Cour de révision, 12 juillet 2012, La société anonyme monégasque ATOMS MONACO c/ Mme f. MO

  • Consulter le PDF

Abstract🔗

Pourvoi en révision - Moyen nouveau - Irrecevabilité - Défaut de réponse à conclusions - Prime d'ancienneté - Licenciement - Dommages et intérêts

Résumé🔗

Le tribunal qui a expressément écarté la contestation de l'employeur relative à l'indemnisation maladie en retenant souverainement qu'il « ne démontrait pas que l'expertise demeurait inexacte du fait de ces prétendues erreurs » a répondu aux conclusions.

La SAM Atoms Monaco n'ayant pas soutenu devant les juges du fond le grief tiré de la violation de l'article 11 de la loi n°739 du 16 mars 1963 et des conditions d'application du principe de parité, le moyen en ses trois branches qui prennent appui sur la violation de ces dispositions, est nouveau, mélangé de fait et de droit et, partant, irrecevable.

Ayant relevé que l'assiette de calcul de la prime d'ancienneté proposée par l'employeur s'avérait moins favorable et ne saurait en vertu du principe de parité recevoir application, le tribunal a fait une exacte interprétation des dispositions de l'article 19 de la convention collective.

Mme f. MO. sollicite la condamnation de la société Atoms Monaco au paiement d'une somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts en application du deuxième alinéa de l'article 459-4 du Code de procédure civile. Au regard des éléments ci-dessus énoncés, Mme f. MO. s'est vue contrainte de multiplier les procédures pour faire valoir ses droits et qu'il apparaît que la SAM Atoms Monaco a abusé de son droit de se pourvoir en révision ; qu'il y a lieu d'accueillir la demande à hauteur de 5.000 euros.


Motifs🔗

Pourvoi N°2012-16 Hors Session

TT

COUR DE RÉVISION

ARRÊT DU 12 JUILLET 2012

En la cause de :

  • - La société anonyme monégasque ATOMS MONACO, dont le siège social est à Monaco, immeuble « Le Mercator » 7, rue de l'industrie, prise en la personne de son président délégué en exercice, Monsieur j-c. LE. ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la Cour d'Appel ;

Demanderesse en révision,

d'une part,

Contre :

  • - Madame f. MO., demeurant et domiciliée X à Monaco ;

Bénéficiaire de l'assistance judiciaire selon décision du bureau n°59/BAJ/06 du 21 novembre 2006.

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel ;

Défenderesse en révision,

d'autre part,

LA COUR DE RÉVISION,

Statuant hors session et uniquement sur pièces, en application des dispositions des articles 458, 459 et 459-4 du code de procédure civile ;

VU :

  • - le jugement du Tribunal de première instance, statuant comme juridiction d'appel du tribunal du travail, en date du 17 novembre 2011, signifié le 14 décembre 2011 ;

  • - la déclaration de pourvoi souscrite au greffe général, le 19 décembre 2011, par Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, au nom de la SAM Atoms Monaco ;

  • - le récépissé délivré par la caisse des dépôts et consignations sous le n° 41465, en date du 19 décembre 2011 attestant de la remise par Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, au nom de la demanderesse de la somme de 300 euros au titre de l'amende éventuelle prévue par la loi ;

  • - la requête déposée au greffe général le 17 janvier 2012, par Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, au nom de la SAM Atoms MONACO, accompagnée de 14 pièces, signifiée le même jour ;

  • - la contre-requête déposée au greffe général le 16 février 2012, par Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur, au nom de Mme f. MO., accompagnée de 1 pièce, signifiée le même jour ;

  • - la réplique déposée au greffe général le 24 février 2012, par Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, au nom de la SAM Atoms Monaco, signifiée le même jour ;

  • - le certificat de clôture établi le 20 avril 2012, par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;

  • - les conclusions du ministère public en date du 20 avril 2012 ;

