Cour de révision, 7 octobre 2019, Madame f. C. c/ la Société Civile Immobilière « SHADOW »

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Abstract🔗

Procédure - Pourvoi en révision - Réplique - Recevabilité - Conditions

Bail commercial - Bailleur - Gérant - Pouvoir - Absence - Pas de porte - Paiement - Propriété commerciale

Résumé🔗

Les articles 453, 458 et 459 du Code de procédure civile réservent aux seuls pourvois considérés comme urgents la possibilité pour un demandeur en révision de déposer une réplique sommaire ; que la présente procédure ne relevant pas de l'urgence au sens des textes précités, la réplique déposée par Mme C. est irrecevable ;

L'absence de pouvoir du gérant ne peut être invoquée que par le mandant et non par le tiers contractant ; qu'il s'ensuit que Mme C. n'a pas qualité à invoquer l'absence de pouvoir du gérant de la société SCI SHADOW pour conclure les actes litigieux ; de deuxième part, qu'ayant relevé que l'acte du 24 novembre 2011 avait pour objet particulier de permettre l'extension de l'activité du preneur lui-même dans les locaux loués, à charge de n'y exercer aucune activité commerciale, tous les autres aspects de la relation contractuelle demeurant inchangés, et que cet acte contenait donc bien des engagements réciproques des parties, c'est sans le dénaturer que l'arrêt a qualifié cet acte d'avenant ; qu'enfin, l'arrêt a pu relever que le versement d'un pas-de-porte, non prohibé par la loi, résulte d'un usage bien établi en matière commerciale, et peut intervenir en cours de bail dès lors que les parties se sont accordées tant sur le principe que sur les modalités de son paiement, soit dans le contrat initial soit par voie d'avenant, et qu'il constituait en l'espèce la contrepartie de la propriété commerciale finalement reconnue à Madame C. ; d'où il suit qu'irrecevable en sa première branche, le premier moyen n'est pas fondé pour le surplus.


Motifs🔗

Pourvoi N° 2019-30

en session civile

COUR DE RÉVISION

ARRÊT DU 7 OCTOBRE 2019

En la cause de :

- Madame f. C., exerçant le commerce sous l'enseigne « C. GLOBAL ASSISTANCE », en abrégé C. G. A, immatriculée au RCI sous le n° 93P05523, demeurant en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

DEMANDEUR EN RÉVISION,

d'une part,

Contre :

- La Société Civile Immobilière « SHADOW », dont le siège social est 20 boulevard de Suisse à Monaco, prise en la personne de sa gérante en exercice, Madame g. D. demeurant X1 à Monaco ;

Ayant tous deux élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

DÉFENDEURS EN RÉVISION,

d'autre part,

LA COUR DE RÉVISION,

VU :

- l'arrêt rendu le 12 février 2019 par la Cour d'appel, signifié le 1er mars 2019 ;

- la déclaration de pourvoi souscrite au Greffe général, le 28 mars 2019, par Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur, au nom de f. C.;

- la requête déposée le 26 avril 2019 au Greffe général, par Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur, au nom de f. C. accompagnée de 67 pièces, signifiée le même jour ;

- la contre-requête déposée le 23 mai 2019 au Greffe général, par Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de la SCI SHADOW, accompagnée de 38 pièces, signifiée le même jour ;

- la réplique déposée le 31 mai 2019 au Greffe général, par Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur, au nom de f. C. signifiée le même jour ;

- les conclusions du Ministère public en date du 28 mai 2019 ;

- le certificat de clôture établi le 11 juin 2019 par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;

Ensemble le dossier de la procédure,

À l'audience du 4 octobre 2019 sur le rapport de Monsieur Jean-Pierre GRIDEL, Conseiller,

Après avoir entendu les conseils des parties ;

