Cour de révision, 19 juin 2019, La société SABA GROUP INC. c/ la Société anonyme monégasque EFG BANK (MONACO) S.A.M.
Abstract🔗
Procédure civile - Modification de l'objet du litige - Loi n° 1.339 du 7 septembre 2007 relative aux fonds communs de placement et aux fonds d'investissement - Ordonnance souveraine d'application n° 1.285 du 7 septembre 2007 - Violation - Cassation
Résumé🔗
Pour rejeter la demande de la société SABA, l'arrêt retient que celle-ci ne conteste pas l'inapplicabilité au cas d'espèce de la loi n° 1.339 du 7 septembre 2007 et de l'ordonnance souveraine d'application n° 1.285 du 10 septembre 2007 relatives aux fonds communs de placement et d'investissement et qu'elle ne se prévaut pas d'un manquement aux obligations contractuelles de la société EFG.
En statuant ainsi alors que la société SABA faisait valoir d'une part que la loi n° 1.339 et l'ordonnance souveraine n° 1.285 avaient institué un « régime d'ordre public et économique de protection de l'épargnant » dont les règles devaient nécessairement être appliquées par le dépositaire monégasque d'un fonds même étranger et d'autre part que le dépositaire du fonds devait respecter le règlement liant contractuellement le propriétaire du fonds et son dépositaire, la cour d'appel a modifié l'objet du litige et violé l'article 199 du Code de procédure civile.
Pour rejeter la demande de la société SABA, l'arrêt retient encore que la société EFG soutient, à bon droit, que les dispositions de la loi n° 1.339 du 7 septembre 2007 et de l'Ordonnance souveraine d'application n° 1.285 du 10 septembre 2007 relatives aux fonds communs de placement et d'investissement sont réservées aux fonds d'investissement constitués en Principauté, ce qui n'est pas le cas de la société ETF et que si le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que celui-ci lui a causé un dommage, la cour d'appel relève qu'ici la société SABA ne se prévaut pas d'un manquement aux obligations contractuelles de la société EFG.
En statuant ainsi, alors que la loi n° 1.339 du 7 septembre 2007 relative aux fonds communs de placement et aux fonds d'investissement et l'ordonnance souveraine d'application n° 1.285 du 7 septembre 2007, en ce qu'ils établissent un régime d'ordre public de protection des épargnants, sont applicables aux dépositaires monégasques d'un fonds fût-il étranger, la cour d'appel a violé ces dispositions par refus d'application.
Motifs🔗
Pourvoi N° 2019-04
en session civile
COUR DE RÉVISION
ARRÊT DU 19 JUIN 2019
En la cause de :
- La société SABA GROUP INC., société de droit du Panama, inscrite au Panama Public Registry (registre des sociétés du Panama) sous le numéro 600818, dont le siège social est à Panama City, ADR Tower, 8th floor, Samuel Lewis Avenue and 58th Street Obarrio Urbanization, Panama, prise en la personne de son Président en exercice, demeurant en cette qualité audit siège ;
Ayant élu domicile en l'étude de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, substitué par Maître Sophie MARQUET, avocat près la même Cour et plaidant par ledit avocat ;
DEMANDERESSE EN REVISION,
d'une part,
Contre :
- La Société Anonyme Monégasque EFG BANK (MONACO) S. A. M., dont le siège social est sis « Villa Les Aigles », 15 avenue d'Ostende à Monaco (98000), enregistrée au répertoire du commerce et de l'industrie de Monaco sous le numéro 90S02647, prise en la personne de son administrateur-délégué en exercice, domicilié es-qualités audit siège de la société ;
Ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par Maître Sirio PIAZZESI, avocat au barreau de Nice ;
DÉFENDERESSE EN REVISION,
d'autre part,
LA COUR DE RÉVISION,
VU :
l'arrêt rendu le 22 mai 2018 par la Cour d'appel, statuant en matière civile ;
la déclaration de pourvoi souscrite au Greffe général, le 16 octobre 2019, par Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, au nom de la société SABA GROUP INC ;
la requête déposée le 15 novembre 2018 au Greffe général, par Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, au nom de la société SABA GROUP INC, accompagnée de 6 pièces, signifiée le même jour ;
la contre-requête déposée le 13 décembre 2019 au Greffe général, par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de la SAM EFG BANK (MONACO), accompagnée de 2 pièces, signifiée le même jour ;
les conclusions du Ministère public en date du 17 décembre 2019 ;
le certificat de clôture établi le 21 décembre 2018 par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;
Ensemble le dossier de la procédure,
