Cour de révision, 3 novembre 1981, R. V. c/ H. L. et A.
Abstract🔗
Faillite
Passif - Admission - Irrévocabilité - Portée - Montant et caractère des créances admises
Résumé🔗
Le principe de l'irrévocabilité de l'admission au passif de la faillite ne s'applique que dans la mesure de ce qui a été vérifié et admis et ne concerne que le montant et le caractère (privilégié ou chirographaire) des créances admises. En effet seuls ces éléments, à l'exclusion de tous autres, sont de nature à permettre au magistrat d'arrêter « ne variatur » l'état du passif.
Motifs🔗
La Cour de Révision,
Vu :
1° l'arrêt contradictoirement rendu par la Cour d'appel de la Principauté de Monaco, le 1er juillet 1980 ;
2° la déclaration de pourvoi, formée par Maître Boisson, avocat-défenseur du sieur V. R., en date du 5 décembre 1980 ;
Sur le quatrième moyen de révision qui est préalable ;
Attendu que l'arrêt confirmatif attaqué a fait aux demandes de la société Trade And Finance Overseas (T.A.F.O.) qui, intervenant volontairement dans l'instance d'appel entre V. R. et les consorts H. et le syndic O. tendaient à ce que ladite société fut admise à faire inscrire à son nom au passif de la société Monte-Carlo Résidence Palace (M.C.R.P.) déclarée en faillite partie de la créance initialement inscrite au nom de R. qui lui avait été cédée par les consorts L. et H. H. ;
Attendu que le moyen fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevable l'intervention de la société T.A.F.O. sans avoir recherché si l'acquisition d'une créance par ladite société, de nationalité panaméenne n'ayant pas la qualité de résident en Principauté était conforme à la législation d'ordre public régissant les opérations cambiaires, justification à défaut de laquelle cette acquisition serait nulle en vertu des dispositions de l'article 6 du Code civil ;
Mais, attendu que répondant aux conclusions de V. R. qui demandait qu'il soit sursis à statuer jusqu'à ce que la société T.A.F.O. ait justifié, par la production de ses statuts de sa nationalité et de la régularité de sa représentation, l'arrêt énonce qu'il résulte des documents communiqués, que la société T.A.F.O. société anonyme de droit panaméen a été régulièrement constituée à l'étranger et qu'elle est dûment représentée ; qu'il y a donc lieu de passer outre aux conclusions de l'appelant tendant à ce qu'il soit sursis à statuer ;
Qu'ainsi le moyen pris de l'éventuelle nullité de la cession de créance au regard de la législation sur les changes que la Cour d'appel n'était pas tenue de relever d'office est nouveau et mélangé de fait et de droit et est donc irrecevable ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir violé le principe de l'indivisibilité de l'aveu judiciaire contenu dans l'article 1203 du Code civil en retenant contre R. l'aveu fait par lui dans ses écritures, qu'à concurrence de 4 280 222 frs, les consorts H. devaient lui être substitués dans la production précédemment admise à son nom, tout en écartant le fait également admis par lui que cette reconnaissance de la créance des consorts H. était subordonnée à la reconnaissance de son propre droit au paiement d'une somme de 380 222 frs, soit à titre de rémunération de ses « peines et soins » en sa qualité de mandataire des consorts H., soit au résultat de la liquidation d'une association en participation ayant existé entre lui-même et ces derniers ;
Mais attendu que pour déclarer divisible l'aveu en cause, l'arrêt, après avoir rappelé que par une lettre en date du 23 décembre 1966 R. avait souscrit une délégation de créance au profit des consorts H., énonce que de son attitude devant les premiers juges et, notamment de ses conclusions des 15 juin et 14 décembre 1978, s'évince la reconnaissance par lui du droit des consorts H. à figurer en qualité de créanciers inscrits, à ses lieu et place, à l'état des créances de la faillite de la société M.C.R.P. pour un montant à titre chirographaire de 4 280 222 francs et ce, même si, selon lui, les frères H. n'ont pas cru devoir tenir leurs engagements à son endroit ; que cet aveu porte sur un fait accessoire distinct à tous égards du fait principal ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la Cour d'appel, loin de violer le texte visé au moyen, en a fait au contraire, l'exacte application ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt d'avoir écarté l'existence d'une association en participation entre les consorts H. et R. alléguée par ce dernier en se fondant, d'une part, en violation de l'article 181 du Code de Procédure civile, sur un rapport établi par le sieur C., expert comptable, alors que ce document n'aurait pas été communiqué à R. et, d'autre part, sur des motifs qui méconnaîtraient les dispositions des articles 55, 56 et 57 du Code de Commerce ;
Mais attendu qu'il ressort des conclusions de R., que le rapport de l'expert lui a été communiqué par les consorts H. par une lettre du 8 avril 1970, que R. déclare avoir versée aux débats avec ledit rapport et qu'ainsi le moyen en sa première branche, manque par le fait sur lequel il prétend se fonder ; que d'autre part, la Cour d'appel ayant constaté la réalité de la créance des consorts H., les motifs relatifs à l'existence d'une association en participation critiqués par le moyen, peuvent être tenus pour surabondants ;
Qu'ainsi le moyen ne peut être admis ;
Sur le troisième moyen :
Attendu qu'il est enfin reproché à l'arrêt d'avoir méconnu les articles 462, 463 et 466 du Code de commerce et le principe de l'autorité de la chose jugée attachée à la décision du Juge commissaire ayant admis la créance de R. en décidant que les consorts H. étaient des tiers par rapport à cette décision alors que d'une part, l'admission d'un créancier au passif de la faillite revêt l'autorité de la chose jugée « erga omnes » et que, d'autre part, la Cour d'appel n'aurait pu, sans se contredire, reconnaître cette qualité de tiers aux consorts H. tout en déclarant que R. était leur mandataire ;
Mais, attendu que, répondant aux conclusions de R. l'arrêt relève exactement, d'une part, que le principe de l'irrévocabilité de l'admission au passif de la faillite ne peut avoir qu'un effet relatif et qu'il ne joue qu'à l'égard de la masse et non à l'égard des créanciers qui ne font pas partie de cette masse ni des tiers auxquels l'admission est inopposable et que, d'autre part, ce même principe ne s'applique que dans la mesure de ce qui a été vérifié et admis et ne concerne, en conséquence, que le montant et le caractère - privilégié ou chirographaire - des créances admises car, seuls ces éléments, à l'exclusion de tous autres, sont de nature à permettre au magistrat d'arrêter « ne varietur » l'état du passif ; qu'en l'espèce, la substitution d'un créancier à un autre ne modifie en rien le montant et la nature de la créance admise ;
Attendu que la Cour d'appel, alors qu'il résulte de ses constatations que R. avait été inscrit au passif de la faillite en son nom propre, a, sans contradiction, fait une exacte appréciation de ces principes ;
Que dès lors le moyen doit être écarté ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi,
Composition🔗
MM. Combaldieu, prem. prés. ; Pucheus, rapp. ; MMe Boisson, Xavier, Sanita et George, av.