Cour de révision, 7 octobre 2019, Monsieur m. S. c/ la société de droit suisse ZEDRA TRUST COMPANY SA, la société BARCLAYS BANK PLC et la société BARCLAYS PRIVATE ASSET MANAGEMENT (MONACO) SAM (anciennement dénommée BARCLAYS WEALTH ASSET MANAGEMENT SAM)

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Abstract🔗

Responsabilité bancaire - Prescription décennale - Article 152 du Code de commerce - Pourvoi en révision - Moyen irrecevable

Résumé🔗

La Cour d'appel ayant souverainement relevé que les demandeurs se sont bornés, dans les conclusions qu'ils lui ont soumises, à demander l'audition de Madame C. sans articuler les faits dont ils entendaient rapporter la preuve, c'est sans commettre les violations alléguées qu'elle a rejeté la demande d'enquête ; que le moyen n'est pas fondé.

Les demandes formées par M. S. dans le cadre de la présente instance sont exactement les mêmes, à l'exception du quantum des sommes réclamées, que celles dont il a été débouté dans le cadre de la première instance ayant abouti au jugement du 28 février 2008 ; qu'ayant relevé que l'appelant reprenait les mêmes demandes, fondées sur la même cause à l'égard des mêmes parties sur lesquelles il avait déjà été statué, c'est sans encourir les griefs du moyen que les premiers juges ont considéré que les demandes formées par M. S. à l'encontre de la société BARCLAYS BANK PLC se heurtaient à l'autorité de la chose jugée et devaient être déclarées irrecevables ; que le moyen n'est pas fondé.

La prescription décennale, instituée par l'article 152 bis du Code de commerce, « est applicable entre commerçants et non commerçants » ; que c'est à l'occasion de leur activité commerciale que les sociétés BARCLAYS BANK PLC et SAM BARCLAYS WEALTH ASSET MANAGEMENT ont réalisé les opérations au titre desquelles leur responsabilité est recherchée ; que l'obligation qu'elles pourraient avoir souscrite à ce titre est une obligation née à l'occasion de leur commerce entre commerçants et non-commerçants, au sens de l'article 152 bis, soumise à la prescription instituée par ce texte, de sorte que c'est à bon droit que la Cour d'appel a approuvé les premiers juges d'avoir appliqué la prescription décennale ; et attendu, d'autre part, que l'absence d'organe habilité à représenter la Fondation ARCEMA pour l'exercice de ses droits et actions ne constituait pas un empêchement à agir au sens de l'article 2055 du Code civil ; que la réactivation de cette fondation pouvant intervenir à tout moment et n'étant empêchée ni par la loi, ni par la convention, ni par des circonstances caractérisant un cas de force majeure, c'est à bon droit que la Cour d'appel a approuvé les premiers juges d'avoir retenu qu'il n'était « justifié d'aucun acte interruptif qui soit intervenu avant la date du 2 octobre 2012 » et d'avoir jugé prescrites les demandes précitées ; que le moyen n'est pas fondé.

Le moyen, qui se borne à alléguer la violation de l'article précité sans préciser en quoi il aurait été violé, est irrecevable.


Motifs🔗

Pourvoi N° 2019-36

en session civile

COUR DE RÉVISION

ARRÊT DU 7 OCTOBRE 2019

En la cause de :

- Monsieur m. S., né le 3 mai 1959 à Battice (Belgique), de nationalité belge, auto-entrepreneur, demeurant et domicilié X1 06320 Cap d'Ail ;

Bénéficiaire de l'assistance judiciaire n° 127-BAJ-14, par décision du Bureau du 6 mai 2014

- La Fondation ARCEMA, fondation de droit du Lichtenstein, dont l'adresse est sise Aulerstrasse 74 à Vaduz (Lichtenstein), agissant poursuites et diligences de son curateur, Maître m W. avocat au Barreau de Vaduz, domicilié en cette qualité au cabinet B W. B.;

Ayant tous deux élu domicile en l'étude de Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Charles LECUYER, avocat près la même cour ;

DEMANDEURS EN RÉVISION,

d'une part,

Contre :

