Cour de révision, 19 juin 2019, Madame g. L. c/ Madame g. C.

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Abstract🔗

Protection des majeurs incapables - Sauvegarde de justice - Pourvoi en révision - Acte extraordinaire de gestion-non - Recevabilité-oui - Saisine - Portée - Valeur probante - Appréciation souveraine

Résumé🔗

La décision de protection prise au bénéfice de Mme L. est une mesure de sauvegarde de justice en relation aux actes d'administration extraordinaire concernant la gestion sociétaire et les biens immobiliers ; la décision de se pourvoir et le dépôt d'une requête en révision ne constituant pas des actes d'administration extraordinaires concernant la gestion sociétaire et les biens immobiliers appartenant à Mme L. qui a conservé la capacité juridique de passer les actes non visés par la décision de sauvegarde de justice et en particulier la capacité de se pourvoir en révision ; elle a donc valablement formé un pourvoi en révision, qui sera jugé recevable.

La Cour d'appel, qui a souverainement apprécié la valeur probante de l'ensemble des pièces, parmi lesquelles figuraient les avis d'équité du conseil de l'ordre des avocats du Barreau de Rome ainsi que le témoignage de M. P. et qui a relevé que les juridictions monégasques n'étaient saisies dans le cadre de cette instance que de la question inhérente aux honoraires sollicités par g. C. pour la période postérieure au mois de décembre 2010, a pu, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, statuer comme elle l'a fait ; le moyen n'est pas fondé.


Motifs🔗

Pourvoi N° 2019-17

en session civile

COUR DE RÉVISION

ARRÊT DU 19 JUIN 2019

En la cause de :

- Madame g. L., née le 4 juillet 1927 à SUBIACO (Italie), de nationalité italienne, demeurant X1 à MONACO ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant Maître Jean-Jacques GATINEAU, avocat aux Conseils ;

DEMANDERESSE EN RÉVISION,

d'une part,

Contre :

- Madame g. C., née le 5 avril 1950 à ROME (Italie), de nationalité italienne, Avocate, demeurant X2 à ROME (Italie) ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Arnaud CHEYNUT, avocat près la même Cour ;

DÉFENDERESSE EN RÉVISION,

d'autre part,

LA COUR DE RÉVISION,

VU :

- l'arrêt rendu le 18 décembre 2018 par la Cour d'appel, statuant en matière civile ;

- la déclaration de pourvoi souscrite au Greffe général, le 7 février 2019, par Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur, au nom de g. L.;

- la requête déposée le 6 mars 2019 au Greffe général, par Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur, au nom de g. L. accompagnée de 40 pièces, signifiée le même jour ;

- la contre-requête déposée le 2 avril 2019 au Greffe général, par Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, au nom de g. C. accompagnée de 50 pièces, signifiée le même jour ;

- la réplique déposée le 9 avril 2019 au Greffe général, par Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur, au nom de g. L. accompagnée de 1 pièce, signifiée le même jour ;

- les conclusions du Ministère public en date du 10 avril 2019 ;

- le certificat de clôture établi le 12 avril 2019 par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;

Ensemble le dossier de la procédure,

À l'audience du 17 juin 2019 sur le rapport de Monsieur François-Xavier LUCAS, Conseiller,

Après avoir entendu les conseils des parties ;

Ouï Madame le Procureur général ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par jugement en date du 4 mai 2017, le tribunal de première instance a condamné Mme g. L. à payer à Mme g. C. la somme de 40 034 € à titre d'honoraires en considérant d'une part que cette somme était due à cette dernière en sa qualité d'avocat pour avoir fourni à sa cliente des prestations de service dont l'existence, contestée par Mme L. apparaissait établie notamment par cinq avis d'équité délivrés par le Conseil de l'ordre des avocats de Rome et d'autre part que Mme L. ne rapportait pas la preuve de s'être acquittée de ces honoraires ; que, par arrêt du 18 décembre 2018, la Cour d'appel a confirmé ce jugement en toutes ses dispositions ;

Sur la recevabilité du pourvoi contestée par la contre-requête pour nullité pour irrégularité de fond

