Cour de révision, 8 juillet 2020, Monsieur p. C. et Madame a. D. née C. c/ la SAM BANK JULIUS BAER (MONACO)

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Abstract🔗

Compte bancaire - Banque - devoir d'information - Secret professionnel - Obligation de loyauté - Cassation par voie de conséquence (non)

Résumé🔗

Après avoir constaté que les consorts C. avaient eux-mêmes indiqué avoir une bonne expérience en matière d'obligations, d'actions, de fonds et de devises, que, priés de choisir entre cinq types d'objectifs celui qui leur correspondait le mieux, ils avaient opté pour l'un des deux plus risqués, tout en reconnaissant être conscients qu'en faisant ce choix ils pouvaient avoir à supporter plusieurs trimestres de performances négatives lors de longues phases de marché baissier, qu'ils avaient signé une décharge pour les opérations à effet de levier et qu'il n'était pas établi que la banque ait disposé d'informations dont eux-mêmes n'avaient pas eu connaissance, la cour d'appel a pu, sans encourir les griefs du moyen et, abstraction faite du motif surabondant critiqué par les trois premières branches, retenir que la banque s'était acquittée de son devoir d'information et qu'elle n'était astreinte à aucune obligation de mise en garde à l'égard d'investisseurs dont elle a ainsi établi qu'ils étaient avertis.

Ayant relevé que la banque qui avait alerté en temps utile ses clients de la situation très préoccupante du compte joint et avait vainement tenté de le faire s'agissant du compte ouvert au nom de M. p. C. sans que l'échec de cette démarche puisse lui être imputé, avait appliqué très exactement les dispositions des conventions d'ouverture de compte dans des conditions dont il ne ressortait pas qu'elle avait agi dans son intérêt propre au détriment de celui de ses clients ni qu'elle avait communiqué à un tiers des éléments couverts par le secret, la cour d'appel a pu en déduire que la banque n'avait manqué ni au secret professionnel ni à son obligation de loyauté.

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

La cour d'appel, qui a procédé à la recherche invoquée par le moyen et a répondu pour le reste aux conclusions qui lui étaient présentées, a souverainement retenu qu'eu égard à l'objet du litige, à sa complexité juridique et à son déroulement procédural, le montant des honoraires des avocats, dont le remboursement était demandé par la banque en application des dispositions contractuelles applicables, était justifié ; et d'autre part que, le premier moyen ayant été rejeté, les demandes de cassation par voie de conséquence sont inopérantes.

La cour d'appel, qui a procédé à la recherche invoquée par le moyen et a répondu pour le reste aux conclusions qui lui étaient présentées, a souverainement retenu qu'eu égard à l'objet du litige, à sa complexité juridique et à son déroulement procédural, le montant des honoraires des avocats, dont le remboursement était demandé par la banque en application des dispositions contractuelles applicables, était justifié ; et d'autre part que, le premier moyen ayant été rejeté, les demandes de cassation par voie de conséquence sont inopérantes.


Motifs🔗

Pourvoi N° 2019-61

en session civile

R.4700

COUR DE RÉVISION

ARRÊT DU 8 JUILLET 2020

En la cause de :

- Monsieur p. C., né le 16 août 1975 à Thonex (Suisse), de nationalité suisse, domicilié X1 X1 Genève (Suisse) ;

- Madame a. D. née C., le 9 juillet 1972 à Thonex (Suisse), de nationalité suisse, domiciliée X2- 1206 Genève (Suisse) ;

Ayant tous deux élu domicile en l'étude de Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

DEMANDEURS EN RÉVISION,

d'une part,

Contre :

- la SAM BANK JULIUS BAER (MONACO), dont le siège social est sis 12 boulevard des Moulins à Monaco (98000), agissant poursuites et diligences de son Administrateur délégué en exercice, y demeurant en cette qualité ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

DÉFENDERESSE EN RÉVISION,

d'autre part,

LA COUR DE RÉVISION,

VU :

- l'arrêt rendu le 7 mai 2019 par la Cour d'appel, signifié le 4 juillet 2019 ;