- La société de droit suisse ZEDRA TRUST COMPANY SA, immatriculée au registre du commerce de GENEVE sous le numéro CHE 100.407.106, dont le siège social est sis 76 boulevard Georges Favon, Genève 1204, prise en la personne de ses représentant légaux, domiciliés en cette qualité audit siège, anciennement dénommée BARCLAYSTRUST SA (SUISSE), dont le siège social était situé 18-20 chemin de Grange Canal à CHÊNE-BOUGERIES (1224);

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

La société BARCLAYS BANK PLC, société de droit anglais dont le siège social est sis Churchill Place à Londres E14 5HP Grande-Bretagne, inscrite au « Register of Companies » sous le n° 1026167, prise en sa succursale en Principauté de Monaco, dont l'établissement principal, inscrit au Répertoire du Commerce et de l'Industrie sous le n° 68 S 01191, est situé à Monte-Carlo - 31, avenue de la Costa, représentée par Monsieur Francesco GROSOLI, Directeur Général et représentant légal de la succursale, domicilié en cette qualité à ladite succursale ;

La société BARCLAYS PRIVATE ASSET MANAGEMENT (MONACO) SAM (anciennement dénommée BARCLAYS WEALTH ASSET MANAGEMENT SAM), société anonyme de droit monégasque, inscrite au Répertoire du Commerce et de l'Industrie de Monaco, sous le n° 94 S 03039, dont le siège social est sis 31, avenue de la Costa à Monte-Carlo, prise en la personne de son Président Délégué, domicilié en cette qualité audit siège :

Ayant toutes deux élu domicile en l'Étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, substituée et plaidant par Maître Bernard BENSA avocat-défenseur ;

DÉFENDERESSES EN RÉVISION,

d'autre part,

LA COUR DE RÉVISION,

VU :

- l'arrêt rendu le 12 février 2019 par la Cour d'appel, signifié le 27 mars 2019 ;

- la déclaration de pourvoi souscrite au Greffe général, le 23 avril 2019, par Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur, au nom de m. S. et de la Fondation ARCEMA ;

- la requête déposée le 21 mai 2019 au Greffe général, par Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur, au nom de m. S. et de la Fondation ARCEMA, accompagnée de 63 pièces, signifiée le même jour ;

- la contre-requête déposée le 19 juin 2019 au Greffe général, par Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur, au nom de la société de droit suisse ZEDRA TRIST COMPANY SA, accompagnée de 2 pièces, signifiée le même jour ;

- la contre-requête déposée le 19 juin 2019 au Greffe général, par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de la société BARCLAYS BANK PLC et de La société BARCLAYS PRIVATE ASSET MANAGEMENT (MONACO) SAM (anciennement dénommée BARCLAYS WEALTH ASSET MANAGEMENT SAM), accompagnée de 8 pièces, signifiée le même jour ;

- les conclusions du Ministère public en date du 3 juillet 2019 ;

- le certificat de clôture établi le 10 juillet 2019 par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;

Ensemble le dossier de la procédure,

À l'audience du 2 octobre 2019 sur le rapport de Monsieur François-Xavier LUCAS, Conseiller,

Après avoir entendu les conseils des parties ;

Ouï Madame le Procureur général ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par acte du 12 mars 2007, M. m. S. a assigné la société BARCLAYS BANK PLC en responsabilité pour avoir manqué à ses obligations contractuelles en provoquant la déchéance du terme d'un prêt et en réalisant un portefeuille de valeurs mobilières que la Fondation ARCEMA, dont M. S. était l'ayant droit économique, avait offert en garantie du remboursement dudit prêt ; que par jugement en date du 28 février 2008, confirmé par arrêt du 8 janvier 2013, la demande indemnitaire de M. S. a été déclarée irrecevable, faute d'intérêt à agir au nom de la Fondation ARCEMA qu'il ne représentait pas ; qu'un curateur ayant été désigné pour assurer la représentation de la fondation, M. S.et la Fondation ARCEMA ont, par acte du 28 septembre 2016, assigné la société BARCLAYS BANK PLC et diverses autres sociétés du groupe BARCLAYS en vue d'obtenir la réparation de différents préjudices ; que la Cour d'appel ayant déclaré ces demandes irrecevables ou mal fondées, M. S.et la Fondation ARCEMA se sont pourvus en révision ;

