Cour d'appel, 8 octobre 2024, n H épouse S et g m a (dite j) H divorcée O c/ j.H et autres
Abstract🔗
Instances – Jonction – Effets
Appel – Indivisibilité du litige – Conditions – Effets
Société – Dissolution judiciaire – Appel – Recevabilité – Conditions
Résumé🔗
La jonction des deux instances, intervenue par ordonnance du 14 mars 2023 est une mesure d'administration judiciaire aux fins de mise en état des affaires qui n'emporte pas d'effet procédural sur l'irrégularité ou l'irrecevabilité alléguées des appels ou des demandes dans l'une ou l'autre des instances jointes. En d'autres termes, chacune des procédures doit être régulière par elle-même et l'éventuel vice que l'une d'entre elle peut comporter ne peut être couvert par l'autre procédure jointe à la même instance.
Lorsque la nature du litige est indivisible, l'appel interjeté en temps utile à l'encontre d'une ou plusieurs des parties conserve le droit de l'appelant vis-à-vis d'autres parties à la première instance et couvre l'irrégularité ou la tardiveté d'intimation de ces parties. L'indivisibilité est caractérisée lorsqu'il existe une impossibilité juridique d'exécution simultanée de deux décisions, tenant à leur contrariété irréductible. Tel n'est pas le cas en l'espèce, puisque l'action en dissolution judiciaire d'une société impose au demandeur à une telle action d'assigner non seulement les associés, mais aussi la société elle-même (ce que les appelantes avaient d'ailleurs fait en première instance). En conséquence, en l'absence de la SCI Z l'instance n° 2022/000091 n'aurait en aucun cas pu aboutir à sa dissolution et il n'existe donc en aucun cas de risque de contrariété de décisions.
Dès lors, dans l'instance n° 2022/000091, que sont seuls valablement intimés les associés de la SCI Z à l'exception de cette dernière dont la dissolution judiciaire est sollicitée. En l'espèce, ces intimés n'ont pas, seuls, qualité pour défendre à l'action en dissolution poursuivie contre eux seuls en cause d'appel. En conséquence, les appelantes seront déclarées irrecevables en leurs demandes en dissolution de la SCI Z présentées en cause d'appel à l'encontre de j.H, s H épouse R, d.S, ès-qualités d'administrateur provisoire de la succession de m H, Maître m.U ès-qualités de curateur de m H et jT, ès-qualités d'administrateur provisoire de la succession de l.H.
COUR D'APPEL
ARRÊT DU 8 OCTOBRE 2024
I - En la cause n° 2022/000091 (appel parte in qua et assignation du 20 avril 2022)
1/n H épouse S, née le jma à Pian Camuno (Italie), de nationalité italienne, demeurant x1 à Monaco ;
2/g m a (dite j) H divorcée O, née le jma à Pian Camuno (Italie), de nationalité italienne, demeurant X2, x7 à Monaco ;
Ayant toutes deux élu domicile en l'Étude de Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Jean-Louis DAVID, avocat au barreau de Grasse ;
APPELANTES,
d'une part,
contre :
j.H, né le jma à Pian Camuno (Italie), de nationalité italienne, demeurant X7, x7 à Monaco ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Nicolas PHILIPPE, avocat au barreau de Paris ;
INTIMÉ,
EN PRÉSENCE DE :
• 1/s H épouse R, née le jma à Menton (France), de nationalité française, demeurant X5 ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;
• 2/ d.S, prise en sa qualité d'administrateur provisoire à la succession de feu m H, désignée par ordonnance de référé en date du 2 mai 2019, demeurant en cette qualité 29 rue Plati à Monaco ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;
• 3/Maître m.U, avocat à Lugano (TI) en Suisse, y demeurant X4, ès-qualités de curateur de m H, de nationalité italienne, né le jma à Monaco, demeurant X3, majeur sous curatelle, désigné ès-qualités par décision de la Commission tutélaire de Bellinzona (14) en date du 3 février 2009 ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;
• 4/jT, pris en sa qualité d'administrateur provisoire de la succession de feue l.P épouse H, demeurant en cette qualité 9 avenue des Castelans à Monaco ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;