Ensemble le dossier de la procédure,

Sur le rapport de Madame Cécile PETIT, conseiller, à l'audience hors session du 5 juillet 2012,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu, selon le jugement attaqué du tribunal de première instance statuant comme juridiction d'appel du tribunal du travail, qu'embauchée en 1969 en qualité d'agent de fabrication par la société Micro aux droits de laquelle se trouve la SAM Atoms Monaco (l'employeur), Mme f. MO. (l'employée)a été licenciée le 18 avril 2006 pour inaptitude définitive à tout poste dans l'entreprise ; qu'estimant ne pas avoir perçu les sommes qui lui étaient dues et avoir été l'objet d'un licenciement abusif, elle a saisi le tribunal du travail qui a ordonné une expertise aux fins d'évaluer les sommes pouvant revenir à la demanderesse ; qu'à la suite du dépôt du rapport de l'expert, le tribunal du travail, par jugement confirmé en toutes ses dispositions par le tribunal de première instance, a dit n'y avoir lieu à nouvelle expertise et a condamné l'employeur à payer à l'employée diverses sommes à titre de rappel de salaire et de complément d'indemnité de congédiement, dit que le licenciement revêtait un caractère abusif dans ses modalités et condamné l'employeur à lui payer des dommages - intérêts ;

  • Sur le premier moyen :

Attendu qu'il est fait grief au jugement de violer l'article 199 du code de procédure civile alors selon le moyen, que le tribunal de première instance ne s'est pas prononcé sur divers points soulevés par l'employeur, tels que de nombreuses anomalies dans l'appréhension par l'expert des différents éléments de rémunération relatifs à la détermination du SMIC mensuel ou les éléments de rémunération n'entrant pas dans la détermination du SMIC mais constituant des salaires minima obligeant l'employeur vis à vis du salarié ainsi que sur l'indemnisation maladie, l'expert devant déterminer les sommes dues y compris pour les périodes de suspension du contrat de travail ;

Mais attendu qu'après avoir rappelé les bases légales à partir desquelles les premiers juges avaient dit que le salaire de base de Mme f. MO. devait être calculé puis, analysé les calculs opérés par l'expert sur cette base, le tribunal qui a expressément écarté la contestation de l'employeur relative à l'indemnisation maladie en retenant souverainement qu'il « ne démontrait pas que l'expertise demeurait inexacte du fait de ces prétendues erreurs » a répondu aux conclusions ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

  • Sur le deuxième moyen pris en ses trois branches :

Attendu que l'employeur fait grief au jugement de violer la loi n°739 du 16 mars 1963, alors selon le moyen, d'une part que le tribunal de première instance s'est expressément référé à l'article 11 de la loi n° 739 du 16 mars 1963 en spécifiant que ce dernier article posait le principe de la parité, que l'arrêt de la cour de révision en date du 14 octobre 2011 a clairement défini le champ d'application de l'article 11 de cette loi modifiée par la loi n° 1068 du 28 décembre 1983 et de l'arrêté ministériel n° 84-101 du 6 février 1984, estimant que “l'existence de conditions de travail identiques à Monaco et dans la région de référence, au sens des textes susvisés est une condition d'application du principe posé de parité des salaires et non une modalité de sa mise en œuvre...», que dans la région économique voisine, le secteur de la métallurgie dont elle relève a, dès le mois de janvier 2000, organisé le passage aux 35 heures suivant trois modalités : réduction du temps de travail, attribution de jours de repos sur l'année et modulation, qu'aucun équivalent n'a été instauré en Principauté de Monaco dans le secteur de la métallurgie et aucune aide gouvernementale octroyée ; que le tribunal de première instance a violé les articles susvisés en méconnaissant la condition d'application de l'article 11 et les textes précités ; et alors de deuxième part, que les juges d'appel ont estimé que les primes prévues par l'accord Micro, soit une prime d'atelier et une prime dite de privilège ne constituaient pas une contrepartie du travail puisque la première correspond à une compensation de sujétions particulières liées à l'activité en atelier et la seconde revêt manifestement les caractères d'une gratification, que ces primes constitueraient des compléments de salaire, versés à une catégorie de salariés définie comme étant le personnel ayant contribué au maintien de la société Micro durant la période de gestion sous contrôle judiciaire ; qu'en méconnaissant la définition du complément de salaire, le tribunal de première instance a violé les articles 1er et 2-1 de la loi n° 739 du 16 mars 1963 définissant les salaires ; et alors enfin que le tribunal de première instance tout en soulignant que l'expert estimait que les 5% monégasques devaient s'appliquer sur le SMIC net, a validé le calcul de ce dernier portant sur le montant brut, que l'article 2,dernier alinéa, de l'arrêté ministériel du 21 mai 1963 stipule que “ cette indemnité ne donnera pas lieu aux versements ou aux retenues prévues au titre de la législation sociale et de la législation sur les accidents du travail et les maladies professionnelles« ; qu'en méconnaissant cette règle, le tribunal de première instance a violé l'article 2 susvisé ;

