Cour de révision, 10 octobre 2012, SAM Bank Julius BAER c/ Société RAY Trading inc.

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Abstract🔗

Banque

Responsabilité de la banque - Mandat de gestion : la conclusion de contrats de gré à gré sur les marchés de devise excède les pouvoirs donnés par l'autorisation du Ministre d'État délivrée sur le fondement de la loi n° 1.194 du 9 juillet 1997 ; ratification ultérieure des contrats destinée à couvrir les erreurs de la banque

Résumé🔗

En premier lieu, l'arrêt confirmatif retient exactement que la transmission des deux ordres litigieux, en ce qu'ils avaient pour objet des contrats de gré à gré sur les marchés de devises, excédait les activités autorisées à la Société Ing Monaco, société de droit monégasque par l'agrément qui lui avait été délivré en application des articles 2, 2°, et 6 de la loi 1.194 du 9 juillet 1997 ;

En deuxième lieu, en retenant que la ratification ultérieure des contrats conclus en son nom et sans que la preuve de l'accord préalable de la Société Ray Trading Inc. ait été rapportée, n'excluait pas la faute antérieure commise par la Société Ing Monaco, cette ratification étant la conséquence de l'engagement pris par la Société Ray Trading Inc. de garantir la Société Ing Bank Suisse des fautes commises par son mandataire, l'arrêt n'encourt pas le grief du moyen ;

En troisième lieu, procédant à la recherche prétendument omise, l'arrêt, par motifs propres et adoptés, retient que seule l'intervention de la Société Ing Monaco avait permis la passation des contrats NDFFE, lesquels n'auraient pu être conclus aussi rapidement si elle avait informé son mandant qu'elle ne pouvait réaliser de telles opérations pour son compte.


Motifs🔗

Pourvoi N° 2012/46 en session

Civile

COUR DE REVISION

ARRET DU 10 OCTOBRE 2012

En la cause de :

- La société anonyme monégasque I. N. G. SOCIETE DE GESTION devenue I. N. G. BARING PRIVATE BANK (Monaco) puis I. N. G. BANK (Monaco) et en dernier lieu dénommée la société anonyme monégasque BANK JULIUS BAER (Monaco), dont le siège social est sis 1 avenue des Citronniers à Monaco, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité à ladite adresse ;

Ayant élu domicile en l'Etude de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

Demanderesse en révision,

d'une part,

Contre :

- La société RAY TRADING Inc ., société de droit panaméen dont le siège est sis c/o ICAZA Gonzales Ruiz y Aleman, Calle Aquilino de la Guardiano n° 8 Edificio IGRA, PANAMA, prise en la personne du Président en exercice de son Conseil d'administration en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'Etude de Maître Georges BLOT, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par Maître Claudine MERLET, avocat au Barreau de Draguignan ;

Défenderesse en révision,

d'autre part,

LA COUR DE REVISION,

VU :

- l'arrêt rendu le 17 avril 2012 (R.3913), par la Cour d'appel, signifié le 11 mai 2012 ;

- la déclaration de pourvoi souscrite au Greffe Général, le 8 juin 2012 par Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, au nom de la SAM ING BANK (Monaco) devenue BANK JULIUS BAER ;

- le récépissé délivré par la Caisse des Dépôts et Consignations sous le n°42033, en date du 8 juin 2012 attestant de la remise par Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, au nom de la demanderesse de la somme de 300 euros au titre de l'amende éventuelle prévue par la loi ;

- la requête à l'appui du pourvoi, déposée au Greffe Général le 11 juin 2012, Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, au nom de la SAM ING BANK (Monaco) devenue BANK JULIUS BAER accompagnée de 9 pièces, signifiée le même jour ;

- la contre requête, déposée au Greffe Général le 9 juillet 2012, par Maître Georges BLOT, avocat-défenseur, au nom de la société RAY TRADING Inc., accompagnée de 22 pièces, signifiée le même jour ;

- la réplique déposée le 13 juillet 2012, par Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, au nom de la SAM ING BANK (Monaco) devenue BANK JULIUS BAER, signifiée le même jour ;

- la duplique déposée le 19 juillet 2012 par Maître Georges BLOT, avocat-défenseur, au nom de la société RAY TRADING Inc, accompagnée de 3 pièces, signifiée le même jour ;

- le certificat de clôture établi le 26 juillet 2012, par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;

