Cour de révision, 17 juin 2010, A. c/ P. en présence du Ministère Public

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Abstract🔗

Abus de confiance

Plainte avec constitution de partie civile, déposée par l'épouse contre son mari, auquel elle reproche de s'être fait consentir par la société dont ils étaient tous deux associés un bail à titre gratuit

Délit non caractérisé

L'abus de confiance ne pouvant porter que sur les biens énumérés à l'article 337 du Code pénal ce qui n'est pas le cas, indépendamment de l'immunité familiale

Résumé🔗

Selon l'arrêt critiqué, Mme A. et M. P., actuellement en instance de divorce, avaient constitué une société civile immobilière dont ils étaient les deux associés et qui a acquis un bien immobilier destiné à être la résidence secondaire du couple ; reprochant à son mari de s'être fait consentir par la société un bail à titre gratuit dans cette résidence au lieu de la louer, ce qui aurait généré des revenus pour cette société, Mme A., agissant ès-qualités d'administrateur de ladite société, a déposé une plainte avec constitution de partie civile contre lui du chef d'abus de confiance ; le juge d'instruction a rendu une ordonnance de non-lieu, qui a été confirmée par l'arrêt attaqué ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches

M. A. reproche à la Chambre du conseil de la Cour d'appel d'avoir violé l'article 337 du Code pénal, de n'avoir pas donné de base légale à sa décision au regard de ce texte et de n'avoir pas répondu à ses conclusions, en disant n'y avoir lieu à suivre contre M. P. du chef d'abus de confiance au motif que celui-ci avait qualité pour signer le bail et qu'il s'agissait dès lors d'un litige civil non susceptible de caractériser le délit d'abus de confiance, alors, selon le pourvoi, d'une part que ce n'est pas la qualité de M. P. à conclure un bail qui était contestée par la partie civile, mais le fait par celui-ci de s'être attribué, au moyen de ce bail, la jouissance à titre gratuit de la villa, propriété et seul actif de la société, lésant ainsi les intérêts de cette dernière en créant son déficit ou contribuant à ce déficit, et alors, d'autre part que la seule référence à l'article 337 du Code pénal pour en déduire que le délit de confiance n'était pas établi à l'encontre de M. P. ne constitue qu'un simulacre de motivation par l'affirmation quel es faits reprochés à cet inculpé n'étaient pas établis, sans préciser en quoi ce délit n'était pas constitué au regard de ses éléments constitutifs ;

Mais abstraction faite du motif erroné critiqué dans le moyen, la Chambre du conseil de la Cour d'appel a légalement justifié sa décision en retenant, par adoption d'un motif non contraire du juge d'instruction, que l'abus de confiance ne pouvait porter que sur des biens énumérés à l'article 337 du Code pénal, que le moyen ne peut être accueilli.

Sur le second moyen, pris en ses deux branches

Mme A. fait encore grief à la Chambre du conseil d'avoir violé les articles 310 et 337 du Code pénal et l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme en statuant comme elle a fait au motif que le délit d'abus de confiance entre dans la catégorie des infractions constituant une infraction au sens de l'article 310 du Code pénal ne peut utilement être invoquée dès lors que l'administrateur d'une société constituée entre époux commet le détournement au préjudice de la personne morale, celle-ci faisant écran entre les époux, et alors d'autre part que l'immunité familiale ne peut être étendu au délit d'abus de confiance sans qu'il y ait violation du principe d'interprétation stricte de la loi pénale qui trouve sa source dans le principe de la légalité des peines ;

Mais l'arrêt retenant à bon droit que le délit d'abus de confiance n'est pas caractérisé en l'espèce, les griefs du moyen sont inopérants ;


Motifs🔗

(Instruction)