5/La société civile particulière Z dont le siège social est sis x6 à Monaco, inscrite au Répertoire spécial des sociétés civiles sous le n° xxx, représentée par son gérant provisoire, s.B, désigné en lieu et place d'a.B, suivant jugement du Tribunal de première instance, statuant en Chambre du conseil, demeurant 2 rue de la Lüjerneta à Monaco ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Patricia REY, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;
INTERVENANTE VOLONTAIRE,
d'autre part,
II - En la cause n° 2023/000019 (appel parte in qua et assignation du 16 septembre 2022)
1/n H épouse S, née le jma à Pian Camuno (Italie), de nationalité italienne, demeurant x1 à Monaco ;
2/g m a (dite j) H divorcée O, née le jma à Pian Camuno (Italie), de nationalité italienne, demeurant X2, x7 à Monaco ;
Ayant toutes deux élu domicile en l'Étude de Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Jean-Louis DAVID, avocat au barreau de Grasse ;
APPELANTES,
d'une part,
contre :
La société civile particulière Z dont le siège social est sis x6 à Monaco, inscrite au Répertoire spécial des sociétés civiles sous le n° xxx, représentée par son gérant provisoire, s.B, désigné en lieu et place d'a.B, suivant jugement du Tribunal de première instance, statuant en Chambre du conseil, demeurant 2 rue de la Lüjerneta à Monaco ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Patricia REY, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;
INTIMÉE,
Visa🔗
LA COUR,
Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 3 mars 2022 (R. 2645) ;
Vu les exploits d'appel parte in qua et d'assignation du ministère de Maître c.E, huissier, en dates des 20 avril 2022 (enrôlé sous le numéro 2022/000091) et 16 septembre 2022 (enrôlé sous le numéro 2023/000019) ;
Vu les conclusions déposées les 18 juillet 2022, 30 mai 2023 et 23 novembre 2023 par Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de j.H ;
Vu les conclusions déposées le 25 octobre 2022 par Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur, au nom de s H épouse R ;
Vu les conclusions déposées le 25 octobre 2022 par Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur, au nom de d.S ;
Vu les conclusions déposées le 25 octobre 2022 par Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur, au nom de jT ;
Vu les conclusions déposées les 25 octobre 2022 et 19 décembre 2023 par Maître Patricia REY, avocat-défenseur, au nom de la SCI Z ;
Vu les conclusions déposées le 31 janvier 2023 par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de Maître m.U ;
Vu les conclusions déposées les 28 mars 2023, 20 juin 2023, 23 janvier 2024 et 26 mars 2024 par Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur, au nom de n H épouse S et de g.H divorcée O ;
Vu l'ordonnance de jonction du 14 mars 2023 ;
Vu l'ordonnance de clôture du 28 mai 2024 ;
À l'audience du 4 juin 2024, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties et en leurs plaidoiries ;
Motifs🔗
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur les appels parte in qua relevés par n H épouse S et g.H divorcée O à l'encontre d'un jugement du Tribunal de première instance du 3 mars 2022.
Considérant les faits suivants :
Il est constant que de l'union de m H et de l.P sont nés cinq enfants : g.H divorcée O, n H épouse S, j.H, s H épouse R et m H.
l.H est décédée à Monaco le 4 juin 2002, sa succession étant toujours en cours et jT ayant été désigné administrateur provisoire de celle-ci par jugement du Tribunal de première instance de Monaco du 9 juin 2003. Un curateur en charge des intérêts de m H a été désigné par le Tribunal de Bellinzona (Canton du Tessin, Confédération suisse), par jugement du 25 février 2003. m H est décédé à Monaco le 2 avril 2018, sa succession étant en cours et d.S ayant été désignée en qualité d'administrateur provisoire de celle-ci par une ordonnance de référé rendue le 2 mai 2019 par le Président du Tribunal de première instance de Monaco.
