Cour de révision, 9 octobre 2009, M. d. PE. c/ la société anonyme monégasque BANQUE DE GESTION EDMOND DE ROTHSCHILD

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Abstract🔗

Travail - Licenciement abusif - Indemnisation - Chefs de préjudice - Conditions - Montant - Preuve

Résumé🔗

Les parties ne remettent pas en cause le caractère abusif du licenciement de M. PE. qui, selon elles, aurait été consacré par l'arrêt du 7 mai 2009 de la Cour de révision. L'objet du litige est circonscrit à la question de savoir si, en application de l'article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, M. PE. est fondé à obtenir des dommages-intérêts en réparation du préjudice qu`il prétend avoir subi à la suite de son licenciement.

Le texte précité pose pour principe que toute rupture abusive d'un contrat de travail peut donner lieu à des dommages intérêts qui ne se confondent pas avec l'indemnité pour inobservation du préavis ni avec celle pour licenciement.

Il convient par suite de rechercher si M. PE. justifie de l'existence du préjudice qu'il dit avoir subi en conséquence de son licenciement par la BGER. Il peut prétendre à une indemnisation du préjudice qu'il invoque mais seulement dans la mesure où il justifie d'une perte de revenus, non compensée par les indemnités et allocations qu'il a pu percevoir des organismes de prévoyance et de sécurité. M. PE. établit, par les attestations de l'Assedic versées aux débats, avoir été admis au bénéfice de l'allocation d'aide au retour à l'emploi à compter du 30 octobre 2005, date prenant en compte les indemnités compensatrices de congés payés et l'excédent du minimum légal de l'indemnité de rupture perçus de la BGER. Il a perçu au titre de cette allocation la somme de 58.982,09 euros pour la période allant du 1er novembre 2005 au 30 novembre 2006, soit pour treize mois. Pour la même période, il aurait reçu de la BGER un minimum de rémunération de 6.182, 56 x 13 = 80.373,28 euros. Du fait de son licenciement il a ainsi éprouvé une perte de revenus de 21.391,19 euros dont il est fondé à demander réparation sur le fondement de l'article 13 de la loi n°729 du 16 mars 1963.

La BGER ne peut être accueillie, cette dernière ne pouvant être tenue à réparation du manque à gagner au-delà de la période de chômage induite par le licenciement abusif et à l'issue de laquelle il a retrouvé un emploi. La BGER ne saurait cependant être tenue de participer à des frais inhérents au seul choix de M. PE. de rechercher du travail dans un lieu autre que celui où il résidait. M. PE. ne justifie d'aucun élément de fait qui caractériserait l'existence d'un préjudice moral consécutif à la rupture du contrat de travail.

En conséquence il convient de retenir un préjudice matériel qui peut être évalué à 21.391,19 euros au vu des justifications produites.

Ne saurait être considéré comme abusif le recours formé par M. PE. au terme duquel il obtient la réformation à son avantage du jugement critiqué.


Motifs🔗

Après Cassation

Pourvoi N° 2009-18 en session

TT

COUR DE RÉVISION

ARRÊT DU 9 OCTOBRE 2009

En la cause de :

- M. d. PE., né le 15 novembre 1964 à la Rochelle, de nationalité française, demeurant X - 75001 Paris;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

APPELANT

d'une part;

Contre:

- La société anonyme monégasque BANQUE DE GESTION EDMOND DE ROTHSCHILD, dont le siège social se trouve 2 avenue de Monte-Carlo à Monaco, prise en la personne de son Administrateur délégué en exercice, demeurant et domicilié en cette qualité audit siège social;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

INTIMÉE,

d'autre part ;

LA COUR DE RÉVISION,

VU :

- le jugement du tribunal du travail en date du 22 mars 2007

- l'arrêt de la Cour de révision en date du 7 mai 2009 cassant et annulant mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif présentée par M. PE., le jugement rendu par le tribunal de première instance statuant comme juridiction d'appel du tribunal du travail, en date du 6 novembre 2008 ;

- les conclusions additionnelles déposées le 7 juillet 2009 au greffe général, par Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, au nom de d. PE. ;

