Cour de révision, 28 février 2011, SAM Microtechnic c/ Monsieur l. AS.

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Abstract🔗

Contrat de travail - Contrat à durée indéterminée

- Licenciement : fondé sur un motif non valable : suppression d'emploi suivie de la proposition d'un nouvel emploi, refusée

1- les déclarations faites devant la commission de licenciement n'ont point la valeur d'une convention

2- l'acte frauduleux commis par l'employé après son licenciement est inopérant quant au motif de celui-ci

3- il n'est pas démontré que la suppression de poste de l'intéressé tiendrait à son comportement fautif

4- les décisions de la commission de licenciement quant à la détermination de la validité du licenciement ne préjudicient pas au recours des parties devant la juridiction du travail qui conserve la plénitude de son pouvoir d'appréciation

5- le péril invoqué par l'employeur quant au déroulement de la mission de l'employé n'est point caractérisé.

Résumé🔗

Selon l'arrêt attaqué, M. A. a été embauché en 1994 par la société Microtechnic, selon contrat à durée indéterminée ; qu'il a accédé en 2004 à une fonction de cadre, comme chef de mission pour la réalisation d'un projet en Tunisie ; qu'il a été élu délégué du personnel suppléant en janvier 2005 ; qu'à la suite d'un différend de ce salarié avec la direction de l'entreprise sur un déplacement en Tunisie, en novembre 2004, la société Microtechnic a décidé de supprimer le poste qu'il occupait et de le licencier pour suppression d'emploi ; que le 1er mars 2005 la commission de licenciement a refusé d'autoriser ce licenciement ; que la société Microtechnic a alors proposé à M. A., une fonction de chef d'équipe avec maintien de sa rémunération ; que ce dernier ayant refusé cette offre la commission de licenciement a, le 21 mars 2005, autorisé le licenciement ; que le 22 mars la société Microtechnic a notifié à l'employé son licenciement pour refus de prendre le poste qui lui avait été désigné suite à la suppression de son poste antérieur malgré le maintien de sa rémunération ; que sur assignation de M. A. le tribunal du travail a, par jugement du 7 février 2008, dit que le licenciement n'était pas fondé sur un motif valable, qu'il revêtait un caractère abusif et a condamné la société Microtechnic à verser au demandeur une indemnité de licenciement ainsi que des dommages et intérêts ; que cette société ayant interjeté appel le tribunal de première instance a confirmé en toutes ses dispositions la décision des premiers juges ;

Sur le premier moyen :

La société Microtechnic fait grief au jugement de violer l'article 989 du Code civil aux termes duquel, selon le moyen, « les engagements pris doivent être tenus et exécutés de bonne foi », en faisant abstraction des déclarations de M. A. devant la commission de licenciement le 1er mars 2005 selon lesquelles il était prêt à effectuer toute mission que lui confierait la société Microtechnic en suite de la disparition des tâches liées au poste de chargé de mission qui lui avait été confié ;

Mais le tribunal n'était pas tenu d'attacher les effets d'une convention à des déclarations qui auraient été prononcées devant une commission qui ne les a pas actées, non plus que l'accord de l'autre partie ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Il est reproché au tribunal de première instance d'avoir octroyé au salarié une indemnité de licenciement au motif que celui-ci n'avait pas été notifié pour un motif valable alors, selon le moyen, que ce faisant la juridiction d'une part, a autorisé implicitement le salarié à s'immiscer dans le pouvoir de direction qui n'appartient qu'à l'employeur et a par la même cautionné l'insubordination du salarié, d'autre part, a occulté la faute grave constituée par le vol commis par le salarié au préjudice de son employeur, pendant la durée de son contrat de travail, faute justifiant un licenciement, celui-ci fut-il notifié antérieurement à la commission de la faute, par application du principe selon lequel « la fraude corrompt tout » ; qu'en statuant comme il a fait le jugement a violé l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968 et l'adage précité ;

