Cour d'appel, 13 juin 2023, La SAM D. c/ Monsieur c. B.

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Abstract🔗

Procédure civile - Communication forcée de pièces - Intérêt légitime (non) - Autorité de la chose jugée - Rupture fautive de la convention par la clinique

Contrats et obligations - Convention d'exercice libéral - Condamnation au paiement du préavis conventionnel (oui) - Perte d'une chance (oui) - Préjudice moral (oui) - Légèreté blâmable - Atteinte à la réputation du médecin - Clause de non-réinstallation - Caractère illicite (oui) - Zone géographique excessive - Clause insuffisamment précise - Caractère disproportionné - Publication de la décision (non)

Résumé🔗

Le débat ne portant plus que sur la réparation des préjudices de l'intimé résultant de la rupture fautive de la convention d'exercice libéral par l'appelante, les documents susceptibles d'établir une éventuelle faute de l'intimé constitutive d'une violation des dispositions règlementaires et de nature à écarter sa demande d'indemnités n'apparaissent pas utiles à la solution du litige dès lors que la responsabilité contractuelle de l'appelante dans la rupture de la convention a été définitivement tranchée. Les autres pièces sollicitées ne peuvent servir qu'à justifier du bienfondé ou non des demandes indemnitaires de l'intimé, qui en a la charge de la preuve, l'appelante n'a aucun intérêt légitime à en solliciter la production.

La demande aux fins de juger que les multiples fautes commises par l'intimé justifient la rupture immédiate de la convention d'exercice libéral et l'absence de respect du préavis conventionnel stipulé ne tend en fait qu'à remettre en cause l'autorité de la chose jugée de l'arrêt ayant dit que la rupture de la convention d'exercice libéral par l'appelante était fautive. Elle est donc irrecevable.

C'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que l'appelante devait en vertu de la convention d'exercice libéral un préavis de 6 mois. Cette indemnité est indépendante du préjudice réellement subi de sorte qu'elle ne saurait être réduite aux motifs que l'intimé a retrouvé un poste d'anesthésiste au CHU pendant la période de préavis.

Au vu de la nature des relations entre les parties pouvait légitimement faire croire à l'intimé que son activité au sein de l'établissement se poursuivrait durablement ce d'autant plus que les parties avaient convenu d'un terme de la convention fixé au 70ème anniversaire du praticien sans pour autant qu'il y ait une certitude sur son âge de 70 ans en raison des aléas pouvant mettre fin à la relation avant ce terme. En procédant à une rupture fautive de la convention, l'appelante a fait perdre une chance réelle et sérieuse à l'intimé de voir perdurer son activité professionnelle au sein de son établissement. Il est alloué 700 000 euros à ce titre.

Les circonstances de la rupture caractérisent la légèreté blâmable avec laquelle l'appelante a agi et la soudaineté de la rupture, la rendant d'autant plus abusive qu'elle s'est accompagnée d'une exclusion immédiate de l'intimé de la clinique de nature à jeter indubitablement le discrédit sur sa personne et ses qualités de médecin. Les circonstances brutales de la rupture ainsi que les propos blessants et durs tenus à l'encontre de l'intimé lors du Conseil d'administration en présence de confrères n'ont pu que l'affecter sur le plan moral, ce que corroborent au demeurant les constatations du psychiatre faites sur son état de santé psychique dans un laps de temps très proche de la rupture de la convention. La somme de 200.000 euros est attribuée au titre du préjudice moral.

La validité d'une clause de non-réinstallation suppose que l'activité interdite soit déterminée avec suffisamment de précision ce qui n'est pas le cas l'espèce. La clause interdit à l'intimé d'exercer son art dans tous les hôpitaux publics et les cliniques privées sans limitation au seul domaine de la chirurgie cardiaque. Elle est par ailleurs très étendue au niveau géographique. Elle concerne également les hôpitaux publics qui ne sont pas directement en concurrence avec l'appelante en termes de patientèle. La clause de non-réinstallation n'est pas ainsi proportionnée aux intérêts légitimes qu'elle a pour objet de protéger et a des limites spatiales excessives. Il est alloué la somme de 8024,45 euros à titre de dommages-intérêts pour le caractère illicite de la clause.

Bien que l'appelante persiste manifestement au travers de ses conclusions à attribuer la rupture de la convention au comportement fautif de l'intimé en dépit des décisions rendues, cet élément inhérent au seul débat judiciaire est insuffisant pour justifier une publication de la présente décision.


COUR D'APPEL

ARRÊT DU 13 JUIN 2023

En la cause de :

  • La société anonyme monégasque D., dont le siège social est sis x1 à Monaco, agissant poursuites et diligences de son Président délégué en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Edouard DE LAMAZE, avocat au barreau de Paris ;

APPELANTE,

d'une part,

contre :

  • Monsieur c. B, de nationalité française, demeurant et domicilié professionnellement au CHU x2 (97200) ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

INTIMÉ,

d'autre part,

Visa🔗

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 23 septembre 2021 (R. 6438) ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation avec défenses à exécution provisoire du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 1er octobre 2021 (enrôlé sous le numéro 2022/000024) ;

Vu l'arrêt de la Cour de céans en date du 22 février 2022 statuant sur les défenses à exécution provisoire ;

Vu les conclusions déposées les 10 mai 2022 et 25 octobre 2022 par Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur, au nom de la SAM D. ;

Vu les conclusions déposées les 28 juin 2022 et 29 novembre 2022 par Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, au nom de c. B ;

Vu l'ordonnance de clôture du 30 novembre 2022 ;

À l'audience du 17 janvier 2023, ouï les conseils des parties en leurs plaidoiries ;

Motifs🔗

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par la société anonyme monégasque D. à l'encontre d'un jugement du Tribunal de première instance du 23 septembre 2021.

Considérant les faits suivants :

Alors qu'il exerçait précédemment au sein du CHU x2, le docteur c. B, médecin anesthésiste, était démarché puis recruté par la SAM D., pour y prendre en charge le service d'anesthésie-réanimation de l'établissement.

Il y débutait ainsi son activité à compter du 1er janvier 2010.

Le 11 mai 2010, la SAM D. et le d.G concluaient une première convention d'exercice libéral pour la période du 1er janvier au 30 juin 2010, à titre de « période d'épreuve », suivie d'une seconde convention du 26 juillet 2010.

Le 31 mars 2011, la SAM D. rompait cette convention.

Par exploit d'huissier du 12 avril 2012, c. B faisait assigner la SAM D. devant le Tribunal de première instance aux fins de voir constater la rupture fautive et abusive de la convention susdite du 26 juillet 2010 et condamner la requise au paiement d'une somme de 1.800.013,81 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices.

Par jugement du 16 octobre 2014, le Tribunal de première instance déclarait c. B recevable en son action et ordonnait une mesure d'expertise avant dire droit.

Sur appel interjeté par la SAM D., la Cour d'appel statuait en ce sens, par arrêt du 7 juillet 2015 :

« Reçoit les appels,

Confirme le jugement du Tribunal de première instance du 16 octobre 2014 en ce qu'il a :

  • « Débouté c. B de sa demande de rejet des pièces n° 3 et 4 produites par le D.,

  • Prononcé la nullité des attestations n° 15 et 16 bis produites par le D.,

  • Ordonné la suppression des écrits injurieux ou diffamatoires figurant dans les conclusions déposées par le D. le 26 juillet 2013 en page 14 de « et qu'il était un anesthésiste » …à… « imbu de sa personne »,

  • Débouté le D. de sa demande de suppression des écrits de c. B contenus en page 19 des conclusions du 16 janvier 2013 et 21 des conclusions du 15 janvier 2014,

  • Déclaré recevable la demande présentée par c. B »,

Le réforme sur le surplus de ses dispositions querellées,

Statuant de nouveau,

  • Dit que la rupture de la convention d'exercice libéral en date du 26 juillet 2010 par la SAM D. est fautive,

  • Dit que la demande de rejet de pièces présentée à titre subsidiaire par c. B est devenue sans objet,

  • Renvoie les parties devant le Tribunal de première instance à l'effet qu'il soit statuer sur le surplus des demandes,

  • Déboute les parties du surplus de leurs prétentions,

  • Condamne la SAM D. aux dépens de l'appel distraits au profit de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,

  • Ordonne que les dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable ».

Par arrêt du 24 mars 2016, la Cour de Révision rejetait le pourvoi dirigé contre cet arrêt d'appel par la SAM D..

Par exploit d'huissier délivré le 31 mai 2016, la SAM D. faisait assigner c. B en annulation des conventions conclues entre eux les 11 mai et 26 juillet 2010.

Par jugement rendu le 19 janvier 2017, le Tribunal sursoyait à statuer sur les demandes d'indemnisation de c. B jusqu'à ce qu'il ait été irrévocablement statué sur les demandes tendant à voir prononcer la nullité des conventions d'exercice libéral entre les parties, et ordonnait le placement de l'affaire au rôle général.

Par jugement du 13 juillet 2017 confirmé par arrêt de la Cour d'appel du 29 janvier 2019, dans le cadre d'une procédure enrôlée sous le n° 2016/000673, le Tribunal de première instance déboutait notamment le D. de sa demande d'annulation des conventions conclues les 11 mai et 26 juillet 2010 avec c. B.

Par arrêt du 7 octobre 2019, la Cour de révision rejetait les moyens de la SAM D. sur sa responsabilité dans la rupture des conventions, annulant et cassant uniquement l'arrêt de la Cour d'appel du 29 janvier 2019 en ce qu'il avait condamné l'appelante à des dommages et intérêts pour abus du droit d'ester en justice.

