Cour de révision, 8 juillet 2020, Monsieur a. G c/ le Ministère public

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Abstract🔗

Procédure pénale - Langue - Interprète - Assistance - Motivation - Entraide internationale - Article 6 de la convention européenne - Violation - Cassation par voie de conséquence

Résumé🔗

Il résulte de l'article 6 §3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que toute personne accusée d'une infraction a le droit de se faire assister gratuitement d'un interprète s'il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée dans la procédure ; que cette assistance doit être garantie dès le stade de l'enquête.

La cour d'appel a jugé qu'en l'état d'une part de la renonciation expresse et éclairée de la personne entendue à l'assistance d'un interprète et d'autre part de l'exactitude de la retranscription des déclarations recueillies, la circonstance que l'officier de police judiciaire qui a procédé le 20 février 2018 à l'audition de M.G. en langue anglaise ait également fait office d'interprète n'était pas de nature à entacher cet acte de nullité.

En statuant ainsi alors que M.G. devait, dès lors qu'il était décidé de procéder à son audition dans une autre langue, ce dont il s'évinçait qu'il ne parlait ou ne comprenait pas suffisamment le français, nécessairement être assisté d'un interprète chargé de traduire tant les questions qui lui étaient posées par les enquêteurs que les réponses qu'il leur apportait, de telle sorte que l'interprète ne pouvait être l'un de ces enquêteurs, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Vu les articles 455 et 456 du Code de procédure pénale, ensemble l'obligation de motiver les décisions de justice ; tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

La cour d'appel n'a pas fait droit à l'exception de nullité des opérations d'autopsie et du rapport d'expertise auquel elles ont donné lieu, aux motifs que les demandes d'entraide sont exécutées conformément à la législation de la partie requise, qu'au cas d'espèce le médecin légiste qui a procédé à l'autopsie a été commis par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nice (France), sur le fondement de l'article 74 du Code de procédure pénale français, conformément au droit de l'État requis et qu'il s'ensuit que la juridiction monégasque n'est pas compétente pour apprécier la validité des opérations d'autopsie ordonnées par les autorités judiciaires française.

En statuant ainsi, alors que l'exception de nullité portait à titre principal sur la demande d'entraide adressée par le procureur général aux autorités françaises, la cour d'appel, qui ne s'est prononcée que sur les actes accomplis par celles-ci en exécution de ladite demande, n'a pas satisfait aux exigences des textes et de l'obligation susvisés.

La cassation de l'arrêt sur le premier moyen entraîne la cassation par voie de conséquence du chef de dispositif critiqué par le troisième moyen sur lequel il n'y a dès lors pas lieu de statuer.


Motifs🔗

Pourvoi N°2020-33

Hors Session pénale

R.4688

COUR DE RÉVISION

ARRÊT DU 8 JUILLET 2020

En la cause de :

- a. G., né le 3 juin 1959 à DRUBAK (Norvège), de nationalité norvégienne, directeur de société, demeurant X1à MONACO (98000) ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco ;

DEMANDEUR EN REVISION,

d'une part,

Contre :

- Le MINISTERE PUBLIC ;

En présence de :

g. S.;

m. t. O'B. S.;

e. S.;

a. S.;

Partie intervenante forcée :

La société anonyme de droit français dénommée MMA IARD ;

DÉFENDEURS EN REVISION,

d'autre part,

LA COUR DE RÉVISION,

Statuant hors session et uniquement sur pièces, en application des dispositions de l'article 489 du code de procédure pénale ;

VU :

  • l'arrêt de la Cour d'Appel, statuant en matière correctionnelle, en date du 2 mars 2020 ;

  • la déclaration de pourvoi souscrite au greffe général, le 9 mars 2020, par Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur, au nom de a. G. ;

  • la requête en révision déposée le 23 mars 2020, au greffe général, par Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur, au nom de a. G. accompagnée de 11 pièces ;

  • les notifications du dépôt de la requête faites à g. S. m. t. O'B. S. e. S. a. S. parties civiles et à la SAM MMA IARD, partie intervenante forcée, par lettres recommandées avec avis de réception du Greffe Général en date du 26 mars 2020, conformément aux dispositions de l'article 477 du code de procédure pénale ;

  • les conclusions du Ministère Public en date du 6 avril 2020, déposées au Greffe Général le 8 avril 2020 ;

  • le certificat de clôture établi le 5 mai 2020 par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;

