Cour de révision, 24 mars 2016, La Société Anonyme Monégasque CENTRE CARDIO-THORACIQUE DE MONACO (CCTM) c/ M. ch. IS.

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Abstract🔗

Cour d'appel - Procédure - Pouvoir d'évocation - Réformation - Portée - Attestations - Validité - Conditions - Pourvoi - Rejet

Résumé🔗

Ayant accueilli la demande du CCTM, appelant du jugement du Tribunal de première instance, et réformé ce jugement en ce qu'il avait ordonné une mesure d'expertise visant à prendre parti sur le caractère fautif de la rupture de la convention d'exercice libéral, la cour a jugé qu'il lui appartenait de tirer toutes les conséquences de droit de la réformation prononcée et, usant de son pouvoir d'évocation, de fixer le principe de responsabilité ainsi que le demandait subsidiairement le docteur IS.

Les parties ayant conclu de manière détaillée et argumentée au sujet du caractère fautif de la résiliation de la convention d'exercice libéral, elles ont mis la cour d'appel en mesure d'évoquer l'affaire qui, à cet égard, se trouvait en état.

Ainsi la cour d'appel a pu juger que la résiliation sans préavis ni indemnité effectuée par le CCTM était fautive. En indiquant expressément que c'est au titre de son pouvoir d'évocation qu'elle examinait les demandes du docteur IS. relativement à la responsabilité du CCTM dans la rupture des relations contractuelles, la cour d'appel a répondu à ce dernier et rejeté ses arguments visant à voir déclarer irrecevables les demandes au fond lorsque le jugement dont elle est saisie n'a pas donné une solution définitive au litige, la juridiction peut évoquer l'affaire si elle est en état d'être jugée ou, si elle ne l'est pas, à la demande des parties ; qu'en l'espèce, la cour d'appel n'a usé de son pouvoir d'évocation que pour fixer le principe de la responsabilité dès lors que ce n'est que sur cette question que les parties avaient conclu et que l'affaire était en état d'être jugée ; que tel n'était pas le cas s'agissant de l'évaluation du préjudice dont la réparation doit être mise à la charge du CCTM, ce dernier n'ayant pas conclu et n'ayant pas demandé l'évocation de l'affaire à cet égard, de sorte que la cour ne pouvait que renvoyer les parties devant le Tribunal de première instance pour qu'il statue sur cette question du docteur IS.

Sans être tenue de répondre au moyen inopérant lui rappelant qu'elle pouvait procéder à l'audition de témoins, la cour d'appel a souverainement relevé que les signataires des attestations litigieuses n'en étaient pas les auteurs dès lors qu'il s'agissait d'attestations collectives. C'est sans encourir les critiques du moyen qu'elle en a déduit que ces attestations ne satisfaisaient pas aux conditions posées par l'article 324, 2° du Code de procédure civile et qu'elles étaient nulles.


Motifs🔗

Pourvoi N° 2016-04 en session

Civile

COUR DE REVISION

ARRET DU 24 MARS 2016

En la cause de :

- la Société Anonyme Monégasque CENTRE CARDIO-THORACIQUE DE MONACO, dont le siège social est sis 11 bis avenue d'Ostende à Monaco, agissant poursuites et diligences de son Président Administrateur délégué ou son Administrateur délégué en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

DEMANDERESSE EN REVISION,

d'une part,

Contre :

- Monsieur ch. IS., de nationalité française, demeurant et domicilié professionnellement au CHU X1, X2 à Fort de France (97200) ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

DEFENDEUR EN REVISION,

d'autre part,

LA COUR DE REVISION,

VU :

- l'arrêt rendu le 7 juillet 2015 par la Cour d'appel, signifié le 1er octobre 2015 ;

- la déclaration de pourvoi souscrite au greffe général, le 28 octobre 2015, par Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur, au nom de la SAM CENTRE THORACIQUE DE MONACO ;

- le récépissé délivré par la Caisse des Dépôts et Consignations sous le n° 46380, en date du 28 octobre 2015, attestant du dépôt par Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur, au nom de la société demanderesse, de la somme destinée à assurer le paiement de l'amende éventuelle prévue par la loi ;

- la requête déposée le 25 novembre 2015 au greffe général, par Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur, au nom de SAM CENTRE THORACIQUE DE MONACO, signifiée le même jour ;

