Cour de révision, 24 mars 2016, M. t. AL. c/ la société d'État de droit indien dénommée NATIONAL FERTILIZERS LIMITED (FNL)

  • Consulter le PDF

Abstract🔗

Défaut de réponse à conclusions - Prescription - Autorité de la chose jugée- Dette réelle - Saisie arrêt - Validité

Résumé🔗

L'arrêt relève « que la qualité de créancier de la société NATIONAL FERTILIZERS LIMITED à l'égard de la société KARSAN n'est pas discutée en appel alors que l'arrêt précité (du 20 septembre 2013) de la Cour d'appel est désormais passé en force de chose jugée et irrévocable en l'état de l'arrêt rendu par la Cour de révision le 15 octobre dernier, et notamment en ce qu'il a consacré que la prescription soulevée sur le fondement du droit turc n'était pas acquise » ; qu'il en a déduit que « il s'ensuit que le droit de la société NATIONAL FERTILIZERS LIMITED à remboursement de l'intégralité des sommes saisies-arrêtées sur le compte de t. AL. apparaît définitivement consacré et arrêté, de sorte que les premiers juges ont à bon droit validé la saisie-arrêt litigieuse avec toutes conséquences légales ». Sans encourir les griefs du moyen, il répond à l'appelant dont l'argument tiré de la prescription se heurtait à la force de la chose jugée de l'arrêt du 20 septembre 2013.

Pour approuver la décision des premiers juges validant la saisie-arrêt litigieuse avec toutes conséquences légales, la Cour d'appel a retenu qu'il résultait de son arrêt du 20 septembre 2013, passé en force de chose jugée et irrévocable en l'état de l'arrêt rendu par la Cour de révision le 15 octobre 2014, « que la dette entre la société KARSAN et t. AL. était réelle et que les sommes saisies arrêtées sur le compte de t. AL. auprès d'UBS provenaient des détournements consécutifs au versement du prix à la société KARSAN ». Ainsi l'existence des détournements invoqués pour fonder l'action oblique et la saisie-arrêt litigieuse avait été définitivement établie par un arrêt passé en force de chose jugée, ce qui interdisait d'engager un nouveau débat sur l'existence de ces détournements. Le moyen n'est pas fondé.


Motifs🔗

Pourvoi N° 2015-48 en session

Civile

COUR DE REVISION

ARRET DU 24 MARS 2016

En la cause de :

- Monsieur t. AL., né le 1er janvier 1954 à Selim, Kars (Turquie), de nationalité turque, domicilié X1 110024 New Delhi (Inde) ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Géraldine GAZO, Avocat-Défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Hervé CAMPANA, Avocat-Défenseur près de la même Cour ;

DEMANDEUR EN REVISION,

d'une part,

Contre :

- La société d'Etat de droit indien dénommée NATIONAL FERTILIZERS LIMITED (FNL), dont le siège social se trouve Scope Complex Institutional Area Lodi Road, 11003 New Delhi (Inde), représentée par son président du conseil d'administration en exercice ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, Avocat-Défenseur près la Cour d'appel de Monaco, plaidant par ledit Avocat-Défenseur ;

DEFENDERESSE EN REVISION,

d'autre part,

LA COUR DE REVISION,

VU :

- l'arrêt rendu le 7 avril 2015 par la Cour d'appel, signifié le 27 mai 2015 ;

- la déclaration de pourvoi souscrite au greffe général, le 23 juin 2015, par Maître Géraldine GAZO, Avocat-Défenseur, au nom de M. t. AL. ;

- le récépissé délivré par la Caisse des Dépôts et Consignations sous le n° 45872, en date du 16 juin 2015, attestant du dépôt par Maître Géraldine GAZO, avocat-défenseur, au nom du demandeur, de la somme destinée à assurer le paiement de l'amende éventuelle prévue par la loi ;

- la requête déposée le 20 juillet 2015 au greffe général, par Maître Géraldine GAZO, avocat-défenseur, au nom de M. t. AL., signifiée le même jour ;

- la contre-requête déposée le 18 août 2015 au greffe général, par Maître Thomas GIACCARDI, Avocat-Défenseur, au nom de la société NATIONAL FERTILIZERS LIMITED (FNL), signifiée le même jour ;

- les conclusions du Ministère Public en date du 24 août 2015 ;

- le certificat de clôture établi le 14 septembre 2015, par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;