La Cour,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu, selon l'arrêt critiqué, Mme A. et M. P., actuellement en instance de divorce, avaient constitué une société civile immobilière dont ils étaient les deux associés et qui a acquis un bien immobilier destiné à être la résidence secondaire du couple ; que, reprochant à son mari de s'être fait consentir par la société un bail à titre gratuit dans cette résidence au lieu de la louer, ce qui aurait généré des revenus pour cette société, Mme A., agissant ès-qualités d'administrateur de ladite société, a déposé une plainte avec constitution de partie civile contre lui du chef d'abus de confiance ; que le juge d'instruction a rendu une ordonnance de non-lieu, qui a été confirmée par l'arrêt attaqué ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que Mme A. reproche à la Chambre du conseil de la Cour d'appel d'avoir violé l'article 337 du Code pénal, de n'avoir pas donné de base légale à sa décision au regard de ce texte et de n'avoir pas répondu à ses conclusions, en disant n'y avoir lieu à suivre contre M. P. du chef d'abus de confiance au motif que celui-ci avait qualité pour signer le bail et qu'il s'agissait dès lors d'un litige civil non susceptible de caractériser le délit d'abus de confiance, alors, selon le pourvoi, d'une part que ce n'est pas la qualité de M. P. à conclure un bail qui était contestée par la partie civile, mais le fait par celui-ci de s'être attribué, au moyen de ce bail, la jouissance à titre gratuit de la villa, propriété et seul actif de la société, lésant ainsi les intérêts de cette dernière en créant son déficit ou contribuant à ce déficit, et alors, d'autre part que la seule référence à l'article 337 du Code pénal pour en déduire que le délit de confiance n'était pas établi à l'encontre de M. P. ne constitue qu'un simulacre de motivation par l'affirmation que les faits reprochés à cet inculpé n'étaient pas établis, sans préciser en quoi ce délit n'était pas constitué au regard de ses éléments constitutifs ;

Mais attendu qu'abstraction faite du motif erroné critiqué dans le moyen, la Chambre du conseil de la Cour d'appel a légalement justifié sa décision en retenant, par adoption d'un motif non contraire du juge d'instruction, que l'abus de confiance ne pouvait porter que sur des biens énumérés à l'article 337 du Code pénal : que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le second moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que Mme A. fait encore grief à la Chambre du conseil d'avoir violé les articles 310 et 337 du Code pénal et l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme en statuant comme elle a fait au motif que le délit d'abus de confiance entre dans la catégorie des infractions constituant une infraction au sens de l'article 310 du Code pénal et bénéficie de l'immunité familiale prévue par ce texte, alors, selon le pourvoi d'une part que l'immunité résultant de l'article 310 du Code pénal ne peut utilement être invoquée dès lors que l'administrateur d'une société constituée entre époux commet le détournement au préjudice de la personne morale, celle-ci faisant écran entre les époux, et alors d'autre part que l'immunité familiale ne peut être étendue au délit d'abus de confiance sans qu'il y ait violation du principe d'interprétation stricte de la loi pénale qui trouve sa source dans le principe de la légalité des peines ;

Mais attendu que l'arrêt retenant à bon droit que le délit d'abus de confiance n'est pas caractérisé en l'espèce, les griefs du moyen sont inopérants ;

Sur l'amende prévue à l'article 502 du Code de procédure pénale ;

Attendu que la condamnation systématique à une amende de la partie qui succombe dans son pourvoi sanctionnant de fait, même indirectement, l'exercice du pourvoi en révision, ne s'accorde pas avec les exigences de l'article 35, § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Attendu toutefois qu'eu égard aux circonstances de la cause, il y a lieu de prononcer une condamnation au paiement d'une amende.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

– Rejette le pourvoi ;

– Condamne Mme D. A. aux dépens et à l'amende.

Composition🔗

M. Jean APOLLIS, Premier-Président ; M. Jean-Pierre DUMAS Conseiller Rapporteur ; José CHEVREAU, Conseiller ; Mme Béatrice BARDY, Greffier en Chef.

Note🔗

Cet arrêt rejette le pourvoi formé contre l'arrêt rendu par la Chambre du conseil de la Cour d'appel statuant comme juridiction d'instruction, le 13 janvier 2010.

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