- les conclusions du Ministère Public en date du 27 juillet 2012 ;

Ensemble le dossier de la procédure,

A l'audience du 9 octobre 2012 sur le rapport de Monsieur Jean-Pierre GRIDEL, conseiller,

Après avoir entendu les conseils des parties ;

Ouï Monsieur le Procureur Général;

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Sur la recevabilité du pourvoi, contestée par la défense

Attendu que la société Ray Trading Inc. soutient que le pourvoi de la Société Bank Julius Baer (Monaco) est irrecevable faute pour cette société d'avoir signifié sa déclaration de pourvoi conformément aux dispositions de l'article 445 du code de procédure civile ;

Mais attendu que l'exploit de signification de la requête porte la mention de la déclaration de pourvoi ; d'où il suit il a été satisfait aux exigences du texte précité et que le pourvoi est recevable ;

Sur le moyen unique, pris en ses cinq branches

Attendu selon l'arrêt attaqué que la société Ray Trading Inc., qui avait ouvert, le 18 septembre 1996, un compte bancaire à la société ING Bank Suisse, avec décharge de responsabilité pour les investissements à capital variable sur « des marchés émergents » qu'elle serait amenée à effectuer, donnait, par acte du même jour, contresigné le 7 octobre 1996, mandat de le gérer à la Société Ing, Société de Gestion Monaco (la société Ing Monaco), devenue Bank Julius Baer ; que le 14 août 1998 la Société Ing Monaco ordonnait, pour le compte et au nom de sa mandante, et pour un montant de 2.000.000 dollars chacun, la souscription de deux contrats dits « NDFFE », correspondant à la dénomination anglaise « Non Deliverable Forward Foreing Exchange », instruments de change à terme conclu de gré à gré et portant sur l'évolution corrélative du rouble et du dollar ; que le gouvernement russe ayant le 17 août 1998 dévalué sa monnaie la société Ray Trading Inc. faisant état de perte, a recherché la responsabilité de la société Ing Monaco dans la passation de ces deux ordres qu'elle contestait avoir donnés ; que par arrêt confirmatif en date du 17 avril 2012, la Cour d'appel a condamné la Société Ing Monaco à payer des dommages-intérêts à sa mandante ;

Attendu que la société Bank Julius Baer reproche à l'arrêt de statuer ainsi, alors, selon le moyen, de première part, que l'effet rétroactif de la ratification emportant approbation de la gestion du mandataire, le mandant ne dispose d'aucun recours contre celui-ci, de sorte qu'en déniant tout effet à la ratification par la société Ray Trading Inc., intervenue le 21 août 1998, et constatée par l'arrêt, des contrats NDFFE conclus par la société Ing Monaco en son nom le 14 août 1998, aux motifs inopérants que cette ratification n'excluait pas la faute antérieure commise par la mandataire et qu'elle ne serait que la conséquence de l'engagement pris par la Société Ray Trading Inc., lors de l'ouverture de son compte dans les livres de la Société Bank Suisse, de garantir cette banque des fautes commises par son mandataire, la Cour d'appel a violé l'article 1837 du code civil ; alors, de deuxième part, qu'au sens des articles 1er, 2 et 6 de la loi n° 1.194 du 9 juillet 1997, les marchés financiers représentent l'ensemble des opérations sur instruments financiers, qu'elles soient réalisées par l'intermédiaire d'un système multilatérale de négociation ou directement de gré à gré, de sorte qu'en jugeant que la société Ing Monaco, devenue Bank Julius Baer (Monaco), titulaire d'un agrément du Ministre d'Etat pour exercer l'activité pour le compte de tiers, de transmission d'ordres portant sur des instruments financiers sur les marchés financiers avait commis une faute en recevant u mandat portant sur la conclusion de contrats de gré à gré sur les marchés financiers, au motif erroné selon lequel la conclusion de tels contrats n'entrait pas dans cette autorisation, la Cour d'appel a violé les dispositions susvisées ; alors, que de troisième part, subsidiairement que ; la responsabilité supposant un rapport de causalité certain et direct entre la faute et le dommage, la Cour d'appel, en ne recherchant pas si la violation de l'article 6 de la loi n°1.194 du 9 juillet 1997 interdisant à la Société Ing Monaco, devenue Bank Julius Baer Monaco, de recevoir d'autres mandats que ceux résultant du gouvernement monégasque était à l'origine du préjudice dont elle a ordonné la réparation, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1229 du code civil ; alors, de quatrième part, que la procuration limitée du 18 septembre 1996 mettait seulement à la charge de la Société Ing Monaco, l'obligation de transmettre les ordres donnés par la Société Ray Trading sur le compte ouvert auprès de la Société Bank Suisse, si bien qu'en jugeant que la Société Ray Trading Inc. était bien fondée à reprocher à la Société Ing Monaco des manquements à une obligation de conseil et d'information qui ne résultait nullement des termes ou de l'économie générale du contrat, quand il était constaté par ailleurs que la société Ray Trading Inc. était un investisseur averti et avait été spécialement mise en garde par la Société Bank Suisse quant aux risques afférents aux investissements à capital variable des marchés émergents, la Cour d'appel a méconnu la loi des parties, violant ainsi l'article 989 du code civil ; et alors enfin, subsidiairement, qu'une faute contractuelle n'implique pas nécessairement l'existence d'un dommage en relation de cause à effet avec cette faute, de sorte qu'en condamnant la Société Ing Monaco à réparer la totalité des pertes financières de la Société Ray Trading Inc., sans rechercher si le non respect par la première d'une prétendue obligation d'information et de conseil postérieure au 21 août 1998 était à l'origine du préjudice réalisé le 17 août 1998 à la suite de la dévaluation du rouble, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1002 du code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt confirmatif retient exactement que la transmission des deux ordres litigieux, en ce qu'ils avaient pour objet des contrats de gré à gré sur les marchés de devises, excédait les activités autorisées à la Société Ing Monaco, société de droit monégasque par l'agrément qui lui avait été délivré en application des articles 2, 2°, et 6 de la loi 1.194 du 9 juillet 1997 ;

