Cour de révision, 14 octobre 2021, La S.C.I. P. c/ Madame a

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Abstract🔗

Vente immobilière - Dol - Manœuvres dolosives - Présence du notaire - Effets - Vice du consentement

Résumé🔗

Attendu, qu'après avoir rappelé que le dol peut être retenu lorsqu'il existe une collusion entre un intermédiaire au contrat et l'une des parties et souverainement apprécié les éléments de preuve produits aux débats, la Cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a relevé que ces éléments démontraient la collusion entre les époux M. aux droits desquels vient la SCI P. et l'agence immobilière AAA MONACO TOWN & SEA pour s'entendre sur la valeur du bien de Mme H. et l'amener à accepter l'offre d'achat de son bien dans des conditions la lésant, cette dernière, dont les facultés cognitives étaient dégradées, ayant vendu son bien à une valeur inférieure à la plus basse de deux estimations tout en réglant à l'agence immobilière des honoraires calculés sur la valeur la plus élevée du bien, sans que la promesse ou l'acte authentique de vente ne lui permettent de vérifier le prix en viager sur lequel étaient calculés le bouquet et la rente mensuelle, la facture d'honoraires de l'agent immobilier ne pouvant que la conforter dans son erreur d'une vente au prix de 1.950.000 € ; qu'elle a pu déduire de ses constatations, sans violer les articles 964 et 971 du Code civil, l'existence des manœuvres dolosives de la SCI P. au moment de la conclusion du contrat, ayant vicié le consentement de Mme H. sans que la présence d'un notaire lors de l'acte de vente ou l'assistance d'un avocat, aient été de nature à modifier la qualification desdites manœuvres.

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches.


Motifs🔗

en session civile

La Cour,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu, selon l'arrêt critiqué, que par acte notarié du 29 mai 2013, Mme d. d. H. âgée de 86 ans, a vendu en viager occupé, à la SCI P. un bien immobilier à usage d'habitation, situé X3 à Monaco, moyennant un versement d'un capital-bouquet de 150.000 €, assorti d'une rente viagère mensuelle de 15.000 € ; que cette dernière est décédée le 10 août 2014, laissant pour lui succéder sa nièce, Mme a. M. instituée légataire universelle ; qu'arguant de l'altération des capacités cognitives de sa tante dont aurait abusé l'agent immobilier qui avait trouvé l'acquéreur pour faire sous-évaluer le bien, Mme M. a saisi le Tribunal de première instance aux fins de voir déclarer nulle la vente pour vice du consentement et subsidiairement pour lésion-vileté du prix ; que jugement du 19 octobre 2017, le tribunal a, notamment, débouté Mme M. de sa demande en nullité de la vente sur le fondement des vices du consentement, la déclarant recevable en son action en annulation de vente immobilière fondée sur l'article 1516 du Code civil et, avant dire droit, ordonné une expertise aux fins de procéder à l'évaluation de la valeur vénale du bien à la date de la vente ; que sur appel de la SCI P. par arrêt du 26 janvier 2021, la Cour d'appel a, notamment, infirmé le jugement en ce qu'il a débouté Mme M. de sa demande en nullité de la vente sur le fondement des vices du consentement et déclaré nulle ladite vente ; que la SCI P. s'est pourvue en révision ;

