Cour de révision, 15 mai 2020, Madame d. f. F. née P. c/ la SAM ARTCURIAL

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Abstract🔗

Pourvoi en cassation - Ultra petita (non) - Rétractation - Appel - Désistement - Comportement fautif (non) - Dommages-intérêts (non) - Cassation

Résumé🔗

Selon l'article 438, 2° du Code de procédure civile, l'ultra petita ne donne pas ouverture à la cassation de la décision critiquée, mais ne peut fonder qu'une action en rétractation ; le moyen est irrecevable.

Pour condamner Mme F. à payer une somme de 5 000 euros de dommages-intérêts, l'arrêt retient que, sur la demande reconventionnelle de l'intimée, il convient de tenir compte de la nécessité pour cette partie d'engager des frais à l'effet d'assurer sa défense devant la cour d'appel alors même que la partie appelante renonce désormais à l'ensemble de ses moyens et prétentions, et de réparer par voie de conséquence le préjudice qui en est résulté.

En statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser un comportement fautif de Mme F. dans l'exercice de son droit d'agir en justice, dont l'appel et le désistement sont des éléments constitutifs, aucune mauvaise foi, malice ou erreur dolosive n'étant relevée à son encontre, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.


Motifs🔗

Pourvoi N° 2019-57

en session civile

COUR DE RÉVISION

ARRÊT DU 15 MAI 2020

En la cause de :

- Madame d. f. F. née P., le 23 novembre 1948 à Paris (16ème), de nationalité monégasque, demeurant X1à Monaco (98000) ;

Bénéficiaire de l'assistance judiciaire n° 256-BAJ-20, par décision du Bureau du 23 janvier 2020

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Arnaud ZABALDANO avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Arnaud CHEYNUT, avocat près la même Cour ;

DEMANDERESSE EN REVISION,

d'une part,

Contre :

- la SAM ARTCURIAL, société anonyme monégasque, au capital social de 150.000 euros, immatriculée au Registre du Commerce et de l'Industrie de la Principauté de Monaco sous le n°15S06563, dont le siège social est sis à Monaco (98000), 3/9 boulevard des Moulins, prise en la personne de son Président Administrateur Délégué en exercice, demeurant et domiciliée en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Pierre-Anne NOGHES-DU MONCEAU, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

DÉFENDERESSE EN REVISION,

d'autre part,

LA COUR DE RÉVISION,

VU :

  • l'arrêt rendu le 18 juin 2019 par la Cour d'appel, signifié le 15 juillet 2019 ;

  • la déclaration de pourvoi souscrite au Greffe général, le 19 juillet 2019, par Maître Christiane PALMERO, avocat-défenseur, au nom de d. f. F. née P.;

  • la requête déposée le 31 juillet 2019 au Greffe général, par Maître Christiane PALMERO, avocat-défenseur, au nom de d. f. F. née P. accompagnée de 39 pièces, signifiée le même jour ;

  • la contre-requête déposée le 28 août 2019 au Greffe général, par Maître Pierre-Anne NOGHES-DU MONCEAU, avocat-défenseur, au nom de la SAM ARTCURIAL, accompagnée de 24 pièces, signifiée le même jour ;

  • les conclusions du Ministère public en date du 10 septembre 2019 ;

  • le certificat de clôture établi le 20 septembre 2019 par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;

Ensemble le dossier de la procédure,

A l'audience du 9 mars 2020 sur le rapport de Monsieur Jean-Pierre GRIDEL, Conseiller,

Après avoir entendu les conseils des parties ;

Ouï Madame le Procureur général ;

