Cour de révision, 24 mars 2017, v. SH. et m. CO. c/ le Ministère public et l'ordre des avocats défenseurs et avocats

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Abstract🔗

Délit d'usurpation du titre attaché à la profession d'avocat - Condamnation définitive - Autorité de la chose jugée - Appel du ministère public - Effets - Partie civile - Exercice illégal d'une activité réglementée et dépassement d'une autorisation administrative d'exercer - Relaxe - Effets- Procédure abusive - Dommages et intérêts (non)

Résumé🔗

Le pourvoi distinct, contestant la condamnation dont s'agit, confirmée par l'arrêt correctionnel du 7 septembre 2015, introduit par M. CO., a été rejeté par l'arrêt rendu par la Cour de révision le 3 mars 2016. Cette condamnation, revêtue de l'autorité de la chose irrévocablement jugée, est définitive et qu'il en sera donné acte

Aux termes de l'article 73 du Code de procédure pénale, la personne lésée par un crime, un délit ou une contravention peut se porter partie civile devant le tribunal compétent, en tout état de cause, jusqu'à la clôture des débats.

Il résulte des pièces du dossier que, à l'instar de M. SH., le Ministère public a interjeté appel du jugement de relaxe, de sorte que cette décision n'étant pas définitive, la partie civile a qualité pour inviter le juge pénal à établir l'existence de l'infraction dont elle demande réparation ; d'où il suit que la demande est recevable.

Selon les articles 1er, 5, 12 et 13 de la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991 concernant certaines activités économiques et juridiques, les activités artisanales, commerciales, industrielles et professionnelles peuvent être exercées, à titre indépendant, par des personnes étrangères sous la réserve de l'obtention, à peine d'amende pénale, d'une autorisation administrative. Encourent la même sanction ceux qui se livrent ou tentent de se livrer à des activités autres que celles déclarées ou autorisées ou qui excédent les limites déterminées par l'autorisation ou qui ne sont pas conformes aux conditions mentionnées par celles-ci.

La cassation partielle prononcée à l'endroit de l'arrêt du 7 septembre 2015 n'atteint pas le chef de son dispositif disant que cette demande est de la compétence du juge civil.

À cet égard, la décision, revêtue de l'autorité de la chose jugée, est irrévocable.

Il résulte des pièces du dossier que, de l'année 2008 à l'année 2011, M. SH. a eu recours aux services de M. CO., citoyen et avocat italien, exerçant à Monaco l'activité de consultant international, se prévalant pour ce faire de deux autorisations gouvernementales obtenues au titre de la loi n° 1.144, l'une, en date du 24 février 1999, pour exploiter « un cabinet d'études, d'assistance et de conseil en matière de droit commercial international et de droit sportif, à l'exclusion de toute activité relevant de secteurs réglementés », l'autre, en date du 2 septembre 2011 et modifiant la précédente, désignant un « cabinet d'études, d'assistance et de conseil en matière de droit international privé et de droit sportif, à l'exclusion de toute activité relevant de secteurs réglementés » ; que la substitution intervenue de la formule « droit international privé » à « droit commercial international », proposée par l'Administration à M. CO. soucieux d'étendre ses activités et dans leur commune ignorance de la distinction sémantique usuellement opérée en doctrine majoritaire pour limiter la première expression aux seules matières des conflits de lois dans l'espace, des conflits de juridictions, de la nationalité et du statut des étrangers, exclut toute volonté et même toute conscience éventuelle d'enfreindre son autorisation d'exercer, de sorte que l'élément moral de l'infraction fait défaut.

M. CO. sera donc relaxé du chef de la prévention d'exercice illicite de l'activité de consultant.

Il résulte des articles 2 et 3 du Code de procédure pénale que le caractère non pénalement punissable des faits d'exercice illégal d'une profession réglementée reprochés à M. CO. par M. SH. fait obstacle à ce que celui-ci porte devant le juge répressif une demande en réparation de préjudices qui auraient été directement causés par eux et dont il aurait personnellement souffert ;

Cette demande est irrecevable ;

Eu égard aux circonstances de la cause, le caractère abusif de la procédure n'est pas établi ; il y a donc lieu de rejeter la demande de M SH. à voir condamner M. CO. à lui payer la somme de 50.000 euros de légitimes dommages et intérêts, pour usage abusif des voies de droit.