La SCI Z a été constituée en mars 1983 sous forme de société civile, avec un capital social de 100 parts sociales réparties à égalité entre n H épouse S et g.H divorcée O, cette dernière étant désignée en qualité de gérante. Cette société a pris une participation à hauteur de 25,5 % dans le capital de la société AB, propriétaire de lots de copropriété dans un immeuble dénommé Aigues Marines situé en Principauté de Monaco. Le 18 mars 1992, m H a été désigné en qualité de gérant de la SCI Z.
Diverses cessions de parts sociales sont intervenues en cours de vie sociale, si bien qu'en juin 1996, le capital social était réparti de la manière suivante :
• m H : 38 %
• g.H divorcée O : 12 %
• n H épouse S : 12 %
• j.H : 13 %
• s H épouse R : 12 %
• m H : 13 %
Par ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal de première instance en date du 9 mai 2001, confirmée par arrêt de la Cour d'appel du 25 juin 2003, la SCI Z était placée sous administration judiciaire provisoire, mission confiée à a.B.
Dans la présente instance, par acte en date du 18 juillet 2019, n H épouse S et g.H divorcée O ont fait citer j.H, Maître m.U curateur de m H, s H épouse R, la SCI Z d.S administrateur de la succession de m H, devant le Tribunal de première instance, en présence de l'administrateur provisoire de la SCI Z et de celui de la succession de m H, aux fins d'entendre le Tribunal ordonner la dissolution anticipée de la SCI Z dont elles sont associées, sur le fondement de l'article 1703 4° du Code Civil.
Devant le Tribunal de première instance, les demanderesses ont fait valoir en substance, dans le domaine des faits, que m H avait transféré au mois de juillet 1996 au profit d'une société dénommé AC, les 255 actions que la SCI Z possédait dans le capital de la société AB, sans en aviser ses autres enfants et avec le seul accord de son fils j.H alors qu'à cette date, la société AB versait à la SCI Z à titre de dividendes une somme de l'ordre de 500.000 euros par an. La société AC aurait par la suite transféré à une société dénommée « AD », domiciliée aux Iles Vierges Britanniques, probablement contrôlée par j.H et m H, ces 255 actions de la société AB. De nombreuses actions judiciaires avaient été engagées pour obtenir la réintégration de ces 255 actions dans le capital de la SCI Z.
En outre, j.H s'était fait remettre par acte en date du 13 janvier 2011, à titre gratuit, la nue-propriété de la participation que détenait m H dans la SCI Z représentant 38 % du capital de celle-ci. Il existerait un important contentieux entre j.H, qui de plus contrôlerait la société AB, et le reste de la famille.
Sur le plan juridique, les demanderesses ont fait valoir qu'il n'existerait plus aucun affectio societatis et la mésentente entre associés au sens de l'article 1703 4° du Code civil serait caractérisée, tout comme une paralysie du fonctionnement de la société par l'opposition constante de j.H, qui voterait systématiquement contre toutes les résolutions proposées lors des assemblées générales.
Devant le Tribunal de première instance, j.H s'est opposé à la demande de dissolution, soutenant que les conditions prescrites par l'article 1703 4° du Code civil n'étaient pas réunies, notamment en ce que le fonctionnement de la SCI Z n'était pas paralysé.
Par jugement qualifié de contradictoire et en premier ressort en date du 3 mars 2022, le Tribunal de première instance :
a dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer,
a débouté j.H de ses demandes tendant à la suppression de mentions de l'assignation introductive d'instance, ou à l'évocation de la condamnation amnistiée, ainsi que d'une demande de dommages-intérêts subséquente,
a débouté n H épouse S et g.H divorcée O de leur demande de dissolution anticipée de la SCI Z
a débouté j.H de sa demande de dommages-intérêts,
a condamné n H épouse S et g.H divorcée O aux dépens.