Ouï Madame le Procureur général ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Société civile immobilière Shadow, représentée par Mme g. D. gérant statutaire, a donné à bail à Mme C. le 1er octobre 1997, des locaux à usage de bureau, sis à Monaco, pour une durée d'un an, renouvelable par tacite reconduction, avec exclusion expresse de soumission aux dispositions de la loi n°490 du 24 novembre 1948 relative aux baux commerciaux ; que par la suite, à seule fin d'augmentation des loyers, les parties ont conclu, aux mêmes conditions, deux autres baux, le dernier en date du 20 juin 2005 ; que les 15 janvier 2009, 20 janvier 2010 et 24 novembre 2011, elles ont signé trois documents, intitulés « autorisation », par lesquels la bailleresse permet à Mme C. d'héberger dans les locaux loués les bureaux administratifs de la SARL BLUELINE TECHNICAL INSTALLATIONS, ceux de M. FEUTCHA WANSI, professionnel immatriculé à Monaco sous l'enseigne Feutcha Trading and consulting, ceux de Mme C. encore, mais pour une activité en cours de constitution de « conseil en bioéthique », chacun de ces actes comportant la reconnaissance par cette dernière de l'inapplicabilité de la loi n° 490 sur les baux commerciaux, son renoncement à réclamer le bénéfice de la propriété commerciale, et, s'il venait à lui être reconnu, l'engagement d'acquitter alors un pas-de-porte évalué à 20 fois le montant du loyer annuel ; que, le 29 mai 2013, la société SCI SHADOW ayant délivré congé à Mme f. C. pour l'échéance annuelle fixée au 31 août 2013, celle-ci a alors fait citer la bailleresse en requalification de leur relation contractuelle en bail commercial, en nullité du congé délivré, à défaut, en reconnaissance de droit à indemnité d'éviction, la société Shadow concluant alors à l'expulsion, et au versement d'une indemnité pour occupation sans droit ni titre depuis le 1er septembre 2013 ; qu'un premier jugement du tribunal de première instance, en date 11 juin 2015, après avoir qualifié le bail litigieux de commercial, soumis à loi n° 490 du 24 novembre 1948, a prononcé la nullité du congé délivré, et a renvoyé à une audience ultérieure l'examen des trois autorisations en date des 15 janvier 2009, 20 janvier 2010 et 24 novembre 2011 ; que sur appel de Mme C. deux arrêts, l'un avant-dire droit et l'autre sur le fond, les 23 février et 26 septembre 2016, ont confirmé ces chefs de la décision ; que, par jugement en date du 11 mai 2017, le tribunal de première instance a jugé que les trois autorisations précitées, n'excédant pas les pouvoirs d'administration courante de la gérante en exercice, avaient été régulières, que celle du 24 novembre 2011 constituait un avenant au bail du 20 juin 2005, que les clauses stipulant le paiement d'un pas-de-porte conditionnel, exemptes de nullité, conduisaient à condamner Mme C. à payer à la SCI SHADOW la somme de 1.070.270,40 euros ; que, sur appel de Mme C. la Cour d'appel, par arrêt du 12 février 2019, a confirmé ce jugement en en toutes ses dispositions ;

Sur la recevabilité d'une réplique, déposée par Mme C. le 31 mai 2019, contestée par la SCI SHADOW

Attendu que les articles 453, 458 et 459 du Code de procédure civile réservent aux seuls pourvois considérés comme urgents la possibilité pour un demandeur en révision de déposer une réplique sommaire ; que la présente procédure ne relevant pas de l'urgence au sens des textes précités, la réplique déposée par Mme C. est irrecevable ;

Sur la recevabilité du premier moyen, relevée d'office, après avertissement donné aux parties

Attendu que Mme C. fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement disant n'y avoir lieu au prononcé de la nullité des actes intitulés chacun « autorisation » en date des 15 janvier 2009, 20 janvier 2010, et 24 novembre 2011, et de dire que l'acte du 24 novembre 2011 constitue un avenant au contrat de bail du 20 juin 2005 conclu par Madame C. et la société SHADOW, alors, selon le moyen, de première part, « que l'article 1827 du Code civil dispose que le mandat conçu en termes généraux n'embrasse que les actes d'administration et que, s'il s'agit d'aliéner ou d'hypothéquer, ou de quelque autre acte de propriété, le mandat doit être exprès, de sorte qu'en retenant pourtant que l'acte ne concernait que les modalités d'exécution du bail commercial et n'excédait donc pas les pouvoirs d'administration courante reconnus à la gérante en exercice, la Cour d'appel a violé l'article susvisé par refus d'application » ; alors, de deuxième part, « que l'article 989 du Code civil dispose que le contrat tient lieu de loi entre les parties et s'impose également au juge qui ne peut en dénaturer les termes clairs et précis, de sorte qu'en qualifiant l'autorisation du 24 novembre 2011 d'avenant, la Cour d'appel a manifestement méconnu la volonté exprimée dans l'acte par les parties et a dénaturé l'acte litigieux » ; et alors, « en outre, que l'article 986 du Code civil dispose que l'obligation sans cause ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet, de sorte que la Cour d'appel, en considérant que le pas-de-porte inscrit dans l'acte précité constituait la contrepartie de la propriété commerciale reconnue à Mme C.et dont elle constituait la cause, a violé par refus d'application l'article 986 du Code civil » ;

