Cour de révision, 11 février 2010, La société anonyme monégasque Société des Bains de Mer et du Cercle des Étrangers (S.B.M.) c/ Monsieur p. PR.

  • Consulter le PDF

Abstract🔗

SBM - Agrément administratif - Retrait - Conséquence - Contrat de travail - Rupture - Condamnation pénale - Force majeure (non) - Licenciement - Moyen contradictoire - Irrecevabilité

Résumé🔗

La S.B.M. fait grief au jugement de dire que le retrait par le Ministre d'État de la décision de retrait d'agrément a eu pour conséquence d'anéantir tous les effets de cet acte administratif, parmi lesquels la résiliation du contrat de travail et que les parties se sont dès lors trouvées rétablies dans la situation juridique qui était la leur immédiatement avant l'acte rapporté, alors, selon le moyen, en premier lieu, « que la rupture du contrat de travail fondée sur le retrait d'agrément du gouvernement nécessaire à l'exercice des fonctions du salarié, consécutif à une condamnation pénale, constitue un licenciement pour un motif inhérent à la personne du salarié et non un cas de force majeure, si bien qu'en retenant que la rupture du contrat de travail de M. p. PR. ne pouvait être assimilée à un licenciement de sorte que l'employeur ne pouvait se prévaloir du vol dont s'était rendu coupable p. PR. et de la condamnation correctionnelle subséquente, le tribunal a violé l'article 6 de la loi n° 1.103 du 12 juin 1987 relative aux jeux de hasard », alors en deuxième lieu « qu'il résulte de l'article 2 de l'ordonnance n° 8.929 du 15 juillet 1987 fixant les modalités d'application de la loi n° 1.103 du 12 juin 1987 relative aux jeux de hasard que le retrait de l'agrément administratif à un employé a pour seule conséquence l'obligation faite à l'exploitant de la maison de jeux de le suspendre immédiatement de ses fonctions, si bien qu'en retenant que la décision administrative de retrait d'agrément imposait à l'employeur de résilier le contrat de travail, laquelle résiliation constituait un effet de l'acte de retrait d'agrément ultérieurement annulé pour vice de forme, le tribunal a violé le texte susvisé » et alors enfin «que la décision de rupture du contrat de travail prise par l'employeur ne constitue pas un acte pris pour l'application du retrait d'agrément, si bien qu'en décidant que le retrait de la décision de retrait d'agrément avait fait revivre le contrat légalement résilié, le tribunal a violé l'article 11 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 » ;

Mais attendu qu'ayant cité la lettre adressée le 5 janvier 2006 par le directeur général de la S.B.M. à M. PR., lui précisant que le gouvernement princier ayant notifié le retrait de son agrément administratif il était mis fin à son contrat, le tribunal a exactement retenu que la S.B.M. ne pouvait se prévaloir d'autres motifs que celui énoncé dans cette lettre et que l'acte de puissance publique rendant impossible la relation de travail, la rupture immédiate du contrat de travail se trouvait justifiée.

Ayant retenu que la condamnation de la S.B.M. à verser des dommages et intérêts trouvait son fondement dans l'attitude de l'employeur face aux décisions de l'État et de la nécessité de réparer l'incidence procédurale de cette attitude, le tribunal devant lequel était invoqué la résistance abusive de la défenderesse a légalement justifié sa décision.

La S.B.M. fait grief au jugement de la condamner à payer des dommages et intérêts alors, selon le moyen, qu'en modifiant le fondement juridique de la demande sans inviter les parties à s'en expliquer, le tribunal a violé le principe de la contradiction.

Mais attendu que la S.B.M. n'est pas recevable à reprocher successivement au tribunal de ne pas avoir précisé le fondement juridique de la condamnation à payer des dommages et intérêts et d'avoir adopté un fondement différent de celui qui était invoqué dans la demande.


