef d'exercice à Monaco sans autorisation préalable du ministère d'État, d'une activité économique et juridique, est fondée. Le prévenu avait manifestement excédé l'objet social du cabinet pour lequel il avait été autorisé à exercer, occupant auprès de la victime d'abus de faiblesse des fonctions de conseil en matière juridique et patrimoniale.

Si le beau-fils de la victime d'abus de faiblesse était nécessairement proche de la victime, aucun acte destiné à aider ou assister l'auteur de l'infraction à conduire la victime à le désigner comme son légataire universel n'est établi. L'inaction coupable et la convoitise des biens de la victime ne sont pas des actes suffisamment concrets pour caractériser pénalement une complicité d'abus frauduleux de l'état de vulnérabilité.

Il n'est pas établi que le prévenu ait profité des fonds et des biens légués à l'auteur de l'abus de faiblesse, de sorte que la qualification de recel d'abus de faiblesse ne se trouve pas constituée.

Le moyen tiré du fait que le prévenu n'aurait pas eu la parole en dernier ne peut être invoqué que par l'intéressé en l'occurrence relaxé, et non par le Ministère public.


Motifs🔗

Hors Session pénale

LA COUR DE RÉVISION,

Pourvois N° 2021-59 et 60

Hors Session pénale

I.  Pourvoi n° 2021-59

En la cause de :

- n. T., né le 17 septembre 1976 à PARIS 18e (75), de R. et de f. T. de nationalité française et algérienne, consultant en management et stratégie, demeurant à NICE (06) ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur, près la Cour d'appel de Monaco et ayant pour avocat plaidant Maître Claire WAQUET, avocat aux Conseils ;

DEMANDEUR EN RÉVISION, d'une part,

Contre :

LE MINISTÈRE PUBLIC ;

DÉFENDEUR EN RÉVISION, d'autre part,

En présence de :

- p. D. né le 22 novembre 1955 à STOCKHOLM (suède), de r. K. et de m. b H. de nationalité suédoise, sans profession, demeurant à MENTON (06500) et/ou à BORRBY (suède) ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, près la Cour d'appel de Monaco ;

Et des parties civiles :

1- André GARINO, en sa qualité d'administrateur judiciaire des biens de l. P. (décédé le 3 mars 2020, partie civile de son vivant), désigné par arrêt de la Cour d'appel de Monaco en date du 4 juillet 2016 ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Patricia REY, avocat-défenseur, près la Cour d'appel de Monaco ;

2- l. t. P. né le 23 avril 1950 à BROMMA (suède), demeurant à BROMMA (16731 - Suède) ;

3- j. p. P. né le 21 janvier 1945 à BROMMA (suède), demeurant à SOLNA (16960 - Suède) ;

Ayant élus domicile tous deux en l'étude de Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur, près la Cour d'appel de Monaco ;

VU :

- l'arrêt de la Cour d'appel statuant en matière correctionnelle, en date du 7 juin 2021 ;

- la déclaration de pourvoi souscrite au greffe général, le 11 juin 2021, par Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur au nom de n. T.;

- la requête en révision déposée le 25 juin 2021 au greffe général, par Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur, au nom de n. T. accompagnée de 8 pièces, signifiée le même jour ;

- la notification du dépôt de la requête faite à André GARINO, l. t. P. et j. p. P. parties civiles, par lettre recommandée avec avis de réception du Greffe général en date du 28 juin 2021, conformément aux dispositions de l'article 477 du Code de procédure pénale ;

- Le mémoire du Ministère public en date du 12 juillet 2021 ;

- le certificat de clôture établi le 22 juillet 2021 par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;

II.  Pourvoi n° 2021-60

- MINISTÈRE PUBLIC, DEMANDEUR EN RÉVISION, d'une part,

Contre :

- p. D., né le 22 novembre 1955 à STOCKHOLM (suède), de nationalité suédoise, sans profession, demeurant à MENTON (06500) et/ou à BORRBY (suède) ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, près la Cour d'appel de Monaco et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;

DÉFENDEUR EN RÉVISION, d'autre part,

En présence de :

- n. T. né le 17 septembre 1976 à PARIS 18 e (75), de R. et de f. T. de nationalité française et Algérienne, consultant en management et stratégie, demeurant à NICE (06) ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur, près la Cour d'appel de Monaco ;

Et des parties civiles :

1- André GARINO, en sa qualité d'administrateur judiciaire des biens de l. P. (décédé le 3 mars 2020, partie civile de son vivant), désigné par arrêt de la Cour d'appel de Monaco du 4 juillet 2016 ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Patricia REY, avocat-défenseur, près la Cour d'appel de Monaco ;

