Cour de révision, 18 juin 2009, Monsieur b. LA. c/ Monsieur g. CO.

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Abstract🔗

Tribunal correctionnel – Publicité des débats

Action civile – Auditions

Violences légères – Caractérisation

Résumé🔗

M. LA. reproche au Tribunal correctionnel d'avoir statué comme il a fait, alors, selon le moyen, que, faute d'avoir constaté que l'audience des débats avait été publique, le jugement n'a pas mis la Cour de révision en mesure de s'assurer du respect des articles 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 291, 389, 449 et 455 du Code procédure pénale. Mais la décision attaquée mentionne qu'il a ainsi été « jugé et prononcé » en audience publique. Une telle mention générale constate non seulement la publicité de l'audience où le jugement a été rendu, mais aussi celle de l'audience précédente où ont eu lieu les débats. D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli.

Ayant énoncé qu'il appartenait au juge d'appel saisi de l'action civile d'apprécier si les éléments constitutifs des infractions étaient réunis afin de se prononcer sur la réparation civile, le Tribunal correctionnel, qui a relevé, au vu des éléments du dossier dont il disposait, que les infractions n'étaient pas constituées, et qui n'était pas tenu de procéder aux auditions demandées, n'a pas violé les articles 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 15, 415, 449, 452 et 455 du Code de procédure pénale.

Le jugement énonce que, s'agissant de violences légères, il convient de rappeler qu'une telle infraction est constituée en cas de geste ou d'acte de nature à impressionner vivement la personne qui en est victime, cette appréciation devant se faire « in concreto » mais également quant à la référence d'une personne « raisonnable ». Il retient ensuite qu'en l'espèce, s'agissant des conséquences psychiques, si la façon de procéder de M. CO. a pu être désagréable et dérangeante comme peut le démontrer le témoignage de M. Gr., la caractérisation de l'infraction nécessite une attitude de nature à impressionner vivement M. LA., mais que la très courte durée de l'altercation, l'absence de caractère univoque du geste, son déroulement au « lobby » de l'établissement K en présence de nombreuses personnes dont le personnel dépendant de M. LA., mais également la profession et l'expérience de celui-ci, et ce en l'absence de toute autre manifestation concomitante ou postérieure, ne permettent pas de démontrer que l'attitude de M. CO. a impressionné vivement M. LA. En l'état de ces énonciations et constatations, le Tribunal a légalement justifié sa décision.


Motifs🔗

COUR DE RÉVISION

ARRÊT DU 18 JUIN 2009

En la cause de :

  • - Monsieur b. LA., né le 27 mars 1949 à FELDKIRCH (Autriche), de nationalité française, directeur général de la SAM G, domicilié sur son lieu de travail, partie civile ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Etienne LEANDRI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco;

DEMANDEUR EN RÉVISION,

d'une part,

Contre :

  • - Monsieur g. CO., né le 19 mars 1953 à CASBLANCA (Maroc), de Simon et de Marcelle BE., de nationalité française, demeurant X1 - 1253 VANDŒUVRES (Suisse)

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco ;

En présence du :

  • MINISTÈRE PUBLIC,

DÉFENDEUR EN RÉVISION,

d'autre part,

LA COUR DE RÉVISION,

Statuant hors session et uniquement sur pièces, en application des dispositions de l'article 489 du Code de procédure pénale ;

VU :

  • - le jugement du Tribunal de première instance statuant en matière correctionnelle rendu le 10 mars 2009 ;

  • - la déclaration de pourvoi souscrite au greffe général, le 16 mars 2009, par Maître Etienne LEANDRI, avocat-défenseur, au nom de b. LA. ;

  • - le récépissé délivré par la Caisse des Dépôts et Consignations sous le n°37958, en date du 16 mars 2009, attestant du dépôt de la somme destinée à assurer le paiement de l'amende éventuelle prévue par la loi ;

  • - la requête accompagnée de 14 pièces déposée le 31 mars 2009 au greffe général, par Maître Etienne LEANDRI, avocat-défenseur, au nom de son client, signifiée le même jour ;