Motifs🔗

Pourvoi N° 2009-80 Hors Session

TT

COUR DE REVISION

ARRET DU 11 FEVRIER 2010

En la cause de :

- La société anonyme monégasque Société des Bains de Mer et du Cercle des Etrangers, (S. B. M.) dont le siège social est sise place du Casino à Monaco, agissant en la personne de son administrateur délégué en exercice, demeurant en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur près la Cour d'Appel ;

Demanderesse en révision,

d'une part,

Contre :

- Monsieur p. PR., né le 11 février 1969, de nationalité monégasque, demeurant X à Monaco ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'Appel ;

Défendeur en révision,

d'autre part,

LA COUR DE REVISION,

Statuant hors session et uniquement sur pièces, en application des articles 66, alinéa 2 et 67, alinéa 2, de la loi n° 446 du 16 mai 1946 et 458 et 459 du Code de procédure civile ;

VU :

- Le jugement du Tribunal de première instance, statuant comme juridiction d'appel du tribunal du travail, en date du 2 juillet 2009, signifié le 17 septembre 2009 ;

- la déclaration de pourvoi souscrite au greffe général, le 21 septembre 2009, par Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur, au nom de la SBM ;

- la requête déposée le 2 octobre 2009 au greffe général, par Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur, au nom de la SBM signifiée le même jour ;

- la requête additionnelle déposée le 20 octobre 2009 au greffe général, par Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur, au nom de la SBM signifiée le même jour ;

- la contre-requête déposée le 3 novembre 2009 au greffe général, par Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, au nom de Monsieur p. PR., signifiée le même jour ;

- la réplique déposée le 6 novembre 2009 au greffe général, par Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur, au nom de la SBM ;

- la duplique déposée le 13 novembre 2009 au greffe général, par Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, au nom de Monsieur p. PR., signifiée le même jour ;

- le certificat de clôture établi le 4 janvier 2010, par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;

- les conclusions du Procureur Général en date du 5 janvier 2010 ;

Ensemble le dossier de la procédure,

Sur le rapport de Monsieur Roger BEAUVOIS, vice-président, rapporteur,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu, selon le jugement attaqué, que M. PR. a été embauché en 1979 par la société des bains de mer et du cercle des étrangers (S.B.M.) en qualité de superviseur aux appareils automatiques du casino puis est devenu premier superviseur ; qu'à la suite d'une condamnation pour vol prononcée à son encontre le 22 novembre 2005, le gouvernement princier, par décision du 5 janvier 2006, lui a retiré l'agrément administratif nécessaire à l'exercice de ses fonctions ; que le directeur général de la S.B.M. lui a notifié la décision le même jour en l'avisant qu'il était mis fin à son contrat de travail à cette date ; qu'alors que M. PR. avait déposé un recours contre la décision administrative devant le Tribunal suprême, le Ministre d'État est revenu sur sa décision de retrait de l'agrément ; que M. PR. a assigné son employeur devant le tribunal du travail en réintégration dans ses fonctions et indemnisation de son préjudice ; que, par jugement du 27 septembre 2007, cette juridiction a dit que la résiliation du contrat de travail ne s'analysait pas en un licenciement mais en une rupture justifiée par une décision administrative, constitutive du fait du prince, assimilée au cas de force majeure, que malgré le retrait de cette décision la rupture du contrat de travail demeurait acquise et que M. PR. était débouté de l'intégralité de ses demandes ; que sur appel de ce dernier le tribunal de première instance a confirmé la première décision sur la nature de la résiliation du contrat de travail mais, infirmant pour le surplus, a retenu que le retrait de la décision de suppression d'agrément avait pour effet d'anéantir la résiliation du contrat de travail, que les parties s'étaient retrouvées rétablies dans la situation juridique antérieure, qu'il n'y avait pas lieu à réintégration de M. PR. et a renvoyé ces parties à tirer toutes conséquences de droit du rétablissement de l'ordonnancement juridique ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches

Attendu que la S.B.M. fait grief au jugement de dire que le retrait par le Ministre d'État de la décision de retrait d'agrément a eu pour conséquence d'anéantir tous les effets de cet acte administratif, parmi lesquels la résiliation du contrat de travail et que les parties se sont dès lors trouvées rétablies dans la situation juridique qui était la leur immédiatement avant l'acte rapporté, alors, selon le moyen, en premier lieu, « que la rupture du contrat de travail fondée sur le retrait d'agrément du gouvernement nécessaire à l'exercice des fonctions du salarié, consécutif à une condamnation pénale, constitue un licenciement pour un motif inhérent à la personne du salarié et non un cas de force majeure, si bien qu'en retenant que la rupture du contrat de travail de M. p. PR. ne pouvait être assimilée à un licenciement de sorte que l'employeur ne pouvait se prévaloir du vol dont s'était rendu coupable p. PR. et de la condamnation correctionnelle subséquente, le tribunal a violé l'article 6 de la loi 1.103 du 12 juin 1987 relative aux jeux de hasard », alors en deuxième lieu « qu'il résulte de l'article 2 de l'ordonnance n° 8.929 du 15 juillet 1987 fixant les modalités d'application de la loi n°1.103 du 12 juin 1987 relative aux jeux de hasard que le retrait de l'agrément administratif à un employé a pour seule conséquence l'obligation faite à l'exploitant de la maison de jeux de le suspendre immédiatement de ses fonctions, si bien qu'en retenant que la décision administrative de retrait d'agrément imposait à l'employeur de résilier le contrat de travail, laquelle résiliation constituait un effet de l'acte de retrait d'agrément ultérieurement annulé pour vice de forme, le tribunal a violé le texte susvisé » et alors enfin « que la décision de rupture du contrat de travail prise par l'employeur ne constitue pas un acte pris pour l'application du retrait d'agrément, si bien qu'en décidant que le retrait de la décision de retrait d'agrément avait fait revivre le contrat légalement résilié, le tribunal a violé l'article 11 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 » ;

Mais attendu qu'ayant cité la lettre adressée le 5 janvier 2006 par le directeur général de la S.B.M. à M. PR., lui précisant que le gouvernement princier ayant notifié le retrait de son agrément administratif il était mis fin à son contrat, le tribunal a exactement retenu que la S.B.M. ne pouvait se prévaloir d'autres motifs que celui énoncé dans cette lettre et que l'acte de puissance publique rendant impossible la relation de travail, la rupture immédiate du contrat de travail se trouvait justifiée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen pris en ses première, troisième et quatrième branches, réunies

Attendu que la S.B.M. fait grief au jugement de la condamner à payer à M. PR. la somme de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts, alors, selon le moyen, en premier lieu « qu'en ne précisant pas le fondement juridique de cette condamnation, le tribunal a violé l'article 199 du Code de procédure civile », alors, en second lieu, « qu'en se déterminant par de tels motifs, le tribunal n'a pas caractérisé la faute commise par la société des bains de mer, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1231 du Code civil » et alors, enfin, « qu'en se déterminant par de tels motifs, le tribunal n'a pas caractérisé le préjudice subi par p. PR. en relation avec la faute commise par la société des bains de mer » ;

Mais attendu qu'ayant retenu que la condamnation de la S.B.M. à verser des dommages et intérêts trouvait son fondement dans l'attitude de l'employeur face aux décisions de l'État et de la nécessité de réparer l'incidence procédurale de cette attitude, le tribunal devant lequel était invoqué la résistance abusive de la défenderesse a, sans violer les textes visés au moyen, légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, pris en sa deuxième branche

Attendu que la S.B.M. fait grief au jugement de la condamner à payer des dommages et intérêts alors, selon le moyen, qu'en modifiant le fondement juridique de la demande sans inviter les parties à s'en expliquer, le tribunal a violé le principe de la contradiction ;

Mais attendu que la S.B.M. n'est pas recevable à reprocher successivement au tribunal de ne pas avoir précisé le fondement juridique de la condamnation à payer des dommages et intérêts et d'avoir adopté un fondement différent de celui qui était invoqué dans la demande ;

Sur la demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts

Vu l'article 459-4 du Code de procédure civile ;

Attendu que M PR. sollicite la condamnation de la S.B.M. à lui payer la somme de 500.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudices matériel et moral ;

Attendu qu'au regard des circonstances de la cause le préjudice résultant du caractère abusif du pourvoi, seul réparable dans la présente instance, doit être évalué à 5.000 euros ;

Attendu que compte tenu des circonstances de l'affaire relevées ci-dessus il n'y pas lieu de dispenser la S.B.M. du paiement de l'amende ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Condamne la société des bains de mer et du cercle des étrangers à payer à M. p. PR. la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts,

La condamne à l'amende et aux dépens.

Composition🔗

Ainsi délibéré et jugé le onze février deux mille dix, par la Cour de Révision de la Principauté de Monaco, composée de Messieurs Jean APOLLIS, premier président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, Roger BEAUVOIS, vice-président, rapporteur, Jean-Pierre DUMAS, conseiller.

Et Monsieur Jean APOLLIS, premier président, a signé avec Madame Béatrice BARDY, Greffier en Chef, Chevalier de l'Ordre de Saint Charles.-

Le Greffier en Chef, le Premier Président,

  • Consulter le PDF