Mais attendu que la SAM Atoms Monaco n'ayant pas soutenu devant les juges du fond le grief tiré de la violation de l'article 11 de la loi n°739 du 16 mars 1963 et des conditions d'application du principe de parité, le moyen en ses trois branches qui prennent appui sur la violation de ces dispositions, est nouveau, mélangé de fait et de droit et, partant, irrecevable ;

  • Sur le troisième moyen :

Attendu qu'il est reproché au tribunal de première instance de violer l'article 981 du code civil en estimant que le protocole d'accord du 29 juillet 1982 qui rappelle le principe légal de parité des salaires ne subordonne nullement l'octroi des primes dites d'atelier et de privilège à la publication dans le journal officiel de Monaco des grilles de salaires établies par la chambre syndicale patronale des industries métallurgiques électriques et connexes des Alpes Maritimes et de Nice alors qu'il est manifeste que l'octroi de ces deux primes et a fortiori leur évolution, sont conditionnées par la publication des bases de référence, soit les grilles de salaire minima publiées au Journal de Monaco, qu'en modifiant l'assiette de calcul ou de base de référence des primes Micro, le tribunal de première instance a violé le texte susvisé ;

Mais attendu qu'ayant relevé, que le défaut de publication du barème depuis 1998 avait conformément au principe de parité, conduit à la modification des bases de référence et à la substitution du SMIC français désormais plus élevé, que cette substitution n'avait nullement rendu caduc l'accord du 29 juillet 1982 qui stipulait être applicable sans limitation de durée et quels que soient les futurs propriétaires de la société et que de surcroît, l'article 2-1 faisait expressément référence à l'indemnité de 5% monégasque qui en application de l'article 2-2 était donc comprise dans l'assiette de calcul des deux primes, le tribunal a légalement justifié sa décision ;

  • Sur le quatrième moyen :

Attendu que l'employeur fait grief au jugement de violer l'article 8, 7° de la loi n°416 du 7 juin 1945 sur les conventions collectives de travail alors selon le moyen, que les juges d'appel tout en constatant que l'article 19 de la convention collective monégasque des métaux disposait que la prime d'ancienneté est « calculée en fonction du salaire minimum de l'emploi occupé » au taux de 15% après 15 ans d'ancienneté, en ont déduit que le salaire minimum était constitué par le SMIC, qu'à compter de 1998, les grilles de salaire n'ayant plus été publiées, c'était donc ce dernier barème qui devait servir de base de calcul de la prime d'ancienneté, qu'en faisant une fausse application des dispositions conventionnelles monégasques, le tribunal a violé l'article susvisé qui laisse le soin aux partenaires sociaux de fixer les salaires ;

Mais attendu qu'ayant relevé que l'assiette de calcul proposée par l'employeur s'avérait moins favorable et ne saurait en vertu du principe de parité recevoir application, le tribunal a fait une exacte interprétation des dispositions de l'article 19 de la convention collective ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

  • Sur le cinquième moyen pris en ses deux branches :

Attendu que la SAM Atoms Monaco reproche au jugement de violer la loi n° 619 du 26 juillet 1956 fixant le régime des congés payés annuels en ayant indemnisé Mme f. MO. pour des jours de congés d'ancienneté alors selon le moyen, d'une part que les périodes de suspension du contrat de travail légalement assimilées à du travail effectif sont prises en compte afin de déterminer la durée de service ou ancienneté, qu'en aucun cas, il n'est mentionné que ces périodes pourront générer des jours de congés pour ancienneté et que le tribunal a fait une fausse application des articles 5 et 13 de cette loi et alors de deuxième part, qu'il n'a pas été tenu compte des erreurs constatées quant au calcul des salaires et primes lesquelles ne peuvent qu'avoir des incidences sur le calcul de l'indemnité de congés payés ;

