Cour de révision, 7 octobre 1999, Sté Altim c/ SCI l'Émeraude

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Abstract🔗

Jugement

Discordance entre motifs et dispositif

- Action en rectification pour erreur matérielle (non)

- Action en interprétation de la décision (oui)

- Aucune condition de délai

Résumé🔗

La demande faisant état d'une discordance entre les motifs et le dispositif lequel omet de prononcer l'une des condamnations énoncée dans les motifs, s'analyse non point comme une requête en rectification d'une erreur matérielle laquelle est soumise à la prescription de l'article 438-8 du Code de procédure civile, mais comme un recours en interprétation d'une décision.

Il appartient à tout juge d'interpréter sa décision et l'exercice de ce pouvoir n'est soumis à aucune condition de délai ; une décision de justice constitue un tout et il ne peut être fait abstraction des motifs au caractère décisoire admis en Principauté, pour la compréhension du dispositif.


Motifs🔗

La Cour de révision,

Attendu que par requête en date du 12 juillet 1999 la société Altim Bank a introduit une demande de rectification d'erreur matérielle de l'arrêt de la Cour de révision n° R. 4768 en date du 31 mai 1999 intervenu sur renvoi après cassation à l'occasion du pourvoi n° 98-22 opposant Altim Bank à la SCI l'Émeraude ; qu'après communication de cette requête à la SCI l'Émeraude et réplique de la part de celle-ci, cette demande a été soumise à l'audience de ce jour de la Cour de révision ;

Attendu qu'à cette audience a été remise à la Cour de révision une lettre de Maître Lorenzi, avocat-défenseur, constitué par la société Altim et qui, datée du 6 octobre 1999 et déposée au greffe général le 7 octobre, annonçait que ladite société entendait se désister purement et simplement de sa requête en rectification d'erreur matérielle, en demandant qu'il soit donné acte de ce désistement ;

Sur la demande de donné acte de désistement :

Attendu qu'il résulte des articles 410 et 171 du Code de procédure civile que le désistement d'instance peut être fait et accepté par simple déclaration à l'audience des parties ou de leurs défenseurs munis, fussent-ils avocats-défenseurs, d'une procuration spéciale des parties donnée soit au greffe soit verbalement devant le tribunal ;

Attendu que la lettre de désistement de Maître Lorenzi ne justifie pas de l'accomplissement de cette condition ; que Maître Sbarrato, avocat-défenseur de la SCI l'Émeraude, a déclaré à l'audience ne pas être en possession d'une procuration de ladite SCI lui permettant d'accepter le désistement de la partie adverse et plaidé au fond sur la demande en rectification ;

Que la Cour n'est donc pas en mesure de prendre acte d'un désistement valable et qu'il lui appartient de statuer sur la requête ;

Sur la requête en rectification d'erreur matérielle :

Attendu que la demande de la société Altim invoque la discordance, dans l'arrêt concerné, entre les motifs et le dispositif ;

Qu'aux termes des motifs, en effet, les intérêts de la somme à laquelle la SCI l'Émeraude était condamnée envers la société Altim « seront dus, conformément aux dispositions de l'article quatrième de la convention pour la somme de 30 000 francs à partir de son débit du compte jusqu'au 30 septembre 1990, date de la clôture dudit compte, et qu'il en sera de même des sommes de 500 000 francs, 250 000 francs et 259 938 francs versées à M. P. à compter des dates respectives de leur débit ;

Que les mêmes intérêts seront dus pour la période postérieure au 30 septembre 1990 et que s'y ajoutera, à partir de cette date et jusqu'à complet paiement, la pénalité prévue à l'article septième de la convention notariée ; »

Que, cependant, dans le dispositif ne sont citées, en ce qui concerne le point de départ des intérêts, que les sommes de 300 000, 500 000 et 259 938 francs et non la somme intermédiaire de 250 000 francs ;

Attendu que la SCI l'Émeraude se fondant sur les dispositions de l'article 438-8 du Code de procédure civile demande à la Cour de déclarer irrecevable, parce que tardive, la requête en rectification d'erreur matérielle et subsidiairement de la rejeter comme aggravant les condamnations contenues dans le dispositif et passées en force de chose jugée ; qu'elle réclame, en outre, 150 000 francs de dommages-intérêts à raison du préjudice que lui causerait l'incident ;

Attendu que la requête faisant état, comme il a été dit, d'une discordance entre motifs et dispositif s'analyse en réalité comme un recours en interprétation ;

Qu'il appartient à tout juge d'interpréter sa décision et que l'exercice de ce pouvoir n'est soumis à aucune condition de délai ;

Qu'une décision de justice constitue un tout et qu'il ne peut être fait abstraction des motifs pour la compréhension du dispositif ;

Que, dans la circonstance, par des motifs au caractère décisoire admis en Principauté, la Cour d'appel a précisé que les intérêts conventionnels seraient dus pour les sommes de « 500 000 francs, de 250 000 francs et de 259 938 francs correspondant aux versements faits par Altim à M. P. » en paiement de la dette envers lui de la SCI l'Émeraude, à compter des dates respectives de leur débit du compte, et ce, jusqu'à sa clôture le 30 septembre 1990, et que serait en outre due, pour la période postérieure et jusqu'à complet paiement, en sus des mêmes intérêts, la pénalité prévue dans la convention notariée ; que le total de ces trois sommes de 500 000 francs, 250 000 francs et 259 938 francs correspond exactement à la condamnation à 1 009 938 francs en capital, fixée à l'alinéa 2 du dispositif de l'arrêt ; que la décision relative aux intérêts s'applique donc sans ambiguïté à chacune de ces sommes de 500 000 francs, 250 000 francs et 259 938 francs ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS :

Dit :

  • n'y avoir à donner acte de son désistement à la société Altim ;

  • n'y avoir lieu non plus à rectification d'erreur matérielle ;

Mais, interprétant son arrêt n° 4768 du 31 mai 1999, dit que les intérêts seront dus comme il est précisé aux alinéas 3, 4 et 5 de la page 9 dudit arrêt ;

Rejette la demande de dommages-intérêts de la SCI l'Émeraude ;

Laisse les frais à la charge du Trésor ;

Dit qu'il n'y a lieu à amende contre quiconque ;

Composition🔗

MM. Jouhaud, vice-prés. rap. ; Malibert, Apollis et Cathala, cons. ; Serdet, proc. gén. ; Mme Bardy, gref. en chef adj. ; Mes Lorenzi et Sbarrato, av. déf.

Note🔗

Cet arrêt ne rectifie pas pour erreur matérielle mais interprète un arrêt que la Cour de révision avait prononcé le 31 mars 1999.

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