En l'état de ces décisions, les parties reprenaient l'instance et concluaient au fond sur les demandes indemnitaires de c. B.

Par jugement du 23 septembre 2021, le Tribunal de première instance :

  • rejetait la demande incidente de communication de pièces formulée par la SAM D. ;

  • condamnait la SAM D. à payer c. B :

  • • la somme de 329.235,42 euros au titre de l'indemnité de préavis conventionnel, assortie des intérêts légaux depuis le 12 avril 2012, date de l'assignation, et avec capitalisation des intérêts par année entière ;

  • • la somme de 70.000 euros de dommages et intérêts à titre de dommages et intérêts au titre de la perte de possibilités de réinstallation professionnelle du fait de la clause contractuelle de non-rétablissement ;

  • • la somme de 700.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du caractère fautif de la rupture pour la perte de chance de poursuivre son contrat jusqu'à son terme ;

  • • la somme de 200.000 euros au titre de la réparation du préjudice moral subi ;

  • • la somme de 112.085,95 euros au titre du préjudice causé par l'obligation d'exposer des frais de justice en application de l'article 134 du Code civil ;

  • ordonnait l'exécution provisoire de la présente décision ;

  • déboutait les parties du surplus de leurs demandes ;

  • condamnait la SAM D. aux dépens de l'instance qui comprendront ceux réservés par jugements en date des 16 octobre 2014 et 19 janvier 2017, et dit qu'il en sera opéré distraction au profit de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;

  • ordonnait que les dépens distraits seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en Chef, au vu du tarif applicable.

Pour statuer en ces sens, les premiers juges retenaient en substance que :

  • il incombait à c. B de verser des pièces à l'appui de ses demandes indemnitaires de sorte qu'il n'y avait pas lieu de faire droit à la demande de communication de pièces sollicitée par la SAM D.,

  • il ne pouvait être déduit un abus de l'incident de communication de pièces,

  • l'absence de modalités de calcul de l'indemnité de préavis dans la convention en cas de rupture dans un délai inférieur à 2 ans n'avait aucune incidence sur la recevabilité de la demande d'indemnité faite à ce titre, dont le calcul ressortait de l'appréciation de la juridiction saisie,

  • c. B était fondé à contester la clause de non rétablissement, laquelle apparaissait disproportionnée,

  • la rupture fautive de la convention avait causé un important préjudice à c. B,

  • c. B ayant déjà été indemnisé au titre de l'indemnité de préavis conventionnelle de la perte de ses revenus qui représentait 6 mois de rémunération, sa demande en paiement de la somme de 192.054 euros en réparation de son préjudice résultant de la privation de revenus pendant 3 mois et demi à la suite de la rupture était rejetée,

  • c. B était débouté de sa demande en remboursement des frais d'aménagement et de travaux de logement en l'absence de toute convention,

  • c. B avait subi une perte de chance de voir perdurer son activité professionnelle sur Monaco de sorte qu'une somme de 700.000 euros lui était allouée en réparation de ce préjudice,

  • l'important conflit opposant les parties et nourri par la SAM D. depuis 2010 était à l'origine d'un lourd préjudice moral de c. B tant sur le plan privé que professionnel justifiant l'octroi d'une somme de 200.000 euros à ce titre,

  • le nombre d'instances ayant opposé les parties et la complexité procédurale justifiaient l'octroi à c. B d'une indemnité au titre de ses frais de défense,

  • l'exécution provisoire était ordonnée en raison de l'ancienneté du litige qui remontait à avril 2012, de la pérennisation du préjudice et de l'urgence de la situation.

Par acte d'huissier en date du 1er octobre 2021, la SAM D. interjetait appel du jugement en date du 23 septembre 2021 et demandait, avant dire-droit, d'ordonner la suspension de l'exécution provisoire du jugement du 23 septembre 2021, faute de réunir les conditions de l'urgence prévue à l'article 202 du Code de procédure civile et au regard des conséquences irréparables qui en résulteraient pour elle en cas d'exécution de la décision entreprise.

Par arrêt du 22 février 2022, la Cour d'appel déboutait la SAM D. de sa demande de rapporter l'exécution provisoire ordonnée par le jugement déféré du 23 septembre 2021.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives du 25 octobre 2022, la SAM D. demandait à la Cour de :

  • la recevoir en son appel et l'y déclarer bien fondée,

En tout état de cause,

  • confirmer le jugement en ce qu'il a débouté c. B de ses demandes tendant au paiement d'une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour caractère abusif de sa demande de communication de pièces, d'une somme de 192.054 euros à titre de dommages et intérêts pour la perte de revenus pendant les trois mois et demi précédant son retour en R., d'une somme de 55.767,22 euros au titre des frais d'aménagement et de travaux du logement choisi à proximité de Monaco pour les besoins de son activité au D. qui relèvent de la sphère privée en l'absence de toute convention,

  • réformer le jugement entrepris du 23 septembre 2021 en toutes ses autres dispositions,

Et statuant de nouveau,

  • juger que les multiples fautes commises par c. B ont justifié la rupture immédiate de la convention d'exercice libéral intervenue le 31 mars 2011 et l'absence de respect du préavis conventionnel stipulé ;

À titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour d'appel condamnait la SAM D. sur le fondement précité,

  • la condamner à verser à c. B la somme maximum de 153.575,69 euros nets correspondant à la moyenne des honoraires nets perçus sur 9 mois multiplié par 3 mois et 15 jours, au titre de l'absence de respect du préavis conventionnel stipulé,

  • débouter c. B de ses demandes de condamnation à lui payer les sommes suivantes :

  • • 152.064,45 euros au titre de la perte de la possibilité de réinstallation professionnelle du fait de la clause contractuelle de non-rétablissement,

  • • 1.138.737,99 euros au titre du caractère fautif de la rupture pour la perte de chance de poursuivre son contrat jusqu'à son terme,

  • • 500.000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice moral,

  • • 181.371,38 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice causé par l'obligation d'exposer des frais de justice,

  • • 15.000 euros de dommages et intérêts pour appel abusif,

  • • 50.000 euros en réparation d'un prétendu préjudice financier et moral, qu'elle est mal fondée, répétitive et non reprise dans le dispositif des écritures de c. B,

  • débouter c. B de sa demande de publication au journal de Monaco aux frais de la SAM D. d'un extrait de l'arrêt à intervenir,

  • débouter c. B de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

  • condamner c. B aux entiers dépens de première instance et d'appel distraits au profit de Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

À l'appui de ses prétentions, après un rappel des faits et de la procédure, la SAM D. contestait à titre préliminaire tout acharnement procédural de sa part, rappelant les termes de l'arrêt de la Cour de révision en date du 7 octobre 2019 ayant exclu tout exercice abusif de son droit d'ester en justice et ayant ainsi définitivement jugé ce point de droit.

La SAM D. demandait à titre de mesure d'instruction la production par c. B de pièces utiles à la démonstration des préjudices invoqués en vertu de l'article 300 du Code de procédure civile, soutenant que les conditions exigées par les juridictions pour faire droit à une telle demande, à savoir un intérêt légitime, l'utilité de la mesure à la manifestation de la vérité, le caractère limité de la demande et l'absence d'atteinte aux droits des tiers, étaient réunies.

Elle soulignait en substance à ce titre que :

  • l'argument relatif à la tardiveté de sa demande de communication de pièces ne pouvait prospérer au mépris des droits de la défense,

  • sa demande visait à pallier la carence probatoire de c. B,

  • elle avait besoin de ces éléments de preuve pour se défendre sur le fondement d'éléments que seul c. B détenait,

  • il s'agissait en l'espèce d'appliquer les principes de l'égalité des armes et de la loyauté procédurale.

La SAM D. sollicitait ainsi la communication de documents justifiant la radiation de c. B de l'Ordre des médecins de la France, soutenant à l'appui de sa demande que :

  • c'était en raison de la découverte de l'absence de certificat de radiation à l'Ordre des médecins français, susceptible d'engager sa responsabilité et de la priver d'assurance en cas de sinistre que le contrat de c. B avait été rompu,

  • la production de ces documents permettait de justifier de la rupture du contrat de c. B sans indemnité, l'inscription d'un médecin à deux ordres prohibée par la législation en vigueur caractérisant sa faute et de le débouter par conséquent de ses demandes indemnitaires faites à ce titre.

Elle demandait également au titre de la mesure d'instruction d'ordonner la production :

  • de justificatifs de la perte de revenus à hauteur de 192.054 euros, soulignant que ce dernier n'avait subi aucune perte à ce titre dans la mesure où il avait immédiatement trouvé un poste en R. suite à la rupture de son contrat, ainsi que l'avaient retenu les premiers juges,

  • de documents relatifs à son statut libéral ou salarié depuis sa réincorporation à x2 de l'été 2011 jusqu'à la période actuelle ainsi que la production de ses déclarations de revenus et avis d'imposition, permettant d'établir le montant extravagant des indemnités sollicitées, de connaître l'activité actuelle de c. B, des modalités de son emploi et de ses revenus et d'apprécier la perte de chance alléguée à ce titre,

  • de documents étayant le préjudice moral allégué par c. B.

La SAM D. concluait à ce titre au rejet de la demande de dommages et intérêts au titre du caractère abusif de l'incident de communication de pièces en raison de son caractère fondé et justifié.