Pour statuer ainsi, les premiers juges ont retenu en substance les arguments suivants s'agissant de la demande au fond :
n H épouse S et g.H divorcée O ont invoqué la mésentente qui les oppose à j.H et le défaut d'exécution par ce dernier de ses obligations, qui paralyseraient selon elles le fonctionnement de la société. Si elles ont présenté un rappel circonstancié des différends qui les opposent à j.H dans le cadre de la succession extrêmement conflictuelle de leurs parents, les droits respectifs des parties à l'égard de la SCI Z sont cependant clairement définis et la répartition actuelle de son capital social permet la prise des décisions nécessaires à son fonctionnement courant.
Certaines délibérations récentes permettent en outre de vérifier que l'unanimité de ses associés peut être atteinte dans certaines circonstances. Il résulte en outre des explications des parties que la SCI Z ne possède aucun immeuble en propre et qu'elle ne détient que des participations dans des sociétés immobilières et des liquidités, son fonctionnement n'étant donc pas paralysé au sens des dispositions invoquées du Code civil.
Ce jugement du 3 mars 2022 a été signifié le 22 mars 2022.
I/Instance d'appel n° 2022/000091 : Par acte en date du 20 avril 2022, n H épouse S et g.H divorcée O ont relevé appel parte in qua du jugement du 3 mars 2022. Elles ont sollicité l'infirmation du jugement en ce qu'elles ont été déboutées de leur demande de dissolution de la SCI Z et que la Cour, statuant à nouveau, prononce cette dissolution anticipée et désigne un liquidateur avec la mission habituelle en pareille matière.
Elles ont par cet acte fait citer devant la Cour d'appel, j.H, s H épouse R, d.S, ès-qualités d'administrateur provisoire de la succession de m H, Maître m.U, ès-qualités de curateur de m H et jT, ès-qualités d'administrateur provisoire de la succession de l.H.
Dans cette instance, le 25 octobre 2022, la SCI Z représentée par son gérant provisoire, a déposé des conclusions aux fins d'intervention volontaire, en sollicitant que celle-ci soit déclarée recevable et sur le fond en s'en rapportant à justice.
II/Instance d'appel n° 2023/000019 : Par acte en date du 16 septembre 2022, n H épouse S et g.H divorcée O ont fait citer la SCI Z devant la Cour d'appel, en sollicitant la jonction de cette instance avec celle enrôlée sous le numéro 2022/000091 et en présentant les mêmes demandes au fond.
III/ Dans le cadre de la mise en état de ces deux instances devant la Cour d'appel le magistrat de la mise en état, délégué par le Premier Président de la Cour d'appel, a rendu une ordonnance de jonction des instances n° 2022/000091 et 2023/000019 le 14 mars 2023, poursuivies désormais sous le seul numéro 2022/000091.
Aux termes de conclusions récapitulatives en date du 23 novembre 2023, j.H a sollicité :
à titre principal, qu'il soit constaté que les appelantes avaient omis de faire appel à l'encontre de la SCI Z dans le délai légal et qu'il soit jugé que l'appel et l'acte d'assignation du 20 avril 2022 ne saisit pas la Cour du litige et que la jonction d'instance est sans incidence sur cette irrégularité ; en conséquence, il sollicitait que la Cour juge n H épouse S et g.H divorcée O irrecevables en leurs demandes en appel ou cet appel caduc et que l'intervention volontaire de la SCI Z soit déclarée irrecevable,
à titre subsidiaire, la confirmation du jugement en ses dispositions appelées,
à titre encore plus subsidiaire, s'il devait être fait droit à la demande de dissolution, que les appelantes soient déboutées de leur demande de désignation d'un liquidateur,
en tout état de cause, que les demandes des appelantes soient jugées constitutives d'un abus de droit et qu'elles soient condamnées au paiement d'une somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif, outre une somme de 7.200 euros au titre de l'article 238-1 du Code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, j.H a fait valoir en substance les arguments suivants :
dans le domaine des faits, il indique que suite à l'introduction de la présente instance et à un arrêt rendu par la Cour de révision le 21 mars 2022 dans une autre instance (reconnaissant divers droits de propriété sur les parts de la SCI Z) il a proposé de mettre un terme au présent litige en organisant un retrait volontaire de n H épouse S et g.H divorcée O, en proposant un prix et/ou un arbitrage par un expert choisi d'un commun accord ; le refus réitéré des appelantes serait caractéristique de leur mauvaise foi,
sur le plan procédural, j.H fait valoir que n H épouse S et g.H divorcée O n'ont interjeté appel à l'encontre de la SCI Z seule valable défenderesse au procès, que le 16 septembre 2022, soit après l'expiration du délai d'appel ; la déclaration d'appel irrégulière priverait l'appel d'effet dévolutif, puisque les parties intimées par le premier acte d'appel du 20 avril 2022 ne font l'objet d'aucune demande recevable à leur encontre ; la SCI Z est la seule partie au procès dont la condamnation est recherchée ou à l'égard de laquelle un effet est sollicité, puisque le seul objet du litige vise sa dissolution.