Attendu que Mme C. fait valoir que Mme L. a fait l'objet d'une mesure de protection, ordonnée le 1er février 2019 par le juge des tutelles près le Tribunal de Rome sur requête de son fils, M. a. M. un administrateur ayant ainsi été désigné par le juge pour l'assister dans tous les actes d'administration extraordinaire concernant la gestion sociétaire et de différents biens immobiliers ; que la déclaration de pourvoi datant du 7 février et la requête en révision signifiée du 6 mars 2019, la contre-requête en déduit qu'elles doivent être déclarées nulles ;

Mais attendu que la décision de protection prise au bénéfice de Mme L. est une mesure de sauvegarde de justice « en relation aux actes d'administration extraordinaire concernant la gestion sociétaire et les biens immobiliers indiqués ci-dessous (...) » ; que la décision de se pourvoir et le dépôt d'une requête en révision ne constituant pas des actes d'administration extraordinaires concernant la gestion sociétaire et les biens immobiliers appartenant à Mme L. qui a conservé la capacité juridique de passer les actes non visés par la décision de sauvegarde de justice et en particulier la capacité de se pourvoir en révision ; qu'elle a donc valablement formé un pourvoi en révision, qui sera jugé recevable ;

Sur la recevabilité du mémoire en réplique, déposé par Mme L. le 9 avril 2019, contestée par Mme C.

Attendu que l'article 453 du Code de procédure civile réserve aux seuls pourvois considérés comme urgents la possibilité pour le demandeur en révision de déposer une réplique sommaire ; que la présente procédure ne relevant pas de l'urgence, la réplique déposée par Mme L. le 9 avril 2019 est irrecevable ;

Sur le moyen unique pris en ses sept branches réunies

Attendu que Mme L. fait grief à l'arrêt de statuer ainsi ;

Alors, selon le moyen, de première part, « que, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver sous le contrôle des juges du fond qui doivent en vérifier la réalité et l'étendue ; qu'en l'espèce, les juges du fond ont admis que les avis d'équité rendus par le Conseil de l'ordre des avocats de Rome ne constituaient pas des décisions judiciaires, qu'ils n'avaient aucun caractère exécutoire et qu'ils ne les liaient pas ; qu'en se fondant pourtant uniquement sur ces avis d'équité pour juger que Mme C. démontrait avoir effectué pour le compte de sa cliente de nombreuses prestations »dûment vérifiées par l'instance ordinale italienne« et pour condamner Mme L. à lui verser le montant des honoraires fixés par ce conseil, lorsqu'il lui appartenait de vérifier elle-même la réalité et l'étendue des diligences effectuées par Mme C. la Cour d'appel a violé les articles 4, 1.162 et 1.198 du Code civil » ;

Alors, selon le moyen, de deuxième part, « que pour motiver sa décision, le juge doit se déterminer d'après les circonstances particulières du procès et non pas par voie de référence à des causes déjà jugées dans une autre instance ; qu'on se bornant, pour juger que Mme C. démontrait avoir effectué pour le compte de sa cliente de nombreuses prestations et pour condamner Mme L. à lui verser la somme de 40 034 €, à se référer aux cinq avis d'équité rendus par le conseil de l'ordre des avocats de Rome dont elle s'est appropriée la motivation, la Cour d'appel a privé sa décision de motifs, en violation de l'article 199 du Code de procédure civile » ;

Alors, selon le moyen, de troisième part, « que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et respecter les droits de la défense ; qu'en entérinant les cinq avis d'équité du Conseil de l'ordre des avocats de Rome qui avaient été rendus au visa des seuls documents présentés par Mme C. en l'absence de Mme L. sans à aucun moment vérifier si dans le cadre de la présente instance, Madame C. avait transmis à Mme L. l'intégralité des pièces qu'elle avait soumises au conseil de l'ordre et sur le fondement desquelles ils avaient rendu leur avis, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe du contradictoire et au regard de l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales » ;