Sur le moyen unique, pris en ses six branches

Attendu que la SCI P. fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme M. de sa demande en nullité de la vente sur le fondement des vices du consentement et, statuant de nouveau, de déclarer nulle la vente de la maison d'habitation en date du 29 mai 2013 entre d. H. et elle-même, alors, selon le moyen, 1) « que si le dol peut résulter d'une collusion frauduleuse entre le cocontractant et un tiers, le caractère frauduleux suppose la volonté de tromper intentionnellement l'autre partie contractante, la collusion frauduleuse devant avoir eu un rôle déterminant du consentement de la victime ; qu'en déduisant l'existence d'un dol de la part de la SCI P. de ce que cette dernière et l'AGENCE MONACO TOWN AND SEA s'étaient entendues pour une offre d'achat de la maison de d. H. au prix de 1.800.000 € en viager, en l'état d'une maison qui aurait pu être vendue pour un prix en viager compris entre 1.840.000 et 2.000.000 d'euros, les intéressés ayant profité de l'état d'infériorité de la venderesse en raison de son grand âge et de son état de santé dégradé, sans constater la volonté de la SCI P. de tromper intentionnellement d. H. outre que l'entente prétendue entre la SCI P. et l'AGENCE MONACO TOWN AND SEA avait eu un rôle déterminant du consentement de la victime, la Cour d'appel a violé les articles 964 et 971 du Code civil » ; 2) « que ne sont pas répréhensibles les mensonges qui entrent dans la catégorie du dolus bonus, c'est-à-dire des exagérations ou minorations usuelles dans les relations d'affaires ; qu'au demeurant, en sanctionnant une dissimulation du prix de la maison, quand les mensonges, à les admettre, qui entraient dans la catégorie du dolus bonus, c'est-à-dire des exagérations ou minorations usuelles dans les relations d'affaires, ne pouvaient caractériser un dol, la Cour d'appel a violé les articles 964 et 971 du Code civil » ; 3) « que l'état d'infériorité ne suffit pas à caractériser le dol ; qu'au demeurant encore, en retenant que la SCI P. et l'AGENCE MONACO TOWN AND SEA avait profité de l'état d'infériorité de la venderesse en raison de son grand âge et de son état de santé dégradé, quand cela n'était pas de nature à caractériser un dol, la Cour d'appel a violé les articles 964 et 971 du Code civil » ; 4) « que l'état d'infériorité peut d'autant moins caractériser le dol lorsque la victime était assistée par un avocat et que l'acte a été reçu par un notaire, ces derniers étant tenus de vérifier la capacité de leurs clients ; qu'en jugeant inopérante la présence d'un avocat et du notaire de d. H. lors de la signature de l'acte authentique, en tant que cela n'était pas de nature à invalider l'état de santé de la venderesse, quand le notaire, qui avait reçu l'acte de vente pour le compte de sa cliente, était tenu de vérifier sa capacité de contracter, l'avocat devant aussi s'inquiéter de l'état de santé de sa cliente, la Cour d'appel a violé les articles 964 et 971 du Code civil » ; 5) « que c'est à celui qui se prévaut de l'existence d'un dol d'établir la réalité de celui-ci au moment de la formation du contrat dont il est demandé l'annulation ; qu'en se fondant,en outre, pour retenir que la SCI P. et l'AGENCE MONACO TOWN AND SEA avaient profité de l'état d'infériorité de la venderesse en raison de son grand âge et de son état de santé dégradé, sur des éléments qui n'étaient pas contemporains de la vente, la Cour d'appel a violé les articles 964 et 971 du Code civil » ; 6) « que les juges sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; que dans ses conclusions d'appel, la SCI P. faisait valoir que Madame M. ne pouvait utilement soutenir que, de connivence avec l'AGENCE MONACO TOWN AND SEA, elle avait obtenu par dol, le 29 mai 2013, la vente de la maison de d. H. en profitant de l'état d'infériorité de la venderesse en raison de son grand âge et de son état de santé dégradé, quand Madame M. avait elle-même été instituée légataire universelle de d. H. un an plus tard le 23 mai 2014, et moins de 3 mois avant le décès de celle-ci, survenu le 10 août 2014 ; qu'en ne répondant pas à ce moyen opérant, la Cour d'appel a violé l'article 199 du Code de procédure civile » ;

Mais attendu, qu'après avoir rappelé que le dol peut être retenu lorsqu'il existe une collusion entre un intermédiaire au contrat et l'une des parties et souverainement apprécié les éléments de preuve produits aux débats, la Cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a relevé que ces éléments démontraient la collusion entre les époux M. aux droits desquels vient la SCI P. et l'agence immobilière AAA MONACO TOWN & SEA pour s'entendre sur la valeur du bien de Mme H. et l'amener à accepter l'offre d'achat de son bien dans des conditions la lésant, cette dernière, dont les facultés cognitives étaient dégradées, ayant vendu son bien à une valeur inférieure à la plus basse de deux estimations tout en réglant à l'agence immobilière des honoraires calculés sur la valeur la plus élevée du bien, sans que la promesse ou l'acte authentique de vente ne lui permettent de vérifier le prix en viager sur lequel étaient calculés le bouquet et la rente mensuelle, la facture d'honoraires de l'agent immobilier ne pouvant que la conforter dans son erreur d'une vente au prix de 1.950.000 € ; qu'elle a pu déduire de ses constatations, sans violer les articles 964 et 971 du Code civil, l'existence des manœuvres dolosives de la SCI P. au moment de la conclusion du contrat, ayant vicié le consentement de Mme H. sans que la présence d'un notaire lors de l'acte de vente ou l'assistance d'un avocat, aient été de nature à modifier la qualification desdites manœuvres ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur la demande de dommages-intérêts

Attendu que Mme M. sollicite la condamnation de la SCI P. à lui verser la somme de 5 000  € sur le fondement de l'article 459-4 du Code de procédure civile ;

Mais attendu que le caractère abusif du pourvoi formé par la SCI P. n'étant pas établi, il n'y a pas lieu d'accueillir cette demande ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Rejette le pourvoi,

Rejette la demande de dommages-intérêts de Mme a c. M.

Condamne la SCI P. aux entiers dépens, avec distraction au profit de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,

Ordonne que les dépens distraits seront liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable.

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