Les tentatives de régularisation ne sauraient être admises. Ainsi, la jonction intervenue par ordonnance du 14 mars 2023 est une mesure d'administration judiciaire qui ne crée pas une procédure unique, autrement dit la jonction ne peut avoir pour effet de couvrir les irrégularités de procédure.
Quant à l'intervention volontaire de la SCI Z elle serait irrecevable, puisque seul un tiers à la procédure peut valablement intervenir, ce qui n'est pas le cas de la SCI Z qui était partie en première instance.
À l'appui de ses demandes subsidiaires, j.H fait valoir que les premiers juges ont valablement relevé que le fonctionnement de la SCI Z n'était pas paralysé. Il n'y aurait pas même de mésentente entre associés au strict sens de l'article 1703 4° du Code civil, puisque les conflits évoqués entre les membres de la fratrie H sont réels, mais soit étrangers à la SCI Z (succession de leurs parents) soit intrinsèques à la société, mais désormais éteints (litige opposant la SCI Z et la société AC, prétendument clôturé au premier semestre 2019).
De simples divergences de vues entre associés ont pu certes avoir lieu, mais elles sont inhérentes à la vie sociale. Enfin, j.H affirme respecter ses engagements d'associé.
Le fonctionnement social ne serait en tout état de cause nullement paralysé puisque le gérant judiciaire exerce normalement ses fonctions, les assemblées sont régulièrement tenues et la situation financière actuelle de la société n'inspire aucune inquiétude, puisqu'elle a même permis des distributions de dividendes importants aux associés de 2021 à 2023. De plus, certaines délibérations ont pu être adoptées à l'unanimité.
Enfin, à titre comparatiste, la jurisprudence française récente indiquerait que la demande de dissolution ne serait pas fondée en l'absence de paralysie et dès lors que les associés jouissent d'une faculté de retrait, ce qui serait le cas en l'espèce.
Par conclusions récapitulatives en date du 19 décembre 2023, la SCI Z représentée par s.B, a sollicité qu'il soit constaté que suite au décès d'a.B le 20 octobre 2023, le Tribunal de première instance, statuant en Chambre du conseil, a désigné par jugement du 6 décembre 2023, s.B en qualité de gérant provisoire, avec la mission préalablement confiée à a.B aux termes de l'ordonnance de référé du 9 mai 2001.
Sur le fond, la société s'en est rapportée à justice et a sollicité la condamnation des appelantes à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l'article 238-1 du Code de procédure civile.
Par conclusions en date du 25 octobre 2022, jT, ès-qualités d'administrateur provisoire de la succession de l.P épouse H s'en est rapporté à justice.
Par conclusions en date du 25 octobre 2022, d.S, ès-qualités d'administrateur provisoire de la succession de m H s'en est rapporté à justice.
Par conclusions en date du 25 octobre 2022, s H épouse R a sollicité de la Cour qu'elle lui donne acte de ce qu'elle s'associait pleinement aux demandes formulées par n H épouse S et g.H divorcée O en cause d'appel.
Par conclusions en date du 31 janvier 2023, Maître m.U, ès-qualités de curateur de m H a également sollicité de la Cour qu'elle lui donne acte de ce qu'il s'associait pleinement à la demande formulée par n H épouse S et g.H divorcée O en cause d'appel.
