Cour de révision, 10 juillet 2007, M. c/ SCI Fontaine Palace

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Abstract🔗

Pourvoi en révision

Matière civile - Moyen irrecevable - Invocation d'une méconnaissance de l'autorité de la chose jugée, au prétexte que la Cour d'appel n'a point évoqué le manquement à l'obligation d'impartialité, qu'elle avait retenue dans une autre décision concernant le même litige et les mêmes parties

Jugements et arrêts

Jugement interlocutoire - Commission arbitrale des loyers commerciaux statuant sur la validité des congés, ce qui implique un examen du bail et de son interprétation - Irrévocabilité de ce jugement à défaut d'appel immédiat

Appel civil

Effet dévolutif (CPC, art. 429) - Invocation d'un manquement à l'effet dévolutif de l'appel (infondé), la Cour ayant recherché si un jugement susceptible d'avoir une influence sur la décision déférée était ou non devenu irrévocable

Résumé🔗

Selon l'arrêt attaqué et les pièces de la procédure, le 29 mai 2002 la SCI Fontaine Palace (la SCI) a acheté à M. M. un local commercial que celui-ci avait donné à bail commercial à M. M. (le preneur) le 13 novembre 1997, pour une durée de 3, 6 ou 9 ans à compter du 1er janvier 1998 ; la SCI ayant signifié au preneur, les 2 août 2002 et 20 juin 2003, que le bail ne serait pas renouvelé à l'échéance du 31 décembre 2003, celui-ci a saisi la Commission arbitrale des loyers commerciaux d'une demande tendant à l'annulation des congés et, subsidiairement, à la fixation d'une indemnité d'éviction ; suite au désaccord des parties constaté par le président de ladite commission, le preneur assignait la SCI devant cette juridiction, laquelle par jugement du 12 juillet 2004 s'est déclarée compétente pour statuer sur la demande de nullité des congés, a dit que les congés étaient réguliers en la forme et a renvoyé les parties à une audience ultérieure pour conclusions au fond ; se fondant sur ce jugement, la SCI a fait signifier au preneur d'avoir à libérer les locaux le 31 décembre 2004 au plus tard, celui-ci a alors saisi le président du Tribunal de première instance, sur le fondement de l'article 18 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948, pour obtenir un sursis à son expulsion et, à défaut, la fixation de 600 000 euros de l'indemnité provisionnelle que la bailleur devra lui verser ; par ordonnance du 25 janvier 2005, le président du tribunal statuant en application de la loi précitée, modifiée par la loi n° 1287 du 15 juillet 2004, a arbitré à la somme de 180 000 euros le montant de l'indemnité provisionnelle que la SCI devra verser au preneur au cas où elle entendrait poursuivre son expulsion, autorisé le preneur à se maintenir dans les lieux, à défaut de versement de ladite indemnité, ordonné dans un délai de deux mois après le versement de celle-ci entre les mains du preneur, l'expulsion de ce dernier et ordonné l'exécution provisoire ; par exploit d'appel et de défense à exécution provisoire le preneur a demandé à la Cour d'appel de rapporter l'exécution provisoire dont est assortie l'ordonnance du 25 janvier 2005, de réformer ladite ordonnance, d'ordonner le sursis a statuer jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la validité de l'exercice du droit de reprise et à titre subsidiaire de fixer le montant de l'indemnité provisionnelle à 600 000 euros ; par arrêt du 28 juin 2005, la Cour d'appel a rapporté l'exécution provisoire au motif que la décision déférée consacrait une violation de l'article 6, alinéa 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; par arrêt du 12 décembre 2006, la Cour d'appel a relevé d'office l'exception d'autorité de chose jugée attachée au jugement de la Commission arbitrale du 12 juillet 2004, rejeté la demande en nullité de l'ordonnance déférée et la demande de sursis à statuer formée par le preneur sur le fondement des articles 12 et suivants de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 et, réformant ladite ordonnance, a fixé à 200 000 euros le montant de l'indemnité provisionnelle, autorisé le preneur à se maintenir dans les lieux à défaut de paiement et ordonné son expulsion dans un délai de deux mois à compter du paiement de cette indemnité ;