Mais, d'une part, la société Microtechnic n'ayant pas soutenu devant le tribunal le grief selon lequel l'octroi d'une indemnité de licenciement autoriserait le salarié à s'immiscer dans le pouvoir de la direction et cautionnerait l'insubordination, le moyen est de ce chef nouveau, mélangé de fait et de droit et, partant, irrecevable ;

D'autre part, que le tribunal a relevé à bon droit que le vol éventuellement commis par le salarié dans la nuit du 30 avril au 1er mai 2005 étant postérieur au licenciement cet élément était inopérant quant au motif de cette mesure ;

D'où il suit que pour partie irrecevable le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le troisième moyen :

La société Microtechnic fait grief au tribunal d'avoir violé l'article 6 de la loi n° 629 du 17 juillet 1957, modifié, en jugeant que cette société avait commis un abus dans le principe de la rupture du contrat de travail, alors, selon le moyen, que M. A. a été licencié en raison de son refus d'accepter d'occuper un poste dans l'entreprise après que la fonction dont il avait la charge a été supprimée et qu'il a été désigné par application de l'article 6 susvisé ;

Mais ayant retenu que l'exercice du poste proposé à M. A. constituait une modification substantielle par rapport au poste de chargé de mission qui était auparavant le sien et constaté qu'il n'était pas démontré que la nécessité de supprimer le poste de l'intéressé tiendrait à son comportement fautif et que le péril pour l'entreprise, invoqué par l'employeur, n'était pas caractérisé, le tribunal a légalement justifié sa décision sans violer l'article visé au moyen ;

Sur le quatrième moyen :

Il est reproché au tribunal d'avoir statué comme il a fait, alors, selon le moyen, qu'en faisant abstraction de la décision de la commission de licenciement autorisant le licenciement du salarié le jugement a violé le principe de la séparation des fonctions entre l'ordre administratif et judiciaire et la jurisprudence du Tribunal suprême consacrée par une décision rendue le 13 juin 2006 ;

Mais le tribunal de première instance qui a constaté que les premiers juges avaient bien pris en compte le fait que le licenciement de M. A. délégué du personnel, avait reçu l'assentiment de la commission de licenciement, a retenu à bon droit, sans avoir à se conformer à une décision du Tribunal suprême intervenue dans une instance distincte, que la juridiction du travail conservait la plénitude de son pouvoir d'appréciation dans la détermination de la validité du licenciement, les décisions de la commission ne préjudiciant pas au recours que les parties peuvent introduire auprès des juridictions compétentes ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le cinquième moyen :

Il est fait grief au tribunal d'avoir statué comme il a fait, alors, selon le moyen, qu'en jugeant à la fois que le salarié avait adopté une attitude incompréhensible, maladroite et péremptoire après avoir relevé que la mission à lui confiée par l'employeur revêtait un caractère capital pour l'entreprise et que le licenciement n'avait pas été prononcé pour un motif valable, le tribunal n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi l'article 199 du Code de procédure civile ;

Mais ayant seulement relevé que si le salarié avait exposé son point de vue maladroitement et péremptoirement il avait néanmoins indiqué qu'il se plierait à toute directive qui lui serait donnée et que le péril invoqué par l'employeur quant à la suite du déroulement de la mission n'était pas caractérisé, le moyen manque en fait.


Motifs🔗

Pourvoi N°2010-81 Hors Session

TT

COUR DE REVISION

ARRET DU 28 FEVRIER 2011

En la cause de :

- La société anonyme monégasque dénommée MICROTECHNIC, dont le siège social est sis 2, rue du Gabian, à Monaco, agissant poursuites et diligences de son président délégué en exercice, M. m. BE., demeurant ès-qualités audit siège ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la cour d'appel et ayant comme avocat plaidant Maître Elie COHEN, avocat au barreau de Nice ;

Demanderesse en révision,

d'une part,

Contre :

- Monsieur l. AS., demeurant Résidence « Les X », X à Nice (06300) ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur près la cour d'appel et ayant comme avocat plaidant Maître Danièle RIEU, avocat au barreau de Nice ;