Mais attendu, de première part, que l'absence de pouvoir du gérant ne peut être invoquée que par le mandant et non par le tiers contractant ; qu'il s'ensuit que Mme C. n'a pas qualité à invoquer l'absence de pouvoir exprès du gérant de la société SCI SHADOW pour conclure les actes litigieux ; de deuxième part, qu'ayant relevé que l'acte du 24 novembre 2011 avait pour objet particulier de permettre l'extension de l'activité du preneur lui-même dans les locaux loués, à charge de n'y exercer aucune activité commerciale, tous les autres aspects de la relation contractuelle demeurant inchangés, et que cet acte contenait donc bien des engagements réciproques des parties, c'est sans le dénaturer que l'arrêt a qualifié cet acte d'avenant ; qu'enfin, l'arrêt a pu relever que le versement d'un pas-de-porte, non prohibé par la loi, résulte d'un usage bien établi en matière commerciale, et peut intervenir en cours de bail dès lors que les parties se sont accordées tant sur le principe que sur les modalités de son paiement, soit dans le contrat initial soit par voie d'avenant, et qu'il constituait en l'espèce la contrepartie de la propriété commerciale finalement reconnue à Madame C. ; d'où il suit qu'irrecevable en sa première branche, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;

Et sur le second moyen

Attendu que Mme C. reproche à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il a dit n'y avoir lieu au prononcé de la nullité des clauses stipulant le paiement d'un pas-de-porte conditionnel à la charge de Mme C. et en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 1.070.270,40 euros à ce titre, alors, selon le moyen, d'une part, « que l'article 28 de la loi n° 490 dispose que »seront nuls et de nul effet, quels qu'en soit la forme, les clauses, stipulations et arrangements qui auraient pour conséquence directe de faire échec aux dispositions de la présente loi«, la bailleresse ayant tenté, par la stipulation d'un pas-de-porte d'un montant dissuasif, d'en évincer les dispositions impératives », et alors, d'autre part, « que l'article 1027 du Code civil dispose que toute condition d'une chose impossible, ou contraire aux bonnes mœurs, ou prohibée par la loi, est nulle, et rend nulle la convention qui en dépend » ;

Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, l'arrêt relève que la clause relative à un éventuel pas-de-porte devait être examinée au regard de l'ensemble des activités exercées par le preneur dans les lieux loués ; qu'il énonce que, quoique corrélatif de la propriété commerciale selon un usage établi, aucun pas-de-porte n'a été payé à la signature du bail puisque ladite propriété avait été écartée par les parties, Mme C. ayant toutefois librement souscrit à un tel versement lors de la signature de l'acte pour le cas où les relations contractuelles se placeraient sous le régime de la loi n° 490, ayant par la suite engagé elle-même une procédure judiciaire afin d'y être soumise, manifestement peu dissuadée par le montant de la somme pourtant contractuellement fixé ; qu'il en déduit le caractère secondaire de cette stipulation pour la locataire, et, par là-même indépendant par rapport à la nullité de la clause de renonciation à la propriété commerciale ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur la demande de la SCI Shadow en condamnation de Mme C. à une amende civile

Attendu que la SCI SHADOW demande à ce qu'il plaise à la Cour de condamner Mme C. à une amende civile de 3.000 euros, en application de l'article 459-4 du Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'il ne résulte pas des circonstances de la cause que Mme C. ait abusé de son droit de se pourvoir en révision ; qu'il n'y a pas lieu d'accueillir cette demande ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Dit irrecevable la réplique déposée par Mme f. C. le 31 mai 2019 ;

Rejette le pourvoi pour le surplus ;

Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une amende ;

Condamne Mme f. C. aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Thomas GIACCARDI, sous sa due affirmation.

Composition🔗

Ainsi jugé et prononcé le sept octobre deux mille dix-neuf, par la Cour de révision de la Principauté de Monaco, composée de Monsieur Jean-Pierre GRIDEL, faisant fonction de Président, rapporteur, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Serge PETIT, Conseiller et Monsieur François CACHELOT, Conseiller, en présence du Ministère Public, assistés de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en Chef, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.

Le Greffier en Chef, Le Président,

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