Ensemble le dossier de la procédure,

A l'audience du 2 juillet 2020, sur le rapport de Monsieur Laurent LE MESLE, Conseiller ;

La Cour,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu, selon l'arrêt critiqué, que M. a.G. de nationalité norvégienne, circulait à vélo, le 3 février 2018, boulevard d'Italie à Monaco, lorsqu'il a heurté Mme v. SC. épouse S. âgée de 78 ans, qui traversait à pied la chaussée en dehors d'un passage piéton ; que grièvement blessée lors du choc celle-ci est décédée le 11 mars suivant à l'hôpital Pasteur de Nice où elle avait été admise ; que M.G. a été poursuivi du chef d'homicide involontaire ; que par arrêt du 2 mars 2020, la cour d'appel s'est déclarée incompétente pour apprécier la validité des opérations d'autopsie et du rapport de l'expert, a débouté M.G. de son exception de nullité du procès-verbal d'audition du 20 février 2018, l'a déclaré coupable d'homicide involontaire et l'a condamné à la peine de trois mois d'emprisonnement avec sursis ; que M.G. a formé un pourvoi en révision contre cette décision ;

Sur le deuxième moyen

Vu l'article 6 §3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que toute personne accusée d'une infraction a le droit de se faire assister gratuitement d'un interprète s'il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée dans la procédure ; que cette assistance doit être garantie dès le stade de l'enquête ;

Attendu que la cour d'appel a jugé qu'en l'état d'une part de la renonciation expresse et éclairée de la personne entendue à l'assistance d'un interprète et d'autre part de l'exactitude de la retranscription des déclarations recueillies, la circonstance que l'officier de police judiciaire qui a procédé le 20 février 2018 à l'audition de M. G. en langue anglaise ait également fait office d'interprète n'était pas de nature à entacher cet acte de nullité ;

Qu'en statuant ainsi alors que M. G. devait, dès lors qu'il était décidé de procéder à son audition dans une autre langue, ce dont il s'évinçait qu'il ne parlait ou ne comprenait pas suffisamment le français, nécessairement être assisté d'un interprète chargé de traduire tant les questions qui lui étaient posées par les enquêteurs que les réponses qu'il leur apportait, de telle sorte que l'interprète ne pouvait être l'un de ces enquêteurs, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Sur le premier moyen

Vu les articles 455 et 456 du Code de procédure pénale, ensemble l'obligation de motiver les décisions de justice ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que la cour d'appel n'a pas fait droit à l'exception de nullité des opérations d'autopsie et du rapport d'expertise auquel elles ont donné lieu, aux motifs que les demandes d'entraide sont exécutées conformément à la législation de la partie requise, qu'au cas d'espèce le médecin légiste qui a procédé à l'autopsie a été commis par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nice (France), sur le fondement de l'article 74 du Code de procédure pénale français, conformément au droit de l'État requis et qu'il s'ensuit que la juridiction monégasque n'est pas compétente pour apprécier la validité des opérations d'autopsie ordonnées par les autorités judiciaires françaises ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'exception de nullité portait à titre principal sur la demande d'entraide adressée par le procureur général aux autorités françaises, la cour d'appel, qui ne s'est prononcée que sur les actes accomplis par celles-ci en exécution de ladite demande, n'a pas satisfait aux exigences des textes et de l'obligation susvisés ;

Et attendu que la cassation de l'arrêt sur le premier moyen entraîne la cassation par voie de conséquence du chef de dispositif critiqué par le troisième moyen sur lequel il n'y a dès lors pas lieu de statuer ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Casse et annule l'arrêt rendu par la cour d'appel le 2 mars 2020 sauf en ce qu'il a confirmé le jugement de première instance en ce que celui-ci avait prononcé la nullité du procès verbal d'audition du 3 février 2018 et rejeté l'exception de nullité du procès verbal de l'audition du 10 août 2018 et qu'il a ordonné des cancellations dans ce dernier procès verbal,

Renvoie la cause et les parties à la prochaine session utile de la Cour de révision autrement composée,

Réserve les dépens,

Composition🔗

Ainsi jugé et rendu le huit juillet deux mille vingt, par la Cour de révision de la Principauté de Monaco, composée de Madame Cécile CHATEL-PETIT, Premier Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Messieurs Serge PETIT, Conseiller et Laurent LE MESLE, Conseiller, rapporteur.

Et Madame Cécile CHATEL-PETIT, Premier Président, a signé avec Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en Chef, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.

Le Greffier en Chef, le Premier Président

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