- les conclusions additionnelles déposées le 6 août 2009 au greffe général, par Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de LA SAM Banque de Gestion Edmond de Rothschild ;

Ensemble le dossier de la procédure,

À l'audience du 6 octobre 2009 sur le rapport de Monsieur Charles BADI, Conseiller,

Après avoir entendu les conseils des parties ;

Ouï Madame le Procureur général ;

La Cour,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu qu'après avoir été employé par la banque Natexis en France, M. PE. a été embauché par la banque de gestion Edmond de Rothschild à Monaco (la BGER), pour une durée déterminée à compter du 4 décembre 2002 en qualité de « senior portofolio manager », puis pour une durée indéterminée à compter du 12 mai 2003 et qu'il exerçait en dernier lieu les fonctions de directeur « asset management » ; que le 23 mars 2005, il a été licencié au motif que son poste était supprimé à la suite d'une réorganisation de l'établissement de Monaco ; qu'il a alors assigné son employeur en paiement d'un complément d'indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement abusif et qu'il a relevé appel du jugement du tribunal du travail du 22 mars 2007 qui l'avait débouté du premier chef de sa demande, avait dit que son licenciement n'était pas justifié par un motif valable et revêtait un caractère abusif mais avait rejeté sa demande en paiement de dommages-intérêts, faute par lui de justifier de l'existence du préjudice qu'il aurait subi consécutivement à son licenciement ; que par arrêt du 7 mai 2009, la Cour de révision a cassé le jugement confirmatif de celui du tribunal du travail mais seulement en ce qu'il avait rejeté la demande de dommages-intérêts pour licenciement abusif présentée par M. PE. et a renvoyé la cause à la prochaine session de la Cour de révision autrement composée ;

Attendu que M. PE. a déposé des conclusions additionnelles pour soutenir que le caractère abusif de son licenciement a été judiciairement reconnu, tout comme son droit à dommages-intérêts fondé sur les dispositions de l'article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 ;

Attendu qu'il fait valoir qu'il a perçu des allocations de chômage pendant de nombreux mois avant de retrouver un emploi moins bien rémunéré dans la région parisienne, où il a dû déménager et se reloger, exposant pour cela une dépense de 35 000 euros, alors qu'il comptait s' installer durablement sur la Côte d'Azur ; qu'il n'a pas été réembauché par la banque Natexis qui, sitôt après sa réintégration, l'a licencié de nouveau ; qu'il a en conséquence subi un important préjudice financier et moral qu'il évalue à 250 000 euros et dont il demande réparation ;

Attendu que la BGER réplique que la Cour de révision a estimé que le licenciement de M. PE. revêtait un caractère abusif et soutient que la décision du premier juge déboutant ce dernier de sa demande de dommages-intérêts doit être confirmée, en l'absence de préjudice ;

Qu'elle fait valoir que lors de son embauche, M. PE. lui a fait croire qu'il avait démissionné de son poste à la banque Natexis, alors qu'en réalité il avait été licencié et qu'il sollicitait, concomitamment à son emploi en Principauté, sa réintégration et des indemnités devant les juridictions françaises, demande qui a été accueillie puisqu'il a obtenu la condamnation de son ancien employeur à lui payer une somme de 364 288 euros à titre de rappel de salaires pour la période du 15 février 2002 au 17 février 2005, recouvrant celle courant du 2 décembre 2002 à compter de laquelle il a travaillé à Monaco ; que la fausseté retenue du motif de son licenciement ne lui a causé aucun préjudice dès lors qu'il a bénéficié d'une rupture à bon compte de son contrat et de substantielles indemnités ; qu'il est actuellement « chief Financial officer » et directeur général et administrateur de la société anonyme française Avenir France Investment qui lui verse un salaire brut de 8 333,33 euros selon un bulletin de paie de novembre 2007, tandis qu'il percevait un salaire mensuel brut de 7 096,35 euros de la BGER ; qu'il a donc retrouvé depuis décembre 2006 un emploi au salaire confortable au sein de l'une des plus importantes places financières du monde ;

Qu'elle conclut au rejet de la demande de M. PE. et à la condamnation de celui-ci à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour pourvoi abusif ;