Défendeur en révision,

d'autre part,

LA COUR DE REVISION,

Statuant hors session et uniquement sur pièces, en application des dispositions des articles 66, alinéa 2 et 67, alinéa 2 de la loi n° 446 du 16 mai 1946 et 458, 459 et 459-4 du Code de procédure civile ;

VU :

- Le jugement du Tribunal de première instance, statuant comme juridiction d'appel du tribunal du travail, en date du 13 juillet 2010 ;

- la déclaration de pourvoi souscrite au greffe général, le 24 septembre 2010, par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de la société anonyme monégasque dénommée MICROTECHNIC ;

- la requête déposée le 22 octobre 2010 au greffe général, par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de la société anonyme monégasque dénommée MICROTECHNIC, accompagnée de 64 pièces, signifiée le même jour ;

- la contre-requête déposée le 22 novembre 2010 au greffe général, par Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur, au nom de M. l. AS., accompagnée de 5 pièces signifiée le même jour ;

- le certificat de clôture établi le 7 janvier 2011, par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;

- les conclusions du ministère public en date du 11 janvier 2011 ;

Ensemble le dossier de la procédure,

A l'audience du 10 février 2011, sur le rapport de Monsieur Roger BEAUVOIS, vice-président,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu, selon l'arrêt attaqué, M. A., a été embauché en 1994 par la société Microtechnic, selon contrat à durée indéterminée ; qu'il a accédé en 2004 à une fonction de cadre, comme chef de mission pour la réalisation d'un projet en Tunisie ; qu'il a été élu délégué du personnel suppléant en janvier 2005 ; qu'à la suite d'un différend de ce salarié avec la direction de l'entreprise sur un déplacement en Tunisie, en novembre 2004, la société Microtechnic a décidé de supprimer le poste qu'il occupait et de le licencier pour suppression d'emploi ; que le 1er mars 2005 la commission de licenciement a refusé d'autoriser ce licenciement ; que la société Microtechnic a alors proposé à M. A., une fonction de chef d'équipe avec maintien de sa rémunération ; que ce dernier ayant refusé cette offre la commission de licenciement a, le 21 mars 2005, autorisé le licenciement ; que le 22 mars la société Microtechnic a notifié à l'employé son licenciement pour refus de prendre le poste qui lui avait été désigné suite à la suppression de son poste antérieur malgré le maintien de sa rémunération ; que sur assignation de M. A. le tribunal du travail a, par jugement du 7 février 2008, dit que le licenciement n'était pas fondé sur un motif valable, qu'il revêtait un caractère abusif et a condamné la société Microtechnic à verser au demandeur une indemnité de licenciement ainsi que des dommages et intérêts ; que cette société ayant interjeté appel le tribunal de première instance a confirmé en toutes ses dispositions la décision des premiers juges ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Microtechnic fait grief au jugement de violer l'article 989 du Code civil aux termes duquel, selon le moyen, « les engagements pris doivent être tenus et exécutés de bonne foi », en faisant abstraction des déclarations de M. A. devant la commission de licenciement le 1er mars 2005 selon lesquelles il était prêt à effectuer toute mission que lui confierait la société Microtechnic en suite de la disparition des tâches liées au poste de chargé de mission qui lui avait été confié ;

Mais attendu que le tribunal n'était pas tenu d'attacher les effets d'une convention à des déclarations qui auraient été prononcées devant une commission qui ne les a pas actées, non plus que l'accord de l'autre partie ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu qu'il est reproché au tribunal de première instance d'avoir octroyé au salarié une indemnité de licenciement au motif que celui-ci n'avait pas été notifié pour un motif valable alors, selon le moyen, que ce faisant la juridiction d'une part, a autorisé implicitement le salarié à s'immiscer dans le pouvoir de direction qui n'appartient qu'à l'employeur et a par la même cautionné l'insubordination du salarié, d'autre part, a occulté la faute grave constituée par le vol commis par le salarié au préjudice de son employeur, pendant la durée de son contrat de travail, faute justifiant un licenciement, celui-ci fut-il notifié antérieurement à la commission de la faute, par application du principe selon lequel « la fraude corrompt tout » ; qu'en statuant comme il a fait le jugement a violé l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968 et l'adage précité ;

