Cour de révision, 6 octobre 1994, Société Sefonil c/ dames D. C. et M. Vve M.

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Abstract🔗

Baux d'habitation

Démolition d'un Immeuble en vue de le reconstruire - Droit de relogement du locataire - Priorité pour l'obtention de locaux correspondant à ses besoins dans le nouvel Immeuble - Procédure spécifique obligatoire pour le propriétaire qui a reconstruit - Dispositions d'ordre public

Résumé🔗

Aux termes de l'ordonnance-loi n° 669 du 17 septembre 1959, le propriétaire qui, du fait de son intention de reconstruire, ne peut se voir opposer par son locataire monégasque aucun droit au maintien dans les lieux, lorsque la totalité du local utilisé par ce dernier est rendu inutilisable par l'exécution des travaux, a l'obligation, en contrepartie, de reloger le locataire évincé dans les locaux en bon état d'habitabilité et correspondant à ses besoins normaux.

Si le propriétaire n'a pu le reloger à titre définitif dans d'autres locaux lui appartenant, le locataire dispose d'un droit de priorité pour obtenir dans l'immeuble reconstruit la location de locaux correspondant à ses besoins ; une procédure spécifique obligatoire pour le propriétaire ayant reconstruit, est, au demeurant, prévue par l'article 35.2 de l'ordonnance-loi, pour permettre au locataire de retrouver ses droits dans le nouvel immeuble ; toutes dispositions contraires sont, en vertu de l'article 36 de ladite ordonnance-loi, frappées de nullité et passibles de sanctions pénales, prévues par l'article 44 alinéa 1 du même texte.

Dès lors la Cour d'appel a décidé à bon droit que le nouveau propriétaire avait l'obligation de reloger la locataire concernée à titre définitif, après l'avoir logée à titre provisoire pendant les travaux, en lui proposant par voie de priorité dans l'immeuble reconstruit, des locaux correspondant à ses besoins et qu'il ne pouvait se décharger de cette obligation sur l'ancien propriétaire de l'immeuble en invoquant une disposition du contrat de vente, auquel la locataire n'avait pas été partie, et contraire à la loi.


Motifs🔗

La Cour de révision

Sur les deux moyens réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Sefonil a fait l'acquisition d'une villa en vue de la détruire et de construire, sur le même emplacement, un ensemble immobilier ; que Madame M. D. C. de nationalité monégasque, locataire d'un appartement dans la villa détruite a réclamé à cette société son droit au relogement ; que la société Sefonil a soutenu que c'était à l'ancienne propriétaire de la villa, qui l'ayant vendue, avait reçu, à titre de dation en paiement, quelques appartements dans le nouvel immeuble, qu'il appartenait, comme il était stipulé d'elle dans l'acte d'achat, de reloger Madame D. C. ;

Attendu que la société Sefonil fait d'abord grief à la Cour d'appel de l'avoir condamnée à reloger définitivement Madame D. C., qu'elle avait logée provisoirement pendant la durée des travaux, en violation de l'article 34 de l'ordonnance-loi 669 du 17 septembre 1959 qui ferait obstacle à ce que le locataire opposât un quelconque droit au maintien dans les lieux à l'intention du propriétaire de détruire les locaux, et de l'article 35 du même texte qui, après le logement provisoire de Mme D. C. par la société SEFONIL, ne lui aurait pas imposé son relogement définitif ; encore, de son article 35.2 qui ne créerait pas une obligation de relogement du locataire mais un simple droit de priorité quant à la location auprès du constructeur de locaux correspondant à ses besoins normaux ; qu'il est, en outre, reproché à l'arrêt attaqué d'avoir considéré ces dispositions de l'ordonnance-loi, bien que n'étant assorties d'aucune sanction pénale et n'édictant aucune nullité, comme étant d'ordre public ;

Attendu que la société Sefonil reproche aussi à la Cour d'appel d'avoir méconnu le droit du locataire de disposer de son droit à priorité au logement soit contre indemnité soit en acceptant de son ancien propriétaire son relogement par celui-ci, et d'avoir énoncé que ce droit pouvait s'exercer sur l'entier immeuble reconstruit et ne pouvait être cantonné aux locaux que la venderesse de la villa avait elle-même reçus à titre de dation en paiement ;

Attendu qu'il est, enfin, fait grief à la Cour d'appel de n'avoir pas précisé si le caractère d'ordre public qu'elle reconnaissait à la loi était de nature absolue, ou si, créé pour la protection d'intérêts particuliers, il n'était pas de nature seulement relative.

Mais attendu qu'aux termes de l'ordonnance-loi n° 669 du 17 septembre 1959, le propriétaire qui, du fait de son intention de reconstruire, ne peut se voir opposer par son locataire monégasque aucun droit au maintien dans les lieux, lorsque la totalité du local utilisé par ce dernier est rendu inutilisable par l'exécution des travaux, a l'obligation, en contrepartie, de reloger le locataire évincé dans les locaux en bon état d'habitabilité et correspondant à ses besoins normaux ; que si le propriétaire n'a pu le reloger à titre définitif dans d'autres locaux lui appartenant, le locataire dispose d'un droit de priorité pour obtenir dans l'immeuble reconstruit la location de locaux correspondant à ses besoins et qu'une procédure spécifique, obligatoire pour le propriétaire ayant reconstruit, est, au demeurant, prévue par l'article 35.2 de l'ordonnance-loi, pour permettre au locataire de retrouver ses droits dans le nouvel immeuble ; que toutes dispositions contraires sont, en vertu de l'article 36 de cette ordonnance frappées de nullité et passibles de sanctions pénales prévues par l'article 44 alinéa 1 du même texte.

Attendu, dès lors, que la Cour d'appel a décidé à bon droit que la société SEFONIL avait l'obligation de reloger Mme D. C. à titre définitif, après l'avoir logée à titre provisoire pendant les travaux, en lui proposant, par voie de priorité dans l'immeuble reconstruit, des locaux correspondant à ses besoins et qu'elle ne pouvait se décharger de cette obligation sur l'ancien propriétaire de l'immeuble en invoquant une disposition du contrat de vente, auquel la locataire n'avait pas été partie et contraire à la loi ;

D'où il suit qu'aucun des griefs soulevés ne peut être retenu.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse à l'amende et aux dépens ;

Composition🔗

MM. Charliac prem. prés. ; Monégier du Sorbier V. prés. ; Cochard cons. ; Jouhaud cons. rapp. ; Carrasco proc. gén. ; Vecchierini gref. en chef.

Mme Clerissi et Blot av. déf., Palmero av.

Note🔗

Cet arrêt rejette un pourvoi formé contre une décision rendue par la Cour d'appel le 14 décembre 1993, laquelle a été publiée.

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