Elle estimait que les indemnités de 1.411.321,37 euros allouées par les premiers juges à c. B n'étaient aucunement justifiées aux motifs que ce dernier avait commis des fautes justifiant la rupture de la convention sans indemnité, soulignant que :

  • le renvoi par la Cour de révision dans sa décision du 24 mars 2016 des parties devant le Tribunal de première instance pour statuer sur l'évaluation des préjudices de c. B n'équivalait pas à un acquiescement pur et simple des demandes indemnitaires de ce dernier,

  • la reconnaissance de la rupture fautive par les jugements antérieurs n'engendrait pas ipso facto de droit à réparation lorsqu'il existait des éléments de fait et de droit justifiant l'absence d'octroi d'indemnité,

  • elle pouvait toujours alléguer la double inscription de c. B à des Ordres de médecins comme fait fautif dans le cadre de la présente action à une autre fin que la nullité de la convention sans se contredire ni remettre en cause l'autorité de la chose jugée, l'arrêt de la Cour d'appel du 29 janvier 2019 n'ayant nullement jugé que cette double inscription n'était pas fautive.

La SAM D. soulignait par ailleurs le caractère disproportionné des demandes indemnitaires de c. B qui avait exercé à peine 9 mois dans son centre.

Elle s'opposait ainsi à la demande en paiement de l'indemnité de préavis aux motifs qu'elle avait respecté la formalité de la lettre recommandée avec accusé de réception, laquelle précisait les manquements, les fautes et violations commis par c. B justifiant de cette rupture et excluant sa demande d'indemnité de préavis.

La SAM D. développait les fautes et manquements de c. B, critiquait l'interprétation faite par les premiers juges de l'article 16 de la convention d'exercice libéral du 26 juillet 2010 et concluait ainsi à la réformation du jugement déféré sur l'octroi de l'indemnité pour non-respect du préavis.

Elle soulignait à ce titre que :

  • le 4ème alinéa de l'article 16 exigeait bien un exercice pendant au moins 2 ans au sein du centre pour obtenir une indemnité de rupture, la mention « les deux dernières années » n'étant pas une modalité de calcul de l'indemnité,

  • cet alinéa ne posait aucune difficulté de compréhension et ne laissait place à aucune interprétation, l'article 1011 du Code civil n'étant applicable qu'en cas de difficultés d'interprétation d'une clause,

  • c. B ne pouvait prétendre à une telle indemnité en l'absence d'exercice pendant 2 ans au centre,

  • les modalités de calcul de cette indemnité par l'intimé étaient erronées, cette dernière devant être calculée sur le montant net des honoraires après déduction du prélèvement forfaitaire de 20% TTC appliqué sur le montant des honoraires bruts encaissés,

  • l'octroi de cette indemnité rompait avec les principes relatifs aux préjudices dans la mesure où c. B avait bien travaillé pendant le préavis, ayant repris son poste au CHU de x2le 16 juillet 2011,

  • l'indemnité allouée par les premiers juges à ce titre faisait ainsi doublon avec les revenus perçus par l'intimé pendant cette période et constituait un enrichissement sans cause.

Contestant les autres chefs de préjudices, la SAM D. soutenait que :

  • 1°) s'agissant du préjudice né des restrictions à la liberté d'exercice professionnel du fait de la clause de non-réinstallation :

    • la législation et la jurisprudence françaises évoquées par l'intimé n'étaient pas applicables en Principauté de Monaco,

    • la clause de non-réinstallation était licite dans la mesure où elle avait des limitations dans le temps et l'espace et n'était pas disproportionnée en raison de la possibilité pour c. B de se réinstaller à Monaco ou sur la Côte d'Azur en tant que salarié dans un cabinet privé, dans une clinique privée ou un hôpital public à temps partiel ou à temps plein,

    • c. B avait accepté cette clause lors de la signature de la convention,

    • il appartenait à c. B de saisir l'Ordre des médecins pour la contester avant toute signature, ce qu'il avait omis de faire,

    • c. B ne justifiait pas d'un préjudice résultant de cette clause dans la mesure où il avait réintégré le centre hospitalier x2 à compter du 16 juillet 2011 soit 3 mois et demi après la rupture de la convention,

    • c. B, qui avait cessé son activité au CHU x2 au 31 décembre 2009, s'était mis en disponibilité jusqu'en juillet 2011, date à compter de laquelle il avait réintégré son poste de sorte qu'il ne justifiait d'aucun préjudice financier résultant de la clause de non-réinstallation et n'avait pas été dans l'obligation de déménager comme il le prétendait,

    • la sanction d'une clause de non réinstallation n'était pas indemnitaire mais sa nullité ou son inopposabilité.

  • 2°) s'agissant du préjudice né de la perte de chance de percevoir une rémunération convenue jusqu'au terme de la convention d'exercice libéral du 26 juillet 2010 :

    • aucune indemnité n'était due en raison de la liberté de rupture d'une telle convention conclue à durée indéterminée, cette résiliation pouvant intervenir à tout moment par chaque partie en raison de la prohibition des engagements perpétuels visés par les articles 1210 et 1211 du Code civil français,

    • la perte de chance de voir perdurer le contrat jusqu'à son terme était impossible dans la mesure où la convention n'avait par principe aucun terme fixée,

    • seul le préjudice découlant du caractère abusif de la rupture est indemnisable et non le préjudice résultant de la rupture elle-même,

    • la prétendue rupture abusive n'ouvrait droit à réparation ni du préjudice résultant de la révocation ni du préjudice constitué par la perte de chance de conserver ses fonctions,

    • la somme de 700.000 euros allouée à ce titre par les premiers juges était disproportionnée,

    • la perte de chance alléguée par c. B n'existait pas ou était à tout le moins trop hypothétique pour être certaine, aucun élément ne démontrant qu'il aurait poursuivi sa carrière professionnelle au centre jusqu'à sa retraite conventionnelle fixée à 70 ans en raison du caractère indéterminée de la convention d'exercice libéral du 26 juillet 2010,

  • 3°) s'agissant du préjudice de privation de toute rémunération pendant trois mois et demi suite à la rupture de la convention d'exercice libéral du 26 juillet 2010 :

    • les premiers juges avaient à bon droit débouté l'intimé de sa demande en raison de l'octroi de l'indemnité de préavis,

    • c. B avait réintégré le CHU en R.,

  • 4°) s'agissant de l'indemnité résultant des frais d'installation à Beausoleil pour pouvoir travailler à Monaco :

    • les premiers juges avaient à juste titre rejeté cette demande,

    • elle n'était pas responsable des frais engagés par c. B pour ses investissements immobiliers, n'ayant jamais sollicité qu'il déménage à Beausoleil,

    • c. B ne démontrait pas avoir été contraint en raison de son emploi au Centre Cardio-Thoracique de faire l'acquisition d'un appartement à Beausoleil qui avait été manifestement acheté dans un but d'investissement ainsi qu'en attestaient les pièces versées aux débats,

    • il résultait de la date de la facture de garde meuble que c. B occupait ce dernier depuis le 7 décembre 2010 de sorte qu'elle n'avait aucun lien avec son emploi au centre et la cessation de la collaboration,

  • 5°) s'agissant de l'indemnité au titre du préjudice moral :

    • les attestations versées aux débats, dont seules deux avaient été déclarées nulles par la Cour d'appel contrairement aux allégations de l'intimé, établissaient l'existence d'entretiens avec c. B et d'avertissements avant la rupture de la convention d'exercice libéral du 26 juillet 2010 de sorte que ce dernier ne pouvait valablement soutenir avoir été surpris par la rupture qui n'était ni brutale ni vexatoire, la lettre de rupture exposant au surplus clairement ses motifs,

    • c. B ne versait aucune pièce attestant de sa situation de détresse justifiant l'octroi d'une indemnité de 200.000 euros,

    • elle n'avait jamais fait état de dénonciations sans preuve ainsi qu'en attestaient les témoignages des médecins et du personnel,

    • si elle avait été amenée à effectuer des démarches auprès des instances ordinales françaises, elle l'avait fait pour informer les juridictions françaises et monégasques des manquements graves de c. B, l'absence de tout caractère vexatoire de ces démarches ayant été confirmée par l'arrêt de la Cour de révision du 7 octobre 2019, et dans le cadre de l'exercice des droits de la défense à l'encontre des faux témoignages des professeurs I., J. et le docteur K. qui avaient tous rétracté leurs attestations,

    • c. B ne versait aucune preuve de la prétendue divulgation de ce litige à la communauté médicale,

    • c. B avait sciemment dissimulé sa situation professionnelle pour obtenir une indemnisation injustifiée,

    • le préjudice de c. B était inexistant dans la mesure où il avait cumulé sa rémunération du CHU x2 et ses honoraires dans le cadre de son activité libérale au sein du D.,

    • c. B était mal venu de prétendre avoir fait l'objet d'un refus de conciliation dans la mesure où il n'avait pas respecté la procédure de conciliation, saisissant directement les juridictions du litige,

  • 6°) s'agissant du préjudice émotionnel et psychologique de c. B, ce dernier avait tenté, par des procédés contraires aux règles de déontologie de sa profession de se constituer des moyens de preuve inopérants ;

  • 7°) s'agissant du préjudice moral, c. B ne justifiait pas du quantum de 500.000 euros réclamé contrairement aux dispositions des articles 9 du Code de procédure civile français, 1363 du Code civil français et 1162 du Code civil monégasque ni de l'existence de ce préjudice par des éléments de preuve.

