Cour de révision, 3 octobre 1997, V. c/ Société Valente et SCI Le Gallion

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Abstract🔗

Contrats et obligations

Objet impossible - Destination d'un fonds de commerce prohibée par règlement de copropriété - Nullité de la vente du fonds de commerce

Vente

Fonds de commerce : destination prohibée - Nullité de la vente : objet impossible

Résumé🔗

Dès lors que la Cour d'appel a relevé que, de par la nature même de l'exploitation envisagée (bar, salon de thé) la vente qui portait sur le fonds de commerce, lequel n'a d'existence qu'en fonction de tous les éléments qui le composent, et dont la destination constituait un élément essentiel, se présentait du fait du règlement de copropriété, et de la décision de la Cour de révision qui avait ordonné la fermeture du fonds, comme portant sur un objet impossible, c'est à bon droit qu'elle en a déduit que le contrat de vente était nul et ne pouvait produire effet, en aucune de ses clauses.


Motifs🔗

La Cour de révision,

Attendu que Madame M. V. a, en exécution d'une promesse de bail consentie le 18 février 1988, suivie, le 24 octobre, de la signature du bail lui-même, loué à la SCI Le Gallion un local sis dans un immeuble en copropriété, en vue de l'exploitation d'un commerce de « bar, salon de thé, glacier et crêperie » et ce malgré le refus d'une assemblée générale extraordinaire des propriétaires tenue le 6 juin de la même année, et à laquelle elle assistait ; que ce refus avait pour motif la clause du règlement de copropriété de l'immeuble interdisant tout commerce, à l'exception d'un seul magasin d'antiquités préexistant ; que Madame M. V. et la SCI Le Gallion ont fait cependant effectuer les travaux d'adaptation du local à la nature du commerce projeté ; que la Cour de révision a, le 1er octobre 1993, cassé l'arrêt de la Cour d'appel ayant rejeté les demandes de fermeture de ce commerce et de remise des lieux en leur état antérieur, puis, statuant au fond le 14 mars 1994, ordonné cette fermeture et la remise des lieux en état compatible avec le règlement de copropriété ; qu'entre ces deux décisions, Mme M. V. avait vendu son fonds de commerce à la société en commandite simple Valente, l'acquéreur ayant déclaré dans l'acte bien connaître l'état du litige en cours et s'étant engagé à en assumer les conséquences ; que, par arrêt du 26 novembre 1996, la Cour d'appel a, statuant sur diverses instances introduites après ces décisions, prononcé la nullité de la vente conclue par Mme M. V. avec la société Valente et prononcé, aussi, à compter du 1er octobre 1993, date de l'arrêt de la Cour de révision par l'effet duquel avait disparu tout espoir d'exploiter le fonds, la résiliation du bail ayant existé entre la SCI Le Gallion et Mme M. V. ;

Sur le premier moyen dirigé contre la société Valente :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé l'annulation de la vente du fonds de commerce au motif que lorsqu'elle l'a vendu à la société Valente, Mme M. V. connaissait l'arrêt de la Cour de révision du 1er octobre 1993 et savait de ce fait ce fonds inexploitable, alors qu'une telle annulation n'aurait pu se justifier que par l'inexistence totale de l'objet du contrat et que les juges n'auraient pas recherché si parmi les éléments du fonds, droit au bail, clientèle, stock et mise à la disposition d'un local, il n'en subsistait pas quelques-uns, et ce, sans avoir non plus tenu compte de la clause par laquelle la société Valente avait déclaré « bien connaître l'existence du litige et faire son affaire de ses éventuelles conséquences » ;

Mais attendu que la Cour d'appel a relevé que, de par la nature même de l'exploitation envisagée, la vente qui portait sur le fonds de commerce, lequel n'a d'existence qu'en fonction de tous les éléments qui le composent et dont la destination constituait un élément essentiel, se présentait, du fait du règlement de copropriété et de la décision de la Cour de révision, comme portant sur un objet impossible ; qu'elle en a déduit, à bon droit, que le contrat de vente était nul et ne pouvait produire effet en aucune de ses clauses ;

Sur les deuxième, troisième, quatrième et cinquième moyens du pourvoi - qui est recevable - tous dirigés contre la société Le Gallion :

Attendu qu'il est également reproché à la Cour d'appel d'avoir déclaré résilié, à la demande de la SCI Le Gallion, le bail conclu entre elle et Mme M. V., et ce, aux torts réciproques des deux parties, alors que la mise en œuvre de la clause résolutoire par la procédure simplifiée qu'il prévoyait supposait une mise en demeure préalable ; alors, aussi, qu'il n'aurait pas été répondu aux conclusions selon lesquelles, à la différence de la promesse de bail initiale le bail effectif n'avait pas repris dans les mêmes termes la clause de destination des lieux ; alors également que n'aurait pu être nié le droit de la locataire de mettre en cause la responsabilité de son bailleur au motif qu'elle connaissait l'incompatibilité de son commerce avec le règlement de copropriété, dès lors qu'elle l'ignorait lors de la signature de la promesse de bail et alors, enfin, qu'aucune conséquence n'aurait pu être tirée de la réunion de copropriété du 6 juin 1988, puisque le procès-verbal de cette réunion ne faisait pas partie des pièces communiquées entre parties ;

Mais attendu, d'abord, qu'en présence d'une demande de résiliation judiciaire, la Cour d'appel n'avait pas à appliquer la procédure prévue au contrat pour la seule résiliation de plein droit ; qu'ensuite, les différences de rédaction alléguées entre la promesse de bail et le bail lui-même, d'autant moins significatives que le commerce ouvert après signature de celui-ci était conforme à ce que prévoyait la promesse, ne constituait qu'un simple argument et non un moyen requérant réponse ; qu'également la Cour d'appel, en dépit d'une formulation peu appropriée, a bien admis Mme V. à mettre en cause la responsabilité de son bailleur, en reconnaissant à ce dernier des torts égaux aux siens propres ; qu'enfin peu importe que le procès-verbal de la réunion de copropriété du 6 juin 1988 n'ait pas été communiqué entre parties, dès l'instant qu'il est relevé que chacune d'entre elles connaissait le résultat de cette réunion ;

Et sur le sixième moyen :

Attendu que Mme M. V. reproche à la Cour d'appel d'avoir refusé la suppression des mots « sournoiseries et cabotinage » figurant dans ses conclusions au motif inapproprié que ces termes n'étaient « que le résultat d'une connaissance mal maîtrisée de la langue française » et « ne manifestaient aucune volonté d'offense particulière » ;

Mais attendu que nul ne peut être fondé à se plaindre du refus de suppression par une juridiction de mots employés par lui dans ses propres conclusions ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse à l'amende et aux dépens ;

Composition🔗

MM. Monégier du Sorbier prem. prés. ; Cochard, v. prés. ; Jouhaud, cons. resp. ; Malibert cons. ; Carrasco proc. gén. ; Montecucco, gref. en chef ; Mes Pasquier-Ciulla, Karczag-Mencarelli, Lorenzi, av. déf. ; De Nervo, av. bar. de Paris.

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