Cour de révision, 2 octobre 2001, S. C. c/ Barclay's Bank

  • Consulter le PDF

Abstract🔗

Répétition de l'indu

Condition d'erreur - Non limitation au paiement d'une somme d'argent - Valeurs mobilières faisant l'objet d'un virement excédentaire opéré par une banque sur un compte à l'étranger Exercice de l'action - Action en restitution exclusive d'une action en revendication - Compétence : juridiction monégasque - Obligation née ou devant être exécutée à Monaco - Clause attributive de compétence - Domiciliation de l'accipiens à Monaco - Dommages intérêts en faveur du solvens - en l'état d'un commandement de restituer infructueux et en l'absence de préjudice de l'accipiens

Résumé🔗

M. S. C. qui avait ouvert un compte courant à la succursale de la Barclay's Bank à Monaco et avait conclu avec celle-ci une convention de gestion de valeurs mobilières a mis fin à cette convention et donné l'ordre, à cet établissement le 18 juin 1994 de vendre certaines valeurs déterminées - ordre qu'il annulait avant exécution - en demandant le 31 mars 1994 de transférer ces valeurs à la « Suiss Bank Corporation » à New York pour être remises à la « Picket Bank and Trust » de Nassau, puis le 22 avril de transférer le surplus de ses avoirs à la Banque Suisse « Lombard Odier et Cie » à Genève.

À la date du 23 juin 1994, la Barclay's Bank portant à la connaissance de M. S. C., qu'à la suite d'une erreur d'écritures qu'elle avait commise, une fraction des valeurs mobilières virées une première fois à la « Picket Bank and Trust » à Nassau, avait été virée une seconde fois à la Banque Genevoise « Lombard Odier et Cie » et lui demandait, en conséquence de restituer le virement excédentaire ; M. S. C. n'ayant pas répondu, elle l'a assigné devant la juridiction monégasque.

Sur le premier moyen :

M. S. C. reproche à la cour d'appel d'avoir en reconnaissant sa compétence, d'abord violé 3-2° du Code de procédure civile, en refusant d'admettre que l'action introduite sous la forme d'une demande en répétition de l'indu, dont serait née une obligation de restitution devant être exécutée à Monaco, aurait constitué, en réalité une action en revendication de titres, de la compétence des juridictions du lieu où se trouvaient les détenteurs des biens réclamés ou de celles du domicile du défendeur, action qui, au surplus, n'était pas à exécuter à Monaco plus qu'ailleurs et, ensuite, d'avoir dénaturé le contrat de gestion en lui étendant une clause attributive de compétence contenue dans le seul contrat de compte courant. Mais il résulte de la combinaison des articles 1223 et 1226 du Code civil, que l'action en répétition de l'indu n'est pas limitée au seul cas où, ce qui a été reçu par erreur ou sciemment, serait une somme d'argent.

La cour d'appel a relevé que la loi retenait la compétence des juridictions de Monaco à l'égard des obligations nées ou devant être exécutées dans la Principauté, ce qui était le cas en l'espèce, et de surcroît que M. S. C. s'était, en signant le contrat de compte courant, domicilié à Monaco.

Elle n'a pas d'autre part, dénaturé le contrat de gestion, convention additive au contrat de compte courant, et, de ce fait, soumis aux mêmes conditions générales, lesquelles attribuaient compétence pour « toutes contestations pour quelque cause que ce soit entre les parties » aux juridictions de Monaco, clause dont la validité n'est pas, dans la Principauté, subordonnée à la qualité de commerçant des contractants.

Sur les deuxième et troisième moyens réunis :

Il est également reproché à la cour d'appel d'avoir déclaré recevable et bien fondée la demande de dommages-intérêts de la Barclay's Bank relative à la non-restitution de valeurs mobilières, bien tangibles et identifiables, au demeurant indisponibles pour M. S. C. du fait d'une mesure conservatoire prise dans le Canton de Genève et ce au titre de dispositions inappropriées, puisque relatives à la restitution de l'indu, et non aux règles applicables aux actions en revendication ; il lui est également fait reproche de n'avoir pas répondu au moyen selon lequel le comportement gravement fautif de la banque dans l'exécution de l'opération de transfert des titres devait donner lieu à une réparation au moins équivalente au préjudice qu'elle même prétendait alléguer.

Mais, en appliquant à bon droit les textes relatifs à la répétition de l'indu, la cour d'appel a relevé qu'ayant été informé le 17 mai 1994 de l'erreur commise par la banque et reçu d'elle le 23 décembre 1994 commandement d'avoir à restituer le trop perçu, M. S. C., s'en est abstenu en toute connaissance de cause provoquant ainsi un préjudice qu'elle a souverainement apprécié, sans possibilité pour lui d'invoquer un prétendu dommage résultant de l'indisponibilité de sommes qu'il savait ne pas lui revenir.