- la déclaration de pourvoi souscrite au Greffe général, le 2 août 2019, par Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur, au nom de p. C. et a. D. née C. ;

- la requête déposée le 20 août 2019 au Greffe général, par Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur, au nom de p. C. et a. D. née C. accompagnée de 102 pièces, signifiée le même jour ;

- la contre-requête déposée le 18 septembre 2019 au Greffe général, par Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, au nom de la SAM BANK JULIUS BAER (MONACO), accompagnée de 62 pièces, signifiée le même jour ;

- les conclusions du Ministère public en date du 25 septembre 2019 ;

- le certificat de clôture établi le 2 octobre 2019 par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;

Ensemble le dossier de la procédure,

À l'audience du 30 juin 2020 sur le rapport de Monsieur Laurent LE MESLE, Conseiller,

Après avoir entendu les conseils des parties ;

Ouï Madame le Procureur général ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. p. C. a ouvert, le 12 décembre 2003, un compte dans les livres de la SAM ING BANK aux droits de laquelle vient la SAM BANK JULIUS BAER (la banque) et que le même jour il a ouvert, dans le même établissement, un compte joint avec sa sœur, Mme a. C. épouse D. ; que leur père, M. j-f. C. également titulaire d'un compte dans cette banque, bénéficiait d'une procuration sur le compte joint ; que le même jour, M. p. C. et Mme a. C. épouse D. (les consorts C. ont signé un acte de convention de gage de valeurs mobilières en garantie du compte de p. C. ; que les consorts C. ont souscrits le 4 mai 2007 une convention d'ouverture de crédit d'un montant de 2.000.000 USD remboursable le 30 novembre 2007, renouvelable par tacite reconduction et destiné à l'achat de titres de monnaies sur le compte joint ; que M. p. C. a souscrit le 30 mai 2008 une ouverture de crédit d'un montant de 1.000.000 USD sur le compte ouvert à son nom, et qu'il a signé le même jour un acte de constitution de gage de valeurs mobilières et de monnaies en garantie du compte joint ; qu'en l'état des positions débitrices des deux comptes, la banque a adressé aux consorts C. courant 2008, plusieurs mises en demeure d'avoir à couvrir le manque de garanties en se réservant la possibilité de régulariser partiellement la position des comptes de ses clients par la vente des avoirs déposés, puis les a assignés devant le tribunal de première instance qui, par jugement du 21 décembre 2017, les a condamnés solidairement à payer à la banque la somme de 498.010,53 USD, montant du solde débiteur, ainsi que 114.830,18 euros au titre des frais engagés par la banque pour le recouvrement de sa créance ; que le tribunal de première instance a également condamné M. p. C. à payer 137.886,32 USD, montant de son solde débiteur, et a condamné solidairement les consorts C. aux dépens ; que, par arrêt du 7 mai 2019, la cour d'appel a confirmé le jugement en toutes ses dispositions et, y ajoutant, a condamné solidairement les consorts C. à payer à la banque la somme de 19.637,60 euros au titre des honoraires engagés pour le recouvrement de la créance, les a débouté de leurs demandes de dommages-intérêts, a également débouté la banque de sa demande de dommages-intérêts pour appel abusif et condamné les consorts C. aux dépens d'appel ;