  • - le certificat de clôture établi le 7 mai 2009, par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;

  • - les conclusions de Monsieur le Procureur Général en date du12 mai 2009 ;

Ensemble le dossier de la procédure,

Sur le rapport de Monsieur Jean-Pierre DUMAS, conseiller,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu, selon le jugement critiqué, qu'à la suite d'une altercation qui, le 29 juillet 2005, au « lobby » de de l'établissement K à Monaco, a opposé M. CO. à M. LA., directeur général de la SAM G, M. CO. a été poursuivi devant le Tribunal de simple police des chefs de violences légères et d'injures non publiques, M. LA. s'étant constitué partie civile et ayant réclamé une somme de un euro à titre de dommages-intérêts ; que le Tribunal a renvoyé M. CO. des fins des poursuites exercées à son encontre et débouté M. LA. de sa demande d'indemnisation ; que, sur l'appel de celui-ci quant à ses intérêts civils, le Tribunal correctionnel, par le jugement frappé de pourvoi, a confirmé la décision du Tribunal de simple police ;

  • Sur le premier moyen ;

Attendu que M. LA. reproche au Tribunal correctionnel d'avoir statué comme il a fait, alors, selon le moyen, que, faute d'avoir constaté que l'audience des débats avait été publique, le jugement n'a pas mis la Cour de révision en mesure de s'assurer du respect des articles 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 291, 389, 449 et 455 du Code procédure pénale ;

Mais attendu que la décision attaquée mentionne qu'il a ainsi été « jugé et prononcé » en audience publique ;

Qu'une telle mention générale constate non seulement la publicité de l'audience où le jugement a été rendu, mais aussi celle de l'audience précédente où ont eu lieu les débats ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

  • Sur le second moyen, pris en ses cinq branches réunies ;

Attendu que M. LA. reproche encore au Tribunal d'avoir, en statuant comme il a fait, violé les articles 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 15, 415, 449, 452 et 455 du Code de procédure pénale, alors, selon le moyen, en premier lieu qu'aucune disposition du Code de procédure pénale ne prévoit de disposition spécifique sur le déroulement de l'audience des débats lorsque seule l'action civile est en cause et que dès lors l'article 415 du Code de procédure pénale, auquel renvoie l'article 452 dudit code, qui donne le pouvoir au Tribunal d'ordonner l'audition de témoins, s'applique aux instances qui portent uniquement sur l'action civile ; en deuxième lieu que, si l'article 15 du Code de procédure pénale prévoit que s'il a été statué sur l'action publique, les mesures ordonnées par le juge pénal sur les seuls intérêts civils obéissent aux règles de la procédure civile, l'audition de témoins cités par les parties ou le ministère public s'inscrit dans le déroulement des débats et se distingue des mesures d'instruction ordonnées par le juge répressif ; en troisième lieu que l'article 15 précité ne s'applique qu'aux audiences portant sur les intérêts civils, soit les demandes de réparation du préjudice résultant d'une infraction, d'ores et déjà établie, que dès lors qu'en l'espèce le Tribunal restait saisi de la question de savoir si les faits en cause réunissaient l'ensemble des éléments constitutifs des infractions visées à la prévention, avant de se prononcer sur la demande de réparation, l'article 15 n'était pas applicable et que dès lors, en refusant de recevoir des témoignages selon les dispositions du Code de procédure pénale, le Tribunal a violé l'article susvisé ; en quatrième lieu que si, en vertu de l'article 15 précité, seules les dispositions du Code procédure civile s'appliquent aux instances portant uniquement sur l'action civile, il appartenait au Tribunal de dire quelle disposition du Code de procédure civile interdisait l'audition de témoins, disposition qui seule lui aurait permis de se dispenser de se prononcer sur l'utilité de tels témoignages, le Code de procédure prévoyant en son article 309 que le Tribunal, ou la cour d'appel, « peut entendre telle personne que bon lui semble » et en son article 93 que le juge de paix peut entendre des témoins s'il l'estime utile, et que, faute de s'être expliqué sur les dispositions du Code de procédure civile dispensant de cette audition et de s'être prononcé sur son utilité, le Tribunal correctionnel, statuant comme juridiction d'appel, a violé l'article 15 susvisé ; qu'en cinquième lieu, en application de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales selon lequel toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement par un Tribunal qui statuera sur une contestation portant sur des droits et obligations civiles, il appartient aux juges nationaux de reconnaître le droit à l'audition de témoins, lorsque la législation nationale ne la prévoit pas et que dès lors, le Tribunal qui refuse de recevoir des témoignages au motif que le Code de procédure pénale ne prévoit pas la possibilité d'entendre des témoins lorsque la procédure porte uniquement sur l'action civile méconnaît l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu qu'ayant énoncé qu'il appartenait au juge d'appel saisi de l'action civile d'apprécier si les éléments constitutifs des infractions étaient réunis afin de se prononcer sur la réparation civile, le Tribunal correctionnel, qui a relevé, au vu des éléments du dossier dont il disposait, que les infractions n'étaient pas constituées, et qui n'était pas tenu de procéder aux auditions demandées, n'a pas violé les textes visés au moyen ;