- la contre-requête déposée le 22 décembre 2015 au greffe général, par Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, au nom de M. ch. IS., signifiée le même jour ;

- les conclusions du Ministère Public en date du 23 décembre 2015 ;

- le certificat de clôture établi le 5 janvier 2016, par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;

Ensemble le dossier de la procédure,

A l'audience du 21 mars 2016 sur le rapport de M. François-Xavier LUCAS, Conseiller,

Après avoir entendu les conseils des parties ;

Ouï Monsieur le Procureur Général;

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la convention d'exercice libéral à durée indéterminée conclue le 26 juillet 2010 entre la société Centre cardio-thoracique de Monaco (ci-après, le CCTM) et le docteur ch. IS., anesthésiste, en vue d'autoriser celui-ci à exercer son art au sein de celui-là, a, le 31 mars 2011, été rompue pour faute par le CCTM, sans préavis ni indemnité ; que, soutenant que cette rupture était abusive, le docteur IS. a saisi le Tribunal de première instance d'une demande de réparation de son préjudice ; que, par jugement du 16 octobre 2014, le tribunal a dit cette demande recevable et, avant-dire-droit, a ordonné une mesure d'expertise et sursis à statuer sur les autres chefs de demande ; que le CCTM a interjeté appel de cette décision et demandé à titre principal que le docteur IS. soit déclaré irrecevable en son action et ses demandes et, à titre subsidiaire, qu'il soit jugé qu'il n'y avait lieu à expertise et que le docteur IS. soit débouté de l'ensemble de ses demandes et condamné à lui payer des dommages et intérêts pour procédure abusive ; que le docteur IS. a conclu à titre principal au rejet des pièces adverses n° 3 et 4 et à la confirmation du jugement entrepris pour le surplus, au débouté du CCTM de ses demandes et à sa condamnation à des dommages et intérêts pour appel abusif et à titre subsidiaire au rejet des pièces adverses n° 11 à 14 bis, 27 et 29, à la recevabilité et au bien-fondé de son action visant à voir constater que la résiliation par le CCTM de la convention du 26 juillet 2010 sans préavis ni indemnité est fautive et abusive et en conséquence à sa condamnation au paiement de diverses sommes à titre d'indemnité et au débouté de toutes ses demandes ; que, par arrêt du 7 juillet 2015, la cour d'appel a réformé le jugement sauf en ce qu'il a déclaré recevable la demande présentée par M. IS., débouté celui-ci de sa demande de rejet des pièces n° 3 et 4 du CCTM, prononcé la nullité des attestations n° 15 et 16 bis produites par le CCTM, ordonné la suppression des écrits injurieux ou diffamatoires figurant dans les conclusions du CCTM et débouté celui-ci de sa demande de suppression de certains passages des conclusions de M. IS. ; que, statuant à nouveau, la cour a dit que la rupture de la convention d'exercice libéral par le CCTM est fautive, que la demande de rejet de pièces, présentée à titre subsidiaire par le docteur IS. est devenue sans objet, que les parties doivent être déboutées de leurs autres prétentions et renvoyées devant le Tribunal de première instance à l'effet qu'il soit statué sur le surplus des demandes ; que le CCTM s'est pourvu en révision contre cet arrêt ;

Sur les premier et deuxième moyens réunis

Attendu que le CCTM fait grief à l'arrêt de réformer le jugement déféré alors, selon le moyen, d'une part que c'est en violation de l'article 429 du Code de procédure civile que, saisie du seul appel du CCTM, la cour d'appel a décidé une telle réformation en faveur de l'intimé qui n'avait pas interjeté appel incident et demandait à titre principal la confirmation du jugement, et alors d'autre part qu'en abstenant de répondre au moyen qui soutenait que les demandes au fond du docteur IS. présentées à titre subsidiaire, étaient irrecevables faute pour lui d'avoir interjeté un appel incident du jugement, la cour d'appel a violé les articles 199 du Code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Mais attendu que, ayant accueilli la demande du CCTM, appelant du jugement du Tribunal de première instance, et réformé ce jugement en ce qu'il avait ordonné une mesure d'expertise visant à prendre parti sur le caractère fautif de la rupture de la convention d'exercice libéral, la cour a jugé qu'il lui appartenait de tirer toutes les conséquences de droit de la réformation prononcée et, usant de son pouvoir d'évocation, de fixer le principe de responsabilité ainsi que le demandait subsidiairement le docteur IS. ; que les parties ayant conclu de manière détaillée et argumentée au sujet du caractère fautif de la résiliation de la convention d'exercice libéral, elles ont mis la cour d'appel en mesure d'évoquer l'affaire qui, à cet égard, se trouvait en état ; qu'ainsi la cour d'appel a pu juger que la résiliation sans préavis ni indemnité effectuée par le CCTM était fautive ; qu'en indiquant expressément que c'est au titre de son pouvoir d'évocation qu'elle examinait les demandes du docteur IS. relativement à la responsabilité du CCTM dans la rupture des relations contractuelles, la cour d'appel a répondu à ce dernier et rejeté ses arguments visant à voir déclarer irrecevables les demandes au fond du docteur IS. ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen

Attendu que le CCTM fait grief à l'arrêt de n'avoir opéré qu'une évocation partielle en renvoyant devant le tribunal de première instance pour l'évaluation du préjudice, alors selon le moyen, que la cour devait soit entièrement évoquer l'affaire et lui donner une solution définitive, soit ne pas l'évoquer du tout et renvoyer pour le tout devant le tribunal de première instance ; qu'en renvoyant l'affaire devant le tribunal de première instance pour l'évaluation du préjudice tout en usant de son pouvoir d'évocation pour fixer le principe de la responsabilité, la cour d'appel s'est contredite dans ses motifs et a ainsi violé les articles 199 et 433 du Code de procédure civile ;

Mais attendu que lorsque le jugement dont elle est saisie n'a pas donné une solution définitive au litige, la juridiction peut évoquer l'affaire si elle est en état d'être jugée ou, si elle ne l'est pas, à la demande des parties ; qu'en l'espèce, la cour d'appel n'a usé de son pouvoir d'évocation que pour fixer le principe de la responsabilité dès lors que ce n'est que sur cette question que les parties avaient conclu et que l'affaire était en état d'être jugée ; que tel n'était pas le cas s'agissant de l'évaluation du préjudice dont la réparation doit être mise à la charge du CCTM, ce dernier n'ayant pas conclu et n'ayant pas demandé l'évocation de l'affaire à cet égard, de sorte que la cour ne pouvait que renvoyer les parties devant le Tribunal de première instance pour qu'il statue sur cette question ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen pris en ses deux branches

Attendu que le CCTM fait enfin grief à l'arrêt de déclarer nulles les attestations qu'il a produites sous les numéros 15 et 16 bis alors, selon le moyen, d'une part, que le Code de procédure civile n'interdisant pas les attestations collectives, en statuant comme elle l'a fait la cour d'appel a violé l'article 324 du Code de procédure civile, et alors, d'autre part, que le CCTM avait précisé que les témoins étaient prêts à déposer devant les juridictions saisies si celles-ci estimaient devoir procéder à la vérification personnelle au sens des articles 309 et suivants du CPC ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, la cour d'appel a violé les articles 199 du CPC et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Mais attendu que, sans être tenue de répondre au moyen inopérant lui rappelant qu'elle pouvait procéder à l'audition de témoins, la cour d'appel a souverainement relevé que les signataires des attestations litigieuses n'en étaient pas les auteurs dès lors qu'il s'agissait d'attestations collectives ; que c'est sans encourir les critiques du moyen qu'elle en a déduit que ces attestations ne satisfaisaient pas aux conditions posées par l'article 324, 2° du Code de procédure civile et qu'elles étaient nulles ; que le moyen n'est pas fondé ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Rejette le pourvoi,

Condamne la SAM CENTRE CARDIO THORACIQUE DE MONACO aux dépens dont distraction au profit de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Ordonne la restitution à la SAM CENTRE CARDIO THORACIQUE DE MONACO de la somme consignée au titre de l'article 443 du Code de procédure civile, abrogé par la loi n° 1.421 du 1er décembre 2015.

Composition🔗

Ainsi jugé et prononcé le vingt-quatre mars deux mille seize, par la Cour de Révision de la Principauté de Monaco, composée de Messieurs, Jean-Pierre DUMAS, Premier-Président, chevalier de l'ordre de Saint-Charles, François-Xavier LUCAS, rapporteur et Guy JOLY, conseillers, en présence du Ministère Public, assistés de Madame Béatrice BARDY, Greffier en Chef, chevalier de l'ordre de Saint-Charles.

Le Greffier en Chef, le Premier Président,

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