Sur le premier moyen

Le preneur fait grief à l'arrêt d'avoir retenu au l'ordonnance du 25 janvier 2005, prise en application du jugement définitif du 12 juillet 2004 n'est pas en elle-même entachée de partialité, tandis que dans son arrêt du 28 juin 2005 la Cour d'appel avait considéré que les circonstances dans lesquelles était intervenue l'ordonnance dont l'exécution provisoire était contestée n'offrait pas les conditions d'impartialité que requiert toute décision de justice ; en statuant à rebours de ce qu'elle avait jugé dans le même litige, opposant les mêmes parties dans la même instance, elle a méconnu l'autorité de la chose jugée et violé les articles 1197 et 1198 du Code civil ;

Mais dans son dispositif l'arrêt ne comporte aucun chef relatif à la partialité de la décision déférée à la Cour d'appel ; le moyen, qui critique seulement un de ses motifs, n'est pas recevable ;

Sur le deuxième moyen

Le preneur fait encore grief à l'arrêt d'avoir dit que le jugement du 12 juillet 2004 était « définitif » pour n'avoir pas été frappé d'appel, alors selon le pourvoi, en retenant que cette décision qui aurait tranché la question de la régularité des congés était interlocutoire, tandis que l'appréciation de la régularité formelle des congés n'est pas une question de fond, de sorte que ledit jugement n'avait pas tranché dans son dispositif une partie du principal, la Cour d'appel a violé l'article 453 du Code de procédure civile ;

Mais l'arrêt relève que, pour trancher la question de la régularité des congés, la Commission arbitrale avait dû examiner le bail et l'interpréter ; la Cour d'appel en a justement déduit que pour la partie du litige qui porte sur cette question, le jugement du 12 juillet 2004 était interlocutoire et par suite susceptible d'un appel immédiat en l'absence duquel il est devenu irrévocable ; le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le troisième moyen, pris en ses deux branches

Le preneur fait enfin grief à l'arrêt d'avoir relevé d'office l'autorité de la chose jugée par le jugement du 12 juillet 2004, alors, selon le pourvoi, d'une part, ledit jugement avait été rendu dans une autre instance, celle introduite devant la Commission arbitrale, et la Cour d'appel n'était pas saisie de l'appel de cette décision, de sorte qu'en statuant comme elle a fait elle a méconnu l'effet dévolutif de l'appel et violé l'article 429 du Code de procédure civile ; et alors, d'autre part, la Cour d'appel, qui n'a pas statué dans la même instance que celle ayant abouti au jugement précité et qui ne pouvait dès lors pas soulever d'office un moyen qui n'est pas d'ordre public, a violé l'article 429 du Code de procédure civile ;

Mais les juges du fond, saisis par les conclusions d'appel du preneur auxquelles ils étaient tenus de répondre, d'une demande d'annulation et subsidiairement de réformation de l'ordonnance du 25 janvier 2005, au motif que, conséquence du jugement du 12 juillet 2004 entaché de nullité pour manquement à l'obligation d'impartialité, ladite ordonnance était elle-même entachée de nullité, ne peuvent se voir reprocher d'avoir méconnu l'effet dévolutif de l'appel en recherchant qu'elle était l'influence dudit jugement sur la décision déférée et s'il était ou non irrévocable ; le moyen n'est fondé en aucune de ses branches.