  • Et sur le troisième moyen, pris en ses deux branches réunies ;

Attendu que M. LA. fait enfin grief au Tribunal d'avoir violé les articles 421 du Code pénal et 455 du Code de procédure pénale en statuant ainsi qu'il a fait, alors selon le moyen, d'une part, que tout acte de nature à créer objectivement un choc émotif est constitutif de violences, qu'il ait eu ou non cet effet sur la personne visée et que dès lors en considérant que les faits ne permettaient pas de constater que M. LA. avait été vivement impressionné par ce geste, sans rechercher si ce geste n'était pas objectivement de nature à créer une vive émotion, le Tribunal correctionnel a méconnu l'article précité ; d'autre part, que dès lors qu'il constatait que le geste de M. CO. avait créé une inquiétude chez la partie civile, « légitime en l'espèce », et au moins était de nature à créer une telle inquiétude, le Tribunal correctionnel aurait du en déduire que ce geste était constitutif de violence légère, et que faute d'avoir tiré les conséquences de ses propres constatations, le Tribunal a privé sa décision de base légale ;

Mais attendu que le jugement énonce que, s'agissant de violences légères, il convient de rappeler qu'une telle infraction est constituée en cas de geste ou d'acte de nature à impressionner vivement la personne qui en est victime, cette appréciation devant se faire « in concreto » mais également quant à la référence d'une personne « raisonnable » ; qu'il retient ensuite qu'en l'espèce, s'agissant des conséquences psychiques, si la façon de procéder de M. CO. a pu être désagréable et dérangeante comme peut le démontrer le témoignage de M. Gr., la caractérisation de l'infraction nécessite une attitude de nature à impressionner vivement M. LA., mais que la très courte durée de l'altercation, l'absence de caractère univoque du geste, son déroulement au « lobby » de l'établissement K en présence de nombreuses personnes dont le personnel dépendant de M. LA., mais également la profession et l'expérience de celui-ci, et ce en l'absence de toute autre manifestation concomitante ou postérieure, ne permettent pas de démontrer que l'attitude de M. CO. a impressionné vivement M. LA. ; qu'en l'état de ces énonciations et constatations, le Tribunal a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

- Rejette le pourvoi ;

- Condamne M. LA. à l'amende et aux dépens.

Composition🔗

Ainsi délibéré et jugé le dix-huit juin deux mille neuf, par la Cour de Révision de la Principauté de Monaco, composée de Messieurs Roger BEAUVOIS, Président, Jean-Pierre DUMAS rapporteur, et Madame Cécile PETIT, Conseillers.

Et Monsieur Roger BEAUVOIS, Président, a signé avec Madame Béatrice BARDY, Greffier en Chef, Chevalier de l'Ordre de Saint Charles.

Le Greffier en Chef, le Président.

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