Cour de révision, 9 mars 1995, SAM Squadra II c/ S., SAM Squadra I, Société Hervillier, B. es-qualité de syndic

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Abstract🔗

Faillite

Liquidation de biens - Suspension des poursuites individuelles (C. com., art. 461) - Non-application : demande non soumise à la procédure de vérification des créances

Résumé🔗

Dès lors que le jugement du Tribunal de première instance, statuant comme juridiction d'appel, a confirmé une décision du Tribunal du travail en ce qu'il avait retenu telle date comme correspondant au licenciement d'un salarié, date pour laquelle existait une contestation et a renvoyé ce dernier pour ses demandes en indemnité à produire à la liquidation des biens de la Société qui l'employait, il ne saurait être fait grief à ce jugement d'avoir statué au fond au mépris du principe de la suspension des poursuites individuelles prévu par l'article 461 du Code de commerce.

En effet le Tribunal de première instance a statué sur une demande qui, ne tendant pas au paiement d'une somme d'argent, n'était pas soumise à la procédure de vérification des créances, alors que dans le dispositif de son jugement, qui a seul autorité de la chose jugée, il a renvoyé le salarié à produire à la liquidation de biens.


Motifs🔗

La Cour de révision,

Attendu que par acte du 14 janvier 1988, la société La Squadra I, par laquelle J. S. était employé en qualité de directeur salarié depuis le 1er décembre 1972 a cédé la totalité des éléments de son fonds de commerce à la société Hervillier ; que celle-ci a apporté le 5 mai 1988 ces éléments à une nouvelle société La Squadra II ;

Qu'il était stipulé dans un accord que le cessionnaire ferait connaître au cédant la liste du personnel conservé au sein de la nouvelle société avant le 1er juin 1988 pour le personnel administratif de Monaco et avant le 1er janvier 1989 pour le reste du personnel, et en ce qui concerne J. S., qu'il collaborerait avec Hervillier, pendant une durée minimum de six mois à mi-temps moyennant un salaire mensuel ;

Qu'à compter du 16 juillet 1988 J. S. a cessé d'exercer ses activités pour le compte de la société La Squadra II ;

Que par jugement du 19 décembre 1991 le Tribunal du travail saisi par J. S. a condamné solidairement les sociétés Squadra II et Hervillier à payer à J. S. des sommes à titre d'indemnités de rupture et de complément de salaire, a débouté J. S. de ses demandes en paiement d'indemnités pour licenciement abusif et de non concurrence et a condamné la société Squadra I à garantir les sociétés Squadra II et Hervillier des condamnations prononcées contre elles ;

Que sur appel principal des sociétés Squadra II et Hervillier et appel incident de J. S., le jugement attaqué du 6 octobre 1994 a donné acte à C. B. de son intervention volontaire en qualité de syndic à la liquidation des biens de la société Squadra II prononcée le 11 novembre 1993, a confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait retenu la date du 23 décembre 1988 comme étant celle du licenciement de J. S., a renvoyé celui-ci pour le surplus de ses demandes à produire à la liquidation des biens de la société La Squadra II quant au montant des sommes lui revenant, a ordonné de ce chef la suspension de l'instance et a mis hors de cause les sociétés La Squadra I et Hervillier ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il est fait grief au jugement d'avoir statué au fond sur la demande de J. S., malgré la déclaration de liquidation des biens de la société Squadra II et les conséquences juridiques d'ordre public liées à cette situation alors selon le moyen, d'une part, qu'il n'existait pas de divergences majeures sur la date du licenciement mais une contestation sur l'existence du lien contractuel avec la société Squadra II, de sorte qu'il convenait d'apprécier si les parties avaient manifesté la volonté d'exclure l'application de l'article 15 de la loi n° 729 du 16 mai 1963 car à défaut, le contrat de travail de J. S. était censé avoir été transféré à la société La Squadra II par l'effet de la loi, au jour de la cession du fonds de commerce ;

Qu'en conséquence la date supposée du licenciement n'avait aucun intérêt sur la détermination du responsable de la rupture du contrat de travail ;

Que le tribunal de première instance a statué par un motif inopérant qui caractérise le manque de base légale ;

Alors, d'autre part, que le principe de la suspension des poursuites individuelles prévu par l'article 461 du Code de commerce, faisait défense au tribunal d'instruire l'instance engagée par J. S. ; qu'en examinant le bien fondé du licenciement avant de renvoyer J. S. à produire dans le cadre de la procédure collective, alors qu'il lui appartenait en premier lieu de statuer sur la recevabilité des demandes, le tribunal a entaché sa décision d'une contradiction de motifs ;

Mais attendu d'abord qu'il résulte tant du jugement que des conclusions de la société qu'il existait un différend sur la date de licenciement ;

Attendu ensuite que le tribunal de première instance a statué sur des demandes qui, ne tendant pas au paiement d'une somme d'argent, n'étaient pas soumises à la procédure de vérification des créances et dans le dispositif de son jugement qui a seul autorité de la chose jugée, a renvoyé le salarié à produire à la liquidation des biens de la société Squadra II ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société Squadra II reproche aux juges d'appel d'avoir fait application de l'article 15 de la loi n° 729 du 16 mai 1963 en confirmant la décision du tribunal du travail et, ce faisant, d'avoir estimé que malgré la convention des parties il y avait continuation du contrat de travail conclu entre J. S. et la société La Squadra I et transfert le 14 janvier 1988 du bien contractuel à la société Hervillier puis à la société Squadra II, alors selon le moyen en premier lieu que le contrat de cession du fonds de commerce en date du 14 janvier 1988, prévoyait le droit pour la société cessionnaire de choisir parmi le personnel de la société La Squadra I, ceux des membres qu'elle souhaitait embaucher pour son compte personnel ; que les parties ont ainsi volontairement exclu l'application de l'article 15 de la loi susvisée ;

Alors en second lieu que les juges du fond se sont contredits en reconnaissant la validité de la convention des parties en ce qui concerne les dispositions touchant au sort de J. S. tout en rappelant que ce dernier avait immédiatement après la cession du fonds de commerce, bénéficié d'un contrat à durée déterminée de six mois au sein de la société cessionnaire ;

Mais attendu que les parties ne peuvent se soustraire à l'application des dispositions d'ordre public de l'article 15 de la loi n° 729 du 16 mai 1963 ;

Qu'abstraction faite de motifs surabondants, la décision se trouve dès lors justifiée ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Rejette le pourvoi,

Condamne la demanderesse à l'amende et aux dépens ;

Composition🔗

MM. Charliac Prem. prés. ; Monégier du Sorbier v. Prés. ; Cochard cons. rap. ; Jouhaud cons. Mes Sbarrato, Brugnetti, Escaut av. déf.

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