Cour de révision, 13 mars 2019, Monsieur a. Jo A. c/ Madame p. B. épouse A.
Abstract🔗
Autorité de la chose jugée - Identité d'objet (non) - Divorce - Indivision - Preuve - Présomption (non)
Résumé🔗
M. A. reproche à la cour d'appel de rejeter la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée le 15 décembre 2011, faute d'identité d'objet, alors, selon le moyen, « que la motivation adoptée par les juges du fond, tant de première instance que d'appel, ne peut procéder que d'une violation de l'autorité de la chose jugée et donc de l'article 1198 du Code civil, Mme B. ayant déjà voulu faire juger dans le cadre de la procédure de divorce que les virements litigieux évoqués dans son assignation du 2 juin 2016, pour un montant total de 588.771,74 euros avaient constitué une violation par M. A.de son obligation de loyauté, avec la conséquence qu'il devait en restituer la moitié s'agissant de sommes figurant sur un ou des comptes joints ».
Mais attendu que l'arrêt retient exactement que la demande antérieure de Mme B. qui tendait au prononcé du divorce aux torts exclusifs de M. A. n'avait pas le même objet que celle tendant à la réclamation de la moitié de ladite somme dans le cadre de la liquidation des intérêts communs des ex-époux ; que le moyen n'est pas fondé.
Par motifs propres et adoptés, après avoir rappelé à bon droit la présomption simple d'indivision applicable aux deux comptes-joints dont la liquidation était demandée, l'arrêt constate que ceux-ci avaient été alimentés aussi par les gains professionnels discontinus de Mme B. que rien n'établissait par ailleurs que des retraits effectués ou des chèques tirés par l'épouse en provenaient, que les relevés produits par le mari, relatifs à des dépôts à terme ou à deux plans d'épargne, n'intéressaient aucunement le litige, que la circonstance de la supériorité de ses salaires par rapport à ceux de l'épouse ne suffisait pas, en l'état de la multiplicité des mouvements opérés sur les comptes litigieux pendant une vie commune de près de 24 ans, de l'imbrication des intérêts des époux, et de l'impossibilité de déterminer l'origine des sommes déposées ; qu'il en déduit que M. A. ne rapportait pas la preuve suffisante permettant de renverser la présomption d'indivision.
Motifs🔗
Pourvoi N° 2018-56
en session civile
COUR DE RÉVISION
ARRÊT DU 13 MARS 2019
En la cause de :
- Monsieur a. Jo A., né le 8 mai 1964 à Savigny-sur-Orge (Essonne), de nationalité monégasque, demeurant et domicilié « X1» - X1 à Monaco ;
Ayant élu domicile en l'étude de Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
DEMANDEUR EN RÉVISION,
d'une part,
Contre :
- Madame p. B. épouse A., née le 22 juillet 1963 à Monaco, de nationalité monégasque, demeurant « X2» - X2 à Monaco ;
Ayant élu domicile en l'étude de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, substituée et plaidant par Maître Raphaëlle SVARA, avocat près la même Cour ;
DÉFENDERESSE EN RÉVISION,
d'autre part,
LA COUR DE RÉVISION,
VU :
- l'arrêt rendu le 26 juin 2018 par la Cour d'appel, statuant en matière civile ;
- la déclaration de pourvoi souscrite au Greffe général, le 8 août 2018, par Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur, au nom de M. a. Jo A.;
- la requête déposée le 7 septembre 2018 au Greffe général, par Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur, au nom de M. a. Jo A. accompagnée de 40 pièces, signifiée le même jour ;
- la contre-requête déposée le 5 octobre 2018 au Greffe général, par Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur, au nom de Mme p. B. épouse A. accompagnée de 30 pièces, signifiée le même jour ;
- les conclusions du Ministère public en date du 12 octobre 2018 ;
- le certificat de clôture établi le 17 octobre 2018 par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;
Ensemble le dossier de la procédure,
À l'audience du 7 mars 2019 sur le rapport de Monsieur Jean-Pierre GRIDEL, Conseiller,
Après avoir entendu les conseils des parties ;
Ouï Madame le Procureur général ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par jugement définitif en date du 15 décembre 2011, le tribunal de première instance de Monaco a prononcé le divorce de M. a. A. et de Mme p. B. ; que celle-ci, par acte du 2 juin 2016, a assigné son ex-mari en liquidation du régime matrimonial, demandant, notamment, le partage par moitié d'une somme de 588.771,74 euros, total d'un actif ayant figuré sur deux comptes joints ouverts auprès du Crédit Lyonnais sous les numéros 2711 R et 052668, jusqu'à ce que, courant janvier 2010, M. A. en opère le virement sur un compte personnel ; que par jugement du 5 octobre 2017, le tribunal de première instance, après avoir écarté la fin de non-recevoir tirée de la chose jugée par le tribunal le 15 décembre 2011, puis constaté tant la réalité du transfert et de son montant que l'alimentation originaire des comptes joints par l'un et l'autre époux, a fait application de la présomption légale et conventionnelle d'indivision et accueilli la demande, fixant en conséquence la créance de Mme B. à 294.385,87 euros ; que sur l'appel de M. A. la cour d'appel, par arrêt du 26 juin 2018 a confirmé le jugement ;
Sur le premier moyen