Motifs🔗

Pourvoi N° 2015-59

Pourvoi N° 2015-60 en session

Après cassation

COUR DE RÉVISION

ARRÊT DU 24 MARS 2017

En la cause de :

- v. SH., né le 27 avril 1960 à Lasourka (Russie), de nationalité israélienne, sans profession, demeurant « X1 » à Monaco, constitué partie civile ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco ;

APPELANT,

d'une part,

- m. CO., né le 17 décembre 1956 à Milan (Italie), de nationalité italienne, avocat au barreau de Gênes et expert-comptable en Italie, conseiller juridique à Monaco, demeurant X2 à Monaco ;

Prévenu de :

- USURPATION DE TITRE

- EXERCICE ILLÉGAL D'UNE ACTIVITÉ RÈGLEMENTÉE SANS AUTORISATION

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et ayant comme avocat plaidant Maître Christian CHARRIERE-BOURNAZEL, avocat au Barreau de Paris ;

INTIMÉ,

En présence du :

- MINISTÈRE PUBLIC,

- L'ORDRE DES AVOCATS-DÉFENSEURS ET AVOCATS, près de la Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'autre part,

LA COUR DE RÉVISION,

VU :

- l'arrêt de la Cour de révision du 3 mars 2016, ayant joint les procédures 2015-59 et 2015-60, cassé et annulé mais seulement en ce qu'il a déclaré M. v. SH. irrecevable en sa qualité de partie civile appelante, à solliciter de la Cour qu'elle dise et juge M. m. CO. coupable des délits d'exercice illégal d'une activité réglementée et dépassement d'une autorisation administrative d'exercer, a confirmé le jugement rendu le 5 mai 2015 par le Tribunal correctionnel en ce qu'il a relaxé M. m. CO. des faits d'exercice illégal d'une activité réglementée sans autorisation et en ce qu'il a débouté M. v. SH. de sa demande de dommages et intérêts, l'arrêt rendu le 7 septembre 2015 par la Cour d'appel de la Principauté de Monaco en toutes ses dispositions l'arrêt précité et renvoyé l'affaire à la prochaine session de la Cour de révision autrement composée ;

- les conclusions additionnelles déposées le 28 juillet 2016 au greffe général, par Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur, au nom de M. m. CO., signifiée le même jour ;

- les conclusions additionnelles déposées le 31 août 2016 au greffe général, par Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur, au nom de M. v. SH., signifiée le même jour ;

- le certificat de clôture établi le 8 septembre 2016, par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;

- la réplique aux conclusions additionnelles déposées le 5 octobre 2016 au greffe général, par Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur, au nom de M. m. CO., signifiée le même jour ;

- le courrier reçu au greffe général en date du 14 septembre 2016 du Ministère Public ;

- L'arrêt de la Cour de révision du 24 octobre 2016 ordonnant le renvoie de l'affaire ;

- La citation délivrée par le Procureur Général à M. m. CO. en date du 31 janvier 2017 ;

- Les conclusions en défense additionnelles déposées le 6 mars 2017 au greffe général, par Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur, au nom de M. m. CO., signifiées le même jour ;

Ensemble le dossier de la procédure,

À l'audience du 17 mars 2017, sur le rapport de M. Jean-Pierre GRIDEL, Conseiller,

Après avoir entendu les conseils des parties ;

Ouï le Ministère Public ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu que par jugement correctionnel en date du 5 mai 2015, M. m. CO., condamné pour utilisation sans titre de la qualité d'avocat à Monaco, a été relaxé du chef d'exercice illégal d'études d'assistance et de conseil en matière juridique par dépassement de son autorisation d'exercer cette activité réglementée ; que M. v. SH., son client, et l'Ordre des avocats défenseurs et des avocats de la Principauté de Monaco ont été reçus en leurs constitutions de partie civile mais déboutés de leurs demandes de dommages et intérêts ; que sur les appels principal et incident du prévenu et du Ministère public, et en présence de M. SH. et de l'Ordre des avocats-défenseurs et avocats, la Cour d'appel de Monaco, par arrêt du 7 septembre 2015, a jugé M. SH., partie civile, irrecevable à prétendre faire déclarer M. CO. coupable de l'exercice d'une activité réglementée sans autorisation, et, infirmant sur l'action civile de l'Ordre des avocats, l'a condamné à payer à celui-ci la somme de un euro à titre de dommages et intérêts, et a dit, enfin, que la prétention de M. SH. à voir prononcer la nullité, pour cause illicite, de factures émises à son endroit par M. CO., relevait de la juridiction civile ; que, sur pourvoi de M. SH., la Cour de révision, le 3 mars 2016, a partiellement cassé l'arrêt du 7 septembre 2015, mais seulement en ce qu'il l'avait déclaré irrecevable, en sa qualité de partie civile appelante, en sa prétention à voir dire M. CO. coupable des délits d'exercice illégal d'une activité réglementée et dépassement d'une autorisation administrative d'exercer, et aussi en ce qu'il avait confirmé le jugement du 5 mai 2015 relaxant M. CO. pour le même délit, et, enfin, en ce qu'il avait débouté M. SH. de sa demande de dommages et intérêts ; que l'affaire a été renvoyée à la première session utile de la Cour de révision autrement composée ;

