Cour de révision, 12 septembre 2002, L. c/ Société Carrefour Monaco

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Abstract🔗

Contrat de travail

Licenciement - Reçu pour solde de tout compte - Validité du reçu : il suffit que l'exemplaire remis à l'employeur soit daté et signé - Effet libératoire limité - Le reçu visant une somme globale en l'absence de toute précision sur les éléments de rémunération et/ou d'indemnité ne vaut pas renonciation au droit de contester le licenciement, il ne vaut que comme simple reçu d'une somme

Résumé🔗

Selon le jugement attaqué du Tribunal de première instance statuant comme juridiction d'appel d'un jugement du tribunal du travail, M. L., engagé le 4 juillet 1998 en qualité d'ouvrier professionnel boulanger-pâtissier par la société Carrefour Monaco (société Carrefour), a été licencié pour faute grave le 9 juillet 1999. Le 23 juillet 1999 il a signé un reçu pour solde de tout compte par lequel il a reconnu avoir reçu la somme de 5 227,34 francs « en paiement des salaires, accessoires du salaire, remboursements de frais et indemnités de toute nature au titre de l'exécution et de la cessation de mon contrat de travail ». Le 16 mars 2000 il a demandé au tribunal du travail de condamner la société Carrefour pour licenciement abusif au paiement d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts. La société Carrefour a soutenu que, faute d'avoir dénoncé le reçu pour solde de tout compte dans le délai de deux mois, M. L. était forclos en ses demandes. Le Tribunal de première instance a infirmé la décision du tribunal du travail qui avait accueilli les demandes de M. L.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

M. L. fait grief au tribunal d'avoir insuffisamment motivé sa décision en ne répondant pas à ses conclusions par lesquelles il soutenait que le reçu pour solde de tout compte qu'il avait délivré n'avait pas de valeur faute de date sur l'exemplaire demeuré en sa possession.

Le jugement retient « qu'il importe peu que l'exemplaire du reçu en sa possession ne soit pas daté dès lors qu'il a signé et daté l'exemplaire qu'il a remis à son employeur » cet exemplaire étant « le seul à pouvoir être invoqué par la société Carrefour pour faire la preuve du paiement des sommes versées à son salarié licencié ». Le tribunal a donc répondu aux conclusions prétendument omises. Le moyen n'est pas fondé.

Sur le second moyen

Vu l'article 7 de la loi n° 638 du 11 janvier 1958.

Pour écarter les prétentions de M. L., le jugement retient qu'en signant un reçu pour solde de tout compte qui couvrait « les paiements des salaires, accessoires du salaire, remboursement de frais et indemnités de toute nature dus au titre de l'exécution et de la cessation de mon contrat de travail », M. L. s'est interdit de contester le motif de son licenciement.

En statuant ainsi, tandis que l'acte intitulé « reçu pour solde de tout compte » visant une somme globale, en l'absence de toute précision sur les éléments de rémunération et/ou d'indemnité qu'elle concerne, ne constitue pas un reçu pour solde de tout compte, mais un simple reçu de la somme qui y figure et ne peut donc valoir renonciation du salarié au droit de contester la cause réelle et sérieuse de son licenciement, le tribunal a violé le texte susvisé.


Motifs🔗

La Cour de révision,

Attendu, selon le jugement attaqué du Tribunal de première instance statuant comme juridiction d'appel d'un jugement du tribunal du travail, que M. L., engagé le 4 juillet 1998 en qualité d'ouvrier professionnel boulanger-pâtissier par la société Carrefour Monaco (société Carrefour), a été licencié pour faute grave le 9 juillet 1999 ; que le 23 juillet 1999 il a signé un reçu pour solde de tout compte par lequel il a reconnu avoir reçu la somme de 5 227,34 francs « en paiement des salaires, accessoires du salaire, remboursements de frais et indemnités de toute nature au titre de l'exécution et de la cessation de mon contrat de travail » ; que le 16 mars 2000 il a demandé au tribunal du travail de condamner la société Carrefour pour licenciement abusif au paiement d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts ; que la société Carrefour a soutenu que, faute d'avoir dénoncé le reçu pour solde de tout compte dans le délai de deux mois, M. L. était forclos en ses demandes ; que le Tribunal de première instance a infirmé la décision du tribunal du travail qui avait accueilli les demandes de M. L. ;

Sur la recevabilité des moyens, contestée par la défense,

Attendu que la société Carrefour prétend que les deux moyens du pourvoi seraient irrecevables faute par M. L. d'avoir, d'une part, articulé de façon précise en quoi le jugement aurait violé l'article 199 du Code de procédure civile, et, d'autre part, d'avoir omis de préciser quel article de la loi n° 638 du 11 janvier 1958 aurait été violé ;

Mais attendu que dans sa requête en révision, M. L. a invoqué un vice de motivation du jugement pour défaut de réponse à ses conclusions et la violation de l'article 7 de la loi du 11 janvier 1958 susvisée ; que les moyens sont donc recevables ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche,

Attendu que M. L. fait grief au tribunal d'avoir insuffisamment motivé sa décision en ne répondant pas à ses conclusions par lesquelles il soutenait que le reçu pour solde de tout compte qu'il avait délivré n'avait pas de valeur faute de date sur l'exemplaire demeuré en sa possession ;

Mais attendu que le jugement retient « qu'il importe peu que l'exemplaire du reçu en sa possession ne soit pas daté dès lors qu'il a signé et daté l'exemplaire qu'il a remis à son employeur » cet exemplaire étant « le seul à pouvoir être invoqué par la société Carrefour pour faire la preuve du paiement des sommes versées à son salarié licencié » ; que le tribunal a donc répondu aux conclusions prétendument omises ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen,

Vu l'article 7 de la loi n° 638 du 11 janvier 1958 ;

Attendu que, pour écarter les prétentions de M. L., le jugement retient qu'en signant un reçu pour solde de tout compte qui couvrait « les paiements des salaires, accessoires du salaire, remboursement de frais et indemnités de toute nature dus au titre de l'exécution et de la cessation de mon contrat de travail », M. L. s'est interdit de contester le motif de son licenciement ;

Attendu qu'en statuant ainsi, tandis que l'acte intitulé « reçu pour solde de tout compte » visant une somme globale, en l'absence de toute précision sur les éléments de rémunération et/ou d'indemnité qu'elle concerne, ne constitue pas un reçu pour solde de tout compte, mais un simple reçu de la somme qui y figure et ne peut donc valoir renonciation du salarié au droit de contester la cause réelle et sérieuse de son licenciement, le tribunal a violé le texte susvisé ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du premier moyen :

Casse et annule mais seulement en ce qu'il a déclaré que les demandes formées par M. L. devant le tribunal du travail étaient irrecevables en raison de leur forclusion, le jugement rendu le 1er février 2000, entre les parties par le Tribunal de première instance de Monaco ;

Remet en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement ;

Et pour être statué, renvoie les parties devant la Cour de révision statuant au fond.

Composition🔗

M.M. Jouhaud, prem. prés. ; Malibert, vice prés ; Appollis, Cons. rap. ; Cathalal, Cons. ; Mme Bardy, gref. en chef ; Mes Pastor, Léandri, av. déf.

Note🔗

Cet arrêt a cassé et annulé mais seulement en ce qu'il a déclaré que les demandes formées par M. L. devant le tribunal du travail étaient irrecevables en raison de leur forclusion, le jugement rendu le 1er février 2000 entre les parties par le tribunal de première instance de Monaco.

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