Mais attendu, d'une part, que la société Microtechnic n'ayant pas soutenu devant le tribunal le grief selon lequel l'octroi d'une indemnité de licenciement autoriserait le salarié à s'immiscer dans le pouvoir de la direction et cautionnerait l'insubordination, le moyen est de ce chef nouveau, mélangé de fait et de droit et, partant, irrecevable ;

Attendu, d'autre part, que le tribunal a relevé à bon droit que le vol éventuellement commis par le salarié dans la nuit du 30 avril au 1er mai 2005 étant postérieur au licenciement cet élément était inopérant quant au motif de cette mesure ;

D'où il suit que pour partie irrecevable le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la société Microtechnic fait grief au tribunal d'avoir violé l'article 6 de la loi n° 629 du 17 juillet 1957, modifié, en jugeant que cette société avait commis un abus dans le principe de la rupture du contrat de travail, alors, selon le moyen, que M. A. a été licencié en raison de son refus d'accepter d'occuper un poste dans l'entreprise après que la fonction dont il avait la charge a été supprimée et qu'il a été désigné par application de l'article 6 susvisé ;

Mais attendu qu'ayant retenu que l'exercice du poste proposé à M. A. constituait une modification substantielle par rapport au poste de chargé de mission qui était auparavant le sien et constaté qu'il n'était pas démontré que la nécessité de supprimer le poste de l'intéressé tiendrait à son comportement fautif et que le péril pour l'entreprise, invoqué par l'employeur, n'était pas caractérisé, le tribunal a légalement justifié sa décision sans violer l'article visé au moyen ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu qu'il est reproché au tribunal d'avoir statué comme il a fait, alors, selon le moyen, qu'en faisant abstraction de la décision de la commission de licenciement autorisant le licenciement du salarié le jugement a violé le principe de la séparation des fonctions entre l'ordre administratif et judiciaire et la jurisprudence du Tribunal suprême consacrée par une décision rendue le 13 juin 2006 ;

Mais attendu que le tribunal de première instance qui a constaté que les premiers juges avaient bien pris en compte le fait que le licenciement de M. A., délégué du personnel, avait reçu l'assentiment de la commission de licenciement, a retenu à bon droit, sans avoir à se conformer à une décision du Tribunal suprême intervenue dans une instance distincte, que la juridiction du travail conservait la plénitude de son pouvoir d'appréciation dans la détermination de la validité du licenciement, les décisions de la commission ne préjudiciant pas au recours que les parties peuvent introduire auprès des juridictions compétentes ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le cinquième moyen :

Attendu qu'il est fait grief au tribunal d'avoir statué comme il a fait, alors, selon le moyen, qu'en jugeant à la fois que le salarié avait adopté une attitude incompréhensible, maladroite et péremptoire après avoir relevé que la mission à lui confiée par l'employeur revêtait un caractère capital pour l'entreprise et que le licenciement n'avait pas été prononcé pour un motif valable, le tribunal n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi l'article 199 du Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant seulement relevé que si le salarié avait exposé son point de vue maladroitement et péremptoirement il avait néanmoins indiqué qu'il se plierait à toute directive qui lui serait donnée et que le péril invoqué par l'employeur quant à la suite du déroulement de la mission n'était pas caractérisé, le moyen manque en fait ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

– Rejette le pourvoi ;

– Condamne la société Microtechnic à une amende de 300 euros et aux dépens dont distraction au profit de Maître Richard Mullot, avocat défenseur, sous sa due affirmation.

Composition🔗

MM. APOLLIS prem.prés, BEAUVOIS v-pres,rap. BADI cons - Mme BARDY gref. en chef - Mes. PASTOR-BENSA, MULLOT av. def, Cohen, Rieu av.bar. de Nice.

Note🔗

NOTE : Cet arrêt rejette le pourvoi formé contre le jugement du Tribunal de première Instance, statuant comme juridiction d'appel du Tribunal du travail, en date du 13 juillet 2010.

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