Cour de révision, 17 juin 2010, M. c/ N.

  • Consulter le PDF

Abstract🔗

Appel des jugements civils

Jugement avant dire droit - Irrecevabilité de l'appel - Non déclaration d'appel après le jugement sur le fond et conjointement à celui-ci (article 423 alinéa 3 du Code de procédure civile) - Divorce - Griefs partagés - Réciprocité des injures graves rendant intolérable le maintien du lien conjugal (article 1971 du Code civil)

Résumé🔗

Selon l'arrêt attaqué, Mme M., de nationalité française, a épousé le 23 juillet 1977 M. N. de nationalité néerlandaise à Opio (Alpes Maritimes) ; que le 9 juillet 2003, M. N. ayant saisi le président du Tribunal de première instance de Monaco d'une requête en divorce, Mme M. a décliné la compétence de cette juridiction sur le fondement de l'article 4 du Code de procédure civile, que par jugement avant dire droit du 27 mai 2004, le Tribunal de première instance a rejeté l'exception d'incompétence et que, par arrêt du 11 janvier 2005, la Cour d'appel a déclaré irrecevable le recours de Mme M. à l'encontre de cette décision qui n'avait pas mis fin à l'instance, que par jugement du 18 janvier 2007, le tribunal a prononcé le divorce des époux à leurs torts et griefs réciproques et que par arrêt du 15 décembre 2009, la Cour d'appel, après avoir ordonné la réouverture des débats à l'effet de recueillir les observations des parties sur la recevabilité de l'exception d'incompétence de la juridiction monégasque au regard des dispositions de l'article 423, alinéa 3 du Code de procédure civile invoquée par Mme M., l'a déclarée irrecevable, faute d'avoir conjointement relevé appel du jugement du 27 mai 2004 avec l'appel formalisé à l'encontre du jugement sur le fond et a confirmé en toutes ses dispositions le jugement prononçant le divorce ;

Sur le premier moyen pris en ses quatre branches

Mme M. fait grief a l'arrêt de la déclarer irrecevable à contester la compétence des juridictions monégasques alors, selon le moyen ;

1°/ que l'article 423, alinéa 3 du Code de procédure civile dispose que les jugements qui ne tranchent pas tout le principal ou n'ordonnent pas une mesure d'instruction ou une mesure provisoire, de même que les décisions qui ne statuent pas sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou un incident mettant fin à l'instance, ne peuvent être frappées d'appel qu'après le jugement sur le fond et conjointement à celui-ci, que le terme « conjointement » n'a jamais été interprété comme impliquant la nécessité de régulariser deux exploits d'appel distincts dont le premier porterait sur le fond et le second sur les dispositions relatives à la compétence, qu'ayant interjeté appel du jugement par exploit du 23 avril 2007 dans lequel elle sollicitait de voir réformer la décision entreprise dans son intégralité, cet appel impliquait également l'exception d'incompétence soulevée en première instance, les deux décisions formant un tout indivisible et qu'ainsi, la Cour d'appel a violé par fausse interprétation l'article 423 susvisé ;

2°/ que la Cour d'appel a d'office, sans que M. N. ne l'y ait invitée, ordonné la réouverture des débats à l'effet de permettre aux parties de conclure sur « l'absence d'appel au regard des dispositions de l'article 423, alinéa 3 du Code de procédure civile » ;

3°/ que M. N. n'a en aucun cas soulevé l'irrecevabilité du moyen tendant à contester la compétence des juridictions monégasques ;

4°/ qu'enfin, s'agissant d'un défendeur domicilié à l'étranger, comme c'est le cas en l'espèce, les tribunaux de la Principauté ne peuvent déroger aux règles du Code de procédure civile constitutives de règles de droit international permettant une répartition de compétence entre les juridictions monégasques et les tribunaux d'un ordre juridictionnel étranger ;

Mais l'article 423, alinéa 3 du Code de procédure civile impose de déclarer l'appel des jugements n'ayant pas mis fin à l'instance qu'après le jugement sur le fond et conjointement avec l'appel de celui-ci, ce qui s'entend du même acte ou de deux actes du même jour ;