Alors, selon le moyen, de quatrième part, « que nul ne peut se constituer une preuve à lui-même ; que les mises en demeure et les notes de frais établies par Mme C. elle-même ne pouvaient établir objectivement ses diligences pour le compte de sa cliente ; qu'à supposer que les juges du fond aient estimé que ces éléments démontraient la réalité et l'étendue de ses prestations, la Cour d'appel a violé l'article 1.162 du Code civil » ;

Alors, selon le moyen, de cinquième part, « qu'en condamnant Mme L. à payer à Mme C. la somme globale de 40 034 € correspondant aux honoraires fixés par le Conseil de l'ordre des avocats de Rome dans ses cinq avis d'équité, sans vérifier, comme cela était expressément demandé, si ses honoraires correspondaient à des diligences accomplies sur la période postérieure au 1er décembre 2010, seules en cause dans le débat, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1.162 du Code civil » ;

Alors, selon le moyen, de sixième part, « que les jugements doivent être motivés et le défaut de réponse à conclusion correspond à un défaut de motifs ; que dans ses conclusions d'appel Mme L. soutenait que certaines prestations figurant dans les notes de frais rédigées par Mme C. et prises en compte par le Conseil de l'ordre des avocats de Rome, étaient antérieures au 1er décembre 2010 de sorte que ces diligences n'avaient pas à être indemnisées dans le cadre du présent litige (cf. conclusions d'appel du 2 octobre 2018, p. 25, dernier §) ; qu'en la condamnant à payer la somme globale de 40 034 € fixée par le conseil de l'ordre sans répondre à ce moyen pertinent, la Cour d'appel a privé sa décision de motif et violé l'article 199 du Code de procédure civile » ;

Et alors, enfin « que les juges du fond doivent examiner l'ensemble des éléments de fait et de preuve qui leur sont soumis sous peine de priver leur décision de motifs ; qu'après avoir jugé que la déposition effectuée le 3 juillet 2012 par M. P. était insuffisante à établir que Mme L. s'était libérée de son obligation à paiement, car établie dans une procédure distincte et dans des termes trop vagues, les juges du fond ont reproché à Mme L.de ne produire aucun autre élément justificatif ; qu'en statuant ainsi sans procéder à l'examen de la nouvelle déclaration effectuée le 25 septembre 2018 par M. P. produite dans le cadre de l'instance d'appel et de nature à démontrer que Mme C. avait toujours été exclusivement rémunérée en liquide par sa cliente, la Cour d'appel a violé l'article 199 du Code de procédure civile » ;

Mais attendu que la Cour d'appel, qui a souverainement apprécié la valeur probante de l'ensemble des pièces, parmi lesquelles figuraient les avis d'équité du conseil de l'ordre des avocats du barreau de Rome ainsi que le témoignage de M. P. et qui a relevé que les juridictions monégasques n'étaient saisies dans le cadre de cette instance que de la question inhérente aux honoraires sollicités par g. C. pour la période postérieure au mois de décembre 2010, a pu, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, statuer comme elle l'a fait ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur la demande de dommages et intérêts formée par Mme L.

Mme L. sollicite l'allocation de 5 000 euros de dommages et intérêts à titre d'indemnité ;

Mais attendu qu'au vu des circonstances de l'espèce il n'y a pas lieu d'accueillir cette demande ;

Sur la demande de dommages et intérêts formée par Mme C.

Mme C. sollicite l'allocation de 15 000 euros de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 459-4, alinéa 2, du Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'au vu des circonstances de l'espèce il n'y a pas lieu d'accueillir cette demande ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Déclare recevable le pourvoi formé par Mme g. L.; Le rejette ;

Déboute les parties de leurs autres demandes ;

Condamne Mme g. L. aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Composition🔗

Ainsi jugé et prononcé le dix-neuf juin deux mille dix-neuf, par la Cour de révision de la Principauté de Monaco, composée de Madame Cécile CHATEL-PETIT, Premier Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Messieurs François-Xavier LUCAS, Conseiller, rapporteur, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles et Guy JOLY, Conseiller, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, en présence du Ministère Public, assistés de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en Chef, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.

Le Greffier en Chef, Le Premier Président,

Note🔗

À rapprocher de la décision de la Cour de révision du 8 juillet 2020, Madame g. L. c/ Madame G. C. - NDLR.

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