Cour de révision, 17 mai 1984, E. divorcée G. c/ E.

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Abstract🔗

Succession

Recel - Définition - Divertissement - Appréciation souveraine des juges du fond

Résumé🔗

La loi ne déterminant pas les éléments constitutifs de divertissement caractérisant le recel successoral, l'existence de ce divertissement relève de l'appréciation souveraine des juges du fond.


Motifs🔗

La Cour de révision,

Vu :

1° Le jugement rendu par le Tribunal de première instance de Monaco le 21 mai 1981 ;

2° L'expédition en forme dudit jugement ;

3° L'arrêt rendu par la Cour d'appel de Monaco, le 24 mai 1983 ;

4° L'expédition en forme de l'arrêt attaqué ;

5° La déclaration de pourvoi faite au Greffe général par Maître Marquilly, avocat-défenseur, au nom de la dame G. E., le 26 septembre 1983 ;

Sur les premier, deuxième, troisième, cinquième et sixième moyens réunis,

Attendu qu'E. G. fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de son action, dirigée contre sa sœur E. A., en recel de divers effets de la succession de leur père E. G., notamment en lui dissimulant le contenu d'un compte bancaire suisse, l'achat fait en son nom par son père de la nue propriété d'un appartement à Monaco, l'existence de parts de la S.C.I. Perigord 81 et celles d'un certain nombre de valeurs mobilières, alors, d'une part que le recel successoral s'entend de toute manœuvre ayant pour but de rompre l'égalité dans le partage et existe dès lors que la valeur ou l'importance de l'objet est cachée et alors, d'autre part, qu'une donation, même préciputaire, entre en compte pour le calcul de la masse indivise et de la réserve et qu'en s'abstenant de la déclarer, l'héritier tente de rompre l'égalité dans le partage et alors, enfin, que l'appréhension de mauvaise foi des biens de la succession par un co-héritier à son seul profit suffit à constituer le recel, la connaissance de l'existence de ces biens par les autres co-héritiers avant le partage étant sans influence ;

Mais attendu que la loi ne déterminant pas les éléments constitutifs de divertissement caractérisant le recel successoral, l'existence de ce divertissement relève de l'appréciation souveraine des juges du fond ;

Attendu que l'arrêt relève, d'une part, qu'il résulte de la correspondance qu'elle avait échangée antérieurement au partage avec le notaire chargé de ce partage, ainsi qu'avec sa sœur E. A., qu'E. G. connaissait non seulement l'existence du compte en Suisse, mais qu'elle avait fait des démarches pour en suivre l'évolution et qu'elle avait été d'accord pour qu'il ne figure pas dans l'acte de partage et retient, d'autre part, que de la correspondance produite en cause d'appel par E. A. et par M.-C. et A. E., l'une et l'autre venant à la succession par représentation de leur père prédécédé, il résulte que tous les co-héritiers connaissaient l'existence de l'opération immobilière litigieuse et étaient d'accord pour ne pas exiger le rapport à la succession de l'appartement, E. G. ayant écrit à ses nièces « qu'il n'avait rien à voir avec la succession » ;

Attendu qu'après avoir rappelé que lors de l'acquisition par E. G. d'un certain nombre de parts de la S.C.I. Perigord, cinq parts furent attribuées à E. A. en rémunération de la collaboration qu'elle apportait à son père dans l'exercice de ses activités financières et immobilières en Principauté, l'arrêt en déduit qu'elle avait de justes motifs de croire que ces parts lui appartenaient en propre ;

Attendu, enfin, que par motifs adoptés des premiers juges, l'arrêt relève qu'il n'est pas démontré que les actions prétendument recelées ne soient pas comprises dans celles figurant dans l'acte de partage, à l'exception, toutefois, d'actions de la société SODAP cédées à E. A. par son père, E. G. admettant dans ses conclusions que cette cession était obligatoire, dans la mesure où E. A. s'occupait de la gestion de la Société ;

Qu'en déduisant de ces constatations qu'E. A., dont la mauvaise foi n'était pas établie, n'avait pas commis de dissimulation en vue de rompre l'égalité du partage, la cour d'appel n'a fait qu'user du pouvoir souverain qui lui appartient en la matière ;

Que dès lors le moyen doit être rejeté ;

Et sur le quatrième moyen

Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt d'avoir condamné E. G. à payer à E. A. des dommages-intérêts sans constater à son encontre l'existence d'une faute de nature à faire dégénérer en abus le droit d'ester en justice ;

Mais attendu qu'en énonçant d'une part en ce qui concerne le compte bancaire Suisse que les lettres produites en cause d'appel « font litière du bien fondé des affirmations de G. E. dont la demande est aussi audacieuse que mal fondée » d'autre part « que ses imputations de recel successoral sont infondées » enfin qu'elle a « injustement engagé » à l'encontre d'A. E. une procédure en recel successoral, la Cour d'appel a suffisamment caractérisé une faute à son encontre ;

Que dès lors le moyen ne saurait être accueilli ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Rejette le pourvoi ;

Composition🔗

MM. R. Combaldieu, prem. prés. ; J. Marion, vice-prés. ; Bel, rapp. ; Mme Picco-Margossian, proc. gén. ; MMe Boeri, Marquilly, et Blot, av. déf. ; Choucroy et Escoffier. av.

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