Cour de révision, 2 mars 1994, I. alias K. c/ Ministère Public, Société Générale, Direction des Alpes Maritimes de la Poste, Société des Paiements Pass-Groupe Carrefour.

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Abstract🔗

Chèque sans provision

Émission à l'étranger de chèques tirés sur un compte bancaire à Monaco - Compétence de la juridiction pénale monégasque : élément constitutif, défaut de provision, réalisé à Monaco

Abus de confiance

Remise de bijoux en vue de leur vente - Contrat de mandat transgressé (C. pén., art. 337)

Faux

Usage de faux bulletins de paie permettant d'ouvrir un compte de crédit

Procédure pénale

Partie civile : élection de domicile obligatoire, si la partie civile n'a pas de domicile à Monaco (CPP, art. 76, al. 1) - Sanction du défaut d'élection, la partie civile ne peut opposer le défaut de signification des actes qui auraient dû lui être signifiés (art. 76, al. 2)

Résumé🔗

L'émission à l'étranger de chèques tirés à l'ordre de bénéficiaires étrangers, sur un compte bancaire non provisionné ouvert à Monaco par le tireur, relève de la compétence de la juridiction pénale monégasque, étant donné que le défaut de provision, élément constitutif du délit, s'est réalisé en Principauté de Monaco, de sorte que les dispositions de l'article 8 du Code de procédure pénale invoquées par le prévenu sont en l'espèce inopérantes.

Étant constant qu'ayant reçu des bijoux de leur propriétaire pour les vendre, le prévenu les a, en réalité, gagés, il s'ensuit que celui-ci a, en violant le mandat qui lui avait été donné, commis le délit d'abus de confiance prévu par l'article 337 du Code pénal.

Dès lors qu'il est constant que le prévenu a fait sciemment usage de faux bulletins de paie, établis pour persuader de l'existence d'un crédit imaginaire et obtenir l'ouverture d'un compte de crédit auprès d'un organisme, il n'y a pas lieu de constater expressément le préjudice qu'était susceptible de causer l'usage des faux bulletins de paie, celui-ci résultant de l'usage même des documents fournis.

Le grief fait à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré régulière la représentation des parties civiles, alors que celles-ci qui n'ont pas de domicile à Monaco devront obligatoirement élire domicile chez un avocat-défenseur ou un avocat de la Principauté, ne saurait fonder le moyen au pourvoi ; en effet celui-ci ne porte dans sa critique que sur les conditions d'élection de domicile des parties civiles lesquelles lorsqu'elles sont irrégulières ne sont sanctionnées que par l'inopposabilité du défaut de signification contre les actes qui auraient dû leur être signifiés.


Motifs🔗

La Cour de révision

Statuant hors session et uniquement sur pièces, en application des dispositions de l'article 489 du Code de procédure pénale, sur le pourvoi formé par J. I., alias K., contre l'arrêt de la cour d'appel statuant correctionnellement en date du 8 novembre 1993 qui l'a condamné du chef d'émission de chèques sans provision, falsification de chèques, tentative d'escroquerie, usage de faux en écritures privées de commerce ou de banque, vol, abus de confiance, à la peine de deux ans d'emprisonnement et à 10 000 F d'amende, et à payer à titre de dommages-intérêts, 14 960,87 F à la Société Générale, 1 389,15 F à la Poste, et 10 000 F à la Société PASS ;

Vu :

L'arrêt rendu le 8 novembre 1993 par la cour d'appel statuant correctionnellement ;

Le pourvoi en révision formé le 12 novembre 1993 par J. I. ;

La requête en révision déposée le 24 novembre 1993 par Maître Clerissi, avocat-défenseur, au nom de J. I. ;

Le certificat établi par le Greffier en Chef le 16 décembre 1993, attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;

Les conclusions écrites de Monsieur le Procureur Général en date du 12 janvier 1994 ;

Sur le rapport de Monsieur le Conseiller Cochard ;