Aux termes de conclusions récapitulatives en date du 26 mars 2024, n H épouse S et g.H divorcée O ont sollicité en dernier lieu de la Cour :
qu'elle déclare recevable et bien fondé l'appel diligenté à l'encontre de la SCI Z
qu'il soit jugé que j.H ne peut plaider pour le compte de la SCI Z et solliciter pour elle une éventuelle irrecevabilité de l'appel et subsidiairement une éventuelle caducité de l'appel,
la confirmation du jugement entrepris, sauf en ce qu'il les avait déboutées de leur demande aux fins de dissolution judiciaire et que la Cour statuant à nouveau :
a) au fond, juge irrecevable comme nouvelle en cause d'appel la demande de j.H de « Dire et Juger que … selon l'article 14 des statuts, les associés jouissent de la faculté de s'en retirer » et subsidiairement, si cette demande devait être jugée recevable, juger que l'article 14 des statuts ne permet pas aux associés de se retirer de la SCI Z ; très subsidiairement sur ce point, qu'il soit jugé qu'une telle faculté n'était pas exclusive du bien-fondé de la dissolution de la SCI Z
b) En toutes hypothèses, prononce la dissolution anticipée de la SCI Z désigne un liquidateur avec la mission habituelle en pareille matière,
le débouté des demandes financières présentées à leur encontre,
la condamnation de j.H à leur payer la somme de 35.000 euros au titre de l'article 238-1 du Code de procédure civile.
Au soutien de leurs demandes, les appelantes font valoir les arguments suivants :
I/La procédure d'appel serait régulière, dans la mesure où le litige serait indivisible. En pareil cas, la jurisprudence monégasque considère que l'appel interjeté en temps utile, à l'encontre d'une des parties, conserve le droit de l'appelant vis-à-vis des autres et couvre l'irrégularité ou la tardiveté d'intimation.
De plus, dans la première procédure d'appel n° 2022/000091, incontestablement diligentée dans le délai de trente jours de la signification du jugement du 3 mars 2022, la SCI Z était de toutes façons intervenue volontairement et il serait de l'intérêt d'une bonne administration de la justice que l'arrêt à intervenir soit opposable à la SCI Z dans l'hypothèse où la Cour ferait droit à la demande de dissolution.
La procédure aurait donc été régularisée et ce d'autant plus qu'une jonction était intervenue par ordonnance du 14 mars 2023.
II/Sur le fond, la demande de dissolution serait fondée en l'état de « justes motifs » au sens de l'article 1703 4° du Code civil qui prévoit à ce titre, de manière non limitative, l'inexécution de ses obligations par un associé ou la mésentente entre associés, cette dernière paralysant le fonctionnement des organes sociaux.
A/Les appelantes considèrent que j.H n'exécute pas de bonne foi le contrat de société, viole par son comportement l'intérêt social et ne respecte pas les droits de ses associés.
C'est notamment en jouant de sa qualité de dirigeant de la société AB qu'il nuirait à l'intérêt social de la SCI Z.
B/Il serait d'autre part évident que l'affectio societatis aurait disparu au sein de la SCI Z.
C/La mésentente entre associés serait flagrante puisque nécessitant toujours, plus de 23 ans après sa nomination, le maintien d'un administrateur judiciaire provisoire.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.