Ainsi, c'est par une exacte interprétation de l'article susvisé que la Cour d'appel qui avait toute faculté d'ordonner une réouverture des débats, constatant qu'aucun acte d'appel du jugement avant dire droit n'avait été formalisé, a retenu que faute d'avoir frappé d'appel le jugement de rejet du déclinatoire de compétence en date du 27 mai 2004 conjointement avec l'appel du jugement sur le fond, Mme M. devait être déclarée irrecevable en son moyen tendant à contester la compétence des juridictions monégasques ; que M. N. s'étant opposé à l'exception d'incompétence, le moyen manque en fait de ce chef et alors enfin que, la Cour d'appel ayant déclaré l'appel relatif à l'exception d'incompétence irrecevable, n'avait pas à examiner le litige au regard de la répartition des compétences entre les juridictions monégasques et étrangères.

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le second moyen

Mme M. fait encore grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement ayant prononcé le divorce des époux à leurs torts partagés alors que, tans les juges de première instance que la Cour d'appel qui ont relevé des faits constituant des injures graves commis par M. N., rendant intolérables le maintien du lien conjugal et la vie commune, n'ont pas cherché, ainsi qu'elle les y invitait dans ses conclusions, si le comportement fautif du mari n'était pas de nature à excuser les torts de l'épouse ;

Mais après avoir analysé les griefs formulés par chacun des époux ainsi que les événements de preuve versés aux débats, l'arrêt qui énonce que Mme M. qui avait toujours passé outre le comportement de son époux, a brusquement signifié clairement sa volonté unilatérale ferme et définitive de rompre tous les liens du mariage sans nulle tentative de réconciliation malgré l'offre faite par son époux alors repentant, tous éléments de nature à constituer également une injure grave au sens de l'article 197-1 du Code civil rendant intolérable le maintien du lien conjugal et de la vie commune, a répondu aux conclusions invoquées.

Ainsi, le moyen manque en fait.


Motifs🔗

(en matière civile)

La Cour,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme M., de nationalité française, a épousé le 23 juillet 1977 M. N., de nationalité néerlandaise à OPIO (Alpes-Maritimes) ; que le 9 juillet 2003, M. N. ayant saisi le président du Tribunal de première instance de Monaco d'une requête en divorce, Mme M. a décliné la compétence de cette juridiction sur le fondement de l'article 4 du Code de procédure civile ; que par jugement avant dire droit du 27 mai 2004, le Tribunal de première instance a rejeté l'exception d'incompétence et que, par arrêt du 11 janvier 2005, la Cour d'appel a déclaré irrecevable le recours de Mme M. à l'encontre de cette décision qui n'avait pas mis fin à l'instance ; que par jugement du 18 janvier 2007, le Tribunal a prononcé le divorce des époux à leurs torts et griefs réciproques et que par arrêt du 15 décembre 2009, la Cour d'appel, après avoir ordonné la réouverture des débats à l'effet de recueillir les observations des parties sur la recevabilité de l'exception d'incompétence de la juridiction monégasque au regard des dispositions de l'article 423, alinéa 3 du Code du procédure civile invoquée par Mme M., l'a déclarée irrecevable, faute d'avoir conjointement relevé appel du jugement du 27 mai 2004 avec l'appel formalisé à l'encontre du jugement sur le fond et a confirmé en toutes ses dispositions le jugement prononçant le divorce ;

Sur le premier moyen pris en ses quatre branches :

Attendu que Mme M. fait grief a l'arrêt de la déclarer irrecevable à contester la compétence des juridictions monégasques alors, selon le moyen :

1°/ que l'article 423, alinéa 3 du Code de procédure civile dispose que les jugements qui ne tranchent pas tout le principal ou n'ordonnent pas une mesure d'instruction ou une mesure provisoire, de même que les décisions qui ne statuent pas sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou un incident mettant fin à l'instance, ne peuvent être frappées d'appel qu'après le jugement sur le fond et conjointement à celui-ci, que le terme « conjointement » n'a jamais été interprété comme impliquant la nécessité de régulariser deux exploits d'appel distincts dont le premier porterait sur le fond et le second sur les dispositions relatives à la compétence, qu'ayant interjeté appel du jugement par exploit du 23 avril 2007 dans lequel elle sollicitait de voir réformer la décision entreprise dans son intégralité, cet appel impliquait également l'exception d'incompétence soulevée en première instance, les deux décisions formant un tout indivisible et qu'ainsi, la Cour d'appel a violé par fausse interprétation l'article 423 susvisé ;

