Cour de révision, 22 janvier 1982, Sté des Bains de mer et du Cercle des étrangers à Monaco c/ R. L.
Abstract🔗
Contrats et obligations
Qualification - Pouvoirs des juges du fond
Résumé🔗
Les juges saisis d'un litige sur la qualification d'un contrat ne sont pas tenus de s'arrêter à la qualification ou dénomination retenue par les parties. Ils doivent, au contraire, examiner si les éléments de l'acte juridique qui leur est soumis correspondent ou non à telle qualification en droit conforme ou contraire à celle adoptée par les parties.
Motifs🔗
La Cour de Révision,
Statuant hors session et uniquement sur pièces, en vertu de l'article 66 alinéa 2 de la loi n° 446 du 16 mai 1946 modifiée, portant création d'un Tribunal du travail ;
Sur le pourvoi formé par la Société des bains de mer et du Cercle des étrangers à Monaco, en date du 10 décembre 1981, contre le jugement rendu par le Tribunal de Première Instance, le 10 juillet 1981, statuant sur appel d'un jugement du Tribunal du travail, en date du 8 janvier 1981, dans l'instance l'opposant au sieur L. R.,
Sur les trois moyens réunis :
Attendu qu'il est fait grief au jugement attaqué, d'une part, de s'être contredit en reconnaissant au contrat litigieux du 21 février 1979 le caractère d'un contrat de travail après avoir constaté l'absence d'un lien de subordination, d'autre part, d'avoir violé le principe de l'autonomie de la volonté, en méconnaissant la volonté des parties déclarant qu'il s'agissait d'un mandat et en refusant de reconnaître dans le document du 23 avril 1979 l'existence d'un nouveau contrat enfin, d'avoir, au regard du nouveau contrat ci-dessus allégué, méconnu que lorsque les conditions nécessaires à la validité d'un contrat de travail ne sont pas remplies, ce contrat est nul, de sorte que l'employeur ne serait pas tenu par ce dernier ;
Mais attendu, d'une part, que pour qualifier de contrat de travail le contrat litigieux, les juges d'appel, loin d'écarter la subordination de L. envers la S.B.M. ont, au contraire, en des motifs suffisants et exempts de toute contradiction, expressément retenu le lien juridique de subordination révélé par la convention ; que, dès lors, le moyen, de ce chef, manque en fait ;
Attendu, d'autre part que les juges saisis d'un litige sur la qualification d'un contrat ne sont pas tenus de s'arrêter à la qualification ou dénomination retenue par les parties et qu'au contraire, ils doivent examiner si les éléments de l'acte juridique qui leur est soumis correspondent ou non à telle qualification en droit, conforme ou contraire à celle adoptée par les parties ; qu'il s'ensuit que c'est à bon droit que les juges ont rétabli comme ils l'ont fait la véritable nature juridique du contrat intervenu, dont le libellé est reproduit dans leur décision ; que, par ailleurs, les juges du fond n'ont pas méconnu la volonté des parties en retenant que c'est dans un but de régularisation, d'ailleurs tardive, de la situation de L. que la S.B.M. a adressé le 23 avril 1979 au Bureau de la Main d'Œuvre une demande d'autorisation d'embauchage concernant ce dernier, ce qui ne démontrait nullement que cette formalité légale avait pris le caractère d'un nouveau contrat de travail par rapport à la convention précitée du 21 février 1979 ; que de ce chef, également, le moyen doit être écarté ;
Attendu, enfin, que les juges d'appel qui n'ont tiré aucune conséquence de droit du prétendu contrat du 23 avril 1979, relèvent que la S.B.M. n'a pas respecté la disposition de l'article 4 de la loi n° 629 du 17 juillet 1957, tendant à réglementer les conditions d'embauchage et de licenciement en Principauté, qui lui imposait d'obtenir et donc de solliciter pour un travailleur de nationalité étrangère, tel que L., l'autorisation écrite d'embauchage de la part de la Direction de la Main d'Œuvre et des Emplois, préalablement à l'entrée en service de ce dernier, fixée au 1er avril 1979, que, de ces constatations et énonciations, le Tribunal a pu déduire à l'encontre de la S.B.M. l'existence d'une faute à l'origine de la rupture du contrat de travail du 21 février 1979, entraînant pour elle l'obligation de réparer le préjudice causé à L. ;
Qu'ainsi le moyen ne saurait être accueilli en aucune de ses branches,
Et attendu qu'en cet état, le Tribunal a légalement justifié sa décision ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi,
Composition🔗
MM. P. Combaldieu, prem. près, rapp. ; MMe Marquet et Clerissi, av.