A l'audience du 14 juin 2019 sur le rapport de Monsieur François-Xavier LUCAS, Conseiller,
Après avoir entendu les conseils des parties ;
Ouï Madame le Procureur général ;
La Cour,
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 22 décembre 2005 la société des Iles Caïmans EQUITY TRADING FUND LTD (la société ETF) a conclu avec la société BANQUE NATIONALE DE PARIS (BNP) un contrat optionnel indexé sur un portefeuille d'actions puis, le 15 novembre 2006, a conclu avec la société de droit monégasque EFG BANK Monaco SAM (la société EFG) un contrat de dépôt de ses actifs ; que le 3 novembre 2008, la société SABA GROUP INC (la société SABA) a acheté, par l'intermédiaire de la banque suisse Mirabaud, 34,5 parts de la société ETF au prix nominal de 50 000 USD ; que le 15 décembre 2008, la société ETF a informé la société SABA que, exposée aux opérations frauduleuses réalisées par M. b. M. elle décidait de « ne retenir aucune valorisation pour ETF au 31 décembre 2008 » ; qu'elle a assigné la société EFG devant le tribunal de première instance en paiement de dommages et intérêts et en cessation de son activité de dépositaire du fonds ETF ; que par arrêt confirmatif du 22 mai 2018, la cour d'appel a débouté la société SABA de ses demandes ;
Sur le premier moyen pris en ses première et troisième branches
Vu l'article 199 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour rejeter la demande de la société SABA, l'arrêt retient que celle-ci ne conteste pas l'inapplicabilité au cas d'espèce de la loi n° 1.339 du 7 septembre 2007 et de l'ordonnance souveraine d'application n° 1.285 du 10 septembre 2007 relatives aux fonds communs de placement et d'investissement et qu'elle ne se prévaut pas d'un manquement aux obligations contractuelles de la société EFG ;
Qu'en statuant ainsi alors que la société SABA faisait valoir d'une part que la loi n° 1.339 et l'ordonnance souveraine n° 1.285 avaient institué un « régime d'ordre public et économique de protection de l'épargnant » dont les règles devaient nécessairement être appliquées par le dépositaire monégasque d'un fonds même étranger et d'autre part que le dépositaire du fonds devait respecter le règlement liant contractuellement le propriétaire du fonds et son dépositaire, la cour d'appel a modifié l'objet du litige et violé le texte susvisé ;
Sur le premier moyen pris en ses deuxième et quatrième branches
Vu la loi n° 1.339 du 7 septembre 2007 relative aux fonds communs de placement et aux fonds d'investissement et l'ordonnance souveraine d'application n° 1.285 du 7 septembre 2007 ;
Attendu que, pour rejeter la demande de la société SABA, l'arrêt retient encore que la société EFG soutient, à bon droit, que les dispositions de la loi n° 1.339 du 7 septembre 2007 et de l'Ordonnance souveraine d'application n° 1.285 du 10 septembre 2007 relatives aux fonds communs de placement et d'investissement sont réservées aux fonds d'investissement constitués en Principauté, ce qui n'est pas le cas de la société ETF et que si le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que celui-ci lui a causé un dommage, la cour d'appel relève qu'ici la société SABA ne se prévaut pas d'un manquement aux obligations contractuelles de la société EFG ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les textes susvisés, en ce qu'ils établissent un régime d'ordre public de protection des épargnants, sont applicables aux dépositaires monégasques d'un fonds fût-il étranger, la cour d'appel a violé ces dispositions par refus d'application ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
Et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen ;
Casse et annule en toutes ses dispositions l'arrêt de la cour d'appel du 22 mai 2018 ;
Renvoie la cause et les parties à la prochaine session de la Cour de révision autrement composée ;
Condamne la SAM EFG BANK MONACO aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;
Composition🔗
Ainsi jugé et prononcé le dix-neuf juin deux mille dix-neuf, par la Cour de révision de la Principauté de Monaco, composée de Messieurs Jean-François RENUCCI, Président, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, François-Xavier LUCAS, Conseiller, rapporteur, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles et François CACHELOT, Conseiller, en présence du Ministère Public, assistés de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en Chef, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.
Le Greffier en Chef, Le Président,