Cour de révision, 24 septembre 2015, r. FO. c/ Le Ministère Public
Abstract🔗
Recel – Principe non bis in idem
Recel – Abus de confiance – Infractions exclusives
Résumé🔗
Pour écarter l'objection de M. FO., qui soutenait que l'infraction de recel est un délit de conséquence, la Cour d'appel a retenu « que la prohibition édictée par l'article 393 du Code de procédure pénale ne concerne que la personne poursuivie ou condamnée à Monaco et ne s'applique pas à l'auteur principal d'un délit commis à l'étranger poursuivi à Monaco pour le recel du produit de cette infraction en sorte que la poursuite de M. FO. à Monaco du chef de recel d'abus de confiance après sa condamnation aux États-Unis pour des faits qualifiés de « fraudes informatiques » ou de blanchiment ne constitue pas une violation du principe non bis in idem ». Elle a par ailleurs considéré que, « si un seul fait ne peut donner lieu à une double déclaration de culpabilité et si notamment une même personne de peut être poursuivie pour abus de confiance et recel de la chose détournée, rien ne s'oppose à ce qu'elle puisse être déclarée coupable de l'une ou l'autre infraction dès lors que celle-ci est retenue seule à son encontre, ce qui est le cas en l'espèce puisque l'appelant est poursuivi pour recel d'abus de confiance ». En statuant ainsi alors que, d'une part, l'article 393 du Code de procédure pénale ne comporte aucune restriction tenant au lieu de commission de l'infraction d'origine et que, en vertu des articles 9 et 10 dudit Code, l'étranger justifiant qu'il a été jugé définitivement à l'étranger et en cas de condamnation qu'il a subi ou prescrit sa peine, obtenu sa grâce ou bénéficié d'une amnistie, ne peut être poursuivi et jugé dans la Principauté pour un crime ou un délit commis hors du territoire même s'il s'est trouvé dans la Principauté en possession d'objets acquis au moyen de l'infraction et que, d'autre part, celui qui a frauduleusement détourné un objet ne peut, en même temps, être retenu comme receleur du même objet, dès lors qu'en de telles circonstances les qualifications d'abus de confiance et de recel sont exclusives l'une de l'autre, la Cour d'appel a violé les articles 9, 10 et 393 du Code de procédure pénale.
Motifs🔗
COUR DE RÉVISION
ARRÊT DU 24 SEPTEMBRE 2015
En la cause de :
- r. FO., né le 28 juin 1978 à SAN GIOVANNI ROTONDO (Foggia - Italie), de P et de A-M CO., de nationalité italienne, sans profession, demeurant X FOGGIA (Italie) ;
Prévenu de :
RECEL D'ABUS DE CONFIANCE
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco ;
DEMANDEUR EN RÉVISION,
d'une part,
Contre :
- Le Ministère Public,
DÉFENDEUR EN RÉVISION,
d'autre part,
LA COUR DE RÉVISION,
Statuant hors session et uniquement sur pièces, en application des dispositions de l'article 489 du Code de procédure pénale ;
VU :
- l'arrêt rendu par la Cour d'appel, statuant en matière correctionnelle, le 4 mai 2015 ;
- la déclaration de pourvoi souscrite au greffe général, le 6 mai 2015, par Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur, au nom de M. r. FO. ;
- le récépissé délivré par l'organisme privé chargé de la gestion d'un service public E sous le n° 45739, en date du 6 mai 2015, attestant du dépôt par Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur, au nom du demandeur, de la somme destinée à assurer le paiement de l'amende éventuelle prévue par la loi ;
- la requête déposée le 12 mai 2015 au greffe général, par Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur, au nom de M. r. FO., signifiée le même jour ;
- les conclusions du Ministère Public en date du 19 mai 2015 ;
- le certificat de clôture établi le 8 juin 2015, par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;
Ensemble le dossier de la procédure,
À l'audience du 10 septembre 2015, sur le rapport de Monsieur François-Xavier LUCAS, Conseiller,
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, que, par jugement du 25 novembre 2014, le tribunal correctionnel a retenu à l'encontre de M. r. FO. la prévention d'avoir sciemment recelé sur des comptes bancaires ouverts à Monaco des fonds d'un montant de 1.312.000 USD qu'il savait provenir d'infractions qualifiables en droit monégasque d'abus de confiance, qu'il avait commises courant 2005 et 2006 aux Etats-Unis et pour lesquelles il a été définitivement condamné à une peine d'un an d'emprisonnement par jugement du 23 octobre 2008 du Tribunal du district de New-York ;
Sur le moyen unique de cassation :
Vu les articles 9, 10 et 393 du Code de procédure pénale ;
Attendu que, pour écarter l'objection de M. FO., qui soutenait que l'infraction de recel est un délit de conséquence, la Cour d'appel a retenu « que la prohibition édictée par l'article 393 du Code de procédure pénale ne concerne que la personne poursuivie ou condamnée à Monaco et ne s'applique pas à l'auteur principal d'un délit commis à l'étranger poursuivi à Monaco pour le recel du produit de cette infraction en sorte que la poursuite de M. FO. à Monaco du chef de recel d'abus de confiance après sa condamnation aux États-Unis pour des faits qualifiés de « fraudes informatiques » ou de blanchiment ne constitue pas une violation du principe non bis in idem » ;
Qu'elle a par ailleurs considéré que « si un seul fait ne peut donner lieu à une double déclaration de culpabilité et si notamment une même personne de peut être poursuivie pour abus de confiance et recel de la chose détournée, rien ne s'oppose à ce qu'elle puisse être déclarée coupable de l'une ou l'autre infraction dès lors que celle-ci est retenue seule à son encontre, ce qui est le cas en l'espèce puisque l'appelant est poursuivi pour recel d'abus de confiance » ;
Attendu qu'en statuant ainsi alors que, d'une part, l'article 393 du Code de procédure pénale ne comporte aucune restriction tenant au lieu de commission de l'infraction d'origine et que, en vertu des articles 9 et 10 dudit Code, l'étranger justifiant qu'il a été jugé définitivement à l'étranger et en cas de condamnation qu'il a subi ou prescrit sa peine, obtenu sa grâce ou bénéficié d'une amnistie, ne peut être poursuivi et jugé dans la Principauté pour un crime ou un délit commis hors du territoire même s'il s'est trouvé dans la Principauté en possession d'objets acquis au moyen de l'infraction et que, d'autre part, celui qui a frauduleusement détourné un objet ne peut, en même temps, être retenu comme receleur du même objet, dès lors qu'en de telles circonstances les qualifications d'abus de confiance et de recel sont exclusives l'une de l'autre, la Cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
Casse et annule en toutes ses dispositions l'arrêt rendu par la Cour d'appel le 4 mai 2015 ;
Renvoie l'affaire à la première session utile de la Cour de révision autrement composée ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public.
Composition🔗
Ainsi délibéré et jugé le vingt-quatre septembre deux mille quinze, par la Cour de Révision de la Principauté de Monaco, composée de Messieurs Roger BEAUVOIS, premier-président, Jean-Pierre DUMAS, vice-président, chevaliers de l'Ordre de Saint-Charles, François-Xavier LUCAS, rapporteur et Guy JOLY, Conseillers.
Et Monsieur Roger BEAUVOIS, Premier-Président, a signé avec Madame Béatrice BARDY, Greffier en Chef, chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.
Le Greffier en Chef, le Premier Président