Après en avoir délibéré,

Attendu que le 9 mars 1993, le prévenu, disant se nommer J. K. a été interpellé à Monaco alors qu'il tentait de négocier l'achat d'une bague en diamant ; qu'il était porteur d'un chéquier de la Caisse d'Épargne Côte d'Azur établi au nom de V. C. à qui il l'avait dérobé, et dont trois formules avaient été libellées, signées et datées par lui ainsi qu'il le reconnaissait ; que l'enquête préliminaire et l'instruction ont fait apparaître que J. K., dont l'identité était en réalité J. I., avait acheté le 8 mars 1993 une bague et un collier, en or et en diamants, au moyen de chèques échelonnés dans le temps et tirés sur son compte ouvert au mois de juin 1992, auprès de la Société Générale à Monaco, compte débiteur depuis le mois de février 1993 ; que J. I. a reconnu avoir émis au moyen de ce compte, qu'il savait débiteur, plusieurs chèques, au préjudice de différents commerçants et organismes, et avoir émis à Monaco le 20 février 1993, un chèque à l'ordre de Carrefour et tiré sur le compte Crédit Lyonnais, agence de Beaulieu sur-Mer ; qu'il a contesté l'abus de confiance qui lui est reproché, portant sur une bague en or avec saphir et diamants et sur une paire de boucles d'oreilles ;

Sur le premier moyen pris d'une violation de l'article 8 du Code de procédure pénale :

Attendu que J. I. fait grief à la cour d'appel d'avoir retenu sa compétence pour connaître des faits d'émission, à l'étranger et à l'ordre de bénéficiaires étrangers, de douze chèques sans provision tirés sur un compte ouvert à Monaco par le tireur, alors que les conditions de l'attribution de compétence aux juridictions monégasques fixées par l'article 8 du Code de procédure pénale ne sont pas réunies ;

Mais attendu que le défaut de provision, élément constitutif du délit, s'étant réalisé en Principauté de Monaco, la cour d'appel a retenu à bon droit sa compétence ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen pris de la violation de l'article 337 du Code pénal :

Attendu que J. I. fait grief à l'arrêt d'avoir considéré que du moment que les bijoux gagés avaient été achetés dans une vente aux enchères de Cannes au moyen d'une somme d'argent provenant des parents de V. C., le délit d'abus de confiance était constitué, alors, selon le moyen, que l'infraction d'abus de confiance prévue par l'article 337 du Code pénal supposant que son auteur ne soit pas propriétaire des biens prétendument détournés, la cour d'appel aurait dû démontrer que J. I. n'avait pas cette qualité contrairement à ce qu'il soutenait ;

Mais attendu que la cour d'appel a relevé qu'il était établi par les propres déclarations du prévenu que les bijoux avaient été achetés par V. C., et qu'en sa qualité de propriétaire, celle-ci avait donné mandat à J. I. de vendre ces bijoux et que celui-ci les avaient gagés, violant ainsi le mandat ; que le moyen qui ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation par la cour d'appel des preuves ne saurait être accueilli ;

Sur le troisième moyen pris de la violation des articles 94 et 95 du Code pénal :

Attendu que J. I. reproche encore à l'arrêt de ne pas avoir caractérisé le préjudice qu'aurait causé l'usage de faux bulletins de paie ;

Mais attendu qu'il résulte des constatations de l'arrêt que J. I. a fait sciemment usage de faux bulletins de paie, établis pour persuader de l'existence d'un crédit imaginaire et obtenir l'ouverture d'un compte de crédit auprès de la société PASS S2P ; que le préjudice qu'était susceptible de causer l'usage des faux bulletins de paie à cette société, n'avait pas à être expressément constaté dès lors que celui-ci résultait de l'usage même des documents fournis ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen, pris de la violation des articles 76, 377 et 412 du Code de procédure pénale :

Attendu que J. I. fait enfin grief à l'arrêt d'avoir déclaré régulière la représentation de la Société Générale et de la Poste, alors, selon le moyen, qu'une partie civile ne peut élire domicile que chez un avocat défenseur ou un avocat et que cette élection de domicile est obligatoire lorsque la partie civile n'a pas son domicile à Monaco, ce qui est le cas des parties civiles susvisées ;

Mais attendu que le moyen ne porte dans sa critique que sur les conditions de l'élection de domicile des parties civiles lesquelles lorsqu'elles sont irrégulières ne sont sanctionnées que par l'inopposabilité du défaut de signification contre les actes qui auraient dû leur être signifiés ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais attendu que le moyen ne porte dans sa critique que sur les conditions de l'élection de domicile des parties civiles lesquelles lorsqu'elles sont irrégulières ne sont sanctionnées que par l'inopposabilité du défaut de signification contre les actes qui auraient dû leur être signifiés ; que le moyen n'est pas fondé ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Rejette le pourvoi ;

Note🔗

Le pourvoi concernait un arrêt de la cour cour d'appel statuant correctionnellement du 8 novembre 1993.

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