Ensemble le dossier de la procédure,

A l'audience du 16 mars 2016 sur le rapport de M. François-Xavier LUCAS, Conseiller,

Après avoir entendu les conseils des parties ;

Ouï le Ministère Public;

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par un premier arrêt en date du 20 septembre 2013, la Cour d'appel a jugé que la société NATIONAL FERTILIZERS LIMITED était fondée à exercer une action oblique et ainsi à exercer tous droits et actions de la société KARZAN à l'encontre de M. t. AL. et à se voir remboursée de l'intégralité des sommes saisies-arrêtées à hauteur de la somme de 5.187.818,41 USD, le 19 février 2001, par la société NATIONAL FERTILIZERS LIMITED sur le compte de M. AL. auprès de la Société de Banque Suisse, devenue UBS Monaco, ainsi qu'à exécuter le jugement à intervenir sur ces sommes saisies-arrêtées ; que le pourvoi formé contre cet arrêt ayant été rejeté par arrêt de la Cour de révision en date du 15 octobre 2014, cette condamnation est devenue définitive ; que par un second arrêt du 7 avril 2015, la Cour d'appel a confirmé le jugement en date du 27 mars 2014 par lequel le Tribunal de première instance a déclaré régulière et valide la saisie-arrêt litigieuse et dit que UBS Monaco se libérera de la contre-valeur en euros de la somme précitée et détenue par lui pour le compte de M. AL. au profit de la société NATIONAL FERTILIZERS LIMITED ; que M. AL. s'est pourvu en révision contre cet arrêt ;

Sur le premier moyen

Attendu que M. AL. fait grief à l'arrêt de valider la saisie-arrêt litigieuse en écartant l'argument tiré de la prescription quinquennale de l'action exercée par la société NATIONAL FERTILIZERS LIMITED, alors que, selon le moyen, les moyens invoqués par l'appelant étant véritables et explicités, la Cour d'appel était tenue d'y répondre ; qu'elle était en particulier tenue de répondre à celui tiré de la prescription qui, comme l'attestaient différents experts et consultants par des avis relatifs au droit turc, se trouvait acquise depuis le mois de décembre 2003 au plus tard, par application des dispositions générales figurant à l'article 126 du Code des obligations turc en vertu duquel les actions sont enfermées à l'intérieur d'un délai de cinq années, et qui s'opposait donc à l'exercice de l'action oblique et partant à la saisie-arrêt ; qu'en s'abstenant « de répondre à la plupart des moyens développés devant elle par l'appelant », la Cour d'appel n'a pas motivé sa décision et a violé l'article 199 du Code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt relève « que la qualité de créancier de la société NATIONAL FERTILIZERS LIMITED à l'égard de la société KARSAN n'est pas discutée en appel alors que l'arrêt précité (du 20 septembre 2013) de la Cour d'appel est désormais passé en force de chose jugée et irrévocable en l'état de l'arrêt rendu par la Cour de révision le 15 octobre dernier, et notamment en ce qu'il a consacré que la prescription soulevée sur le fondement du droit turc n'était pas acquise » ; qu'il en a déduit que « il s'ensuit que le droit de la société NATIONAL FERTILIZERS LIMITED à remboursement de l'intégralité des sommes saisies-arrêtées sur le compte de t. AL. apparaît définitivement consacré et arrêté, de sorte que les premiers juges ont à bon droit validé la saisie-arrêt litigieuse avec toutes conséquences légales » ; qu'ainsi, sans encourir les griefs du moyen, il répond à l'appelant dont l'argument tiré de la prescription se heurtait à la force de la chose jugée de l'arrêt du 20 septembre 2013 ;

