Cour de révision, 7 octobre 1991, C., F. c/ R., O. ès-qualités, L'H. L., Société Civile Mathilda, Société Civile Louxor, Société Civile Immobilière André.

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Abstract🔗

Donation

Dons manuels : importance et fréquence des sommes remises

Révocation : survenance d'enfants

Résumé🔗

Les juges du fond qui apprécient souverainement les éléments de preuve qui leur sont soumis, peuvent en déduire que des sommes remises à une personne constituent des dons manuels, sujets à révocations pour cause de survenance d'enfants, l'importance et la fréquence de ces dons ne permettant d'y voir l'exécution d'une obligation naturelle qu'invoquait le bénéficiaire.


Motifs🔗

La Cour de révision,

Sur les deux premiers moyens réunis :

Attendu que demoiselle N. F. et L. C. font grief à l'arrêt confirmatif attaqué, qui a constaté la révocation par survenance d'enfant des donations qui leur avaient été faites par C.-F. R., d'avoir ordonné la restitution au donateur de 107 objets d'art, alors, selon le premier moyen, que cette donation, intervenue avant le 20 mai 1984, date de naissance de l'enfant, ne pouvait émaner que de C. R. père et non de C.-F. R. qui, avant le décès de son père en 1986, ne disposait pas encore à titre personnel de la fortune artistique de celui-ci, qu'ainsi la Cour d'appel a violé par fausse application de l'article 827 du Code civil, et alors, selon le deuxième moyen, que d'une part N. F. et C. avaient fait valoir que R. père et fils, conscients du rôle joué par les demandeurs au pourvoi dans leur réconciliation, leur avaient offert de nombreux objets d'art pour leur manifester leur gratitude, qu'en déclarant qu'aucune cause précise tendant à un usage social ou familial n'avait été invoquée pour justifier ces présents, la Cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 156 du Code de procédure civile ; que d'autre part, en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si C.-F. R. avait, concomitamment à la remise des objets litigieux, pris des dispositions testamentaires en faveur de N. F. et de C. et en se bornant à apprécier la valeur de ces présents d'usage en fonction des facultés des donataires et non de celles du donateur, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Mais attendu d'abord que N. F. et L. C. n'ont jamais prétendu devant les juges du fond que les donations dont s'agit leur avaient été consenties par le père de C.-F. R., que le premier moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit et comme tel irrecevable devant la Cour de révision ;

Attendu ensuite qu'après avoir constaté que les objets d'art litigieux avaient été évalués sans contestation adverse à plus de six millions de francs, la Cour d'appel a retenu que ces cadeaux étaient étrangers à tout usage ayant pu contraindre C.-F. R. à les faire, que celui-ci s'il a pu accéder en dernier lieu à la fortune artistique de son père du vivant de ce dernier, n'en disposait pas alors à titre personnel ; que par ces motifs les juges d'appel, qui n'étaient pas tenus de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, ont justifié leur décision sans modifier les termes du litige qu'aucun des deux moyens n'est fondé ;

Et, sur les troisième et quatrième moyens réunis :

Attendu que demoiselle F., C. et, en qualité d'intervenantes, les sociétés civiles immobilières dénommées Mathilda, Louxor et André, reprochent encore à l'arrêt d'avoir condamné solidairement N. F. et L. C. à payer à C.-F. R. la somme de un million de francs avec intérêts au taux légal à compter du 28 novembre 1985 et d'avoir déclaré R. propriétaire de deux appartements et d'un véhicule Rolls Royce alors que la Cour d'appel n'aurait pas répondu aux conclusions par lesquelles les demandeurs au pourvoi faisaient valoir que la remise de ces biens était la contrepartie de l'assistance apportée par eux pendant plusieurs années à C.-F. R. lorsqu'il se trouvait en conflit avec son père et qu'il n'apportait pas la preuve de la nature gratuite de cette remise ; qu'il est encore prétendu que la Cour d'appel a violé les articles 827 et suivants du Code civil en condamnant demoiselle F. et C. à restituer des biens acquis grâce à des dons en numéraire et a méconnu l'autorité de la chose jugée par un précédent arrêt du 13 septembre 1989 qui avait écarté l'existence d'un mandat ;

Mais attendu que la Cour d'appel, appréciant souverainement la valeur des éléments de preuve qui lui étaient soumis, a relevé que N. F. avait reçu de C.-F. R. entre 1978 et 1981 des sommes de 50 000 à 200 000 F par mois qui constituaient des dons manuels sujets à révocation et que l'importance et la fréquence de ces dons ne permettent pas d'y voir l'exécution d'une obligation naturelle ; qu'elle a pu en déduire que le véhicule Rolls Royce ainsi que les deux appartements, acquis dès l'origine avec des fonds remis par C.-F. R., pouvaient être revendiqués en nature entre les mains de quiconque ; que les juges d'appel ont ainsi répondu aux conclusions invoquées sans faire état de l'existence d'un mandat ; d'où il suit que le pourvoi n'est fondé en aucun de ses griefs ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Rejette le pourvoi,

Condamne les demandeurs à l'amende et aux dépens ;

Composition🔗

MM. Bel, prem. prés., rapp. ; J. Pucheus, vice-prés. ; H. Charliac, cons. ; Carrasco, proc. gén. ; Mes Boeri, Lorenzi, Blot, av. déf. ; Lyon-Caen, av. conseil d'État à la Cour de cassation.

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