Sur le premier moyen

Attendu que les consorts C. font grief à l'arrêt de les condamner à payer à la banque la somme de 489.010, 53 USD et de condamner M. p. C. à payer à la banque la somme de 137.886,32 USD, au titre de leurs soldes débiteurs ainsi que de rejeter les demandes de dommages et intérêts qu'ils avaient présentées, alors selon le moyen - 1° - « que la banque a le devoir de mettre en garde ses clients contre les risques encourus dans les opérations spéculatives sur les marchés à terme dès lors qu'ils assument des risques de pertes et qu'ils n'en sont pas personnellement avertis, peu important que leur mandataire le soit ; qu'en retenant que M. j-f. C. qui avait une procuration sur les comptes de ses enfants (...) et, partant, était leur mandataire, avait un profil d'investisseur avisé, quand la banque avait le devoir de mettre en garde M. p. C. et Mme a. C. des risques encourus dans les opérations spéculatives litigieuses dès lors qu'en tant que mandants, ils en assumaient, seuls, les risques de pertes, peu important que leur père, mandataire, soit un investisseur avisé, la cour d'appel a violé l'article 1002 du Code civil » ; - 2° - « qu'en matière boursière, est un investisseur averti le spéculateur qui n'hésite pas à prendre des risques élevés à l'occasion d'opérations très fréquentes et très rapides ; qu'en toute hypothèse, en retenant que M. j-f. C. avait un profil d'investisseur avisé en ce qu'il avait déclaré avoir une expérience qu'il avait qualifiée de » bonne « en matière d'actions et de fonds, et d'»excellente«, soit l'expérience maximale, en matière d'obligations et de devises, précisant par ailleurs que ses investissements étaient, à l'époque, de l'ordre de 1.750.000 € en investissements offshores et de 250.000 € en immobilier, qu'en matière d'objectifs de son portefeuille, il avait indiqué vouloir générer une croissance modérée du capital englobant toutefois un objectif de revenu, tout en se déclarant conscient que, pour »atteindre des rendements supérieurs«, il pourrait »avoir à supporter plusieurs trimestres de performances négatives lors de longues phases de marchés baissiers« et qu'il résultait de l'examen des conversations téléphoniques échangées entre ce client et le personnel de la banque son excellente connaissance en matière de marchés et sa parfaite maîtrise des instruments financiers, outre qu'il suivait, quasiment au quotidien, l'évolution des marchés, en particulier à l'international, et se livrait à de nombreuses opérations spéculatives, d'achat et de vente et que, lors d'une conversation téléphonique avec M. G. L. de la banque ING, M. p .C. avait ainsi décrit son père : »il a travaillé beaucoup dans la banque et tous les jours, il achète le Herald Tribune, il ne fait que ça, voilà. Il va devenir super bouliche en vous disant - je veux ça, je veux ça...«, motifs impropres à caractériser un investisseur averti, spéculateur n'hésitant pas à prendre des risques élevés à l'occasion d'opérations très fréquentes et très rapides, la cour d'appel a violé l'article 1002 du Code civil » ; 3° - « que la qualité d'investisseur averti n'est pas exclusive du devoir de mise en garde de la banque à son égard, spécialement quant aux informations relatives à la faculté de remboursement ou la viabilité de l'investissement dont ce client ne dispose pas ; qu'au demeurant, en toute hypothèse encore, en se déterminant de la sorte, sans rechercher si la banque avait effectivement rempli son devoir de mise en garde à l'égard de M. j-f. C. en lui fournissant les informations dont il ne disposait pas et lui permettant d'effectuer, de manière éclairée, les arbitrages qui s'imposaient, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1002 du Code civil » ; - 4° - « qu'en matière boursière, est un investisseur averti le spéculateur qui n'hésite pas à prendre des risques élevés à l'occasion d'opérations très fréquentes et très rapides ; que retenant aussi que M. p. C. et Mme a. C. avaient la qualité d'investisseurs avertis eu égard non seulement aux informations collectées dans les questionnaires dits d'investissements, mais également des choix opérés par eux dans des investissements à risques, notamment dans des produits à effet de levier, motifs impropres à caractériser un investisseur averti, spéculateur