2- l. t. P. né le 23 avril 1950 à BROMMA (suède), demeurant à BROMMA (16731 - Suède) ;

3- j. p. P. né le 21 janvier 1945 à BROMMA (suède), demeurant à SOLNA (16960 - Suède) ;

Ayant élus domicile tous deux en l'étude de Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur, près la Cour d'appel de Monaco ;

Statuant hors session et uniquement sur pièces, en application des dispositions de l'article 489 du Code de procédure pénale ;

VU :

- l'arrêt de la Cour d'appel statuant en matière correctionnelle, en date du 7 juin 2021 ;

- la déclaration de pourvoi souscrite au greffe général, le 14 juin 2021, par Monsieur le Procureur général adjoint ;

- la requête en révision déposée le 29 juin 2021 au greffe général, par Madame le Procureur général, accompagnée de 6 pièces, signifiée le même jour ;

- la contre-requête déposée le 14 juillet 2021 au greffe général, par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de p. D. accompagnée de 27 pièces, signifiée le même jour ;

- le certificat de clôture établi le 23 juillet 2021 par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;

Ensemble les dossiers de la procédure,

À l'audience du 13 octobre 2021, sur le rapport de Monsieur Jacques RAYBAUD, Conseiller ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu, selon l'arrêt critiqué, qu'une information judiciaire a été ouverte le 21 avril 2016 à la suite de la révélation de faits constitutifs notamment d'abus de faiblesse au préjudice de l. P. âgé de 91 ans, dont les biens mobiliers et immobiliers évalués à quelque 80 millions d'euros étaient placés sous administration judiciaire depuis le 11 mars 2016 ; que les investigations effectuées sur les comptes bancaires de l'intéressé ont mis en évidence l'existence de virements de sommes importantes courant 2015 jusqu'en avril 2016 au profit d'une part de M. n. T. secrétaire de L. P. exerçant auprès de lui des fonctions de conseil ainsi que de M. p. D. fils de la troisième épouse de L. P. ; qu'à l'issue de l'information, M. T. a été renvoyé devant le Tribunal correctionnel des chefs d'abus frauduleux de l'état de vulnérabilité ou de l'état de dépendance et d'exercice illégal d'une activité professionnelle, M. D. l'étant du chef de complicité d'abus frauduleux de l'état de vulnérabilité ; que le tribunal a déclaré le premier coupable des faits lui étant reprochés, le condamnant à dix mois d'emprisonnement et 18.000 euros d'amende et relaxé le second ; que sur appels de M. T. et du ministère public, la Cour d'appel, par arrêt du 7 juin 2021, a confirmé partiellement cette décision condamnant M. T. à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis et débouté le ministère public de sa demande de requalification du délit de complicité d'abus de faiblesse imputé à M. D. en recel d'abus de faiblesse ; que M. T. d'une part et le ministère public d'autre part ont formé un pourvoi en révision ;

Vu leur connexité, joint les pourvois 2021-59 et 2021-60 qui critiquent le même arrêt ;

I.  Sur le pourvoi de M. n. T. (n° 2021-59)

Sur le premier moyen

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué de déclarer M. T. coupable des faits visés à la prévention, d'être entré en voie de condamnation pénale à son encontre, et d'avoir reçu l'action civile, alors, selon le moyen, « qu'il ne résulte pas de l'arrêt que M. T. comparant à l'audience ait reçu notification du droit qu'il avait de faire des déclarations ou de se taire ; la Cour a ainsi violé les droits de la défense, la présomption d'innocence et l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales » ;

Mais attendu que M. T. ne saurait critiquer l'absence de notification de son droit de se taire dès lors que la Cour de révision est en mesure de s'assurer que pour le déclarer coupable des faits retenus à son encontre, la Cour d'appel ne s'est fondée ni exclusivement ni même essentiellement sur ses déclarations recueillies au cours des débats mais sur les résultats des investigations et auditions menées lors de l'information judiciaire au cours de laquelle, assisté de son conseil, il a fait valoir ses éléments de défense ; que le moyen doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt de déclarer M. T. coupable d'abus de faiblesse, alors, selon le moyen :