La SAM D. s'opposait enfin à la demande d'indemnisation des frais de défense de c. B, soulignant en substance que :

  • aucune décision ne l'avait condamnée au paiement de tels frais,

  • la Cour de révision avait cassé l'arrêt de la Cour d'appel sur l'octroi de dommages et intérêts pour procédure abusive,

  • c. B ne justifiait pas de ses frais de justice par la production de factures,

  • contrairement à ce qu'avaient retenu les premiers juges, le droit d'introduire des procédures pour obtenir réparation de ses préjudices ou pour se défendre ne pouvait être qualifié de stratégie d'étouffement,

  • en raison du principe d'impartialité du juge édicté par l'article 6 § 1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales, il n'appartenait pas au juge d'apprécier l'opportunité pour un justiciable d'initier une procédure pour assurer sa défense et ce en dépit de leur multiplicité,

  • en la condamnant au paiement de la somme de 112.085,95 euros au titre des frais exposés par l'intimé pour assurer sa défense, les premiers juges avaient porté atteinte au principe du droit au procès équitable, faute d'avoir motivé en quoi elle aurait fait usage abusif de son droit d'ester en justice.

Elle soulignait que c. B sollicitait une somme de 50.000 euros en réparation de ses préjudices moral et financier résultant de la procédure ; cette demande, dont la Cour n'était pas saisie faute de reprise au dispositif des conclusions de la partie adverse, ne visait selon elle qu'à indemniser deux fois les mêmes préjudices déjà sollicités.

La SAM D. s'opposait enfin à la publication de l'arrêt à intervenir dans la mesure où :

  • il s'agissait d'un litige d'ordre privé n'ayant pas à faire l'objet d'une divulgation publique au regard notamment de la confidentialité des éléments de l'affaire,

  • c. B qui sollicitait cette publicité de l'affaire lui en faisait reproche de manière totalement contradictoire,

  • cette demande démontrait l'intention de nuire de c. B à son encontre.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives du 29 novembre 2022, c. B demandait à la Cour de :

Sur l'incident de communication de pièces :

  • confirmer le jugement du 23 septembre 2021 en ce qu'il a débouté la SAM D. de sa demande incidente de communication de pièces et d'évoquer immédiatement le fond,

  • infirmer le jugement du 23 septembre 2021 en ce qu'il a débouté c. B de sa demande de condamnation de la SAM D. à lui verser la somme de 5.000 euros en raison du caractère abusif de l'incident de communication de pièces,

  • condamner la SAM D. à lui payer la somme de 5.000 euros de dommages et intérêts en raison du caractère abusif de l'incident de communication de pièces,

  • Sur la demande de la SAM D. relative à la nature de la rupture de la convention :

À titre principal

  • juger que la SAM D. est irrecevable en sa demande tenant à voir juger que les multiples fautes commises par c. B ont justifié la rupture immédiate de la convention d'exercice libéral intervenue le 31 mars 2011 et l'absence de respect du préavis conventionnel stipulé,

À titre subsidiaire

  • rejeter la demande de la SAM D. tenant à voir juger que les multiples fautes commises par c. B ont justifié la rupture immédiate de la convention d'exercice libéral intervenue le 31 mars 2011 et l'absence de respect du préavis conventionnel stipulé ;

Sur le préjudice moral

  • confirmer la condamnation de la SAM D. à lui payer des dommages et intérêts au titre de la réparation du préjudice moral,

  • infirmer le jugement du 23 septembre 2021 en ce qu'il en a évalué le quantum à 200.000 euros,

  • condamner la SAM D. à lui payer la somme de 500.000 euros de dommages et intérêts au titre de la réparation du préjudice moral,

Sur le défaut de respect du délai de préavis conventionnel

  • confirmer le jugement du 23 septembre 2021 en ce qu'il a condamné la SAM D. à lui payer la somme de 329.235,42 euros au titre de l'indemnité de préavis conventionnel, assortie des intérêts légaux depuis le 12 avril 2012, date de l'assignation, et avec capitalisation des intérêts par année entière ;

Sur la perte de chance de poursuivre son contrat jusqu'à son terme

  • confirmer la condamnation de la SAM D. à lui payer des dommages et intérêts au titre du caractère fautif de la rupture pour la perte de chance de poursuivre son contrat jusqu'à son terme,

  • infirmer le jugement du 23 septembre 2021 en ce qu'il en a évalué le quantum à 700.000 euros,

  • condamner la SAM D. à lui payer la somme de 1.138.737,99 euros à titre de dommages et intérêts au titre du caractère fautif de la rupture pour la perte de chance de poursuivre son contrat jusqu'à son terme,

Sur la perte de possibilités de réinstallation professionnelle du fait de la clause contractuelle de non-rétablissement

  • confirmer la condamnation de la SAM D. à lui payer des dommages et intérêts au titre de la perte de possibilités de réinstallation professionnelle du fait de la clause contractuelle de non-rétablissement,

  • infirmer le jugement du 23 septembre 2021 en ce qu'il en a évalué le quantum à 70.000 euros,

  • condamner la SAM D. à lui payer la somme de 152.064,45 euros au titre de la perte de possibilités de réinstallation professionnelle du fait de la clause contractuelle de non-rétablissement,

Sur le préjudice correspondant aux frais de justice exposés,

  • confirmer la condamnation de la SAM D. à lui payer des dommages et intérêts au titre du préjudice causé par l'obligation d'exposer des frais de justice en application de l'article 134 du Code civil ou alternativement de l'article 238-1 du Code de procédure civile,

  • juger que le montant de cette condamnation s'élève à 195.165 euros,

Sur l'appel hautement abusif

  • condamner la SAM D. à lui payer la somme de 50.000 euros de dommages et intérêts pour appel abusif,

Sur les autres préjudices financiers

  • infirmer le jugement du 23 septembre 2021 en ce qu'il a rejeté sa demande de condamnation de la SAM D. à lui verser les sommes de 192.054 euros de dommages et intérêts au titre de la privation de revenus et celle de 55.767,62 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice résultant des frais d'installation à proximité de son lieu de travail en Principauté de Monaco,

Sur la publication au journal de Monaco

  • ordonner la publication au Journal de Monaco, aux frais de la SAM D., d'un extrait de l'arrêt à intervenir faisant état de la rupture fautive par la SAM D. de la convention d'exercice libéral du 26 juillet 2010 la liant au d.G et de la condamnation à ce titre de la SAM D. à payer des dommages et intérêts au docteur c. B,

En tout état de cause

  • débouter la SAM D. de toutes ses demandes, fins et conclusions,

  • condamner la SAM D. aux entiers dépens distraits au profit de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

c. B rappelait que la présente affaire initiée en 2012 avait fait l'objet d'un arrêt de la Cour d'appel du 7 juillet 2015, confirmé par un arrêt de la Cour de révision du 24 mars 2016, ayant définitivement établi la faute de la SAM D. ainsi que son droit à indemnisation, seul le quantum de ses préjudices restant à déterminer.

Il soutenait que la SAM D. s'était efforcée de retarder son indemnisation en initiant une procédure parallèle qualifiée d'acharnement par les juges du fond pour obtenir un sursis à statuer, en multipliant les demandes de délai et en formulant tardivement un incident de communication de pièces.

Après un rappel des faits et de la procédure, et notamment d'une décision définitive de la Cour d'appel ayant force de chose jugée confirmée par un arrêt de la Cour de révision ayant définitivement établi le caractère fautif de la rupture de la convention d'exercice libéral du 26 juillet 2010 et son droit à indemnisation, c. B soutenait que la SAM D. entendait par la présente instance de remettre en cause ce droit à réparation.

Il affirmait que la SAM D. avait mis en oeuvre une stratégie agressive d'acharnement procédural visant son activité professionnelle en contactant plusieurs instances ordinales françaises et le Ministère de la Santé en France afin d'obtenir des informations sur sa personne et en portant plainte devant le Conseil départemental de l'Ordre des médecins de Paris, du Rhône et de R. à l'encontre des médecins ayant attesté en sa faveur et en multipliant les procédures.

c. B indiquait par ailleurs que la SAM D. avait soulevé un incident de communication de pièces qui ne constituait pas d'une mesure d'instruction et fondé à tort sur l'article 300 du Code de procédure civile.

Il sollicitait le rejet de cet incident dans la mesure où :

  • il lui appartenait de déterminer les pièces qu'il entendait produire à l'appui de ses demandes conformément à la jurisprudence, les mesures d'instruction ne pouvant pallier la carence des parties dans l'administration de la preuve,

  • l'article 274 du Code de procédure civile permettait uniquement d'obtenir la communication de pièces que la partie adverse invoquait sans les produire aux débats, ce qui n'était pas le cas en l'espèce.

c. B soutenait que cet incident était en tout état de cause abusif et n'avait pour objet que de retarder à nouveau son indemnisation, soulignant que :

  • cet incident avait été soulevé plus de 8 ans après ses premières conclusions au fond,

  • dès l'instance initiale devant le Tribunal de première instance en 2012, la réparation des préjudices qu'il avait subis avait été débattue au fond par les parties,

  • les pièces sollicitées étaient dépourvues de lien avec l'objet de la présente instance,

  • la SAM D. avait déjà obtenu les réponses à ses interrogations qui avaient été tranchées par les décisions rendues.