Attendu que par conclusions additionnelles en date du 28 juillet 2016, M. CO. a saisi la Cour de révision en tant que Cour de renvoi, demandant qu'il soit constaté que sa relaxe du chef d'exercice illégal d'une activité réglementée et dépassement d'une autorisation administrative d'exercer serait revêtue de l'autorité de la chose irrévocablement jugée, et demandant, subsidiairement, sa relaxe, ainsi que le rejet des demandes des parties civiles comme irrecevables ou infondées ;

Attendu que par conclusions additionnelles en date du 31 août 2016, contestées par M. CO. en ses écritures du 5 octobre 2016 et 6 mars 2017, M. SH. demande que soit déclarée recevable et fondée sa constitution de partie civile tendant à voir dire et juger M. CO. coupable des délits d'exercice illégal d'une activité réglementée et dépassement d'une autorisation administrative d'exercer, que soit constatée la condamnation définitive de M. CO. pour usurpation du titre d'avocat, que soit réformée la relaxe de M. CO. pour la prévention des délits d'exercice illégal d'une activité réglementée et dépassement d'une autorisation administrative d'exercer, qu'il soit condamné à une peine que la Cour arbitrera, que soit jugé, enfin, qu'une facture du 21 septembre 2010, d'un montant de 14.273,50 euros, et d'autres, du 20 mars 2012, pour des montants de 131.693, 05 euros, 32.040,93 euros, 5.424,33 euros et 9.779,36 euros, soit un montant total de 209.104,82 euros soient dites nulles et de nul effet car fondées sur des infractions pénales caractérisées commises par M. CO., indépendamment de sa condamnation à payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts, toutes causes de préjudices confondus ;

Attendu qu'à l'audience, le Ministère public a requis la relaxe ;

SUR CE :

Sur la demande de M. SH. à ce que soit constatée la condamnation définitive de M. CO. pour s'être rendu coupable à Monaco du délit d'usurpation du titre attaché à la profession d'avocat

Attendu que le pourvoi distinct, contestant la condamnation dont s'agit, confirmée par l'arrêt correctionnel du 7 septembre 2015, introduit par M. CO., a été rejeté par l'arrêt rendu par la Cour de révision le 3 mars 2016 ; que cette condamnation, revêtue de l'autorité de la chose irrévocablement jugée, est définitive et qu'il en sera donné acte ;

Sur la demande de M. SH., partie civile, à voir juger M. CO. coupable d'exercice illégal d'une activité réglementée et dépassement d'une autorisation administrative d'exercer

  • Sur la recevabilité de la demande

Attendu qu'aux termes de l'article 73 du Code de procédure pénale, la personne lésée par un crime, un délit ou une contravention peut se porter partie civile devant le tribunal compétent, en tout état de cause, jusqu'à la clôture des débats ;

Et attendu qu'il résulte des pièces du dossier que, à l'instar de M. SH., le Ministère public a interjeté appel du jugement de relaxe, de sorte que cette décision n'étant pas définitive, la partie civile a qualité pour inviter le juge pénal à établir l'existence de l'infraction dont elle demande réparation ; d'où il suit que la demande est recevable ;

  • Sur le bien-fondé de la demande

Attendu que, selon les articles 1er, 5, 12 et 13 de la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991 concernant certaines activités économiques et juridiques, les activités artisanales, commerciales, industrielles et professionnelles peuvent être exercées, à titre indépendant, par des personnes étrangères sous la réserve de l'obtention, à peine d'amende pénale, d'une autorisation administrative ; qu'encourent la même sanction ceux qui se livrent ou tentent de se livrer à des activités autres que celles déclarées ou autorisées ou qui excédent les limites déterminées par l'autorisation ou qui ne sont pas conformes aux conditions mentionnées par celles-ci ;