Motifs🔗

La Cour de révision,

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que M. S. C., après avoir ouvert un « compte courant » à la succursale à Monaco de la Barclay's Bank a, le 12 janvier 1993, conclu, avec elle, « une convention de gestion de valeurs immobilières » ; que le 7 janvier 1994, il faisait savoir à cet établissement qu'il entendait mettre fin au mandat de gestion qu'il lui avait conféré avec ordre, donné le 18 février 1994, de vendre certaines valeurs déterminées en précisant le 22 février 1994, par un additif aux instructions qu'il venait de donner : « au meilleur prix au plus tard début avril » ; qu'avant toute exécution de l'ordre, il l'annulait et demandait le 31 mars 1994, de transférer les titres précédemment désignés à la « Suiss Bank Corporation » à New-York pour être remis à la « Picket Bank and Trust » de Nassau, puis le 22 avril, le surplus de ses avoirs à la banque suisse « Lombard Odier et Cie » à Genève ;

Attendu qu'à la date du 23 juin 1994, la Barclay's Bank portait à la connaissance de M. S. C., qu'à la suite d'une erreur d'écritures qu'elle avait commise une fraction des valeurs mobilières virées une première fois à la « Picket and Trust » à Nassau, avait été virée une seconde fois à la Banque genevoise « Lombard Odier et Cie » et lui demandait, en conséquence de restituer le virement excédentaire ; que M. S. C. n'ayant pas répondu elle l'a assigné devant la juridiction monégasque ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. S. C. reproche à la cour d'appel d'avoir, en reconnaissant la compétence de cette juridiction, d'abord, violé l'article 3-2° du Code de procédure civile en refusant d'admettre que l'action, introduite sous la forme d'une demande en répétition de l'indu, dont serait née une obligation de restitution devant être exécutée à Monaco, aurait constitué, en réalité, une action en revendication de titres, de la compétence des juridictions du lieu où se trouvaient les détenteurs des biens réclamés ou de celles du domicile du défendeur, action qui, au surplus, n'était pas à exécuter à Monaco plus qu'ailleurs et ensuite, d'avoir dénaturé le contrat de gestion en lui étendant une clause attributive de compétence contenue dans le seul contrat de compte courant ;

Mais attendu qu'il résulte de la combinaison des articles 1223 et 1226 du Code civil, que l'action en répétition de l'indu n'est pas limitée au seul cas ou ce qui a été reçu par erreur ou sciemment serait une somme d'argent ; que la cour d'appel a relevé que la loi retenait la compétence des juridictions de Monaco à l'égard des obligations nées ou devant être exécutées dans la Principauté, ce qui était le cas de l'espèce, et de surcroît que M. S. C. s'était, en signant le contrat de compte courant, domicilié à Monaco ; qu'elle n'a pas, d'autre part, dénaturé le contrat de gestion, convention additive au contrat de compte courant, et de ce fait, soumis aux mêmes conditions générales, lesquelles attribuaient compétence pour « toutes contestations pour quelque cause que ce soit entre les parties » aux juridictions de Monaco, clause dont la validité n'est pas, dans la Principauté, subordonnée à la qualité de commerçant des contractants ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les deuxième et troisième moyens réunis :

Attendu qu'il est également reproché à la cour d'appel d'avoir déclaré recevable et bien fondée la demande de dommage-intérêts de la Barclay's Bank relative à la non-restitution de valeurs mobilières, bien tangibles et identifiables, au demeurant indisponibles pour M. S. C. du fait d'une mesure conservatoire prise dans le canton de Genève et ce au titre des dispositions inappropriées, puisque relatives à la restitution de l'indu, et non aux règles applicables aux actions en revendication ; qu'il lui est également fait reproche de n'avoir pas répondu au moyen selon lequel le comportement gravement fautif de la banque dans l'exécution de l'opération de transfert des titres devait donner lieu à une réparation au moins équivalente au préjudice qu'elle-même prétendait alléguer ;

Mais attendu qu'appliquant à bon droit les textes relatifs à la répétition de l'indu, la cour d'appel a relevé qu'ayant été informé dès le 17 mai 1994 de l'erreur commise par la banque et reçu d'elle le 23 décembre 1994 commandement d'avoir à restituer le trop perçu M. S. C. s'en est abstenu en toute connaissance de cause provoquant ainsi un préjudice qu'elle a souverainement apprécié, sans possibilité pour lui d'invoquer un prétendu dommage résultant de l'indisponibilité de sommes qu'il savait ne pas lui revenir ; que les deuxième et troisième moyens ne peuvent donc être accueillis ;

Et sur la demande de dommages-intérêts complémentaires sollicités par la Barclay's Bank :

Attendu qu'il n'y a pas lieu d'y faire droit ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS :

Rejette le pourvoi ;

Condamne le demandeur à l'amende et aux dépens,

Dit la Barclay's Bank mal fondée en sa demande de dommages-intérêts complémentaires ;

L'en déboute

Composition🔗

MM. Jouhaud, prem. prés. ; Malibert, v. prés. ; Apollis et Cathala, cons. ; Serdet, proc. gén. ; Mme Bardy, gref. en chef ; Mes Karczag-Mencarelli et Escaut, av. Déf. ; Lellouche, av. bar. de Nice.

Note🔗

Cet arrêt rejette le pourvoi formé contre l'arrêt de la cour d'appel rendu le 31 octobre 2000.

  • Consulter le PDF