Il sollicitait ainsi une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du caractère abusif de cette demande.

c. B soulignait que la SAM D. soutenait pour la première fois avoir résilié la convention d'exercice libéral du 26 juillet 2010 en raison de sa situation administrative irrégulière alors même que le caractère fautif de la rupture avait été tranché définitivement par les juridictions monégasques.

Il soutenait ainsi que l'appelante méconnaissait l'autorité de la chose jugée en invoquant pour la première fois depuis le début de l'instance en 2012 sa situation administrative et sollicitait ainsi l'irrecevabilité de la demande de « juger que les multiples fautes commises par c. B ont justifié la rupture immédiate de la convention d'exercice libéral intervenue le 31 mars 2011 et l'absence de respect du préavis conventionnel stipulé » en vertu de l'article 278-1 du Code de procédure civile.

Il estimait également cette demande irrecevable dans la mesure où :

  • la SAM D. se contredisait au détriment d'autrui en soutenant désormais que cette situation administrative ne justifierait plus la nullité de la convention d'exercice libéral du 26 juillet 2010 telle qu'elle l'avait sollicitée dans une instance distincte mais sa rupture,

  • l'appelante mentait lorsqu'elle affirmait que l'irrespect des dispositions légales françaises et celle de la Charte des médecins de l'Ordre des médecins de Monaco a été constaté dans le cadre de la procédure en nullité de la convention, l'arrêt de la Cour d'appel ayant expressément indiqué que cette situation administrative n'était aucunement fautive.

c. B sollicitait l'indemnisation de son préjudice moral résultant de la rupture abusive de la convention d'exercice libéral du 26 juillet 2010 en raison de ses conditions vexatoires et brutales, soutenant en substance que :

  • la SAM D. lui avait refusé le droit de s'exprimer ou de se défendre contradictoirement avant la notification de la rupture de la convention, n'étant ni convoqué ni entendu et n'ayant jamais eu l'opportunité de répondre aux accusations de fautes graves,

  • il avait été renvoyé sans ménagement ni explication, ayant été mis à la porte en moins de deux heures (ainsi que l'avait déclaré publiquement le p.C lors de l'assemblée générale), sans avertissement préalable et avec interdiction de retourner sur son lieu de travail, n'ayant reçu la lettre de rupture que postérieurement à ces évènements, laquelle contenait des accusations graves et lui notifiait l'arrêt de la collaboration avec effet immédiat sans préavis ni indemnité,

  • il avait tenté sans succès une conciliation, ainsi que l'avait retenu la Cour d'appel dans son arrêt du 7 juillet 2015,

  • dans cet arrêt, la Cour d'appel avait écarté toute force probante aux attestations évoquées par l'appelante pour s'opposer à l'indemnisation de son préjudice moral de sorte que la SAM D. tentait de nouveau de revenir sur l'autorité de la chose jugée des décisions,

  • la SAM D. avait porté atteinte à sa réputation et à son honneur, son Président Délégué du Conseil d'administration l'ayant insulté publiquement lors d'une assemblée générale, en informant toute la communauté médicale monégasque et française de la situation au travers de plaintes auprès des ordres des médecins et en contactant à plusieurs reprises le Ministère de la Santé français pour obtenir des informations personnelles, cette immixtion dans sa vie privée ayant pour unique dessein de le décrédibiliser auprès de ses pairs et de ses employeurs en portant le conflit à la connaissance du plus grand nombre et à l'origine d'une suspicion sur ses compétences professionnelles qui le poursuivra jusqu'à la fin de sa carrière.

c. B soutenait par ailleurs avoir subi un préjudice émotionnel et psychologique aggravé par l'acharnement de l'appelante, ayant dû consulter concomitamment à la rupture abusive de la convention un psychiatre lui prescrivant un traitement d'antidépresseurs et un soutien psychologique et son état anxio-dépressif ayant été par la suite alimenté par la multiplication et l'inanité des procédures engagées par la SAM D. justifiant l'octroi de dommages et intérêts complémentaires. Il sollicitait à ce titre l'infirmation du jugement déféré du quantum de l'indemnité qui lui avait été allouée, demandant 500.000 euros à ce titre.

Demandant d'écarter l'argumentaire de la SAM D. tendant à remettre une nouvelle fois en cause le caractère fautif de la rupture ainsi que son indemnisation, Monsieur c. B rappelait que la Cour d'appel avait jugé dans son arrêt du 7 juillet 2015 que la rupture de la convention aurait dû donner lieu à un préavis de 6 mois, dont l'absence est sanctionnée par l'article 4 de la convention.

Il soutenait que la SAM D. dénaturait le contrat en affirmant que l'indemnité de préavis n'était due qu'en cas d'exercice d'une durée de 2 ans, faisant état au surplus des articles 1012, 1016, 1113 et 1157 du Code civil ainsi que des modèles de convention d'exercice libéral en France pour solliciter la confirmation de l'octroi de cette indemnité.

c. B affirmait que le contrat ne prévoyait pas les modalités de calcul de cette indemnité égale à 6 mois d'honoraires pour un exercice inférieur à deux ans ; il l'avait ainsi calculée sur la moyenne de ses honoraires des 9 mois, modalité de calcul qui ne posait aucune difficulté à l'aune des dispositions de l'article 1119 du Code civil, contestant la déduction demandée par la partie adverse de la participation aux charges de 20% qui était distincte des honoraires et qui n'avait pas été fournie ainsi que la déduction de sa période de travail non prévue par la convention.

Il sollicitait également l'indemnisation de sa perte de chance de voir perdurer son activité professionnelle au D., soutenant que le comportement fautif de l'appelante lui avait fait perdre avec certitude une éventualité favorable d'exercer son activité dans des conditions financières analogues à celles dont il disposait au centre au moins jusqu'à ses 70 ans et avait rendu brutalement inutile son installation à Beausoleil.

Il soutenait qu'en l'absence de rupture de la convention, il aurait exercé au moins deux années et demie supplémentaires au sein du D. sur les 8 années qui lui restaient jusqu'à ses 70 ans, soit 31% du temps restant qu'il avait ramené à une perte de chance de 30%. Il demandait ainsi de réformer le jugement déféré sur le quantum de la somme qui lui avait été allouée à ce titre.

c. B concluait à l'illicéité de la clause de non-réinstallation en raison de son caractère disproportionné, celle-ci ne mentionnant pas la spécialité d'anesthésiste, lui interdisant l'exercice de son métier à titre libéral ou salarié, dans le réseau privé et public dans une zone géographique de 150 km et pour une durée de 2 ans imposées sans motif légitime et ce alors même que le Code de déontologie et des statuts de la profession médicale de la Principauté de Monaco estimait une restriction proportionnée à la réinstallation si elle se limitait aux communes limitrophes.

Ne voulant pas prendre le risque de ne pas se plier à cette clause, comme l'avaient justement relevé les premiers juges, c. B soutenait avoir été ainsi contraint de déménager pour exercer à nouveau dans les meilleurs délais son activité avec un niveau de compétence et de responsabilité équivalent en retournant en R..

Il estimait toutefois qu'en raison de sa carrière, il aurait eu l'opportunité de s'installer dans les communes limitrophes sans avoir à déménager, estimant ainsi sa perte de chance à 75% et sollicitant le remboursement des frais exposés dans le cadre de son déménagement.

c. B demandait enfin la condamnation de la SAM D. à lui payer les frais actualisés et certifiés par son Conseil qu'il avait dû exposer pour se défendre en vertu des articles 234 et 238-1 du Code de procédure civile, arguant à l'appui de ses demandes que :

  • la multiplication des procédures de l'appelante à son encontre avait eu pour objet de l'asphyxier financièrement,

  • la SAM D. avait retardé pendant 10 ans son indemnisation en invoquant dans un premier temps l'absence de rupture fautive de la convention puis dans un second temps la nullité pour dol de cette convention après que sa rupture fautive ait été actée,

  • l'appel de la SAM D. constituait un acte de malice ou de mauvaise foi, outre ses erreurs de droit graves équivalentes au dol dans la mesure où elle tentait de revenir sur l'autorité de la chose jugée en demandant de déclarer non fautive la rupture de la convention d'exercice libéral du 26 juillet 2010, point définitivement tranché par l'arrêt de la Cour d'appel du 7 juillet 2015, où elle se contredisait au détriment d'autrui et en mentait.

c. B sollicitait par ailleurs la condamnation de l'appelante au paiement de la somme de 192.054 euros au titre de sa privation de rémunération causée par la rupture abusive pendant les trois mois et demi séparant ladite rupture et sa reprise d'activité ainsi que le remboursement de ses frais d'installation comprenant ses frais de transport mobilier et de douanes et des frais de rénovation de l'appartement qu'il a acquis à Beausoleil, étant convaincu de son installation définitive dans la région après la signature de la convention d'exercice libéral du 26 juillet 2010.