1°) « que l'abus de faiblesse suppose qu'il ait été fait »frauduleusement« ; le juge pénal ne peut entrer en voie de condamnation sans caractériser des manœuvres frauduleuses ou un abus ayant abouti à l'acte incriminé ; ne caractérise pas une manœuvre frauduleuse ni le moindre abus le fait de transmettre à un notaire, sur demande du testateur, des documents nécessaires à l'établissement d'un testament authentique, correspondant aux termes de volontés écrites précédemment par le testateur, celui-ci ayant comparu en personne devant le notaire qui a pu s'assurer de son consentement et donner son opinion sur ses facultés (arrêt p. 26) et lui faire signer l'acte en présence de 4 témoins (ibid) les seules circonstances d'être le bénéficiaire d'un legs et d'avoir travaillé pour le testateur pour des honoraires non préjudiciables pour lui (arrêt p. 32) ne caractérisent pas une manœuvre frauduleuse ni un abus quelconque. La Cour d'appel a violé l'article 335 du Code pénal » ;

2°) « que l'abus de faiblesse suppose qu'il ait été porté atteinte au consentement de la personne protégée en lui faisant faire un acte qu'elle n'aurait pas effectué sans y avoir été »conduite« ; qu'il ne résulte d'aucun élément de l'arrêt que le testament en cause, reprenant les termes exacts d'un testament olographe et correspondant aux relations entretenues de longue date par M. P. au sein de sa famille n'aurait pas été le résultat de sa propre volonté - si altérées que puissent être ses facultés; que la Cour d'appel a encore violé l'article 335 du Code pénal et, à tout le moins, a privé sa décision de base légale au regard de ce texte » ;

Mais attendu qu'ayant retenu souverainement des éléments de preuve qui lui ont été soumis d'une part, que le rapport du docteur psychiatre N. indique que L. P. présente un état de vulnérabilité dû à un affaiblissement de ses facultés mentales et corporelles liées à son âge qui l'expose au risque d'une spoliation et justifie qu'il soit désormais suppléé dans les actes de la vie civile, que ce médecin souligne que L. P. présente des troubles importants du repérage dans le temps, que concernant la gestion de son patrimoine, il semble s'être déchargé de la gestion de ses affaires sur son environnement en qui il semble avoir une confiance sans limite, qu'il est devenu crédule, malléable et influençable et, d'autre part, que cet état de faiblesse et de vulnérabilité était connu de M. T. en raison de sa grande proximité avec le vieil homme, qu'il s'est nécessairement rendu compte de l'état de L. P. dans la mesure où il écrivait un mail le 3 novembre 2015 dans ces termes : « (...) il faudrait qu'on se penche sur le testament rapidement vu les événements. Ça va lui foutre un coup. J'interroge le client sur ses souhaits concernant le 1/3 de la quotité disponible ce vendredi », qu'en transmettant ainsi à Maître Henry REY les documents nécessaires pour la signature du testament en la forme authentique le 30 novembre 2015, alors qu'il n'ignorait pas l'affaiblissement de l'état de santé et des facultés mentales de L. P. l'amenant à tester en sa faveur six mois après son entrée à son service et commettant ainsi un abus de faiblesse, la Cour d'appel a, par ces seuls motifs, caractérisé en tous ses éléments constitutifs l'infraction reprochée et légalement justifié sa décision ;

Que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué de déclarer M. T. coupable d'exercice à Monaco, sans autorisation préalable du ministère d'État, d'une activité économique et juridique en l'espèce une activité de conseil essentiellement juridique auprès de L. P. alors, selon le moyen :

1°) « que les dispositions des articles 5 et 12 de la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991 ne sont applicables qu'aux personnes physiques de nationalité étrangère ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué lui-même qu'après avoir quitté le cabinet Gordon Blair - où il exerçait comme collaborateur, M. T. a exercé une activité pour le compte de la société Change Muse dont il était associé, et que c'est exclusivement cette société qui a perçu les rémunérations de cette activité ; qu'en faisant application des textes susvisés, la Cour a violé les articles 5 et 12 de la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991 par fausse application » ;

2°) « que subsidiairement et à supposer que M. T. ait été directement au service de M. P. QUE, selon la Cour elle-même, M. T. est entré »au service de M. P. en juin 2015« (arrêt p. 22) qu'il a exercé auprès de lui une activité de »secrétaire« ou d'écrivain public selon un témoin, en tout cas de mandataire salarié dans le cadre d'un lien direct et exclusif avec M. P. ; que cette activité de secrétariat personnel au profit d'une seule personne ne rentre pas dans les activités visées par l'article 1er de la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991 qui suppose une offre publique de produits ou services, adressée indifféremment à une clientèle indéterminée ; la Cour a violé cet article 1er outre les articles 5 et 12 de la loi du 26 juillet 1991, par fausse application » ;