Attendu que les parties ne remettent pas en cause le caractère abusif du licenciement de M. PE. qui, selon elles, aurait été consacré par l'arrêt du 7 mai 2009 de la Cour de révision ; que l'objet du litige est circonscrit à la question de savoir si, en application de l'article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, M. PE. est fondé à obtenir des dommages-intérêts en réparation du préjudice qu`il prétend avoir subi à la suite de son licenciement ;

Attendu que le texte précité pose pour principe que toute rupture abusive d'un contrat de travail peut donner lieu à des dommages intérêts qui ne se confondent pas avec l'indemnité pour inobservation du préavis ni avec celle pour licenciement ; qu'il convient par suite de rechercher si M. PE. justifie de l'existence du préjudice qu'il dit avoir subi en conséquence de son licenciement par la BGER ;

Attendu qu'il peut prétendre à une indemnisation du préjudice qu'il invoque mais seulement dans la mesure où il justifie d'une perte de revenus, non compensée par les indemnités et allocations qu'il a pu percevoir des organismes de prévoyance et de sécurité ;

Attendu que M. PE. établit, par les attestations de l'Assedic versées aux débats, avoir été admis au bénéfice de l'allocation d'aide au retour à l'emploi à compter du 30 octobre 2005, date prenant en compte les indemnités compensatrices de congés payés et l'excédent du minimum légal de l'indemnité de rupture perçus de la BGER ; qu'il a perçu au titre de cette allocation la somme de 58.982,09 euros pour la période allant du 1er novembre 2005 au 30 novembre 2006, soit pour treize mois ; que pour la même période, il aurait reçu de la BGER un minimum de rémunération de 6.182, 56 x 13 = 80.373,28 euros ; que du fait de son licenciement il a ainsi éprouvé une perte de revenus de 21.391,19 euros dont il est fondé à demander réparation sur le fondement de l'article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 ;

Attendu que M. PE. a été recruté, le 4 décembre 2006, en qualité de directeur de gestion par Avenir Finance investment managers à Paris moyennant un salaire net mensuel de 5.952,84 euros ; que sa prétention à l'indemnisation de la différence entre ce salaire et celui de 6.182, 56 euros qu'il percevait en dernier lieu de la BGER ne peut être accueillie, cette dernière ne pouvant être tenue à réparation du manque à gagner au-delà de la période de chômage induite par le licenciement abusif et à l'issue de laquelle il a retrouvé un emploi ;

Attendu que M. PE. invoque encore les frais de déménagement et de réinstallation dans la régions parisienne qu`il a dû exposer ; que la BGER ne saurait cependant être tenue de participer à des frais inhérents au seul choix de M. PE. de rechercher du travail dans un lieu autre que celui où il résidait ; que sa demande de ce chef sera en conséquence rejetée ;

Attendu enfin que M. PE. ne justifie d'aucun élément de fait qui caractériserait l'existence d'un préjudice moral consécutif à la rupture du contrat de travail ;

Attendu en conséquence qu'il convient de retenir un préjudice matériel qui peut être évalué à 21.391,19 euros au vu des justifications produites ;

Attendu que ne saurait être considéré comme abusif le recours formé par M. PE. au terme duquel il obtient la réformation à son avantage du jugement critiqué ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Statuant dans les limites de l'appel,

Réforme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts formée par M. PE.

Statuant à nouveau, condamne la Banque de gestion Edmond de Rothschild à payer à M. d. PE. la somme de 21.391,19 euros à titre de dommages-intérêts

Déboute ladite Banque de sa demande de dommages-intérêts

La condamne aux dépens, dont distraction au profit de Maître Frank Michel, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Composition🔗

Ainsi délibéré et jugé le neuf octobre deux mille neuf, par la Cour de Révision de la Principauté de Monaco, composée de Messieurs Jean APOLLIS, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, Jean-Pierre DUMAS, et Charles BADI, rapporteur, Conseillers, en présence de Monsieur Jacques RAYBAUD, Procureur général, assistés de Madame Béatrice BARDY, Greffier en chef, Chevalier de l'Ordre de Saint Charles.

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