Cour de révision, 28 mars 2011, L. c/ S.

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Abstract🔗

Instance d'appel

Appel abusif

  • Caractères de l'exercice du recours abusif :

Procédure non fondée sur un élément précis, infondée, téméraire, malveillante

  • Exercice non abusif en l'espèce :

les éléments de fait soumis à l'appréciation des juges étant susceptibles d'avoir une influe sur la solution du litige.

Résumé🔗

Par testament olographe du 6 juillet 1998, Mme V., épouse en secondes noces de M. M. L., a légué l'ensemble de ses biens à M. S. ; que son fils adoptif, M. F. L., a demandé et obtenu l'annulation de ce testament par jugement du tribunal de première instance du 13 janvier 2005 à l'encontre duquel M. S. a formé opposition ; ce dernier a relevé appel du jugement rendu sur opposition et s'est pourvu en révision contre l'arrêt confirmatif rendu le 26 janvier 2010 ; que la Cour de révision a cassé l'arrêt attaqué, mais seulement en ce qu'il a condamné M. S. à payer à M. F. L. la somme de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts pour appel abusif et a renvoyé la cause et les parties à la première session utile de la Cour de révision autrement composée ;

Par conclusions additionnelles du 21 décembre 2010, M. L. demande la condamnation de M. S. à lui payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour appel abusif ; qu'à l'appui de cette demande il soutient que M. S. a adopté un comportement fautif en profitant de la confiance de Mme V., qui se trouvait hors d'état de manifester un consentement éclairé, en se faisant établir par cette dernière un testament et en tentant ainsi de s'accaparer le patrimoine de la succession au préjudice de l'héritier ; que tandis qu'il ne pouvait se méprendre sur l'état de santé de la testatrice, il a produit des certificats médicaux établis par un médecin généraliste et par un stomatologue et a formé plusieurs recours à l'encontre des décisions de justice rendues sans pour autant soulever des moyens pertinents, de sorte que lesdits recours étaient totalement abusifs ;

M. S. réplique, par conclusions additionnelles du 10 décembre 2010, que l'échec des tentatives de faire placer ses parents sous un régime de protection judiciaire a incité M. L. à poursuivre l'annulation du testament litigieux ; que cependant, en l'état du refus du juge tutélaire de considérer que l'état de la testatrice justifiait une mesure de protection judiciaire, le légataire pouvait légitimement douter de l'insanité d'esprit de cette testatrice et ne commettait aucune faute en voulant défendre ses droits ; qu'en conséquence le fait pour lui de persévérer dans la procédure en interjetant appel, quand bien même il devait se révéler que ce recours était voué à l'échec, ne pouvait être considéré comme fautif ; qu'il conclut en conséquence au rejet de la demande en paiement de dommages-intérêts.

L'abus du droit d'exercer un recours en appel est caractérisé lorsque la procédure n'est fondée sur aucun élément précis et qu'elle est particulièrement infondée, téméraire et malveillante ;

Pour s'opposer à la prétention de M L., M. S. invoque essentiellement le refus du juge tutélaire d'instituer une mesure de protection judiciaire en faveur de Mme V. et les deux certificats médicaux produits tendant à établir l'absence d'insanité d'esprit de cette dernière ; qu'en soumettant ainsi aux juges du second degré l'appréciation de l'influence de ces éléments de fait sur la solution du litige, l'appelant ne saurait être considéré comme ayant abusivement exercé la voie de recours qu'il a entreprise ;

En conséquence qu'il convient de rejeter la demande de M. L. en paiement de dommages-intérêts pour appel abusif.


Motifs🔗

Pourvoi N° 2010-44 en session

Après cassation

COUR DE RÉVISION

ARRET DU 28 MARS 2011

En la cause de :

- Monsieur f. LA., né à MONACO le 21 février 1962, demeurant X à MONACO ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

Appelant,

d'une part,

Contre :

- Monsieur n. SO., né le 7 janvier 1952 à GIOIA TAURO (Province de Calabre - Italie), de nationalité italienne, demeurant Strada X, IM (Italie) ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Patricia REY, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par Maître Michel ROVERE, avocat au Barreau de Nice ;

Intimé,

d'autre part,

LA COUR DE RÉVISION,

VU :

  • l'arrêt de la Cour de Révision du 12 octobre 2010, cassant et annulant mais seulement en ce qu'il a condamné M. n. SO. à payer à M. f. LA. la somme de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif, l'arrêt rendu le 26 janvier 2010 entre les parties par la cour d'appel, et renvoyant à la première session utile de la Cour de Révision autrement composée ;

  • les conclusions additionnelles déposées au Greffe Général le 10 décembre 2010, par Maître Patricia REY, avocat-défenseur, au nom de M. n. SO. ;

  • les conclusions après renvoi déposées le 21 décembre 2010, par Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, au nom de M. f. LA. ;

  • le certificat de clôture établi le 7 mars 2011, par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;

