Cour de révision, 14 octobre 2021, État du Sénégal c/ Monsieur k. m. W. et autres

  • Consulter le PDF

Abstract🔗

Exécution d'un jugement étranger en Principauté - Conditions - Production - Certificats d'authenticité - Légalisation par un agent consulaire de la Principauté - Défaut - Rejet de la demande

Résumé🔗

Attendu qu'après avoir exactement rappelé qu'aux termes de l'article 18 de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 relative au droit international privé, le demandeur à fin d'exécution ou de reconnaissance d'un jugement étranger par les juridictions monégasques doit produire des pièces légalisées par un agent diplomatique ou consulaire de la Principauté accrédité auprès de l'État étranger ou, à défaut, par les autorités compétentes de cet État, la Cour d'appel qui a d'une part, souverainement retenu que les certificats d'authenticité produits avaient été délivrés par des autorités dont les pouvoirs en la matière ne résultaient d'aucun texte de loi et, d'autre part, constaté que les expéditions de chacun des deux arrêts n'étaient pas revêtues de légalisation par un agent diplomatique ou consulaire de la Principauté au Sénégal, lieu où les arrêts ont été rendus, alors même que l'État du Sénégal ne contestait pas la présence d'un agent consulaire de la Principauté à Dakar, a, répondant aux conclusions prétendument délaissées, légalement justifié sa décision.

D'où il suit que le moyen, irrecevable comme mélangé de fait et de droit en sa septième branche, n'est pas fondé pour le surplus.


Motifs🔗

en session civile

La Cour,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu, selon l'arrêt critiqué, que par exploit du 13 février 2017, l'État du Sénégal a assigné devant le Tribunal de première instance de Monaco M. k. W. M. k. A. M. i. A.et M. m. P. aux fins de voir déclarer exécutoire à Monaco avec toutes conséquences de droit la décision rendue le 20 août 2015 par la Chambre criminelle de la Cour Suprême de la République du Sénégal ayant confirmé l'arrêt rendu le 23 mars 2015 par la Cour de Répression de l'Enrichissement Illicite (CREI) qui a solidairement condamné les quatre intéressés à payer à l'État du Sénégal la somme de 10.000.000.000 de francs CFA (15.200.000 euros) correspondant aux conséquences civiles des infractions dont ils ont été reconnus coupables, délit d'enrichissement illicite pour le premier d'entre eux et complicité de ce délit pour les trois autres ; que par jugement du 20 février 2020, le Tribunal de première instance a déclaré l'État du Sénégal recevable en sa demande d'exequatur, le déboutant de celle-ci considérant notamment que la légalisation des décisions produites n'était pas établie ; que sur appel de L'État du Sénégal, la Cour d'appel, par arrêt du 30 mars 2021, signifié le 28 avril 2021, a confirmé cette décision en toutes ses dispositions ; qu'un pourvoi en révision a été formé par l'État précité le 28 mai 2021 ;