Mais attendu qu'après avoir retenu, par une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui ont été soumis, qu'étant associé de la société « Change Muse », M. T. avait manifestement excédé l'objet social de ce cabinet pour lequel il avait été autorisé à exercer, occupant auprès de L. P. des fonctions de conseil en matière juridique et patrimoniale, l'arrêt en déduit exactement que ces activités ont été menées en contravention des dispositions de la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991 concernant l'exercice de certaines activités économiques et juridiques et que le prévenu s'est rendu coupable du délit reproché ;

D'où il suit que le moyen, nouveau et mélangé de fait, comme tel irrecevable en sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

II.  Sur le pourvoi formé par le procureur général (n° 2021-60)

Sur le premier moyen

Attendu que le procureur général fait grief à l'arrêt, en violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 42 du Code pénal, 361, 390, 413, 455, 456 du Code de procédure pénale, de confirmer la relaxe prononcée à l'égard de M. D. alors, selon le moyen :

1°) « qu'entrent dans les prévisions de l'article 42 du Code pénal, ceux qui auront, avec connaissance, aidé ou assisté l'auteur ou les auteurs de l'action dans les faits qui l'auront préparée ou facilitée, ou dans ceux qui l'auront consommée ; qu'au cas présent, il est manifeste que M. p. D. a concouru, a minima passivement, aux méfaits de M. n. T. dont il avait connaissance pour constater au quotidien l'étendue du domaine d'intervention de l'intéressé auprès de son beau-père, les bénéfices qu'il allait tirer en l'aidant à favoriser cette intervention frauduleuse et la position centrale dont il disposait dans la vie de celui-ci ; que cette participation à la commission de l'infraction le rend complice des agissements de M. n. T. dans la réalisation du délit d'abus frauduleux de l'état de vulnérabilité et de l'état de dépendance perpétré à l'encontre de M. l. P. ; qu'en statuant dans le sens contraire tandis que les éléments du dossier auraient dû nécessairement la conduire à retenir la complicité de M. p. D. la Cour d'appel correctionnelle a méconnu les dispositions de l'article 42 du Code pénal par refus d'application » ;

2°) « que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision et que l'insuffisance équivaut à leur absence ; qu'en se bornant à écarter, par une motivation lapidaire, la complicité de M. p. D. tandis que le dossier d'instruction, l'ordonnance de renvoi du magistrat instructeur, les exhaustives conclusions d'appel des parties civiles et même les motifs de la décision des premiers juges tendaient à retenir cette complicité, la Cour d'appel correctionnelle n'a, à tout le moins, pas satisfait aux exigences des articles 361, 390, 413, 455, 456 du Code de procédure pénale, ensemble l'obligation de motiver les décisions de justice » ;

3°) « que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision et que la contradiction équivaut à leur absence ; que le Tribunal correctionnel a écarté la complicité de M. p. D. tout en énonçant notamment qu'»ainsi, alors qu'il bénéficiait de l'attachement du vieil homme et en l'absence des deux fils légitimes, il lui appartenait d'apporter protection et secours et, non, de laisser n. T. dans une toute puissance afin de mieux profiter, in fine, de ses agissements frauduleux, Cependant, si son inaction coupable et sa convoitise sont moralement blâmables, elles ne constituent pas pour autant des actes suffisamment concrets susceptibles de caractériser pénalement une complicité d'abus frauduleux de l'état de vulnérabilité« (jugement de première instance, p. 37) ; que ces constatations suffisaient pourtant à caractériser la complicité de M. p. D.; qu'en statuant ainsi, par des motifs adoptés contradictoires, la Cour d'appel correctionnelle n'a pas satisfait aux exigences des articles 361, 390, 413, 455, 456 du Code de procédure pénale, ensemble l'obligation de motiver les décisions de justice » ;

Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la Cour d'appel a constaté que si M. D. était très présent aux côtés de L. P. en raison du mariage de ce dernier avec sa mère, m. b. D. et après le décès de celle-ci, ainsi qu'il l'a reconnu dans ses déclarations, l'instruction n'avait nullement mis en exergue l'existence d'actes destinés à aider ou assister M. T. pour conduire L. P. à un acte gravement préjudiciable en devenant son légataire universel et en héritant de la moitié d'un appartement à MONACO ; qu'elle a pu en déduire que les faits reprochés à M. D. ne constituaient pas des actes suffisamment concrets susceptibles de caractériser pénalement une complicité d'abus frauduleux de l'état de vulnérabilité ;

Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, et abstraction faite de tous autres motifs surabondants, la Cour d'appel a, sans encourir les griefs du moyen, justifié sa décision ; que le moyen ne peut qu'être écarté ;