Attendu, en deuxième lieu, qu'en retenant que la ratification ultérieure des contrats conclus en son nom et sans que la preuve de l'accord préalable de la Société Ray Trading Inc. ait été rapportée, n'excluait pas la faute antérieure commise par la Société Ing Monaco, cette ratification étant la conséquence de l'engagement pris par la Société Ray Trading Inc. de garantir la Société Ing Bank Suisse des fautes commises par son mandataire, l'arrêt n'encourt pas le grief du moyen ;

Attendu, en troisième lieu, que, procédant à la recherche prétendument omise, l'arrêt, par motifs propres et adoptés, retient que seule l'intervention de la Société Ing Monaco avait permis la passation des contrats NDFFE, lesquels n'auraient pu être conclus aussi rapidement si elle avait informé son mandant qu'elle ne pouvait réaliser de telles opérations pour son compte ;

Attendu, enfin, que le rejet des première et deuxième branches implique le rejet des griefs contenus dans les quatrième et cinquième branches, lesquels attaquent des motifs surabondants ;

D'où il suit que mal fondé en ses trois premières branches le moyen est inopérant pour le surplus ;

Sur la demande de dommages-intérêts de la Société Ray Trading Inc. :

Attendu que cette société sollicite le paiement par la Société Ing Monaco, devenue Bank Julius Baer, des sommes de 140.000 euros pour frais de justice et de 100.000 euros à titre de sanction d'un abus judiciaire manifeste ;

Mais attendu qu'il ne résulte pas des éléments de la cause ci-dessus rapportés que la société ait abusé de son droit d'ester en justice ; que la demande ne peut être accueillie ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

- Déclare le pourvoi recevable,

- Au fond le rejette,

- Rejette les demandes de la société Ray Trading Inc, en paiement de dommages-intérêts ;

- Condamne la société Bank Julius Baer aux dépens dont distraction au profit de Maître Georges BLOT, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;

- La condamne à une amende de 300 euros.

Composition🔗

Ainsi jugé et prononcé le dix octobre deux mille douze, par la Cour de Révision de la Principauté de Monaco, composée de Monsieur Jean APOLLIS, Premier-Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Jean-Pierre DUMAS, conseiller, chevalier de l'ordre de Saint-Charles, et Monsieur Jean-Pierre GRIDEL, conseiller, rapporteur en présence du Ministère Public, assistés de Madame Béatrice BARDY, Greffier en Chef, chevalier de l'ordre de Saint-Charles.-

Le Greffier en Chef, le Premier Président,

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