SUR CE,
I/Attendu en premier lieu que la Cour constate que contrairement aux affirmations des appelantes, j.H n'entend pas plaider pour le compte de la SCI Z mais qu'il soulève, de son propre chef, des fins de non-recevoir et qu'il a qualité pour le faire en tant qu'intimé ;
II/Attendu qu'il ressort de l'article 424 du Code de procédure civile que le délai d'appel est de trente jours à compter de la signification du jugement, les dispositions de la loi n° 1.511 du 2 décembre 2021 n'ayant pas opéré de modification sur cette durée ;
Attendu en conséquence, que sur le plan des délais, l'appel interjeté par n H épouse S et g.H divorcée O le 20 avril 2022 à l'encontre du jugement du 3 mars 2022, signifié le 22 mars 2022 (instance n° 2022/000091) n'encourt pas l'irrecevabilité ;
Qu'en revanche, il n'est pas contestable que l'appel de n H épouse S et g.H divorcée O formalisé par acte du 16 septembre 2022, (instance n° 2023/000019) signifié à la seule SCI Z a été réalisé au-delà de ce délai ;
III/Attendu à cet égard que la jonction des deux instances, intervenue par ordonnance du 14 mars 2023 est une mesure d'administration judiciaire aux fins de mise en état des affaires qui n'emporte pas d'effet procédural sur l'irrégularité ou l'irrecevabilité alléguées des appels ou des demandes dans l'une ou l'autre des instances jointes ;
Qu'en d'autres termes, chacune des procédures doit être régulière par elle-même et l'éventuel vice que l'une d'entre elle peut comporter ne peut être couvert par l'autre procédure jointe à la même instance ;
IV/Attendu que lorsque la nature du litige est indivisible, l'appel interjeté en temps utile à l'encontre d'une ou plusieurs des parties conserve le droit de l'appelant vis-à-vis d'autres parties à la première instance et couvre l'irrégularité ou la tardiveté d'intimation de ces parties ;
Que l'indivisibilité est caractérisée lorsqu'il existe une impossibilité juridique d'exécution simultanée de deux décisions, tenant à leur contrariété irréductible ;
Attendu que tel n'est pas le cas en l'espèce, puisque l'action en dissolution judiciaire d'une société impose au demandeur à une telle action d'assigner non seulement les associés, mais aussi la société elle-même (ce que les appelantes avaient d'ailleurs fait en première instance) ;
Qu'en conséquence, en l'absence de la SCI Z l'instance n° 2022/000091 n'aurait en aucun cas pu aboutir à sa dissolution et il n'existe donc en aucun cas de risque de contrariété de décisions ;
V/Attendu, dès lors que l'exception relative à l'indivisibilité de la nature du litige est écartée, qu'il y a lieu de revenir au principe de l'article 424 du Code de procédure civile et à un examen distinct des deux appels formalisés ;
A/Qu'en conséquence de sa tardiveté, l'appel de n H épouse S et g.H divorcée O, formalisé par acte du 16 septembre 2022, (instance n° 2023/000019) sera donc déclaré irrecevable, en application de l'article 278-1 du Code de procédure civile ;
B/Attendu que dans l'instance n° 2022/000091, il convient d'apprécier l'intervention volontaire de la SCI Z ;
1/Que la Cour constate qu'elle est désormais valablement représentée par s.B, ès-qualités d'administrateur judiciaire, celui-ci ayant été désigné par jugement du Tribunal de première instance statuant en chambre du conseil du 6 décembre 2023 ;
2/Attendu qu'aux termes de l'article 383 du Code de procédure civile « Quiconque aura intérêt dans une instance suivie entre d'autres personnes aura le droit d'y intervenir » ;
Que l'article 432 du même Code dispose :
« Peuvent seuls intervenir en cause d'appel ceux qui auraient le droit de former tierce opposition à l'arrêt.