Sur le deuxième moyen

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt, en violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 339 du Code pénal, 361, 390, 413, 455, 456 du Code de procédure pénale, de confirmer la relaxe prononcée à l'égard de M. D. alors :

1°) « qu'entrent dans les prévisions de l'article 339 du Code pénal, ceux qui sciemment auront recelé des choses enlevées, détournées ou obtenues à l'aide d'un crime ou d'un délit ; qu'au cas présent, il ressort sans conteste du dossier de la procédure, de l'ordonnance de renvoi du magistrat instructeur, des exhaustives conclusions d'appel des parties-civiles et même les motifs de la décision des premiers juges que M. p. D. a sciemment bénéficié du produit de l'infraction d'abus de faiblesse commise à l'encontre de M. l. P. ; qu'en statuant dans le sens contraire tandis que les éléments du dossier auraient dû nécessairement la conduire à accéder à la demande de requalification formulée par le Ministère public, qu'elle soit cumulative ou exclusive de celle de complicité, et ainsi retenir l'incrimination de recel à l'encontre de M. p. D. la Cour d'appel correctionnelle a méconnu les dispositions de l'article 339 du Code pénal par refus d'application » ;

2°) « que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision et que l'insuffisance équivaut à leur absence ; qu'en se bornant à écarter, par une motivation quasi-inexistante, la requalification en recel requise par le Ministère public à l'encontre de M. p. D. tandis que le dossier d'instruction, l'ordonnance de renvoi du magistrat instructeur, les exhaustives conclusions d'appel des parties-civiles et même les motifs de la décision des premiers juges pouvaient légitimement fonder une telle requalification qu'elle soit cumulative ou exclusive de celle de complicité, la Cour d'appel correctionnelle n'a, à tout le moins, pas satisfait aux exigences des articles 361, 390, 413, 455, 456 du Code de procédure pénale, ensemble l'obligation de motiver les décisions de justice » ;

Mais attendu qu'après avoir exactement énoncé que le recel d'abus de faiblesse est constitué lorsque le prévenu a sciemment bénéficié des fonds obtenus par l'auteur principal, l'arrêt retient qu'il n'est pas établi que M. D. ait profité des fonds et des biens légués aux termes du testament litigieux à M. T. en sorte qu'il n'y a pas lieu de requalifier les faits en recel d'abus de faiblesse ; qu'ainsi la Cour d'appel a légalement justifié sa décision, sans violer les textes visés au moyen ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt, en violation des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 335 et 389 du Code de procédure pénale, d'avoir enfreint les règles relatives au déroulement des débats alors, selon le moyen :

1°) « que les mentions d'un arrêt doivent suffire à s'assurer de la régularité du déroulement des débats ; que les articles 335 et 389 du Code de procédure pénale imposent que le prévenu ait eu la parole en dernier ; qu'au cas présent, la décision attaquée ne fait pas la preuve de la régularité du déroulement des débats en ce qu'il ressort de ses énonciations que des témoins ont pris la parole après le prévenu et que la parole ne lui a pas été redonnée ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a méconnu les textes susvisés » ;

2°) « que le déroulement des débats devant la juridiction correctionnelle est strictement encadré par les articles 335 et 389 du Code de procédure pénale ; qu'en effet, sur l'appel de la cause, le président procède à l'interrogatoire du prévenu, ensuite les témoins sont entendus, la partie civile prend ses conclusions, le ministère public résume l'affaire et formule ses réquisitions, le prévenu et le civilement responsable présentent leur défense ; qu'en l'espèce, il ressort des énonciations de l'arrêt que cet ordre de passage n'a pas été respecté ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a méconnu les textes susvisés » ;

Mais attendu qu'il appartient à la partie qui n'aurait pas eu la parole en dernier de l'invoquer devant la Cour de révision ; qu'au cas particulier, M. D. ayant été relaxé devant la Cour d'appel, le moyen invoqué par le seul Ministère public est inopérant ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Rejette les pourvois,

Dit que les frais seront partagés par moitié ;

Composition🔗

Ainsi jugé et rendu le onze novembre deux mille vingt et un, par la Cour de révision de la Principauté de Monaco, composée de Madame Cécile CHATEL-PETIT, Premier Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Messieurs Serge PETIT, Conseiller, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles et Jacques RAYBAUD, Conseiller, rapporteur.

Et Madame Cécile CHATEL-PETIT, Premier Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles a signé avec Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en Chef, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.

Le Greffier en Chef, Le Président.

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