Cour de révision, 24 mars 2016, La Société Anonyme Monégasque dénommée MONACO YACHTING & TECHNOLOGIES (MYT) c/ M. ab. MU. AL HA.

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Abstract🔗

Compétence territoriale - Clause attributive de compétence - Exception de procédure - in limine litis - Accord transactionnel - Portée - Droit anglais - Appréciation des juges du fond

Résumé🔗

Ayant relevé que l'exception d'incompétence soulevée par la société MYT était fondée sur la clause attributive de compétence prévue à l'article 10 du protocole transactionnel du 16 juillet 2009, la cour d'appel en a exactement déduit qu'il s'agissait d'une exception de procédure soumise aux dispositions de l'article 262 du Code de procédure civile, écartant ainsi les règles prévues par les articles 2 à 5 du même code et que la partie qui entendait décliner la compétence territoriale des juridictions monégasques devait le faire in limine litis, en application des dispositions de l'article 262 précité.

Par motifs propres et adoptés, et après avoir procédé à l'analyse de l'accord conclu par les parties le 16 juillet 2009, l'arrêt relève que l'offre et son acceptation s'étant rencontrées, les parties ont manifestement entendu créer un lien juridique effectif et qu'en conséquence, cet accord et son avenant constituent des contrats valables en vertu du droit anglais et doivent produire leurs effets, les conditions des articles 1883 et suivants du Code civil étant remplies ; qu'il retient encore que les parties ont entendu abandonner toute contestation et cristalliser leur accord dans ce contrat ; que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu déduire, sans encourir les griefs du moyen, que la créance de dommages et intérêts invoquée ayant bien été incluse dans l'accord transactionnel, cet accord devait recevoir pleine application, justifiant ainsi légalement sa décision.


Motifs🔗

Pourvoi N° 2016-03 en session

Civile

COUR DE REVISION

ARRET DU 24 MARS 2016

En la cause de :

- La Société Anonyme Monégasque dénommée MONACO YACHTING & TECHNOLOGIES (en abrégé MYT), dont le siège social est sis 42 quai Jean-Charles Rey, agissant poursuites et diligences de son Président délégué en exercice, domicilié et demeurant en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et ayant comme avocat plaidant Maître Théodore EFTHYMIOU, avocat au barreau de Paris ;

DEMANDERESSE EN REVISION,

d'une part,

Contre :

- Monsieur ab. MU. AL HA., né le 6 novembre 1959 au Koweït, de nationalité koweitienne, sans profession, domicilié et demeurant X1 à Dasman (Koweït) ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et ayant comme avocat plaidant Jacques MOLONIE, avocat aux Conseils ;

DEFENDEUR EN REVISION,

d'autre part,

LA COUR DE REVISION,

VU :

- l'arrêt rendu le 7 juillet 2015 par la Cour d'appel, signifié le 18 septembre 2015 ;

- la déclaration de pourvoi souscrite au greffe général, le 16 octobre 2015, par Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur, au nom de la SAM MONACO YACHTING et TECNOLOGIE ;

- le récépissé délivré par la Caisse des Dépôts et Consignations sous le n° 46362, en date du 15 octobre 2015, attestant du dépôt par Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur, au nom de la société demanderesse, de la somme destinée à assurer le paiement de l'amende éventuelle prévue par la loi ;

- la requête déposée le 10 novembre 2015 au greffe général, par Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur, au nom de la SAM MONACO YACHTING et TECNOLOGIE, signifiée le même ;

- la contre-requête déposée le 9 décembre 2015 au greffe général, par Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur, au nom de M. ab. MU. AL HA., signifiée le même jour ;

- les conclusions du Ministère Public en date du 11 décembre 2015 ;

- le certificat de clôture établi le 6 janvier 2016, par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;

Ensemble le dossier de la procédure,

A l'audience du 18 mars 2016 sur le rapport de Mme Cécile CHATEL-PETIT, Vice-Président,

Après avoir entendu les conseils des parties ;

Ouï le Ministère Public;

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la SAM MONACO YATCHING & TECHNOLOGIES (SAM MYT) et M. ab. MU. AL HA. sont entrés en pourparler pour l'acquisition par ce dernier d'un bateau de plaisance et ont signé le 2 septembre 2008 une lettre d'intention, soumise au droit anglais, aux termes de laquelle il était notamment convenu que M. MU. AL HA. versait un dépôt de 2.000.000 d'euros conservé par la société MYT sur un compte portant intérêt et que les différends relatifs à son interprétation seraient soumis à l'arbitrage ; que la vente n'ayant jamais été conclue, M. MU. AL HA. a demandé la restitution de cette somme et, devant le refus de la société, a saisi la Haute Cour d'Arbitrage Internationale de Londres ; qu'avant l'issue de cette procédure, les parties ont signé le 16 juillet 2009 un document intitulé « settlement agreement » aux termes duquel il était convenu que la société MYT paierait à M. MU. AL HA. une somme de 1.783.392 euros en plusieurs versements selon un calendrier modifié par avenant du 28 octobre 2009 ; que cet engagement n'ayant pas été respecté, M. MU. AL HA., après avoir fait délivrer à la société MYT une mise en demeure infructueuse, a saisi le tribunal de première instance de Monaco ; que par jugement du 10 juillet 2014, le tribunal a condamné la société MYT à payer à M. MU. AL HA. les sommes de 1.783.392 euros avec intérêts au taux légal à compter du 4 novembre 2010 et 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ; que par arrêt du 7 juillet 2015, la cour d'appel, après avoir déclaré irrecevable l'exception d'incompétence soulevée par la société MYT, a confirmé le jugement en toutes ses dispositions et condamné la société MYT à payer à M. MU. AL HA. la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches

Attendu que la société MYT fait grief à l'arrêt de refuser de décliner la compétence des juridictions monégasques, alors, selon le moyen, de première part, que l'article 262 du Code de procédure civile, en tant qu'il régit l'exception d'incompétence, ne concerne que l'hypothèse où la compétence découle de règles légales et non celle, de l'espèce, dans laquelle la compétence est régie par la convention des parties ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article 262 du Code de procédure civile ; alors de deuxième part et en tout cas, que l'article 262 précité n'est applicable que dans les hypothèses où les articles 2 à 5 du Code de procédure civile, fixant les règles de la compétence internationale, y renvoient ; qu'en l'espèce, ni l'article 4 relatif à l'état d'un étranger, ni l'article 5 visant les cas non traités par les articles 2 à 4, n'étaient applicables ; que dès lors, l'article 262, qui n'était pas applicable, a été violé par fausse application ;

Mais attendu qu'ayant relevé que l'exception d'incompétence soulevée par la société MYT était fondée sur la clause attributive de compétence prévue à l'article 10 du protocole transactionnel du 16 juillet 2009, la cour d'appel en a exactement déduit qu'il s'agissait d'une exception de procédure soumise aux dispositions de l'article 262 du Code de procédure civile, écartant ainsi les règles prévues par les articles 2 à 5 du même code et que la partie qui entendait décliner la compétence territoriale des juridictions monégasques devait le faire in limine litis, en application des dispositions de l'article 262 précité ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen

Attendu que la société MYT fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement et de la condamner à payer à M. MU. AL HA. la somme de 1.783.392 euros, outre des dommages et intérêts et des frais irrépétibles, alors, selon le moyen, que seuls les points compris dans le champ de la négociation, et donc de l'accord transactionnel, sont atteints par l'effet extinctif de la transaction ; qu'en se bornant à énoncer que la transaction concernait le litige né de la rupture des pourparlers, sans s'expliquer sur les termes de la transaction et le cas échéant sur les négociations qui ont précédé la transaction, pour déterminer si la créance de dommages et intérêts invoquée avait bien été incluse dans l'accord, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 1883 du Code civil ;

Mais attendu que par motifs propres et adoptés, et après avoir procédé à l'analyse de l'accord conclu par les parties le 16 juillet 2009, l'arrêt relève que «l'offre et son acceptation s'étant rencontrées, la contrepartie au versement par la société MYT étant l'acceptation de recevoir un versement forfaitaire de 1.783.392 euros (alors que le montant initialement réclamé était de deux millions d'euros), l'acceptation de paiement échelonné et enfin de dégager la société MYT de toutes demandes relatives à l'application de la lettre d'intention», que les parties ont manifestement entendu créer un lien juridique effectif et qu'en conséquence, cet accord et son avenant constituent des contrats valables en vertu du droit anglais et doivent produire leurs effets, les conditions des articles 1883 et suivants du Code civil étant remplies ; qu'il retient encore que les parties ont entendu abandonner toute contestation et cristalliser leur accord dans ce contrat ; que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu déduire, sans encourir les griefs du moyen, que la créance de dommages et intérêts invoquée ayant bien été incluse dans l'accord transactionnel, cet accord devait recevoir pleine application, justifiant ainsi légalement sa décision ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Rejette le pourvoi ;

Ordonne la restitution à la SAM YACHTING AND TECHNOLOGIES de la somme consignée au titre de l'article 443 du Code de procédure civile abrogé par la loi n 1.421 du 1er décembre 2015,

Condamne la SAM MONACO YACHTING AND TECHNOLOGIES aux dépens dont distraction au profit de Maître Alexis Marquet, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Composition🔗

Ainsi jugé et prononcé le vingt-quatre mars deux mille seize, par la Cour de Révision de la Principauté de Monaco, composée de Madame Cécile CHATEL-PETIT, Présidente, rapporteur, chevalier de l'ordre de Saint-Charles, Messieurs Guy JOLY, et François CACHELOT, Conseillers, en présence du Ministère Public, assistés de Madame Béatrice BARDY, Greffier en Chef, chevalier de l'ordre de Saint-Charles.

Le Greffier en Chef, la Présidente,

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