Sur le moyen unique, pris en ses sept branches

Attendu que l'État du Sénégal fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande d'exequatur des deux décisions précitées alors, selon le moyen, 1°) « qu'aux termes de l'article 18 de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017, les pièces produites à l'appui d'une demande d'exequatur doivent être légalisées par un agent diplomatique ou consulaire de la Principauté accrédité auprès de l'État étranger, ou, à défaut, par les autorités compétentes de cet État ; que le demandeur à l'exequatur peut donc se prévaloir d'une légalisation par un agent diplomatique ou consulaire de la Principauté mais également d'une légalisation par les autorités de l'État d'origine de la décision ; qu'en retenant, pour rejeter la demande d'exequatur, que les expéditions des décisions des 23 mars 2015 et 20 août 2015 et leurs significations ne sont pas revêtues de la légalisation par un agent diplomatique ou consulaire de la Principauté au Sénégal, les juges du fond ont violé l'article 18 de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 relative au droit international privé » ; 2°) « qu' en tout cas, en se fondant, pour rejeter la demande d'exequatur, sur la circonstance que l'État du Sénégal ne démontrait pas l'impossibilité d'obtenir la légalisation par un agent diplomatique ou consulaire de la Principauté au Sénégal quand celle-ci était impropre à écarter la faculté, pour le demandeur à l'exequatur, de se prévaloir d'une légalisation par les autorités de l'État d'origine de la décision, les juges du fond ont violé l'article 18 de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 relative au droit international privé » ; 3°) « que la légalisation est l'attestation de la véracité de la signature apposée sur un acte et de la qualité de celui qui l'a établi ; qu'en retenant que les certificats d'authenticité émanant respectivement du greffier en chef de la CREI et de l'administrateur des greffes à la Cour Suprême ne sauraient être considérés comme une »légalisation« des arrêts litigieux et de leur signification sans s'expliquer sur la circonstance que ces certificats en cause attestaient que le greffier en chef de la CREI et l'administrateur des greffes à la Cour Suprême étaient compétents pour procéder à la légalisation des décisions rendues par la CREI et la Cour Suprême et de leur signification et que les expéditions et significations en cause avaient été signées en original par les personnes pleinement habilitées, es qualité, et disposant des signatures et pouvoirs requis à cette fin, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 18 de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 relative au droit international privé » ; 4°) « qu'en tout cas, en se fondant, pour rejeter la demande d'exequatur, sur la circonstance que les pouvoirs du greffier en chef de la CREI et de l'administrateur des greffes à la Cour Suprême ne résultent d'aucun texte de loi, sans s'expliquer sur les certificats en cause, qui produisaient un effet en droit monégasque, et qui attestaient de la compétence du greffier en chef de la CREI et de l'administrateur des greffes à la Cour Suprême pour procéder à la légalisation des décisions de justice et de leurs significations, ainsi que sur l'avis de Me SAW, s'expliquant sur le contenu du droit sénégalais, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 18 de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 relative au droit international privé » ; 5°) « que les tribunaux de la Principauté établissent avec le concours des parties le contenu du droit étranger applicable ; qu'en se fondant, pour rejeter la demande de d'exequatur, sur la circonstance que les pouvoirs en la matière du greffier en chef de la CREI et de l'administrateur des greffes à la Cour Suprême ne résultent d'aucun texte de loi, sans rechercher, d'office, et au besoin avec le concours des parties, le contenu du droit positif du SENEGAL relatif aux autorités compétentes pour procéder à la légalisation des décisions de justice et de leurs signification (SIC), les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 18 et 23 de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 relative au droit international privé » ; 6°) « que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que dans ses conclusions du 20 octobre 2020, L'État du Sénégal indiquait qu'il avait obtenu du Ministère des affaires étrangères, compétent pour légaliser les actes publics sénégalais destinés aux autorités étrangères, une nouvelle légalisation des décisions de la CREI et de la Cour Suprême, ainsi que de leurs significations ; qu'il produisait l'ensemble de ces documents, visés dans un bordereau en date du 20 octobre 2020 ; qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions de L'État du Sénégal, les juges du fond ont violé l'article 199 du Code de procédure civile » ; 7°) « que dans l'hypothèse où la demande d'exequatur vise un arrêt portant condamnation à paiement et un arrêt de la Cour Suprême rejetant le pourvoi dirigé contre l'arrêt portant condamnation à paiement, le juge de l'exequatur, qui constate l'absence au dossier de l'original de la signification de l'arrêt rendu par la Cour Suprême, doit dissocier les deux décisions pour admettre à tout le moins l'exequatur de l'arrêt portant condamnation ; qu'en l'espèce et à supposer même que les conditions n'aient pas été remplies pour que l'exequatur soit conférée à l'arrêt de la Cour Suprême du Sénégal du 20 août 2015 rejetant le pourvoi, à tout le moins l'exequatur devait être conférée à l'arrêt de la Cour de répression de l'enrichissement illicite du 23 mars 2015 ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article 18 de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 relative au droit international privé » ;

Mais attendu qu'après avoir exactement rappelé qu'aux termes de l'article 18 de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 relative au droit international privé, le demandeur à fin d'exécution ou de reconnaissance d'un jugement étranger par les juridictions monégasques doit produire des pièces légalisées par un agent diplomatique ou consulaire de la Principauté accrédité auprès de l'État étranger ou, à défaut, par les autorités compétentes de cet État, la Cour d'appel qui a d'une part, souverainement retenu que les certificats d'authenticité produits avaient été délivrés par des autorités dont les pouvoirs en la matière ne résultaient d'aucun texte de loi et, d'autre part, constaté que les expéditions de chacun des deux arrêts n'étaient pas revêtues de légalisation par un agent diplomatique ou consulaire de la Principauté au Sénégal, lieu où les arrêts ont été rendus, alors même que l'État du Sénégal ne contestait pas la présence d'un agent consulaire de la Principauté à Dakar, a, répondant aux conclusions prétendument délaissées, légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen, irrecevable comme mélangé de fait et de droit en sa septième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur la demande de dommages-intérêts pour pourvoi abusif formée par M. k. A. M. i. A.et M. m. P.

Attendu que M. k. A. M. i. A.et M. m. P. demandent la condamnation de l'État du Sénégal à payer à chacun d'entre eux la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour pourvoi abusif ;

Mais attendu qu'il n'y a pas lieu eu égard aux circonstances de la cause d'accueillir cette demande ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Rejette le pourvoi,

Dit n'y avoir lieu à payer des dommages-intérêts,

Condamne L'ÉTAT DU SÉNÉGAL aux entiers dépens, avec distraction au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA et de Maître Olivier MARQUET, avocats-défenseurs, sous leur due affirmation, chacun en ce qui le concerne,

Ordonne que les dépens distraits seront liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable.

  • Consulter le PDF