Sur le premier moyen

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt de rejeter une demande d'enquête formulée par les requérants alors, selon le moyen, « qu'il résulte des dispositions de l'article 326 du Code de procédure civile que »la partie qui demande une enquête doit articuler les faits dont elle entend rapporter la preuve« et des dispositions de l'article 327 du Code de procédure civile que »la décision qui ordonne l'enquête détermine les faits à prouver et fixe un délai aux parties pour déposer la liste des témoins prévue à l'article 328. Après ce dépôt le président du tribunal ou le juge commis fixe par ordonnance les jours, heure et lieu de l'enquête« ; or la demande d'enquête formulée par les requérants a justement vocation à servir la démonstration qu'ils effectuent, dans leurs écritures successives, de la nature et de l'ampleur des agissements fautifs commis par les défenderesses ; Madame c. C. était la chargée de clientèle qui s'occupait de M. S. au sein de la BARCLAYS BANK PLC ; c'est elle-même qui a procédé à l'ouverture de son compte au sein dudit établissement le 1er avril 1998 ; si M. S.ne dispose pas d'éléments permettant de rapporter la preuve des liens qu'il a eus avec Madame C. son audition permettra de le confirmer, de même qu'elle permettra de caractériser les graves et nombreux manquements commis par les demanderesses au préjudice des requérants ; si une telle demande d'enquête n'a pas été effectuée plus tôt dans la procédure, c'est pour la simple raison que les requérants ont appris en cause d'appel que Madame C. était désormais retraitée, de sorte que la Cour d'appel, en déboutant les requérants de leur demande d'audition de Madame c. C. a rendu son arrêt en violation des articles précités » ;

Mais attendu que la Cour d'appel ayant souverainement relevé que les demandeurs se sont bornés, dans les conclusions qu'ils lui ont soumises, à demander l'audition de Madame C. sans articuler les faits dont ils entendaient rapporter la preuve, c'est sans commettre les violations alléguées qu'elle a rejeté la demande d'enquête ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables les demandes formulées par M. S. contre la société BARCLAYS BANK PLC, alors, selon le moyen, « que M. S. ayant agi contre la société BARCLAYS BANK PLC d'une part en qualité d'ayant droit économique de la Fondation ARCEMA et d'autre part à ses côtés, il n'y avait pas identité de parties dans les deux procédures et ainsi il ne saurait être opposé à M. S. en sa qualité d'ayant droit économique de la Fondation ARCEMA, l'autorité de chose jugée, de sorte que la Cour d'appel, en déclarant irrecevables les demandes formulées par M. S. contre la société BARCLAYS BANK PLC aux motifs qu'elles se heurteraient à l'autorité de la chose jugée, a violé l'article 1198 du Code civil » ;

Mais attendu que les demandes formées par M. S. dans le cadre de la présente instance sont exactement les mêmes, à l'exception du quantum des sommes réclamées, que celles dont il a été débouté dans le cadre de la première instance ayant abouti au jugement du 28 février 2008 ; qu'ayant relevé que l'appelant reprenait les mêmes demandes, fondées sur la même cause à l'égard des mêmes parties sur lesquelles il avait déjà été statué, c'est sans encourir les griefs du moyen que les premiers juges ont considéré que les demandes formées par M. S. à l'encontre de la société BARCLAYS BANK PLC se heurtaient à l'autorité de la chose jugée et devaient être déclarées irrecevables ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les troisième et quatrième moyens réunis

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt de juger prescrites les demandes formées tant par la Fondation ARCEMA contre la BARCLAYS BANK PLC et la SAM BARCLAYS WEALTH ASSET MANAGEMENT que par M. S. contre la SAM BARCLAYS PRIVATE ASSET MANAGEMENT alors, selon le moyen, d'une part, « que l'article 3 des statuts de la Fondation ARCEMA stipule qu'elle n'exerce aucune activité commerciale et qu'il ne saurait se déduire d'un prêt personnel ayant permis à M. S. d'acquérir un restaurant à Monaco que la relation entre la Fondation ARCEMA et les établissements précités serait de nature commerciale ; que dès lors seules les dispositions du Code civil instituant un délai de prescription trentenaire avaient vocation à s'appliquer au cas d'espèce, de sorte qu'en jugeant prescrites les demandes formées par la Fondation ARCEMA et par M. S. la Cour d'appel a violé les articles 2041, 2044, 2054 et 2055 du Code civil », et alors, d'autre part, « que, par application de l'article 2055 du Code civil, la prescription ne courant pas ou étant suspendue à l'égard de celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure, la prescription a nécessairement été suspendue à l'égard de la Fondation ARCEMA, de 2004, année de sa dissolution, au 9 novembre 2015, date de sa réactivation, de sorte qu'au 26 septembre 2016, date de l'assignation, la prescription n'était pas acquise et qu'en jugeant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles 2041, 2044, 2054 et 2055 du Code civil » ;