  • les conclusions après cassation du ministère public en date du 8 mars 2011 ;

Ensemble le dossier de la procédure,

A l'audience du 22 mars 2011, sur le rapport de Monsieur Charles BADI, conseiller,

Après avoir entendu les conseils des parties ;

Ouï le ministère public ;

La Cour,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu que par testament olographe du 6 juillet 1998, Mme V., épouse en secondes noces de M. Maurice L., a légué l'ensemble de ses biens à M. S. ; que son fils adoptif, M. Frédéric L., a demandé et obtenu l'annulation de ce testament par jugement du tribunal de première instance du 13 janvier 2005 à l'encontre duquel M. S. a formé opposition ; que ce dernier a relevé appel du jugement rendu sur opposition et s'est pourvu en révision contre l'arrêt confirmatif rendu le 26 janvier 2010 ; que la Cour de révision a cassé l'arrêt attaqué, mais seulement en ce qu'il a condamné M. S. à payer à M. Frédéric L. la somme de 8.000 euros à titre de dommages-intérêts pour appel abusif et a renvoyé la cause et les parties à la première session utile de la Cour de révision autrement composée ;

Attendu que par conclusions additionnelles du 21 décembre 2010, M. L. demande la condamnation de M. S. à lui payer la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts pour appel abusif ; qu'à l'appui de cette demande il soutient que M. S. a adopté un comportement fautif en profitant de la confiance de Mme V., qui se trouvait hors d'état de manifester un consentement éclairé, en se faisant établir par cette dernière un testament et en tentant ainsi de s'accaparer le patrimoine de la succession au préjudice de l'héritier ; que tandis qu'il ne pouvait se méprendre sur l'état de santé de la testatrice, il a produit des certificats médicaux établis par un médecin généraliste et par un stomatologue et a formé plusieurs recours à l'encontre des décisions de justice rendues sans pour autant soulever des moyens pertinents, de sorte que lesdits recours étaient totalement abusifs ;

Attendu que M. S. réplique, par conclusions additionnelles du 10 décembre 2010, que l'échec des tentatives de faire placer ses parents sous un régime de protection judiciaire a incité M. L. à poursuivre l'annulation du testament litigieux ; que cependant, en l'état du refus du juge tutélaire de considérer que l'état de la testatrice justifiait une mesure de protection judiciaire, le légataire pouvait légitimement douter de l'insanité d'esprit de cette testatrice et ne commettait aucune faute en voulant défendre ses droits ; qu'en conséquence le fait pour lui de persévérer dans la procédure en interjetant appel, quand bien même il devait se révéler que ce recours était voué à l'échec, ne pouvait être considéré comme fautif ; qu'il conclut en conséquence au rejet de la demande en paiement de dommages-intérêts.

Sur ce :

Attendu que l'abus du droit d'exercer un recours en appel est caractérisé lorsque la procédure n'est fondée sur aucun élément précis et qu'elle est particulièrement infondée, téméraire et malveillante ;

Attendu que pour s'opposer à la prétention de M. L., M. S. invoque essentiellement le refus du juge tutélaire d'instituer une mesure de protection judiciaire en faveur de Mme V. et les deux certificats médicaux produits tendant à établir l'absence d'insanité d'esprit de cette dernière ; qu'en soumettant ainsi aux juges du second degré l'appréciation de l'influence de ces éléments de fait sur la solution du litige, l'appelant ne saurait être considéré comme ayant abusivement exercé la voie de recours qu'il a entreprise ;

Attendu en conséquence qu'il convient de rejeter la demande de M. L. en paiement de dommages-intérêts pour appel abusif ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

- Déboute M. f. LA. de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour appel abusif ;

- Le condamne aux dépens de la présente instance, distraits au profit de maître Patricia Rey, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Composition🔗

Ainsi délibéré et jugé le vingt-huit mars deux mille onze, par la Cour de Révision de la Principauté de Monaco, composée de Madame Cécile PETIT, conseiller faisant fonction de président, Monsieur Charles BADI, conseiller, rapporteur et Monsieur Guy JOLY, conseiller, en présence de Monsieur Jacques RAYBAUD, Procureur général, assistés de Madame Béatrice BARDY, Greffier en chef, chevalier de l'ordre de Saint Charles.-

Le Greffier en Chef, la Présidente,

Note🔗

La Cour de révision avait pour arrêt du 12 octobre 2010 cassé et annulé mais seulement en ce qu'il avait condamné M. S. à payer à M. L. des dommages et intérêts pour appel abusif, l'arrêt rendu le 26 janvier 2010 par la Cour d'appel, en renvoyant l'affaire à la première session utile de la Cour de révision autrement composé. C'est ainsi que statuant sur ce renvoi la Cour de révision a débouté L. de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour appel abusif.

Dans une autre décision rendue le même jour, concernant l'affaire SAM BSJ 1873 International Private Banking contre Société F. Overseas Limited, la Cour de révision a statué dans une cause similaire.

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