Néanmoins, toute autre personne peut intervenir pour appuyer une demande d'une partie » ;
Attendu en l'espèce que la SCI Z ayant été partie devant le Tribunal de première instance, la voie de la tierce opposition ne lui aurait pas été ouverte à l'encontre du jugement du 3 mars 2022 ;
Attendu en outre qu'elle n'a appuyé aucune demande d'une autre partie dans le cadre de ce litige ;
Attendu en conséquence que l'intervention volontaire de la SCI Z dans l'instance n° 2022/000091 sera donc déclarée irrecevable ;
C/Attendu dès lors, dans l'instance n° 2022/000091, que sont seuls valablement intimés les associés de la SCI Z à l'exception de cette dernière dont la dissolution judiciaire est sollicitée ;
Attendu, conformément au principe rappelé ci-dessus, que ces intimés n'ont pas, seuls, qualité pour défendre à l'action en dissolution poursuivie contre eux seuls en cause d'appel ;
Attendu en conséquence que les appelantes seront déclarées irrecevables en leurs demandes en dissolution de la SCI Z présentées en cause d'appel à l'encontre de j.H, s H épouse R, d.S, ès-qualités d'administrateur provisoire de la succession de m H, Maître m.U ès-qualités de curateur de m H et jT, ès-qualités d'administrateur provisoire de la succession de l.H ;
Que le jugement du 3 mars 2022 sera donc confirmé en ses dispositions appelées ;
VI/Sur les autres chefs de demandes :
A/Attendu que dans l'instance n° 2023/000019, n H épouse S et g.H divorcée O ayant été déclarées irrecevables en leur appel, elles seront condamnées aux dépens d'appel ;
B/Attendu sur la demande en paiement d'une somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts présentée par j.H au titre d'un appel abusif de n H épouse S et g.H divorcée O, selon les termes du dispositif de ses dernières conclusions, que l'exercice d'une action en justice représente l'exercice d'un droit fondamental ; que l'appréciation erronée qu'une partie fait de ses droits n'est pas, en soi, constitutive d'un abus, sauf démonstration, non rapportée au cas d'espèce, d'une intention de nuire, d'une malveillance ou d'une erreur équipollente au dol ;
Que j.H sera en conséquence débouté de sa demande ;
C/Attendu que n H épouse S et g.H divorcée O sont déclarées irrecevables en leurs demandes dans l'instance 2022/000091, elles seront condamnées aux dépens d'appel de cette instance ;
Attendu qu'en application de l'article 238-1 du Code de procédure civile l'équité commande de les condamner au paiement de la somme de 4.000 euros à j.H ;
Attendu en revanche que la SCI Z est irrecevable en son intervention volontaire dans l'instance n° 2022/000091 ; que les appelantes ne seront donc condamnées à aucune somme au titre de l'article 238-1 du Code de procédure civile à son profit ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant publiquement et contradictoirement,
par mise à disposition au greffe,
Déclare l'appel de n H épouse S et g.H divorcée O à l'encontre du jugement rendu par le Tribunal de première instance le 3 mars 2022 irrecevable dans l'instance d'appel initialement enrôlée sous le n° 2023/000019,
Déclare irrecevable l'intervention volontaire de la SCI Z dans l'instance d'appel enrôlée sous le n° 2022/000091,
Déclare n H épouse S et g.H divorcée O irrecevables en leurs demandes dans l'instance enrôlée sous le n° 2022/000091,
Confirme en conséquence le jugement rendu par le Tribunal de première instance le 3 mars 2022 en ses dispositions appelées,
Y ajoutant,
Déboute j.H de sa demande en paiement d'une somme de 100.000 euros à l'encontre de n H épouse S et g.H divorcée O pour appel abusif,
Condamne n H épouse S et g.H divorcée O aux dépens d'appel des instances initialement enrôlées sous les n° 2022/000091 et 2023/000019, avec distraction au profit de Maîtres Thomas GIACCARDI, Patricia REY, Alexis MARQUET, Christine PASQUIER-CIULLA, Hervé CAMPANA et Joëlle PASTOR-BENSA, chacun en ce qui le concerne,
Ordonne que les dépens distraits seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,
Condamne n H épouse S et g.H divorcée O à payer à j.H la somme de 4.000 euros au titre de l'article 238-1 du Code de procédure civile,
Déboute la SCI Z de ses demandes au titre de l'article 238-1 du Code de procédure civile,
Composition🔗
Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,
Après débats en audience de la Cour d'appel de la Principauté de Monaco, et qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement,
Ainsi jugé et rendu au Palais de Justice, à Monaco, le 8 OCTOBRE 2024, par Monsieur Francis JULLEMIER-MILLASSEAU, Premier Président, Monsieur Sébastien BIANCHERI, Conseiller, Madame Marie-Hélène PAVON-CABANNES, Conseiller, assistés de Monsieur Julien SPOSITO, Greffier en Chef adjoint, en présence de Monsieur Morgan RAYMOND, Procureur général adjoint.