Cour de révision, 5 octobre 1998, R. c/ A.

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Abstract🔗

Contrat de travail

Licenciement - Faute grave invoquée - Détournement - Preuve non rapportée

Abus de droit (non)

Réformation partielle de la décision (appel non abusif) - Allocation de dommages-intérêts à l'intimé pour appel abusif (non) - Violation de l'article 1229 du Code civil

Résumé🔗

Mme R. fait grief au jugement attaqué d'avoir écarté toute qualification de faute grave aux faits commis par Mme A. (non-enregistrement sur la caisse automatique de la vente de certains articles) en cours d'exécution de son préavis aux motifs - insuffisants pour permettre à la Cour de Révision d'exercer le contrôle, qui lui appartient en matière de droit du travail, des fautes de cette nature - qu'il n'y avait pas eu de détournements et que Mme R. n'avait pas, en définitive, porté plainte.

Mais le Tribunal, qui a souverainement estimé que la preuve n'était pas rapportée d'aucun détournement, a également relevé qu'en présence du dysfonctionnement de la caisse enregistreuse, Mme A. y avait suppléé par des fiches manuscrites signées et revêtues du timbre du commerce et en a justement déduit qu'il n'y avait pas eu de faute grave

Il résulte de l'article 1229 du Code civil, qu'il ne saurait y avoir abus de droit à exercer un recours judiciaire, dès lors qu'il a conduit au bénéfice de celui qui l'a exercé, à la réformation même partielle de la décision attaquée.

Le Tribunal qui a accueilli en partie la demande de Mme R., en réduisant de 75 000 francs à 50 000 francs la somme mise à sa charge pour le préjudice personnel provoqué à Mme A., a cependant, en accordant à cette dernière 10 000 francs de dommages-intérêts pour le préjudice que lui aurait causé l'appel abusif de son adversaire, a violé le texte susvisé


Motifs🔗

La Cour de révision,

Attendu que, par suite de la réduction d'activité de son commerce, Mme M. R. a proposé à Mme S. A. la substitution d'un emploi à mi-temps à l'emploi à plein temps qu'elle occupait jusqu'alors ; que Mme A. ayant refusé cette proposition a été licenciée pour cause économique ; qu'au cours de l'exécution de son préavis, elle a reçu de Mme R. une lettre de licenciement immédiat pour faute grave, à savoir, ne pas avoir enregistré sur la caisse automatique la vente de certains articles ; que le Tribunal de première instance, statuant en appel du Tribunal du travail, a estimé qu'il n'y avait pas eu de faute grave de la part de Mme A., dès lors fondée à obtenir le paiement de la totalité de l'indemnité compensatrice liée à l'interruption de son préavis ; que d'autre part, tout en reconnaissant également fondé le droit à l'indemnité particulière que lui avait accordée le Tribunal du travail pour le préjudice à elle causé par les accusations de Mme R. et les propos de dénigrement tenus à son sujet, les juges d'appel ont réduit le montant de cette indemnité ;

Sur le second moyen :

Attendu que Mme R. fait grief au jugement attaqué d'avoir écarté toute qualification de faute grave aux faits commis par Mme A. en cours d'exécution de son préavis, aux motifs, - insuffisants pour permettre à la Cour de révision d'exercer le contrôle, qui lui appartient en matière de droit du travail, des fautes de cette nature -, qu'il n'y avait pas eu de détournements et que Mme R. n'avait pas, en définitive, porté plainte ;

Mais attendu que le Tribunal, qui a souverainement estimé que la preuve n'était rapportée d'aucun détournement, a également relevé qu'en présence du dysfonctionnement de la caisse enregistreuse, Mme A. y avait suppléé par des fiches manuscrites signées et revêtues du timbre du commerce et en a justement déduit qu'il n'y avait pas eu de faute grave ; que le moyen n'est pas fondé ;

Rejette le moyen ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l'article 1229 du Code civil ;

Attendu qu'il résulte de ce texte qu'il ne saurait y avoir abus de droit à exercer un recours judiciaire, dès lors qu'il a conduit, au bénéfice de celui qui l'a exercé, à la réformation même partielle de la décision attaquée ;

Attendu qu'accueillant en partie la demande de Mme R., le Tribunal, qui a réduit de 75 000 francs à 50 000 francs la somme mise à sa charge pour le préjudice personnel provoqué à Mme A., a cependant accordé à cette dernière 10 000 francs de dommages-intérêts pour le préjudice que lui aurait causé l'appel abusif de son adversaire ;

Que, ce faisant, il a violé le texte susvisé ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Casse le jugement, mais seulement en ce qu'il a condamné Mme R. à 10 000 francs de dommages et intérêts pour appel abusif ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi ;

Condamne la demanderesse à l'amende et aux dépens ;

Composition🔗

MM. Monégier du Sorbier prem. prés. ; Jouhaud v. prés. rap. ; Malibert cons. ; Montecucco gref. en chef ; Mes Sbarrato, Pasquier-Ciulla av. déf.

Note🔗

Cet arrêt a cassé partiellement le jugement du 19 février 1998 rendu par le Tribunal de première instance, statuant comme juridiction d'appel du Tribunal du travail.

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