n'hésitant pas à prendre des risques élevés à l'occasion d'opérations très fréquentes et très rapides, la cour d'appel a violé l'article 1002 du Code civil » ; - 5° - « que la qualité d'investisseur averti n'est pas exclusive du devoir de mise en garde de la banque à son égard, spécialement quant aux informations relatives à la faculté de remboursement ou la viabilité de l'investissement dont ce client ne dispose pas ; qu'au demeurant et en toute hypothèse, en se déterminant de la sorte, sans rechercher si la banque avait effectivement rempli son devoir de mise en garde à l'égard de M. p. C. et de Mme a. C. en leur fournissant les informations dont ils ne disposaient pas et leur permettant d'effectuer, de manière éclairée, les arbitrages qui s'imposaient, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1002 du Code civil ; » - 6° - « que la qualité d'investisseur averti n'est pas exclusive du devoir de mise en garde du banquier à son égard ; qu'en ajoutant qu'eu égard au profil d'opérateurs avertis de M. p. C. et de Mme a. C. ainsi que de leur père, du fait qu'il ne pouvait être considéré que la banque disposait d'informations auxquelles ils ne pouvaient pas avoir accès et du libre choix des investissements opérés par M. j-f. C. dans le contexte d'insuffisance de couverture et de diversification, il ne pouvait être soutenu que la banque aurait manqué à son devoir de mise en garde à leur égard, quand ces éléments n'étaient pas exclusifs du devoir de mise en garde du banquier, la cour d'appel a violé l'article 1002 du Code civil » ; - 7° - « que la qualité d'investisseur averti n'est pas exclusive du devoir de mise en garde du banquier à son égard ; qu'au demeurant et en toute hypothèse, en se déterminant de la sorte, sans rechercher s'il n'existait pas une asymétrie des positions de la banque, professionnelle disposant d'informations issues de réseaux professionnels, et des consorts C. ayant pour seules ressources celles diffusées dans la presse financière, imposant à ses clients, et ce dans le but de les protéger, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1002 du Code civil » ; - 8° - « que la banque est tenue, même à l'égard d'un client averti et quand bien même il serait dispensé d'un devoir de mise en garde, d'une obligation d'information dont la preuve lui incombe ; qu'en retenant aussi qu'il n'apparaissait pas que des informations erronées aient été transmises aux consorts C. ou à leur mandataire, opérateurs avisés, en vue du rachat de titres Kaupthing, de sorte qu'aucun manquement à l'obligation d'information ne pouvait être reproché à la banque, outre que, s'agissant des titres ALB, la circonstance selon laquelle ING Bank entretenait au moment des faits des liens avec la banque Alliance Bank of Kazakhstan, société-mère de la société ALB Finance, ne suffisait pas à démontrer que la banque aurait manqué à son obligation d'information, étant au surplus relevé que les choix d'investissements avaient été opérés par M. j-f. C. à même de se convaincre, en sa qualité d'opérateur avisé, de la fiabilité, ou non, du titre ALB Finance, et ce dans un contexte d'insuffisance de couverture avec obligation d'assurer la diversification du portefeuille, outre qu'il n'était pas davantage démontré qu'en raison de ses relations avec la banque Alliance Bank of Kazakhstan, la banque avait cherché à rembourser ses propres créances en proposant ce titre aux investisseurs, de sorte qu'aucun manquement de la banque à son obligation d'information n'était caractérisé, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur les clients, les consorts C. quand elle incombait à la banque, a violé l'article 1162 du Code civil, ensemble l'article 1002 du même code » ; - 9° - « que la banque est tenue, même à l'égard d'un client averti et quand bien même il serait dispensé d'un devoir de mise en garde, d'une obligation d'information ; qu'indépendamment des relations contractuelles entre un client et sa banque, celle-ci a l'obligation d'informer celui-là des risques encourus dans les opérations spéculatives sur les marchés à terme, hors le cas où il en a connaissance ; qu'en toute hypothèse, en se déterminant comme elle l'a fait, sans rechercher si la banque ne disposait pas d'informations sur les titres ALB comme Kaupthing dont