Sur le second moyen pris en ses trois branches

Attendu que M. AL. fait grief à l'arrêt de valider la saisie-arrêt litigieuse aux motifs que les sommes saisies-arrêtées sur son compte ouvert dans les livres de la Société de Banque Suisse (Monaco), aujourd'hui dénommée UBS Monaco SA, proviendraient des détournements consécutifs au versement du prix à la société KARSAN, alors, selon le pourvoi, d'une part, que s'agissant des « détournements», l'appelant avait demandé à la Cour d'appel de constater que les actions pénales initiées en Suisse et en Turquie à son encontre, étaient définitivement clôturées en sa faveur aux termes de décisions rendues par la plus haute juridiction desdits États, à savoir le Tribunal fédéral de Lausanne et la Cour de cassation d'Ankara, alors, d'autre part, que l'appelant a justement fait valoir devant la Cour d'appel que la société NATIONAL FERTILIZERS LIMITED, demanderesse, n'a jamais communiqué, tant en première instance qu'en appel, sur les développements de la plainte originelle déposée en Inde en 1998, alors que l'appelant a communiqué en première instance un jugement de la Cour suprême de l'État indien aux termes duquel la société NATIONAL FERTILIZERS LIMITED a été déboutée de sa requête pour « outrage à décision de justice », au motif que « dans le cas présent et en tenant compte de toutes les circonstances, comme discuté ci-dessus, nous considérons qu'il ne serait pas raisonnable de conclure que l'intimé (M. t. AL.) a retiré de grandes quantités de son compte chez Pictet en violation des ordonnances de la cour. Pour les raisons exposées ci-dessus nous ne constatons aucun fondement à l'action pour » outrage à décision de justice. Elle est rejetée « ; que l'appelant avait ainsi formellement demandé à la Cour d'appel de prendre en considération le jugement comme une preuve du bien-fondé de ses demandes, y ajoutant que la communication de ce jugement devait être confrontée à la carence persistante de la société NATIONAL FERTILIZERS LIMITED dans l'administration de la preuve de l'issue de la plainte pénale déposée en 1998 ; que le fait que la Cour suprême indienne a jugé que les fonds retirés de son compte à la banque Pictet ne contrevenaient pas aux ordonnances de la cour démontre surabondamment l'inexistence des » détournements de fonds « allégués ; alors, enfin, que, dans ses conclusions en date du 10 juin 2014 l'appelant a fourni à la Cour d'appel de plus amples explications sur le jugement de la Cour suprême indienne dont s'agit, intervenu dans le cadre d'une instance initiée par la société NATIONAL FERTILIZERS LIMITED postérieurement à l'arrêt du Tribunal fédéral de Lausanne en date du 1er juin 2006 exonérant définitivement M. t. AL. de toute charge, exposant à la Cour d'appel que la société NATIONAL FERTILIZERS LIMITED n'ayant pu obtenir des juridictions suisses une décision conforme à ses souhaits, a intenté une nouvelle action à New Dehli pour aboutir à ses fins par une voie indirecte, cette tentative de » forum shopping « ayant cependant échoué ; qu'ainsi la Cour d'appel était tenue d'une part de répondre à ces moyens explicités et étayés par des pièces issues des procédures suisse, turque et indienne, et d'autre part de tirer les conséquences de l'absence de condamnation en Inde plus de 15 années après le dépôt de plainte initiale, c'est-à-dire de respecter le droit à la présomption d'innocence de M. t. AL. garanti par l'article 6, § 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'ainsi en confirmant le jugement du Tribunal de première instance ayant validé la saisie arrêt litigieuse, l'arrêt du 7 avril 2015 a violé les articles 6, § 1 et 6, § 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que, pour approuver la décision des premiers juges validant la saisie-arrêt litigieuse avec toutes conséquences légales, la Cour d'appel a retenu qu'il résultait de son arrêt du 20 septembre 2013, passé en force de chose jugée et irrévocable en l'état de l'arrêt rendu par la Cour de révision le 15 octobre 2014, » que la dette entre la société KARSAN et t. AL. était réelle et que les sommes saisies arrêtées sur le compte de t. AL. auprès d'UBS provenaient des détournements consécutifs au versement du prix à la société KARSAN " ; qu'ainsi l'existence des détournements invoqués pour fonder l'action oblique et la saisie-arrêt litigieuse avait été définitivement établie par un arrêt passé en force de chose jugée, ce qui interdisait d'engager un nouveau débat sur l'existence de ces détournements ; que le moyen n'est pas fondé ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Rejette le pourvoi,

Ordonne la restitution de la somme consignée au titre de l'article 443 du Code de procédure civile abrogé par la loi n° 1.421 du 1er décembre 2015 ;

Condamne M. t. AL. aux dépens dont distraction au profit de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Composition🔗

Ainsi jugé et prononcé le vingt-quatre mars deux mille seize, par la Cour de révision de la Principauté de Monaco, composée de Messieurs, Jean-François RENUCCI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, François-Xavier LUCAS, Conseiller, rapporteur et Guy JOLY, Conseiller, en présence du Ministère Public, assistés de Madame Béatrice BARDY, Greffier en Chef, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.

Le Greffier en Chef, le Président,

  • Consulter le PDF