Motifs🔗

La Cour de révision,

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les pièces de la procédure, que le 29 mai 2002, la SCI Fontaine Palace (la SCI) a acheté à M. M. un local commercial que celui-ci avait donné à bail commercial à M. M. (le preneur) le 13 novembre 1997, pour une durée de 3, 6 ou 9 ans à compter du 1er janvier 1998 ; que la SCI ayant signifié au preneur, les 2 août 2002 et 20 juin 2003, que le bail ne serait pas renouvelé à l'échéance du 31 décembre 2003, celui-ci a saisi la commission arbitrale des loyers commerciaux d'une demande tendant à l'annulation des congés et, subsidiairement, à la fixation d'une indemnité d'éviction ; que suite au désaccord des parties constatés par le président de ladite commission, le preneur assignait la SCI devant cette juridiction, laquelle par jugement du 12 juillet 2004 s'est déclarée compétente pour statuer sur la demande de nullité des congés, a dit que les congés étaient réguliers en la forme et a renvoyé les parties à une audience ultérieure pour conclusions au fond ; que se fondant sur ce jugement, la SCI a fait signifier au preneur d'avoir à libérer les locaux le 31 décembre 2004 au plus tard, que celui-ci a alors saisi le président du Tribunal de première instance, sur le fondement de l'article 18 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948, pour obtenir un sursis à son expulsion et, à défaut, la fixation à 600 000 euros de l'indemnité provisionnelle que le bailleur devra lui verser ; que par ordonnance du 25 janvier 2005, le président du tribunal statuant en application de la loi précitée, modifiée par la loi n° 1287 du 15 juillet 2004, a arbitré à la somme de 180 000 euros le montant de l'indemnité provisionnelle que la SCI devra verser au preneur au cas où elle entendrait poursuivre son expulsion, autorisé le preneur à se maintenir dans les lieux, à défaut de versement de ladite indemnité, ordonné dans un délai de deux mois après le versement de celle-ci entre les mains du preneur, l'expulsion de ce dernier et ordonné l'exécution provisoire ; que par exploit d'appel et de défense à exécution provisoire le preneur a demandé à la Cour d'appel de rapporter l'exécution provisoire dont est assortie l'ordonnance du 25 janvier 2005, de réformer ladite ordonnance, d'ordonner le sursis à statuer jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la validité de l'exercice du droit de reprise et à titre subsidiaire de fixer le montant de l'indemnité provisionnelle à 600 000 euros ; que par arrêt du 28 juin 2005, la Cour d'appel a rapporté l'exécution provisoire au motif que la décision déférée consacrait une violation de l'article 6, alinéa 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que par arrêt du 12 décembre 2006, la Cour d'appel a relevé d'office l'exception d'autorité de chose jugée attachée au jugement de la commission arbitrale du 12 juillet 2004, rejeté la demande en nullité de l'ordonnance déférée et la demande de sursis à statuer formée par le preneur sur le fondement des articles 12 et suivants de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 et, réformant ladite ordonnance, a fixé à 200 000 euros le montant de l'indemnité provisionnelle, autorisé le preneur à se maintenir dans les lieux à défaut de paiement et ordonné son expulsion dans un délai de deux mois à compter du paiement de cette indemnité ;

Sur le premier moyen

Attendu que le preneur fait grief à l'arrêt d'avoir retenu que l'ordonnance du 25 janvier 2005, prise en application du jugement définitif du 12 juillet 2004 n'est pas en elle-même entachée de partialité, tandis que dans son arrêt du 28 juin 2005 la Cour d'appel avait considéré que les circonstances dans lesquelles était intervenue l'ordonnance dont l'exécution provisoire était contestée n'offrait pas les conditions d'impartialité que requiert toute décision de justice ; qu'en statuant à rebours de ce qu'elle avait jugé dans le même litige, opposant les mêmes parties dans la même instance, elle a méconnu l'autorité de la chose jugée et violé les articles 1197 et 1198 du Code civil ;

Mais attendu que dans son dispositif l'arrêt ne comporte aucun chef relatif à la partialité de la décision déférée à la Cour d'appel ; que le moyen, qui critique seulement un de ses motifs, n'est pas recevable ;

