Cour de révision, 8 juillet 2020, Monsieur g. C. c/ la Société Anonyme Monégasque dénommée BNP PARIBAS WEALTH MANAGEMENT MONACO

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Abstract🔗

Autorité de la chose jugée - Condition (non)- Identité objet - Identité de partie (non) - Irrecevabilité de la demande

Résumé🔗

Par motifs propres et adoptés, l'arrêt fait exactement ressortir que, si l'autorité de chose jugée a lieu seulement à l'égard de ce qui a déjà fait l'objet d'un jugement, de sorte qu'une nouvelle pièce ou un fait nouveau permet d'introduire une nouvelle instance, c'est à la condition qu'il n'y ait pas identité parfaite entre les deux choses demandées ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que la demande portée devant elle avait toujours pour objet la reconnaissance de la responsabilité de la banque au titre d'un manquement à son obligation de conseil et de bonne gestion, génératrice, en 2006, de la perte d'une chance, pour M. C. de différer la vente de ses titres et d'être remboursé ultérieurement de leur valeur intégrale ; que, l'identité des parties étant par ailleurs indiscutée, sont ainsi caractérisées les identités d'objet et de cause avec la chose jugée en appel le 3 mai 2016 ; que par ces seuls motifs, l'irrecevabilité prononcée de l'action intentée le 5 octobre 2016 est légalement justifiée.


Motifs🔗

Pourvoi N° 2020-04

en session civile

R.4696

COUR DE RÉVISION

ARRÊT DU 8 JUILLET 2020

En la cause de :

- Monsieur g. C., de nationalité italienne, né le 25 juillet 1936 à Chiusanico (Impéria-Italie), retraité, demeurant X1 à Monaco (98000) ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Patricia REY, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco au titre de l'assistance judiciaire n° 710-BAJ-16, par décision du Bureau du 22 septembre 2016

Et plaidant par Maître Clyde BILLAUD, avocat près la même Cour ;

DEMANDEUR EN RÉVISION,

d'une part,

Contre :

- la Société Anonyme Monégasque dénommée BNP PARIBAS WEALTH MANAGEMENT MONACO, dont le siège social est sis 15/17, avenue d'Ostende à Monaco (98000), agissant poursuites et diligences de son administrateur délégué en exercice, demeurant et domicilié en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

DÉFENDERESSE EN RÉVISION,

d'autre part,

LA COUR DE RÉVISION,

VU :

- l'arrêt rendu le 9 juillet 2019 par la Cour d'appel, signifié le 16 septembre 2019 ;

- la déclaration de pourvoi souscrite au Greffe général, le 16 octobre 2019, par Maître Patricia REY, avocat-défenseur, au nom de g. C. ;

- la requête déposée le 14 novembre 2019 au Greffe général, par Maître Patricia REY, avocat-défenseur, au nom de g. C. accompagnée de 30 pièces, signifiée le même jour ;

- la contre-requête déposée le 16 décembre 2019 au Greffe général, par Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, au nom de la Société Anonyme Monégasque dénommée BNP PARIBAS WEALTH MANAGEMENT MONACO, accompagnée de 59 pièces, signifiée le même jour ;

- les conclusions du Ministère public en date du 19 décembre 2019 ;

- le certificat de clôture établi le 6 janvier 2020 par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;

Ensemble le dossier de la procédure,

À l'audience du 30 juin 2020 sur le rapport de Monsieur Jean-Pierre GRIDEL, Conseiller,

Après avoir entendu les conseils des parties ;

Ouï Madame le Procureur général ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les pièces de la procédure, que, le 5 décembre 1997, M. g. C. avait ouvert, dans les livres de l'établissement bancaire dénommé l'UNITED EUROPEAN BANK MONACO, à laquelle a succédé la société BNP PARIBAS PRIVATE BANK MONACO, devenue BNP PARIBAS WEALTH MANAGEMENT MONACO SAM (ci-après la banque), un compte qu'il avait crédité d'une somme de 1,4 milliard de lires italiennes, soit l'équivalent d'environ 800.000 euros ; que, le 6 octobre 2006 et sur ordre de M. C. des obligations argentines, constituant la majorité de son portefeuille, furent vendues par la banque, subissant une décote de l'ordre de 70 % ; que M.C. soutenant que l'établissement financier avait manqué à son obligation de conseil et engagé sa responsabilité, a introduit une première procédure judiciaire, close par un arrêt de la Cour de révision en date du 24 mars 2017, rejetant le pourvoi contre l'arrêt confirmatif par lequel la cour d'appel, le 3 mai 2016, avait jugé qu'aucun manquement n'était établi à l'encontre de la banque, non détentrice d'un mandat de gestion et déchargée par convention préalable de toute responsabilité lorsqu'elle aurait seulement exécuté les instructions du client ; que, M. C. prétendant avoir appris en mars 2016, par voie de presse, que la banque avait conservé les obligations argentines dont elle était elle-même était propriétaire et allait en obtenir le remboursement au cours de l'année 2016 de l'État argentin dans d'excellentes conditions, a, par nouvelle assignation du 5 octobre 2016, dénoncé l'absence de conseil quant à la pertinence de l'opération de 2006 et réclamé réparation pour la perte de chance ainsi subie de vendre plus tard et à meilleur cours ; que par jugement du 22 mars 2018, le tribunal de première instance a dit l'action irrecevable, comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée par l'arrêt du 3 mai 2016 ; que, sur recours de M. C. la cour d'appel a rendu, le 9 juillet 2019, une décision confirmative, à l'encontre de laquelle il a formé un pourvoi en révision, la SAM BNP PARIBAS WEALTH MANAGEMENT MONACO introduisant une demande reconventionnelle en paiement d'une amende civile et d'une somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches

Attendu que M. C. fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué de déclarer irrecevable l'action introduite par lui à l'encontre de la banque BNP PARIBAS WEALTH MANAGEMENT MONACO, comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée attachée au jugement rendu le 22 janvier 2015 par le tribunal de première instance et à l'arrêt partiellement confirmatif rendu le 3 mai 2016 par la Cour d'appel de Monaco l'ayant débouté de ses demandes, alors, selon le pourvoi, d'une part, « que les jugements ne sont revêtus de l'autorité de la chose jugée qu'à l'égard des contestations qu'ils tranchent ; que la Cour d'appel, qui a relevé que g. C. vient soutenir dans le cadre de la présente instance, l'inverse de ce qu'il énonçait dans la procédure initiale, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations selon lesquelles les demandes ne tendent pas aux mêmes fins, puisque la faute reprochée à la Banque est ici, d'une part, la rétention abusive d'informations sur l'existence de négociations engagées par la Banque avec l'État argentin quant à l'obtention d'une indemnisation pour ses propres titres obligataires argentins, et, d'autre part, la dissimulation d'informations sur les éventuelles indemnisations qu'elle aurait perçues pour ses propres titres, g. C. ayant justement sollicité à la cour d'appel d'enjoindre à la Banque de justifier de toutes indemnisations qu'elle aurait éventuellement perçues en rapport avec ces titres obligataires ; qu'ainsi, la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1198 du Code civil »  ; alors, de seconde part, « que l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque la demande est fondée sur une cause différente que celle qui a donné lieu au jugement ou lorsque des évènements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice ; que la Cour d'appel qui, pour caractériser l'identité d'objet, a considéré que le remboursement par l'État argentin des obligations argentines à leurs porteurs, en ce compris la BNP PARIBAS, ne peut caractériser un élément de préjudice distinct, alors qu'il s'agit d'un fait juridique nouveau, a violé les dispositions de l'article 1198 du Code civil » ;

Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, l'arrêt fait exactement ressortir que, si l'autorité de chose jugée a lieu seulement à l'égard de ce qui a déjà fait l'objet d'un jugement, de sorte qu'une nouvelle pièce ou un fait nouveau permet d'introduire une nouvelle instance, c'est à la condition qu'il n'y ait pas identité parfaite entre les deux choses demandées ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a relevé que la demande portée devant elle avait toujours pour objet la reconnaissance de la responsabilité de la banque au titre d'un manquement à son obligation de conseil et de bonne gestion, génératrice, en 2006, de la perte d'une chance, pour M. C. de différer la vente de ses titres et d'être remboursé ultérieurement de leur valeur intégrale ; que, l'identité des parties étant par ailleurs indiscutée, sont ainsi caractérisées les identités d'objet et de cause avec la chose jugée en appel le 3 mai 2016 ; que par ces seuls motifs, l'irrecevabilité prononcée de l'action intentée le 5 octobre 2016 est légalement justifiée ;

Sur la demande reconventionnelle de SAM BNP PARIBAS WEALTH MANAGEMENT MONACO

Attendu que la société SAM BNP PARIBAS WEALTH MANAGEMENT MONACO demande sur le fondement de l'article 459-4 du Code de procédure civile, la condamnation de M. C. à amende civile et payement à son endroit d'une somme de 20.000 euros ;

Mais attendu qu'il ne résulte pas des circonstances de la cause que M. C. ait abusé de son droit d'agir en justice ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Rejette le pourvoi de M. g. C.

Rejette la demande de la SAM BNP PARIBAS WEALTH MANAGEMENT MONACO en condamnation de M. g. C. pour procédure abusive,

Condamne M. g. C. aux entiers dépens, distraits au profit de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Composition🔗

Ainsi jugé et prononcé le huit juillet deux mille vingt, par la Cour de révision de la Principauté de Monaco, composée de Messieurs Jean-Pierre GRIDEL, faisant fonction de Président, rapporteur, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Serge PETIT et Laurent LE MESLE, Conseillers, en présence du Ministère Public, assistés de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en Chef, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.

Le Greffier en Chef, Le Président.

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