Il demandait enfin de publier un extrait de l'arrêt à intervenir aux motifs que le retentissement du conflit ainsi que les appréciations négatives portées à son encontre avaient largement dépassé le cadre purement judiciaire par la faute de l'appelante et que c'était le seul moyen de rétablir la vérité aux yeux de tous et notamment de la SAM D. qui persistait à nier publiquement toute responsabilité.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

Attendu que les appels principal et incident régulièrement formés dans les formes et les délais sont recevables ;

  • Sur la mesure d'instruction au titre de la communication de pièces

Attendu que la loi n° 1.511 du 2 décembre 2021 a institué une nouvelle section V intitulée « De la communication, de la production et de l'obtention des pièces » dont les dispositions sont applicables immédiatement à toutes les procédures en cours au 17 février 2022 en vertu de l'article 69, 1° de ladite loi ;

Que la demande de la SAM D. au titre de la communication de pièces sera par conséquent examinée à l'aune de ces nouvelles dispositions, les anciennes dispositions évoquées par les parties étant écartées ;

Attendu que l'article 274 du Code de procédure civile dispose : « Si la communication des pièces n'a pas été réalisée spontanément ou n'a pas été ordonnée, en vertu de l'article 177, lors de la première comparution, ou si elle n'a pu être effectuée pour toutes celles qui sont employées, chaque partie pourra demander qu'elle ait lieu par de simples conclusions verbalement prises à l'audience où il sera fait usage desdites pièces. » ;

Que l'article 277 du Code de procédure civile dispose : « Sous réserve des dispositions du Titre VIII, du Livre I de la Partie II, les demandes de production des éléments de preuve détenus par les parties et les demandes d'obtention de tels éléments détenus par un tiers seront faites, et leur production aura lieu, dans les conditions suivantes.

Lorsque la demande d'un ou plusieurs actes ou pièces visera une partie, il s'agira d'une production ; lorsque la demande visera un tiers, il s'agira d'une obtention. » ;

Qu'aux termes de l'article 277-1 du même code, si, au cours d'une instance, une partie entend faire état d'un acte authentique ou sous seing privé auquel elle n'a pas été partie ou d'une pièce détenue par une partie ou par un tiers, elle pourra demander au juge saisi de l'affaire d'ordonner la délivrance d'une expédition ou, selon le cas, la production ou l'obtention de l'acte ou de la pièce, en original, en copie ou en extrait.

Le juge déterminera les conditions de la production ou de l'obtention.

L'obtention de l'acte d'un tiers sera subsidiaire à sa production par une partie à l'instance ;

Que l'article 277-2 du Code de procédure civile dispose : « La demande sera faite sans forme, et sera jugée sommairement.

Le juge pourra ordonner la production ou l'obtention sous astreinte.

La décision du juge sera exécutoire à titre provisoire. Si nécessaire, le juge pourra ordonner l'exécution sur minute. » ;

Attendu que la Cour observe à titre liminaire que le dispositif des dernières conclusions récapitulatives de la SAM D. du 25 octobre 2022 sollicite l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il l'a déboutée de sa demande incidente de communication de pièces sans toutefois indiquer les pièces sollicitées, se contentant dans ses motifs de renvoyer aux groupes de demandes tels qu'intitulés dans les conclusions de la partie adverse ;

Qu'aux termes de ses écritures, c. B indique que la SAM D. a sollicité en première instance la communication des pièces suivantes, ce que ne conteste pas cette dernière :

  • tout document justifiant de la radiation officielle du d.G de l'Ordre des médecins de R. préalablement à son autorisation d'exercice en Principauté de Monaco et tout document attestant de la date de réinscription à l'Ordre des médecins de la R. depuis son départ du D., suite à la rupture de la convention d'exercice libéral du 26 juillet 2010,

  • tout justificatif matérialisant la perte de revenus du d.G à hauteur de 192.054 euros dès lors qu'il ne justifie pour l'heure d'aucun document démontrant qu'il s'était radié de l'Ordre des médecins de la R. durant les 15 mois d'exercice au sein du D.,

  • tout document indiquant le statut actuel (libéral ou salarié) du d.G au sein de l'établissement où il exerce en R., ses déclarations de revenus ainsi que les avis d'imposition sur le revenu de 2009 à nos jours en ce compris les revenus fonciers,

  • tout document étayant sa demande de réparation de son préjudice moral ;

Qu'il résulte de la nature des pièces demandées que la SAM D. sollicite de c. B la « communication de pièces » que lui seul détiendrait et qui serait de nature à démontrer l'absence de bien-fondé des demandes indemnitaires de son adversaire ;

Qu'elle ne conteste pas toutefois avoir reçu communication par l'intimé de toutes les pièces dont il entendait faire usage ;

Qu'ainsi sa demande n'est pas constitutive d'un incident de communication de pièces mais s'analyse en fait comme une demande de production forcée par son adversaire de pièces détenues par lui seul telle que prévue aux articles 277 et suivants du Code de procédure civile et qui seraient susceptibles d'éclairer la juridiction, dans le respect de l'obligation générale de concourir à la manifestation de la vérité découlant du principe de loyauté de la preuve et des limites légales imposées ;

Qu'une telle demande, qui ne doit pas permettre de pallier sa propre carence dans la charge de la preuve, doit être fondée sur un intérêt légitime, être utile et tendre à la manifestation de la vérité, présenter un caractère limité et ne pas porter atteinte aux droits des tiers ;

Attendu que la SAM D. explicite sa demande de production de tout document justifiant de la radiation officielle et de la date de réinscription du d.G à l'Ordre des médecins de R. aux motifs que ces documents permettraient d'établir l'inscription du d.G aux deux Ordres des médecins monégasque et français, constitutive d'une violation des dispositions règlementaires, susceptible d'engager la responsabilité de ce médecin et que « si la faute est prouvée, la rupture sans indemnité est justifiée et les dommages et intérêts sollicités ne seront plus d'actualité » ;

Attendu toutefois qu'aux termes du dispositif de l'arrêt de la Cour d'appel du 7 juillet 2015 ayant autorité de la chose jugée, le pourvoi à son encontre ayant été rejeté, la Cour d'appel a dit que la rupture de la convention d'exercice libéral en date du 26 juillet 2010 par la SAM D. était fautive ;

Que le jugement déféré a statué sur les demandes en réparation des préjudices allégués par c. B résultant de cette rupture fautive de l'appelante ;

Que le débat ne portant plus ainsi que sur la réparation des préjudices de c. B résultant de la rupture fautive de la convention par la SAM D., les documents susceptibles d'établir une éventuelle faute de c. B constitutive d'une violation des dispositions règlementaires et susceptibles d'écarter sa demande d'indemnités n'apparaissent pas utiles à la solution du litige dès lors que la responsabilité contractuelle de l'appelante dans la rupture de la convention a été définitivement tranchée ;

Que la Cour observe au surplus qu'aux termes des motifs de l'arrêt du 29 janvier 2019 statuant sur la demande de nullité des conventions d'exercice libéral de la SAM D., la Cour d'appel a relevé qu'il était manifeste et au demeurant non contesté que c. B avait exercé à temps complet en Principauté de Monaco du 1er janvier 2010 au 31 mars 2011 alors qu'il se trouvait toujours inscrit auprès de l'Ordre des médecins français jusqu'au 5 janvier 2011 ;

Que la SAM D. verse par ailleurs aux débats un courrier de l'Ordre des médecins de Monaco du 20 mai 2016 aux termes duquel ce dernier indique avoir interrogé le Conseil National de l'Ordre français des médecins qui leur a confirmé l'inscription du d.G à l'Ordre français du 26 octobre 1977 au 5 janvier 2011 et de sa réinscription au tableau du Conseil départemental de l'Ordre des médecins de R. depuis le 1er septembre 2011 (pièce n°44) ;

Que c. B verse aux débats un arrêté du 22 juin 2011 indiquant qu'il est réintégré en qualité de spécialiste des hôpitaux (anesthésie-réanimation) au centre hospitalier universitaire de x2 à compter du 16 juillet 2011 ;

Qu'il n'existe ainsi aucun motif légitime à la manifestation de la vérité de produire ces documents dès lors que la double inscription est parfaitement connue de la SAM D. et non contestée par c. B ;

Attendu par ailleurs que la SAM D. sollicite la production de ces pièces pour pallier la carence probatoire de c. B ;

Attendu toutefois qu'il appartient à c. B de rapporter la preuve des préjudices résultant de la rupture fautive de la convention d'exercice libéral du 26 juillet 2010 par l'appelante dont il sollicite l'indemnisation de sorte que la production de pièces demandée par une partie ne peut avoir pour objet de pallier la carence de la partie adverse sur laquelle pèse l'administration de la preuve ;

Qu'ainsi que l'ont pertinemment rappelé les premiers juges, il incombe à c. B, à l'appui de ses demandes indemnitaires, de verser des pièces à caractère probatoire qui lui paraissent utiles à la démonstration du bien-fondé de ses demandes en leur principe comme en leur montant, ce choix lui appartenant et qu'il relève ensuite de la juridiction de déterminer la portée probatoire des pièces ainsi produites ;

Que dans la mesure où les pièces sollicitées ne peuvent servir qu'à justifier du bienfondé ou non des demandes indemnitaires de c. B, qui en a la charge de la preuve, la SAM D. n'a aucun intérêt légitime à en solliciter la production, étant au surplus observé que la demande de production de tout document étayant la demande de réparation du préjudice moral du d.G ne présente pas de caractère limité ;

Qu'il convient dès lors de confirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de « communication de pièces » ;

Attendu que c. B sollicite une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du caractère abusif de l'incident de communication de pièces soulevé par la SAM D., soulignant à l'appui de sa demande que l'appelante avait conclu sur les chefs de préjudices réclamés depuis plus de 8 ans, devant trois juridictions distinctes sans jamais soulever un quelconque incident de communication de pièces ;

Attendu qu'aux termes de son assignation du 12 avril 2012, c. B réclamait une somme totale de 1.800.013,81 euros en réparation de ses préjudices dont 1.000.000 euros au titre de la perte de chance sur ses revenus et 300.000 euros au titre de son préjudice moral ;

