Cour de révision, 15 mars 1994, SCI Le Clos de la Vigne c/ Hoirie D.

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Abstract🔗

Société civile

Action contre un associé : paiement d'appel de fonds, réalité de la créance non établie

Résumé🔗

Une société civile immobilière qui, en l'état d'un rapport d'expertise circonstancié, procède à des opérations occultes et dont la comptabilité est dépourvue de tout caractère probant, ne saurait, s'appuyant sur celle-ci, invoquer la réalité d'une créance à l'encontre d'un associé auquel elle réclame le paiement contesté d'appels de fonds et des dommages-intérêts pour résistance abusive.


Motifs🔗

La Cour de Révision,

Attendu que la SCI Clos de la Vigne a assigné les héritiers de son associé R. D. décédé, en paiement d'appels de fonds décidés par l'assemblée générale de cette société et réclamés par sa gérante la SARL L. et B., en paiement de dommages-intérêts pour résistance abusive et en validation de l'inscription provisoire d'hypothèque judiciaire prise sur les biens immobiliers dont l'hoirie D. est propriétaire en Principauté ;

Que par jugement du 12 mars 1987 le Tribunal de première instance a débouté la SCI de cette demande, qu'après cassation, par arrêt de la Cour de Révision du 19 mai 1992, d'un arrêt confirmatif prononcé par la Cour d'appel le 15 octobre 1991, la Cour de Révision, par arrêt du 8 octobre 1992, a ordonné une expertise avec une mission définie audit arrêt ;

Attendu que, dans ses conclusions après expertise, la SCI Le Clos de la Vigne appelante soutient que les appels de fonds sont réguliers quant à leur forme et quant au fond, que l'hoirie D. ne peut se prévaloir d'aucun versement, effectué entre les mains de la SCI ou de la société qui en est la gérante, qui n'aurait pas été comptabilisé et qui serait susceptible de compenser, en tout ou partie, les appels de fonds auxquels il n'a pas été satisfait ; qu'ainsi l'hoirie D. n'a pas apporté la preuve que sa résistance à s'acquitter des appels de fonds était légitime ; qu'il convient donc de réformer le jugement du 12 mars 1987, de condamner l'hoirie D. à payer à la SCI la somme de 735 808 F au titre des appels de fonds non libérés, avec intérêts au taux légal à compter du 28 octobre 1983 à concurrence de 500 294 F et à compter du 30 juin 1986 à concurrence de 235 514 F, et la somme de 150 000 F pour résistance abusive, enfin, de valider pour ces montants, augmentés des dépens, l'inscription d'hypothèque judiciaire prise le 30 octobre 1985 sur les biens immobiliers dont l'hoirie D. est propriétaire à Monaco, de la convertir en inscription d'hypothèque définitive ;

Attendu qu'invoquant tant le rapport d'expertise que les dispositions de l'article L. 211-3 du Code français de la construction et de l'habitation, les consorts D., intimés, demandent au contraire à la Cour de Révision de constater que les appels de fonds litigieux ont pour cause les difficultés de commercialisation d'un programme achevé et qu'ils ne revêtaient, compte tenu de leur finalité, aucun caractère obligatoire pour l'associé D. ; de dire qu'eu égard à l'existence d'opérations occultes la comptabilité de la SCI est dépourvue de tout caractère probant et que sa gestion est suspecte, qu'en conséquence la SCI ne justifie pas d'une créance certaine, liquide et exigible à l'encontre de l'hoirie D. et qu'il y a lieu de la débouter de ses demandes en paiement et en validation d'hypothèque et de la condamner au paiement d'une somme de 150 000 F pour abus de procédure ;

Attendu que du rapport extrêmement complet déposé par l'expert-comptable commis par l'arrêt du 8 octobre 1992 il résulte qu'il y a eu, dans la gestion de la SCI Le Clos de la Vigne des opérations occultes ; que si, dans la comptabilité, ont été portés les montants apparaissant sur les documents officiels, ce sont précisément ceux qui sont contestés par l'hoirie D. ; que le recoupement des documents permet de penser que le prix d'achat du terrain a été payé par les fonds versés par les associés et non portés en comptabilité ; que jusqu'au 28 octobre 1983 Monsieur D. avait répondu aux appels de fonds alors que Monsieur L. a été débiteur de la société pendant toute l'année 1982 ; enfin que des appels de fonds ont été appelés, puis annulés ;

Attendu que dès lors c'est à bon droit quoique par des motifs erronés que le Tribunal de Première Instance de Monaco, compétent sur le seul fondement des dispositions de l'article 3-9° du Code de Procédure Civile, a estimé que la réalité de la créance invoquée par la SCI Le Clos de la Vigne n'était pas établie avec la certitude nécessaire ;

Attendu qu'il convient de débouter la SCI Le Clos de la Vigne de sa demande en paiement et en dommages-intérêts et d'ordonner la radiation de l'inscription provisoire d'hypothèque judiciaire prise sur les biens immobiliers situés dans la Principauté et appartenant aux héritiers D. ;

Attendu que la complexité du litige exclut l'octroi à l'hoirie D. de dommages-intérêts pour procédure abusive de la part de la SCI Le Clos de la Vigne ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement du 12 mars 1987 en ce qu'il a débouté la SCI Le Clos de la Vigne de ses demandes en paiement et en dommages-intérêts et en ce qu'il a ordonné la radiation de l'inscription provisoire d'hypothèque judiciaire prise le 30 octobre 1985 à la Conservation des Hypothèques de Monaco ;

Déboute les consorts D. de leur demande en dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Composition🔗

MM. Charliac, prem. prés. ; Monegier du Sorbier, vice-prés. ; Cochard, cons. rap. ; Jouhaud, cons. ; Carrasco, proc. gén. ; Vecchierini, greff. en chef.

Mes Blot et Clerissi, av. déf. ; Martin, av. bar. de Grasse ; Cenac, av. C. appel d'Aix.

Note🔗

Cet arrêt de la Cour de révision tranchant le fond de l'affaire est intervenu après un arrêt de la Cour de Révision du 19 mai 1992 cassant la décision de la Cour d'Appel du 15 octobre 1991 et un deuxième arrêt prononcé le 8 octobre 1992, statuant sur renvoi après cassation et ordonnant une expertise.

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