2°/ que la Cour d'appel a d'office, sans que M. N. ne l'y ait invitée, ordonné la réouverture des débats à l'effet de permettre aux parties de conclure sur « l'absence d'appel au regard des dispositions de l'article 423, alinéa 3 du Code de procédure civile » ;

3°/ que M. N. n'a en aucun cas soulevé l'irrecevabilité du moyen tendant à contester la compétence des juridictions monégasques ;

4°/ qu'enfin, s'agissant d'un défendeur domicilié à l'étranger, comme c'est le cas en l'espèce, les tribunaux de la Principauté ne peuvent déroger aux règles du Code de procédure civile constitutives de règles de droit international permettant une répartition de compétence entre les juridictions monégasques et les tribunaux d'un ordre juridictionnel étranger ;

Mais attendu que l'article 423, alinéa 3 du Code de procédure civile impose de déclarer l'appel des jugements n'ayant pas mis fin à l'instance qu'après le jugement sur le fond et conjointement avec l'appel de celui-ci, ce qui s'entend du même acte ou de deux actes du même jour ;

Qu'ainsi, c'est par une exacte interprétation de l'article susvisé que la Cour d'appel qui avait toute faculté d'ordonner une réouverture des débats, constatant qu'aucun acte d'appel du jugement avant dire droit n'avait été formalisé, a retenu que faute d'avoir frappé d'appel le jugement de rejet du déclinatoire de compétence en date du 27 mai 2004 conjointement avec l'appel du jugement sur le fond, Mme M. devait être déclarée irrecevable en son moyen tendant à contester la compétence des juridictions monégasques ; que M. N. s'étant opposé à l'exception d'incompétence, le moyen manque en fait de ce chef et alors enfin que, la Cour d'appel ayant déclaré l'appel relatif à l'exception d'incompétence irrecevable, n'avait pas à examiner le litige au regard de la répartition des compétences entre les juridictions monégasques et étrangères ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le second moyen :

Attendu que Mme M. fait encore grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement ayant prononcé le divorce des époux à leurs torts partagés alors que, tant les juges de première instance que la Cour d'appel qui ont relevé des faits constituant des injures graves commis par M. N., rendant intolérables le maintien du lien conjugal et la vie commune, n'ont pas cherché, ainsi qu'elle les y invitait dans ses conclusions, si le comportement fautif du mari n'était pas de nature à excuser les torts de l'épouse ;

Mais attendu qu'après avoir analysé les griefs formulés par chacun des époux ainsi que les éléments de preuve versés aux débats, l'arrêt qui énonce que Mme M. qui avait toujours passé outre le comportement vexatoire de son époux, a brusquement signifié clairement sa volonté unilatérale ferme et définitive de rompre tous les liens du mariage sans nulle tentative de réconciliation malgré l'offre faite par son époux alors repentant, tous éléments de nature à constituer également une injure grave au sens de l'article 197-1 du Code civil rendant intolérable le maintien du lien conjugal et de la vie commune, a répondu aux conclusions invoquées ;

Qu'ainsi, le moyen manque en fait ;

Sur la demande de dommages-intérêts de M. N. :

Attendu que M. N. demande que Mme M. soit condamnée à lui payer l'indemnité maximale prévue par l'article 459-4 du Code de procédure civile, outre 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour pourvoi abusif ;

Attendu que compte tenu des circonstances de l'affaire, il n'y a pas lieu d'accueillir cette demande ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

– Rejette le pourvoi,

– Condamne Mme M. à l'amende et aux dépens dont distraction au profit de Maître GAZO sous sa due affirmation ;

– Déboute M. N. de sa demande de dommages-intérêts.

Composition🔗

MM. Roger BEAUVOIS, Vice-Président, José CHEVREAU, Conseiller ; Mme Cécile PETIT, Conseiller Rapporteur ; Mme Béatrice BARDY, Greffier en Chef ; Mes Franck MICHEL et Géraldine GAZO, Avocats Défenseurs.

Note🔗

Cet arrêt rejette le pourvoi formé contre l'arrêt de la Cour d'appel rendu le 15 décembre 2009.

  • Consulter le PDF