Que s'il est exact que la SAM D. a conclu dès le 14 novembre 2012 au rejet des préjudices sollicités par le d.G, ce dernier a toutefois modifié ses demandes indemnitaires en les augmentant à la somme totale de 2.113.082,82 euros (300.000 euros au titre de l'indemnité de rupture, 1.513.082,81 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive au titre du préjudice matériel et 300.000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive au titre du préjudice moral) dans ses conclusions du 15 décembre 2014 ;

Que le jugement du 19 janvier 2017 fait état de demandes du d.G par conclusions des 14 octobre 2015 et 23 juin 2016 d'un montant total de 2.233.629,06 euros en augmentation par rapport à ses précédentes écritures ;

Qu'en réponse à ces demandes, la SAM D. a alors sollicité aux termes de ses conclusions du 6 juillet 2020 les documents ci-dessus rappelés ;

Qu'au vu de ces éléments, si la demande de communication de pièces de la SAM D. apparaît en effet tardive eu égard aux conclusions aux fins de rejet des demandes indemnitaires du d.G prises dès le début de l'instance en 2012, elle n'est pas pour autant abusive en l'absence de démonstration de toute mauvaise foi, de toute intention de nuire, de malveillance de l'appelante et dans la mesure où les demandes indemnitaires de l'intimé ont été tout au long de la procédure précisées dans leur nature et augmentées dans leur montant ;

Qu'il convient dès lors de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté c. B de sa demande de dommages et intérêts ;

  • Sur la demande de juger que les multiples fautes commises par c. B ont justifié la rupture immédiate de la convention d'exercice libéral intervenue le 31 mars 2011 et l'absence de respect du préavis conventionnel stipulé

Attendu qu'aux termes du dispositif de l'arrêt du 7 juillet 2015 ayant autorité de la chose jugée, le pourvoi à son encontre ayant été rejeté, la Cour d'appel a dit que la rupture de la convention d'exercice libéral du 26 juillet 2010 par la SAM D. était fautive ;

Que la Cour d'appel a jugé que la SAM D. n'établissait pas la réalité des griefs formulés à l'encontre du d.G (en l'espèce la violation d'une des clauses essentielles du contrat à savoir le non-respect des règles de sécurité et le préjudice que lui a porté le d.G) pour mettre fin à la convention d'exercice libéral du 26 juillet 2010 sans préavis et a estimé fautive la résiliation sans préavis ni indemnité par la SAM D. ;

Attendu que la SAM D. demande de juger que les multiples fautes commises par c. B ont justifié la rupture immédiate de la convention d'exercice libéral intervenue le 31 mars 2011 et l'absence de respect du préavis conventionnel stipulé ;

Qu'elle développe un certain nombre de moyens pour démontrer que la double inscription du d.G aux Ordres des médecins monégasque et français est constitutive d'une faute permettant de rejeter les demandes indemnitaires conformément à l'alinéa 7 de l'article 16 de la convention d'exercice libéral du 26 juillet 2010 ;

Que c. B soulève l'irrecevabilité de cette demande en raison de l'autorité de la chose jugée de l'arrêt de la Cour d'appel du 7 juillet 2015 ;

Attendu qu'il incombait à la SAM D., défenderesse à l'action en résiliation fautive et abusive de la convention d'exercice libéral du 26 juillet 2010 engagée par c. B, dès l'instance initiale et au plus tard à l'audience ayant abouti à l'arrêt de la Cour d'appel du 7 juillet 2015, de présenter l'ensemble des moyens qu'elle estimait de nature à faire échec à la demande de la partie adverse ;

Que cette demande aux fins de juger que les multiples fautes commises par c. B justifient la rupture immédiate de la convention d'exercice libéral intervenue le 31 mars 2011 et l'absence de respect du préavis conventionnel stipulé ne tend en fait qu'à remettre en cause l'autorité de la chose jugée de l'arrêt de la Cour d'appel du 7 juillet 2015 qui a dit que la rupture de la convention d'exercice libéral en date du 26 juillet 2010 par la SAM D. était fautive ;

Qu'il convient dès lors de déclarer cette demande irrecevable en vertu de l'article 278-1 du Code de procédure civile ;

  • Sur l'indemnité de préavis

Attendu que la SAM D. sollicite l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 329.235,42 euros au titre de l'indemnité de préavis conventionnel ;

Qu'elle soutient avoir respecté la formalité de la lettre recommandée avec accusé de réception et développe de nouveau l'ensemble des fautes reprochées au d.G dans sa lettre de rupture justifiant l'absence de préavis ;

Qu'il n'y a pas lieu toutefois d'examiner les moyens développés par l'appelante sur les fautes commises par c. B eu égard à l'autorité de la chose jugée de l'arrêt de la Cour d'appel du 7 juillet 2015 ayant retenu la faute de la SAM D. dans la rupture de la convention d'exercice libéral du 26 juillet 2010 ;

Attendu que l'article 16 de la convention d'exercice libéral du 26 juillet 2010 stipule au surplus : « le présent contrat est conclu pour une durée indéterminée. Il peut y être mis fin à tout moment et sans indemnité, après respect d'un préavis de six mois adressé par lettre recommandée avec accusé de réception.(…) Le non-respect du préavis entraînera, sauf accord express des parties, le versement par la partie défaillante d'une indemnité de rupture égale à six mois d'honoraires, calculée sur la moyenne des deux dernières années d'honoraires reversés par le Centre au Praticien au titre de son activité.(…) » ;

Que c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que la SAM D. devait en vertu de la convention d'exercice libéral du 26 juillet 2010 à c. B un préavis de 6 mois et qu'elle n'a pas respecté cette disposition, sans qu'il ne puisse leur être reprochés une quelconque dénaturation des clauses de la convention d'exercice libéral du 26 juillet 2010 ;

Qu'il résulte en effet de ces termes clairs et précis ne souffrant aucune difficulté d'interprétation que les parties ont convenu de la possibilité de mettre fin à tout moment à la convention à la condition expresse de respecter un délai de préavis de 6 mois dont le non-respect entraîne le paiement d'une indemnité de rupture ;

Qu'il ne résulte nullement de la mention « calculée sur la moyenne des deux dernières années d'honoraires reversés par le Centre au Praticien au titre de son activité » l'exigence d'un exercice pendant au moins deux ans au sein du D. pour prétendre au paiement de l'indemnité de rupture en cas de non-respect du délai de préavis de 6 mois alors même que la rupture de la convention peut intervenir à tout moment selon l'alinéa 1 de la clause, les premiers juges ayant à juste titre relevé que cette mention se bornait uniquement à fixer les modalités du calcul de cette indemnité ;

Qu'en l'espèce, la SAM D. n'a pas respecté ce délai de préavis dans la mesure où elle a notifié l'arrêt immédiat de la collaboration sans préavis ainsi qu'en atteste sa lettre de rupture du 31 mars 2011 : « la violation de l'une des clauses essentielles de la Convention citée comme le constitue le non-respect des protocoles de sécurité, et par là le fait même de porter préjudice à notre établissement, justifient l'arrêt de notre collaboration à effet immédiat et, ce, sans préavis ni indemnité conformément aux dispositions dudit article 16 dont les conséquences ont été par vous expressément acceptées. » ;

Qu'elle doit ainsi à c. B l'indemnité de rupture en l'absence de respect du délai de préavis de 6 mois ;

Attendu que les premiers juges ont retenu la somme de 329.235,42 euros au titre de cette indemnité telle que calculée par c. B sur la moyenne mensuelle des honoraires perçus depuis la date de signature de la convention du 26 juillet 2010 jusqu'au mois de mars 2011, soit 54.872,57 euros multiplié par 9 mois (et non 6 mois comme indiqué par erreur dans le jugement) ;

Qu'ils ont relevé que le chiffrage n'était pas discuté, que la méthode avait en outre pour effet de lisser les différences pouvant être significatives d'un mois sur l'autre et que la SAM D. ne proposait pas d'alternative ni n'appelait de réserve ;

Qu'en appel, la SAM D. conteste la somme de 329.235,42 euros aux motifs que :

  • les honoraires retenus par c. B sont en brut alors qu'ils devraient l'être en net,

  • c. B n'a pas déduit le prélèvement forfaitaire de 20% TTC appliqué sur le montant des honoraires bruts en vertu de l'article 14 de la convention d'exercice libéral du 26 juillet 2010 et de son annexe ;

Attendu que c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu la moyenne mensuelle des honoraires en raison de l'impossibilité de chiffrer cette indemnité selon la méthode de calcul prévue par la convention qui prenait une moyenne des honoraires sur 2 ans, et dans la mesure où cette méthode permet en effet de lisser les différences pouvant être significatives d'un mois sur l'autre ;

Attendu par ailleurs que l'article 16 de la convention d'exercice libéral du 26 juillet 2010 stipule : « Le non-respect du préavis entraînera, sauf accord express des parties, le versement par la partie défaillante d'une indemnité de rupture égale à six mois d'honoraires, calculée sur la moyenne des deux dernières années d'honoraires reversés par le Centre au Praticien au titre de son activité. » ;

Qu'aux termes de l'article 14, en contrepartie des moyens humains et matériel mis à la disposition de c. B et des services rendus, ce dernier verse à la SAM D. une participation sous la forme d'un prélèvement mensuel forfaitaire appliqué sur le montant des honoraires encaissés et déterminés selon les conditions précisées en annexe 1, lesquelles stipulent que le montant de la participation mensuelle due par c. B s'élève forfaitairement à 20% du montant des honoraires encaissés pour lui par le centre ;