les consorts C. et M. j-f. C. même à les supposer avertis, ne pouvaient disposer, et ce s'agissant des titres ALB, quant à la situation exacte d'ALB Finance, irrémédiablement compromise, et, pour les titres Kaupthing, quant à la situation financière catastrophique de Kaupthing, et dans quelle mesure la banque n'avait donc pas ainsi procédé par réticence dolosive, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1002 du Code civil » ; - 10 °- « que le secret professionnel fait défense à une banque de délivrer à toute personne des informations relatives au compte d'un de ses clients, sauf accord express de celui-ci ou sauf dérogation prévue par la loi ; qu'en considérant par ailleurs qu'aucune violation du secret professionnel préjudiciable à M. j-f. C. n'était démontrée, la conversation intervenue le 2 septembre 2008 entre M. g. L. et M. j-f. C. selon laquelle le représentant de la banque avait informé ce dernier qu'un autre client était prêt à lui racheter des titres MBIA, en ces termes : »il y a quelqu'un qui nous rachèterait 2.500.000 à 86,50«, ne démontrant pas que la banque ait délivré à un autre de ses clients des informations sur la composition du portefeuille des consorts C. ni qu'elle ait divulgué l'identité de ceux-ci, quand cette conversation établissait précisément, ne serait-ce qu'implicitement mais nécessairement, que la banque avait méconnu la défense qui lui était légalement faite de délivrer à toute personne des informations relatives à l'un de ses clients, la cour d'appel a violé l'article L. 511-33 du Code monétaire et financier français » ; - 11° - « que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et elles doivent être exécutées de bonne-foi ; qu'en retenant encore qu'il n'était pas établi que la banque s'était abstenue d'agir avec loyauté et équité au mieux des intérêts de ses clients, ni que celle-ci ait agi en privilégiant ses intérêts propres au détriment de ceux des consorts C. en ce que la banque n'avait pas contraint les consorts C.» à la liquidation des titres MBIA 14 % pour en opérer une substitution par les titres ALB Finance et Kaupthing«, ni »fait montre de duplicité en poursuivant ses propres intérêts« sans rechercher précisément si, d'un point de vue quantitatif, l'argument de la multiplication nécessaire des lignes n'était pas dépourvu de sérieux, et dans quelle mesure, d'un point de vue qualitatif, la diversification alléguée comme nécessaire par la banque ne l'était pas non plus, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 989 du Code civil » ; - 12° - « que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et elles doivent être exécutées de bonne foi ; qu'en déduisant aussi qu'il n'était pas établi que la banque s'était abstenue d'agir avec loyauté et équité au mieux des intérêts de ses clients, ni que celle-ci ait agi en privilégiant ses intérêts propres au détriment de ceux des consorts C. de ce qu'il apparaissait des divers échanges téléphoniques que la banque avait alerté à plusieurs reprises ses clients, depuis le mois d'août 2008, sur l'insuffisance de couverture, et qu'il ne pouvait lui être reproché de ne pas avoir utilisé les fonds provenant des cessions de titres au remboursement des crédits en cours dès lors qu'elle avait l'obligation, au risque de voir sa responsabilité engagée, de respecter elle aussi le degré de couverture, sans plus rechercher si la banque n'avait pas accepté que le prix de vente des titres litigieux soit réinjecté dans l'achat de titres toxiques et dans quelle mesure ce prix de la vente ne permettait pas de rembourser les prêts litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 989 du Code civil » ; - 13° - « que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et elles doivent être exécutées de bonne foi ; qu'en constatant enfin, s'agissant du compte de M. p. C. que la banque a procédé sur ce compte à la vente d'une partie des titres MBIA sans avoir recueilli préalablement l'accord de l'intéressé, puis en considérant néanmoins qu'il n'était pas établi que la banque se soit abstenue d'agir avec loyauté et équité au mieux des intérêts de ses clients, ni que celle-ci ait agi en privilégiant ses intérêts propres au détriment des consorts C. la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 989 du Code civil » ;