Attendu que M. A. reproche à la cour d'appel de rejeter la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée le 15 décembre 2011, faute d'identité d'objet, alors, selon le moyen, « que la motivation adoptée par les juges du fond, tant de première instance que d'appel, ne peut procéder que d'une violation de l'autorité de la chose jugée et donc de l'article 1198 du Code civil, Mme B. ayant déjà voulu faire juger dans le cadre de la procédure de divorce que les virements litigieux évoqués dans son assignation du 2 juin 2016, pour un montant total de 588.771,74 euros avaient constitué une violation par M. A.de son obligation de loyauté, avec la conséquence qu'il devait en restituer la moitié s'agissant de sommes figurant sur un ou des comptes joints » ;
Mais attendu que l'arrêt retient exactement que la demande antérieure de Mme B. qui tendait au prononcé du divorce aux torts exclusifs de M. A. n'avait pas le même objet que celle tendant à la réclamation de la moitié de ladite somme dans le cadre de la liquidation des intérêts communs des ex-époux ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième et le troisième moyens réunis
Attendu que M. A. fait grief à l'arrêt, en violation de l'article 199-4° du Code de procédure civile et de l'article 6 § 1 de la Convention des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de confirmer la liquidation des comptes avec un partage par moitié du solde, sans prise en considération de l'argumentation développée par M. A. sur lequel pèse la charge de la preuve, ni aucune démonstration comptable, et de considérer que des prestations familiales avaient été perçues par Mme B.et avaient, de fait, permis d'alimenter le compte joint, alors, selon le moyen, que, de première part, « M. A. avait rapporté la preuve de l'absence d'indivision du fait du non approvisionnement par Mme B. des comptes joints, objet de la demande de partage, la présomption d'indivision de l'article 1246 du Code civil, simple, pouvant être renversée par toute preuve contraire » ; que, de deuxième part, « la cour n'a aucunement motivé sa décision, considérant que la seule imbrication des intérêts des époux (qui existe nécessairement après 24 ans d'union) justifiait la liquidation avec un partage par moitié des comptes joints, s'abstenant de toute analyse des pièces versées aux débats et de toute analyse comptable » ; que, de troisième part, « les conclusions récapitulatives de M. A. précisaient que les allocations familiales avaient été versées sur un autre compte joint, numéroté 0200044440, extérieur au présent litige, l'arrêt laissant sans réponse ces arguments pourtant corroborés par des pièces comptables versées aux débats » ; que, de quatrième part, « en considérant que les prestations familiales auraient constitué une source de revenus pour Mme B. la cour, entachant sa décision d'un manque de base légale, aurait méconnu que, même versées au bénéfice de la mère sur un compte joint dont la liquidation n'était pas demandée, la loi n° 955 du 15 juillet 1954 ne les ouvre que du fait du travail du chef de foyer, de sorte qu'elles ne pouvaient être considérées comme un revenu propre de l'épouse » ; que de cinquième part, « la cour d'appel s'est abstenue de répondre sur la contestation par M. A. des dons manuels que ses beaux-parents attestaient avoir fait à leur fille » ;
Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, après avoir rappelé à bon droit la présomption simple d'indivision applicable aux deux comptes-joints dont la liquidation était demandée, l'arrêt constate que ceux-ci avaient été alimentés aussi par les gains professionnels discontinus de Mme B. que rien n'établissait par ailleurs que des retraits effectués ou des chèques tirés par l'épouse en provenaient, que les relevés produits par le mari, relatifs à des dépôts à terme ou à deux plans d'épargne, n'intéressaient aucunement le litige, que la circonstance de la supériorité de ses salaires par rapport à ceux de l'épouse ne suffisait pas, en l'état de la multiplicité des mouvements opérés sur les comptes litigieux pendant une vie commune de près de 24 ans, de l'imbrication des intérêts des époux, et de l'impossibilité de déterminer l'origine des sommes déposées ; qu'il en déduit que M. A.ne rapportait pas la preuve suffisante permettant de renverser la présomption d'indivision et, partant, la solution légale d'un partage par moitié ; que par ces motifs, exempts d'insuffisance, qui relevaient de son appréciation souveraine des preuves produites devant elle, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre M. A. dans le détail de son argumentation, a légalement justifié sa décision ;
Et sur la demande de dommages-intérêts de Mme B. pour pourvoi abusif
Attendu que Mme B. sollicite la condamnation de M. A. au paiement de la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 459-4 alinéa 2 du Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'au vu des circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'accueillir cette demande ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
Rejette le pourvoi ;
Déboute Madame p. B. de sa demande de dommages-intérêts ;
Condamne Monsieur a. A. aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat défenseur, sous sa due affirmation.
Composition🔗
Ainsi jugé et prononcé le treize mars deux mille dix-neuf, par la Cour de révision de la Principauté de Monaco, composée de Madame Cécile CHATEL-PETIT, Premier Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Messieurs Jean-Pierre GRIDEL, Conseiller, rapporteur, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles et Guy JOLY, Conseiller, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, en présence du Ministère Public, assistés de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en Chef, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.
Le Greffier en Chef, Le Premier Président,