Mais attendu qu'ayant relevé d'une part qu'aux termes de l'article 4 de la loi n°619, les salariés ayant 30 ans d'ancienneté bénéficiaient de 6 jours de congés supplémentaires par an et que l'article 5 ne posait aucune restriction pour les périodes pendant lesquelles l'exécution du contrat de travail était suspendue, notamment pour cause de maladie et qu'ayant d'autre part souverainement apprécié la force probante des éléments de preuve ayant servi de base pour déterminer le nombre de jours d'ancienneté bénéficiant à l'employée, le tribunal a fait une exacte application des dispositions légales afférentes aux congés payés ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

  • Sur le sixième moyen :

Attendu que l'employeur fait encore grief au jugement de violer l'article 8,9°bis de la loi n°416 du 7 juin 1945 sur les conventions collectives de travail alors selon le moyen qu'en ne recherchant pas si l'indemnité de congédiement avait été calculée sur la base mensuelle de la rémunération des trois derniers mois de présence de l'employée, le tribunal a fait une fausse application de l'article 8,9°bis qui laisse le soin aux partenaires sociaux de fixer l'assiette de calcul de l'indemnité de congédiement ;

Mais attendu que c'est par une exacte application de l'article susvisé que le tribunal a confirmé le calcul de l'indemnité de congédiement retenu par les premiers juges, en énonçant qu'il prenait en compte les années entières d'ancienneté et non les mois ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

  • Sur le septième moyen :

Attendu qu'il est enfin fait grief au tribunal d'avoir violé l'article 13 de la loi n°729 du 16 mars 1963 alors selon le moyen qu'en confirmant la condamnation prononcée à l'encontre de l'employeur par les premiers juges au titre des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par l'employée à l'occasion de la rupture du contrat de travail après avoir considéré que son licenciement causé par son inaptitude professionnelle n'était nullement abusif, le tribunal a fait une fausse application des dispositions susvisées ;

Mais attendu qu'ayant énoncé que le non-paiement depuis plusieurs années des sommes dues à Mme f. MO., employée pendant 36 ans, âgée de 56 ans et contrainte de faire face à une procédure judiciaire particulièrement longue, caractérisait de la part de la SAM Atoms Monaco une résistance abusive, c'est sans violer les textes susvisés que le tribunal a pu retenir que compte tenu des circonstances de la cause, le montant arbitré par les premiers juges de la réparation du préjudice subi à l'occasion de la rupture du contrat de travail apparaissait parfaitement justifié ;

Que le moyen ne peut être accueilli ;

Et sur la demande de dommages-intérêts de Mme f. MO. :

Attendu que Mme f. MO. sollicite la condamnation de la société Atoms Monaco au paiement d'une somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts en application du deuxième alinéa de l'article 459-4 du code de procédure civile ;

Attendu qu'au regard des éléments ci-dessus énoncés, Mme f. MO. s'est vue contrainte de multiplier les procédures pour faire valoir ses droits et qu'il apparaît que la SAM Atoms Monaco a abusé de son droit de se pourvoir en révision; qu'il y a lieu d'accueillir la demande à hauteur de 5.000 euros ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

- Rejette le pourvoi ;

- Condamne la SAM Atoms Monaco à payer à Mme f. MO. la somme de 5000 euros à titre de dommages -intérêts pour procédure abusive ;

- Condamne la SAM Atoms Monaco à l'amende et aux dépens dont distraction au profit de Maître Christine Pasquier-Ciulla, avocat-défenseur sur sa due affirmation.

Composition🔗

Ainsi jugé le douze juillet deux mille douze, par la Cour de Révision de la Principauté de Monaco, composée de Monsieur Roger BEAUVOIS, Président, Madame Cécile PETIT, conseiller, rapporteur, Monsieur Guy JOLY, conseiller.

Et Monsieur Roger BEAUVOIS, président, a signé avec Madame Béatrice BARDY, greffier en chef, chevalier de l'ordre de Saint-Charles.

Le Greffier en Chef, le Président

  • Consulter le PDF