La Cour,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu, selon l'arrêt critiqué, que Mme d. f. F. née P. prétendant reconnaître, sur le catalogue d'une vente aux enchères prévue à Monaco le 19 juillet 2017, un sac à main de marque Hermès évalué entre 16 000 et 25 000 euros qui lui aurait été antérieurement dérobé, a déposé, à l'encontre de la société SAM ARTCURIAL, organisatrice de la manifestation, une requête en saisie-revendication, validée le 18 juillet 2017 ; que par jugement du 17 mai 2018, le tribunal de première instance a débouté Mme F.de sa demande en restitution du sac, aux motifs de sa défaillance dans la preuve tant de l'identité entre le bien revendiqué et celui qui avait été soustrait, que dans celle d'une commission du délit moins de trois ans avant l'assignation, ainsi qu'exigé par l'article 2098 du Code civil ; que par ailleurs, relevant qu'aucune faute de mauvaise foi, malice ou erreur dolosive n'était discernable dans l'exercice par Mme F.de son droit d'agir en justice, la juridiction a rejeté une demande de la société ARTCURIAL en dommages-intérêts pour « frais de défense habituels auxquels une maison de vente doit faire face » ; que Mme F. après avoir, le 20 juillet 2018, relevé appel, s'est, le 21 mai 2019, régulièrement désistée de l'ensemble de ses prétentions ; que la société ARTCURIAL, prenant acte de ce fait, a néanmoins maintenu sa demande reconventionnelle tendant à l'octroi d'une somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour appel abusif ; que, par arrêt du 18 juin 2019, la cour d'appel, constatant la renonciation de Mme F. à l'ensemble de ses griefs et demandes, a confirmé le jugement en toutes ses dispositions et, faisant droit à la demande reconventionnelle en dommages-intérêts de la société ARTCURIAL, a condamné l'appelante à lui payer 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé ;

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Attendu que Mme F. reproche à l'arrêt de la condamner à payer à la société ARTCURIAL une certaine somme « en réparation du préjudice causé », alors, selon le moyen, « que la Cour d'Appel a statué ultra petita ; qu'en effet, elle n'était saisie que d'une demande de dommages-intérêts pour appel abusif ; qu'elle n'était pas saisie d'une demande de dommages-intérêts pour remboursement de frais irrépétibles (qui n'existe pas en droit monégasque) ; que si l'indemnisation accordée avait pour fondement l'appel abusif, la Cour d'Appel aurait dû indiquer en quoi l'appel formé par Madame d. F. née P. présentait un caractère «infondé, téméraire ou malveillant», ce qu'elle n'a pas fait ; qu'elle a donc rendu sa décision sur un fondement autre, dont elle n'a pas été saisie ; qu'il y a lieu de considérer que la Cour d'appel a statué ultra petita ; qu'en accordant des dommages-intérêts sur la base des frais irrépétibles, alors qu'aucune demande n'a été formulée en ce sens, la Cour d'appel de MONACO a fondé sa décision sur un fondement dont elle n'était pas saisie ; que la décision attaquée encourt la cassation de ce chef » ;

Mais attendu que, selon l'article 438 2° du Code de procédure civile, l'ultra petita ne donne pas ouverture à la cassation de la décision critiquée, mais ne peut fonder qu'une action en rétractation ; que le moyen est irrecevable ;

Mais sur les première et troisième branches du même moyen

Vu l'article 1229 du Code civil ;

Attendu que pour condamner Mme F. à payer une somme de 5 000 euros de dommages-intérêts, l'arrêt retient que, sur la demande reconventionnelle de l'intimée, il convient de tenir compte de la nécessité pour cette partie d'engager des frais à l'effet d'assurer sa défense devant la cour d'appel alors même que la partie appelante renonce désormais à l'ensemble de ses moyens et prétentions, et de réparer par voie de conséquence le préjudice qui en est résulté ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser un comportement fautif de Mme F. dans l'exercice de son droit d'agir en justice, dont l'appel et le désistement sont des éléments constitutifs, aucune mauvaise foi, malice ou erreur dolosive n'étant relevée à son encontre, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Et sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur le second moyen,

Casse et annule l'arrêt de la Cour d'appel du 18 juin 2019, mais seulement en ce qu'il condamne l'appelante, Mme F. née P.à payer des dommages-intérêts à la SAM ARTCURIAL,

Renvoie la cause et les parties à la prochaine session utile de la Cour de révision autrement composée,

Condamne la SAM ARTCURIAL aux dépens de la présente instance, distraits au profit de l'Administration qui en poursuivra le recouvrement comme en matière d'enregistrement, conformément aux dispositions de l'article 19 de la loi n°1.378 du 18 mai 2011,

Composition🔗

Ainsi jugé et prononcé le quinze mai deux mille vingt, par la après prorogation du délibéré dont les avocats-défenseurs ont été avisés le seize mars deux mille vingt, par la Cour de révision de la Principauté de Monaco, composée de Messieurs Jean-Pierre GRIDEL, faisant fonction de Président, rapporteur, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Serge PETIT, Conseiller et François CACHELOT, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Conseiller, en présence du Ministère Public, assistés de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en Chef, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.

Le Greffier en Chef, Le Président,

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