Mais attendu, d'une part, que la prescription décennale, instituée par l'article 152 bis du Code de commerce, « est applicable entre commerçants et non commerçants » ; que c'est à l'occasion de leur activité commerciale que les sociétés BARCLAYS BANK PLC et SAM BARCLAYS WEALTH ASSET MANAGEMENT ont réalisé les opérations au titre desquelles leur responsabilité est recherchée ; que l'obligation qu'elles pourraient avoir souscrite à ce titre est une obligation née à l'occasion de leur commerce entre commerçants et non-commerçants, au sens de l'article 152 bis, soumise à la prescription instituée par ce texte, de sorte que c'est à bon droit que la Cour d'appel a approuvé les premiers juges d'avoir appliqué la prescription décennale ; et attendu, d'autre part, que l'absence d'organe habilité à représenter la Fondation ARCEMA pour l'exercice de ses droits et actions ne constituait pas un empêchement à agir au sens de l'article 2055 du Code civil ; que la réactivation de cette fondation pouvant intervenir à tout moment et n'étant empêchée ni par la loi, ni par la convention, ni par des circonstances caractérisant un cas de force majeure, c'est à bon droit que la Cour d'appel a approuvé les premiers juges d'avoir retenu qu'il n'était « justifié d'aucun acte interruptif qui soit intervenu avant la date du 2 octobre 2012 » et d'avoir jugé prescrites les demandes précitées ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le cinquième moyen

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt de confirmer la décision des premiers juges en ce qu'elle a débouté les requérants de leurs demandes formulées contre la société ZEDRA TRUST COMPANY SA venant aux droits de la société BARCLAYSTRUST SA aux motifs qu'il ne démontraient pas l'existence d'un lien contractuel direct entre eux et ladite société « alors qu'il est difficilement concevable que les requérants aient tenté d'entretenir une confusion entre les deux établissements dans la mesure où leur nom, contrairement à ce qu'indique la Cour d'appel, n'est en aucun cas quasiment identique (...) ; que par ailleurs la Cour d'appel n'a pas tenu compte des nombreuses pièces versées aux débats, lesquelles démontrent de façon incontestable que la BARCLAYSTRUST SA a bien joué un rôle prépondérant dans la relation entretenue entre les requérants et les établissements BARCLAYS (...), de sorte qu'il est faux que les requérants ne démontrent pas l'existence d'un lien entre eux et la société ZEDRA TRUST COMPANY SA venant aux droits de la société BARCLAYSTRUST SA ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé l'article 1162 du Code civil » ;

Mais attendu que le moyen, qui se borne à alléguer la violation de l'article précité sans préciser en quoi il aurait été violé, est irrecevable ;

Sur la demande de dommages et intérêts de la société ZEDRA TRUST COMPANY SA

Attendu que, en application de l'article 459-4, du Code de procédure civile, la société ZEDRA TRUST COMPANY SA sollicite la condamnation de M. S. à lui verser la somme de 3.000 euros à titre d'indemnité ;

Mais attendu qu'il ne résulte pas des éléments de la cause ci-dessus rapportés que le recours exercé par M. S. ait été abusif ; que la demande ne peut être accueillie ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Rejette le pourvoi ;

Rejette la demande de dommages et intérêts de la société ZEDRA TRUST COMPANY SA ;

Condamne M. m. S. aux dépens dont distraction au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Composition🔗

Ainsi jugé et prononcé le sept octobre deux mille dix-neuf, par la Cour de révision de la Principauté de Monaco, composée de Jean-François RENUCCI, Président, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur François-Xavier LUCAS, Conseiller, rapporteur, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles et Monsieur Laurent LE MESLE, Conseiller, en présence du Ministère Public, assistés de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en Chef, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.

Le Greffier en Chef, Le Président,

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