Attendu qu'il résulte des pièces du dossier que, de l'année 2008 à l'année 2011, M. SH. a eu recours aux services de M. CO., citoyen et avocat italien, exerçant à Monaco l'activité de consultant international, se prévalant pour ce faire de deux autorisations gouvernementales obtenues au titre de la loi n° 1.144, l'une, en date du 24 février 1999, pour exploiter « un cabinet d'études, d'assistance et de conseil en matière de droit commercial international et de droit sportif, à l'exclusion de toute activité relevant de secteurs réglementés », l'autre, en date du 2 septembre 2011 et modifiant la précédente, désignant un « cabinet d'études, d'assistance et de conseil en matière de droit international privé et de droit sportif, à l'exclusion de toute activité relevant de secteurs réglementés » ; que la substitution intervenue de la formule « droit international privé » à « droit commercial international », proposée par l'Administration à M. CO. soucieux d'étendre ses activités et dans leur commune ignorance de la distinction sémantique usuellement opérée en doctrine majoritaire pour limiter la première expression aux seules matières des conflits de lois dans l'espace, des conflits de juridictions, de la nationalité et du statut des étrangers, exclut toute volonté et même toute conscience éventuelle d'enfreindre son autorisation d'exercer, de sorte que l'élément moral de l'infraction fait défaut ;

Que M. CO. sera donc relaxé du chef de la prévention d'exercice illicite de l'activité de consultant ;

Sur la demande de M. SH. à voir condamner M. CO. à lui payer la somme de 50.000 euros de légitimes dommages et intérêts, toutes causes de préjudices confondus

Attendu qu'il résulte des articles 2 et 3 du Code de procédure pénale que le caractère non pénalement punissable des faits d'exercice illégal d'une profession réglementée reprochés à M. CO. par M. SH. fait obstacle à ce que celui-ci porte devant le juge répressif une demande en réparation de préjudices qui auraient été directement causés par eux et dont il aurait personnellement souffert ;

Que cette demande est irrecevable ;

Sur la demande de M. SH. tendant à ce qu'il soit jugé qu'une facture du 21 septembre 2010, d'un montant de 14.273,50 euros, et d'autres, du 20 mars 2012, pour des montants de 131.693, 05 euros, 32.040,93 euros, 5.424,33 euros et 9.779,36 euros, pour un montant total de 209.104,82 euros soient dites nulles et de nul effet car fondées sur des infractions pénales caractérisées commises par M. CO.

Attendu que la cassation partielle prononcée à l'endroit de l'arrêt du 7 septembre 2015 n'atteint pas le chef de son dispositif disant que cette demande est de la compétence du juge civil ; qu'à cet égard, la décision, revêtue de l'autorité de la chose jugée, est irrévocable ;

Sur la demande de M SH. à voir condamner M. CO. à lui payer la somme de 50.000 euros de légitimes dommages et intérêts, pour usage abusif des voies de droit

Attendu qu'eu égard aux circonstances de la cause, le caractère abusif de la présente procédure n'est pas établi ; qu'il y a donc lieu de rejeter la demande ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Dit définitive la condamnation de M. m. CO. pour le délit d'usurpation du titre d'avocat ;

Confirme le jugement en ce qu'il a dit recevable mais mal fondée la demande de M. v. SH., en sa qualité de partie civile, à voir dire et juger M. m. CO. coupable d'exercice illégal d'une activité réglementée et dépassement d'une autorisation administrative d'exercer ; confirme la relaxe de ce chef ;

Rejette les demandes de dommages et intérêts de M. v. SH. ;

Dit qu'il a été définitivement jugé que la demande de M. v. SH. en nullité de factures pour cause illicite est de la compétence de la juridiction civile ;

Condamne M. v. SH. aux dépens dont distraction au profit de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur sous sa due affirmation.

Composition🔗

Ainsi jugé et prononcé le vingt-quatre mars deux mille dix-sept, par la Cour de Révision de la Principauté de Monaco, composée de Messieurs Jean-François RENUCCI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Jean-Pierre GRIDEL, rapporteur et Serge PETIT, Conseillers en présence de Monsieur Hervé POINOT, Procureur adjoint, assistés de Madame Béatrice BARDY, Greffier en Chef, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.

Le Greffier en Chef, le Président,

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