Mais attendu d'une part, qu'après avoir constaté que les consorts C. avaient eux-mêmes indiqué avoir une bonne expérience en matière d'obligations, d'actions, de fonds et de devises, que, priés de choisir entre cinq types d'objectifs celui qui leur correspondait le mieux, ils avaient opté pour l'un des deux plus risqués, tout en reconnaissant être conscients qu'en faisant ce choix ils pouvaient avoir à supporter plusieurs trimestres de performances négatives lors de longues phases de marché baissier, qu'ils avaient signé une décharge pour les opérations à effet de levier et qu'il n'était pas établi que la banque ait disposé d'informations dont eux-mêmes n'avaient pas eu connaissance, la cour d'appel a pu, sans encourir les griefs du moyen et, abstraction faite du motif surabondant critiqué par les trois premières branches, retenir que la banque s'était acquittée de son devoir d'information et qu'elle n'était astreinte à aucune obligation de mise en garde à l'égard d'investisseurs dont elle a ainsi établi qu'ils étaient avertis ;

Et attendu d'autre part, qu'ayant relevé que la banque qui avait alerté en temps utile ses clients de la situation très préoccupante du compte joint et avait vainement tenté de le faire s'agissant du compte ouvert au nom de M. p. C. sans que l'échec de cette démarche puisse lui être imputé, avait appliqué très exactement les dispositions des conventions d'ouverture de compte dans des conditions dont il ne ressortait pas qu'elle avait agi dans son intérêt propre au détriment de celui de ses clients ni qu'elle avait communiqué à un tiers des éléments couverts par le secret, la cour d'appel a pu en déduire que la banque n'avait manqué ni au secret professionnel ni à son obligation de loyauté ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens

Attendu que les consorts C. font ensuite grief à l'arrêt de les condamner solidairement à payer à la banque la somme de 114.830,18 euros au titre des frais engagés pour le recouvrement de sa créance, outre la somme de 19.637,60 euros pour les honoraires en cause d'appel, alors, selon le moyen, - 1° - « que la cassation à intervenir sur le premier moyen des chefs ayant condamné solidairement M. p. C. et Mme a. C. à payer à la SAM Bank Julius Baer la somme de 489.010,53 USD ou sa contrepartie en €, avec intérêts contractuels, condamné M. p. C. à payer à la SAM Bank Julius Baer la somme de 137.886,32 USD ou sa contrepartie en €, avec intérêts contractuels, au titre des soldes débiteurs respectifs des comptes, et rejeté les demandes de M. p. C. et Mme a. C. au titre des manquements contractuels de la SAM Bank Julius Baer entraînera l'annulation, par voie de conséquence, des chefs relatifs à la condamnation, confirmative et additionnelle, de M. p. C. et de Mme a. C. à verser les sommes de 114.830,18 euros et de 19.637,60 euros à la banque au titre des frais et honoraires engagés pour le recouvrement de sa créance, qui se trouvent dans un lien de dépendance nécessaire, et ce en application de [l'article 459 alinéa 2 du Code civil] » ; - 2° - « Que le juge doit respecter le principe de la contradiction ; qu'en toute hypothèse, en soulevant d'office les moyens tirés de ce que la nullité de l'article 6 de la convention de crédit, intitulé » exigibilité anticipée «, n'était pas soutenue, de ce que cette clause litigieuse n'était ni générale, ni imprécise, ni abusive dès lors qu'elle limitait la prise en charge des frais de procédure exposés par la banque à ceux d'entre eux nécessaires au recouvrement de sa créance, permettant ainsi, le cas échéant, le contrôle du juge, et de ce qu'il ne résultait pas des dispositions de l'article 234 du Code de procédure civile que les honoraires de l'avocat étaient compris dans les dépens, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction » ; - 3° - « que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en tout état de cause encore, en ajoutant que l'article 6 de la convention de crédit trouvait à s'appliquer dès lors que la banque avait produit l'intégralité des factures d'honoraires de son avocat monégasque établies dans cette procédure, la nécessité de recourir à un avocat-défenseur monégasque n'étant pas discutée, sans vérifier si ces factures étaient suffisamment détaillées et non pas floues quant à l'objet et la cause des honoraires et, partant, si la banque avait effectivement rempli son obligation probatoire de la nécessité des frais et honoraires allégués pour le recouvrement de ses créances, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 989 du Code civil » ; qu' ils font encore le grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes de dommages-intérêts, alors, selon le moyen « que la cassation à intervenir sur le premier moyen des chefs ayant condamné solidairement M. p. C. et Mme a. C. à payer à la SAM BANK JULIUS BAER la somme de 489.010,53 USD ou sa contrepartie en euros, avec intérêts contractuels, condamné M. p. C. à payer à la SAM BANK JULIUS BAER la somme de 137.886,32 USD ou sa contrepartie en euros, avec intérêts contractuels, au titre des soldes débiteurs respectifs des comptes, et rejeté les demandes de M. p. C. et de Mme a. C. au titre des manquements contractuels de la SAM BANK JULIUS BAER entraînera l'annulation, par voie de conséquence, du chef ayant débouté M. p. C. et Mme a. C. de leurs demandes de dommages-intérêts, qui se trouve dans un lien de dépendance nécessaire, et ce en application de [l'article 459 alinéa 2 du Code civil] » ; et qu'ils font enfin le grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes de condamnation de la banque à leur rembourser les frais exposés pour l'obtention de la transcription des conversations téléphoniques et tendant à voir enjoindre la banque de faire connaître le montant des commissions encaissées pour chacune des opérations enregistrées de janvier 2007 à décembre 2008 et ses tarifs contractuels, alors selon le moyen « que la cassation à intervenir sur le premier moyen des chefs ayant condamné solidairement M. p. C. à payer à la banque la somme de 489.010,53 USD ou sa contrepartie en €, avec intérêts contractuels, condamné M. p. C. à payer à la banque la somme de 137.886,32 USD ou sa contrepartie en euros, avec intérêts contractuels, au titre des soldes débiteurs respectifs des comptes, et rejeté les demandes de M. p. C. et de Mme a . C. au titres des manquements contractuels de la banque entraînera l'annulation, par voie de conséquence, des chefs ayant débouté M. p. C. et Mme a. C. de leurs demandes de condamnation de la banque à leur rembourser les frais exposés pour l'obtention de la transcription des conversations téléphoniques et tendant à voir enjoindre la banque de faire connaître le montant des commissions encaissées pour chacune des opérations enregistrées de janvier 2007 à décembre 2008 et ses tarifs contractuels, qui se trouvent dans un lien de dépendance nécessaire, et ce en application de [l'article 459 alinéa 2 du Code civil] » ;

Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel, qui a procédé à la recherche invoquée par le moyen et a répondu pour le reste aux conclusions qui lui étaient présentées, a souverainement retenu qu'eu égard à l'objet du litige, à sa complexité juridique et à son déroulement procédural, le montant des honoraires des avocats, dont le remboursement était demandé par la banque en application des dispositions contractuelles applicables, était justifié ; et d'autre part que, le premier moyen ayant été rejeté, les demandes de cassation par voie de conséquence sont inopérantes ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les demandes de la banque

Attendu que la banque sollicite tout d'abord, au titre du contrat passé avec les consorts C. la condamnation de ceux-ci au paiement d'une somme de 10.000 euros en remboursement des honoraires engagés dans le cadre du présent recours ;

Mais attendu qu'il n'appartient pas à la Cour de révision de se prononcer sur cette demande ;

Attendu qu'elle demande par ailleurs la condamnation des consorts C. au paiement d'une somme de 30.000 euros pour pourvoi abusif ;

Mais attendu qu'au vu des circonstances de l'espèce il n'y a pas lieu d'accueillir cette demande ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Rejette le pourvoi,

Déclare irrecevable la demande de condamnation présentée par la SAM BANK JULIUS BAER (MONACO) au titre des honoraires qu'elle a engagés pour sa défense devant la Cour de révision,

Rejette la demande de dommages et intérêts présentée par la SAM BANK JULIUS BAER (MONACO),

Condamne M. p. C. et Mme a. C. épouse D. aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Composition🔗

Ainsi jugé et prononcé le huit juillet deux mille vingt, par la Cour de révision de la Principauté de Monaco, composée de Madame Cécile CHATEL-PETIT, Premier Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Messieurs Guy JOLY, Conseiller, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles et Laurent LE MESLE, Conseiller, rapporteur, en présence du Ministère Public, assistés de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en Chef, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.

Le Greffier en Chef, Le Premier Président,

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