Cour de révision, 9 octobre 1987, Dame S.-M. c/ S.A.M. L'Opochimie.

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Abstract🔗

Contrat de travail

Salaire - Retard dans la perception - Préjudice : intérêts

Résumé🔗

Le salaire doit être perçu à la fin de chaque mois et son paiement ne saurait être différé à une autre date soit totalement soit partiellement.

Le préjudice susceptible de résulter du retard à percevoir le salaire doit être réparé par l'allocation des intérêts composés des moins perçus mensuels dont le salarié aurait pu disposer.


Motifs🔗

LA COUR DE RÉVISION,

Attendu que la dame M., employée en qualité d'aide-chimiste au coefficient 180 par la S.A.M. « L'Opochimie » du 1er mars 1979 au 31 janvier 1984 soutient n'avoir perçu chaque mois qu'un salaire inférieur au salaire minimum mensuel (S.M.I.C.) correspondant à son niveau hiérarchique ; que le fait qu'elle ait, à la fin de chaque année reçu une gratification équivalente à un mois de salaire ne pouvait pas compenser les moins perçus mensuels ; que d'ailleurs, après le 1er septembre 1980 et par application de l'accord de salaire du 10 août 1978 cette gratification ne pouvait plus être considérée comme un élément de salaire ; qu'elle demande, en conséquence, que « L'Opochimie » soit condamnée à lui verser une somme de 25 000 F à titre de complément de salaires et une somme de 5 000 F à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

Attendu que la S.A.M. « L'Opochimie » soutient de son côté qu'il convient de comparer les sommes reçues par la dame M. à titre de salaires y compris la gratification dite du 13e mois, au « minimum conventionnel », pour savoir si la rémunération reçue a été ou non conforme ; qu'il résulte de cette comparaison que dame M. a été intégralement remplie de ses droits ; que la S.A.M. « L'Opochimie » demande en conséquence que dame M. soit déboutée de ses prétentions ;

Attendu d'une part que chaque salarié a la garantie d'un salaire minimum mensuel correspondant à son coefficient hiérarchique ; que ce salaire doit être perçu à la fin de chaque mois et que son payement ne saurait être différé à une autre date soit totalement soit partiellement ;

Attendu d'autre part que le salarié a la garantie d'avoir perçu à la fin de l'année civile une rémunération minima annuelle fixée pour les salariés de l'Industrie chimique par l'article 5 de l'accord de salaire du 10 août 1978 ;

Attendu que le salarié qui a quitté l'entreprise et qui a pendant la durée de sa présence dans l'entreprise reçu, au titre des salaires, des sommes supérieures au total des S.M.I.C. mensuels ne saurait valablement prétendre à un rappel de salaire ; que cependant, il a subi un préjudice s'il n'a eu à sa disposition à la fin de chaque mois qu'une somme inférieure au S.M.I.C., la perception à un autre moment d'un complément de salaire étant à cet égard sans portée ; que ce préjudice, s'il est établi, doit être réparé par l'allocation des intérêts composés des moins perçus mensuels dont dame M. aurait pu disposer ;

Attendu dès lors qu'il convient de rechercher si dame M. a été ou non remplie de ses droits et de maintenir à cet effet l'expertise ordonnée par le premier juge en en modifiant la mission ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné une expertise, et désigne pour y procéder Monsieur Garino, expert-comptable à Monaco ;

L'infirme pour le surplus ;

Dit que l'expert, serment préalablement prêté, après s'être fait communiquer tout document nécessaire à sa mission :

1° Déterminera pour chacun des mois de la période allant du 1er mars 1979 au 31 janvier 1984, les sommes effectivement reçues à la fin du mois considéré abstraction faite de celles exclues du calcul du salaire par l'article 22.8 de la convention collective des Industries chimiques ;

2° Déterminera pour chacun de ces mois le salaire minimum mensuel (S.M.I.C.) que compte tenu de son coefficient hiérarchique et de la valeur du point dame M. devait recevoir ;

3° Déterminera, le cas échéant, les moins perçus ;

4° Déterminera le total des sommes reçues au titre des salaires par dame M. pendant sa présence dans l'entreprise ;

5° Comparera cette somme globale :

a) avec le total des S.M.I.C.,

b) avec les rémunérations minima annuelles garanties ;

Dit que l'expert, à défaut de concilier les parties, déposera son rapport dans un délai de deux mois à compter de la date du commencement de ses opérations ;

Commet Monsieur le Premier Président Jean-Philippe Huertas pour suivre l'expertise ;

Composition🔗

MM. Bel, prem. prés. rap. ; MMe Sbarrato et Boéri, av. déf. ; Rieu et Lafarge, av. (Cour d'appel de Paris).

Note🔗

Cette décision statue sur renvoi après cassation le 10 mars 1987 du jugement rendu le 9 octobre 1986 par le Tribunal de première instance statuant comme juridiction d'appel du Tribunal du Travail.

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