Sur le deuxième moyen

Attendu que le preneur fait encore grief à l'arrêt d'avoir dit que le jugement du 12 juillet 2004 était « définitif » pour n'avoir pas été frappé d'appel, alors selon le pourvoi, qu'en retenant que cette décision qui aurait tranché la question de la régularité des congés était interlocutoire, tandis que l'appréciation de la régularité formelle des congés n'est pas une question de fond, de sorte que ledit jugement n'avait pas tranché dans son dispositif une partie du principal, la Cour d'appel a violé l'article 453 du Code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt relève que, pour trancher la question de la régularité des congés, la commission arbitrale avait dû examiner le bail et l'interpréter ; que la Cour d'appel en a justement déduit que pour la partie du litige qui porte sur cette question, le jugement du 12 juillet 2004 était interlocutoire et par suite susceptible d'un appel immédiat en l'absence duquel il est devenu irrévocable ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le troisième moyen, pris en ses deux branches

Attendu que le preneur fait enfin grief à l'arrêt d'avoir relevé d'office l'autorité de la chose jugée par le jugement du 12 juillet 2004, alors, selon le pourvoi, d'une part, que ledit jugement avait été rendu dans une autre instance, celle introduite devant la commission arbitrale, et que la Cour d'appel n'était pas saisie de l'appel de cette décision, de sorte qu'en statuant comme elle a fait elle a méconnu l'effet dévolutif de l'appel et violé l'article 429 du Code de procédure civile ; et alors, d'autre part, que la Cour d'appel, qui n'a pas statué dans la même instance que celle ayant abouti au jugement précité et qui ne pouvait dès lors pas soulever d'office un moyen qui n'est pas d'ordre public, a violé l'article 429 du Code de procédure civile ;

Mais attendu que les juges du fond, saisis par les conclusions d'appel du preneur auxquelles ils étaient tenus de répondre, d'une demande d'annulation et subsidiairement de réformation de l'ordonnance du 25 janvier 2005, au motif que, conséquence du jugement du 12 juillet 2004 entaché de nullité pour manquement à l'obligation d'impartialité, ladite ordonnance était elle-même entachée de nullité, ne peuvent se voir reprocher d'avoir méconnu l'effet dévolutif de l'appel en recherchant qu'elle était l'influence dudit jugement sur la décision déférée et s'il était ou non irrévocable ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur la demande de dommages-intérêts formée par la SCI

Attendu que la SCI demande que M. M. soit condamné, en vertu de l'article 459-4 du Code de procédure civile, à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Mais attendu que compte tenu des circonstances de l'affaire, il n'y a pas lieu d'accueillir cette demande ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

– Rejette le pourvoi,

– Condamne M. M. à l'amende et aux dépens,

– Déboute la SCI Fontaine Palace et sa demande tendant à la condamnation de M. M. à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Composition🔗

MM. Dumas, cons. ff. de prés. ; Badi, cons. rap. ; Lucas cons. ; Mme Bardy, gref. en chef.

Note🔗

Cet arrêt de la Cour de révision rejette le pourvoi formé contre l'arrêt de la Cour d'appel du 12 décembre 2006.

Il y a lieu de préciser relativement aux premier et troisième moyens soulevés, que la Commission arbitrale des loyers commerciaux, ayant validé les congés dont s'agit, comprenait parmi ses quatre membres la personne qui avait vendu le fonds à la SCI Fontaine Palace, ce qui pouvait être de nature à entacher de partialité sa décision.

la suite de cette décision, était intervenue une ordonnance du 25 janvier 2005 statuant dans le cadre de l'article 18 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948, laquelle avait fixé une indemnité provisionnelle, ordonné l'expulsion de M. dans le délai de deux mois après versement de cette indemnité, avec exécution provisoire.

Par arrêt du 28 juin 2005, sur les défenses à exécution provisoire, la Cour d'appel avait rapporté l'exécution provisoire, au motif que la décision déférée consacrait une violation de l'article 6, alinéa 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

Cet arrêt était devenu définitif par rejet du pourvoi de la SCI Fontaine Palace suivant arrêt de la Cour de révision du 4 avril 2006.

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