Qu'en indiquant ainsi expressément que la participation mensuelle forfaitaire de 20% est déduite du montant des honoraires encaissés, cette participation est dès lors distincte des honoraires et n'en fait pas partie, ce que confirment au demeurant les propres décomptes de la SAM D. ;

Qu'il résulte en effet des feuilles mensuelles des décomptes des honoraires de juillet 2010 à mars 2011 du d.G établis par la SAM D. que cette dernière distinguait bien le montant des honoraires encaissés par le médecin de la participation de 20% et de celui de ses frais comprenant notamment les frais de repas ;

Que le montant des honoraires retenu mensuellement par c. B pour calculer l'indemnité de rupture correspond ainsi exactement à celui mentionné par la SAM D. dans ses décomptes, avant qu'elle ne les impute de la participation de 20% et des frais de repas ;

Attendu enfin que l'article 16 de ladite convention vise les honoraires reversés par le centre sans mentionner d'honoraires en net ou en brut ni d'honoraires imputés de la participation et des frais ;

Que le montant des honoraires à retenir s'entend bien ainsi des seuls honoraires à l'exclusion de la participation de 20% et des éventuels frais de repas ;

Qu'il convient par conséquent de retenir des honoraires d'un montant total de 493.853,17 euros sur 9 mois, soit une moyenne mensuelle de 54.872,57 euros (493.853,17 / 9) de sorte que l'indemnité de rupture s'élève bien à la somme de 329.235,42 euros (54.872,57 euros x 6 mois) ;

Attendu que la SAM D. demande de déduire de cette indemnité les salaires de c. B versés par son nouvel employeur pendant la période de préavis, soutenant que le versement de l'intégralité de cette indemnité reviendrait à un enrichissement sans cause ;

Attendu toutefois que l'indemnité de préavis est indépendante du préjudice réellement subi par c. B et qu'elle présente un caractère forfaitaire de sorte qu'elle ne saurait être réduite aux motifs que l'intimé a retrouvé un poste d'anesthésiste au CHU de R. pendant la période de préavis ;

Que cette indemnité ayant par ailleurs été convenue par les parties aux termes d'une clause de la convention d'exercice libéral du 26 juillet 2010, la SAM D. ne peut valablement soutenir que l'octroi de cette indemnité constituerait un enrichissement sans cause ;

Qu'il convient d'écarter ces moyens et de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SAM D. à verser à c. B la somme de 329.235,42 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de préavis, assortie des intérêts légaux depuis le 12 avril 2012, date de l'assignation, et avec capitalisation des intérêts par année entière ;

  • Sur la perte de chance de voir perdurer son activité professionnelle au D.

Attendu que c. B, qui sollicitait en première instance une somme de 948.948,33 euros au titre de sa perte de chance de percevoir les rémunérations convenues jusqu'au terme du contrat, demande en appel une somme de 1.138.737,99 euros ;

Qu'il rappelle avoir été personnellement sollicité par la SAM D. pour occuper le poste d'anesthésiste-réanimateur, que cette dernière a effectué les démarches administratives pour son exercice en Principauté de Monaco et lui a fait commencer son activité sans convention d'exercice pour ensuite lui imposer une première convention d'exercice libéral assortie d'une période d'essai suivie d'une seconde convention ;

Que son expérience, ses compétences, l'ancienneté de ses relations de travail avec la SAM D., sa participation à son capital commandaient le maintien des relations contractuelles si l'appelante ne s'était pas rendu responsable d'une rupture fautive ;

Que c. B soutient ainsi que la rupture abusive de la convention d'exercice libéral du 26 juillet 2010 par la SAM D. lui a fait perdre avec certitude une éventualité favorable d'exercer son activité dans des conditions financières analogues à celles dont il disposait au sein de la clinique au moins jusqu'à ses 70 ans, soit jusqu'au 31 juillet 2019 et lui a causé un préjudice dans ses conditions de vie privée, rendant inutile son installation à Beausoleil ;

Qu'il estime qu'il aurait pu ainsi exercer au sein de la clinique pendant au moins deux années et demie supplémentaires sur les 8 années qu'il lui restait jusqu'à l'âge de 70 ans, soit 31% du temps restant qu'il ramène à 30% ;

Qu'il calcule son préjudice au titre de la perte de chance de percevoir sa rémunération à la somme de 1.138.737,99 euros :

  • 97 mois restant jusqu'à ses 70 ans X (54.872,57 euros (moyenne de ses honoraires à Monaco) – 15.740,68 euros (moyenne de ses salaires en France)) X 30% ;

Que la SAM D. s'oppose au paiement des sommes, soutenant que tout contrat à durée indéterminée tel que la convention d'exercice libéral du 26 juillet 2010 peut être résilié à tout moment par chaque partie sans avoir à justifier d'un motif ;

Que la possibilité de rompre unilatéralement les liens contractuels et la prohibition des engagements perpétuels empêchent toute caractérisation de la perte de chance ;

Que si la rupture devait être considérée comme fautive, seul le préjudice du caractère abusif de la rupture sera indemnisé et non le préjudice résultant de la rupture elle-même ;

Attendu que contrairement aux affirmations de la SAM D., la convention d'exercice libéral du 26 juillet 2010 n'est pas un contrat à durée indéterminée dans la mesure où elle comporte un terme de la relation, soit en l'espèce le 70ème anniversaire de c. B ;

Que l'article 16 de ladite convention stipule en effet : « sauf accord express entre les parties, les effets du présent contrat cesseront au 70ème anniversaire du praticien » ;

Attendu par ailleurs que dans son arrêt du 7 juillet 2015 ayant autorité de la chose jugée, la Cour d'appel a jugé fautive la rupture de la convention d'exercice libéral du 26 juillet 2010 par la SAM D. ;

Que c. B est dès lors en droit de solliciter des dommages et intérêts pour compenser le dommage causé par la rupture fautive de la relation contractuelle ;

Que les moyens sont par conséquent inopérants ;

Attendu que la perte de chance se définit comme la privation d'une probabilité raisonnable d'un événement positif ou de la non survenance d'un évènement négatif ;

Attendu que la SAM D. ne conteste pas que c. B est actionnaire du D. depuis 1987 ;

Qu'il ressort également de la convention conclue entre le CHU de R.et le D. du 5 février 1992 que le d.G a été autorisé à consacrer une demi-journée par semaine au D. ;

Que par courriel du 15 mai 2009, f.H, qui exerçait au D., a demandé au d.G s'il envisageait de revenir en Métropole et s'il serait intéressé pour travailler à Monaco, ce à quoi ce dernier lui a répondu favorablement ;

Que c. B a ainsi commencé à exercer au sein du D. le 1er janvier 2010 sans que les parties ne concluent concomitamment à cette prise de fonction une convention d'exercice libéral ;

Qu'elles ont en effet signé la première convention d'exercice libéral le 11 mai 2010 puis une seconde convention le 26 juillet 2010 ;

Que les démarches entreprises par la SAM D. auprès du d.G en 2009 pour lui proposer un poste au sein de son établissement attestent ainsi de l'existence de liens professionnels passés qui se sont bien déroulés tandis que l'absence de convention conclue au moment de la prise de fonction du d.G démontre l'existence d'une relation de confiance entre les parties ;

Que la nature de ces relations entre la SAM D. et le d.G pouvait légitimement faire croire à ce dernier que son activité au sein du D. se poursuivrait durablement ce d'autant plus que les parties avaient convenu d'un terme de la convention fixé au 70ème anniversaire du praticien sans pour autant qu'il y ait une certitude sur son âge de 70 ans en raison des aléas pouvant mettre fin à la relation avant ce terme ;

Qu'en procédant ainsi à une rupture fautive de la convention, la SAM D. a fait perdre une chance réelle et sérieuse à c. B de voir perdurer son activité professionnelle au sein de son établissement ;

Attendu que la réparation de la perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ;

Attendu que le terme de la convention était le 31 juillet 2019, date des 70 ans de c. B, ce dernier étant né le jma ainsi qu'en attestent le relevé cadastral du bien immobilier de c. B sis à Falicon et le curriculum vitae versés aux débats par l'appelante et non le 6 novembre 1948 comme le prétend à tort cette dernière ;

Qu'entre la rupture de la convention du 31 mars 2011 et les 70 ans de c. B, il y a ainsi 100 mois et non 97 mois comme l'indique ce dernier ;

Qu'en tout état de cause, il ne peut être retenu dans le calcul du « préjudice plein », qui est la base d'évaluation de la perte de chance, la période du préavis qui a déjà donné lieu à une indemnisation de sorte que le nombre de mois jusqu'aux 70 ans du d.G depuis la fin du préavis est de 94 ;

Qu'il résulte par ailleurs des justificatifs versés aux débats que c. B a exercé ses fonctions au sein du CHU de x2de juillet 2011 à juillet 2019, date de son 70ème anniversaire, et qu'il a perçu sur cette période des salaires et des revenus d'activité libérale pour un montant total de 698.717,53 euros, soit une perte de rémunérations de 4.459.304,05 euros (5.158.021,58 euros (54.872,57 euros moyenne des salaires monégasques X 94 mois jusqu'à 70 ans) – 698.717,53 euros) si la convention litigieuse avait perduré jusqu'au 31 juillet 2019 ;

Attendu que les pièces versées aux débats ne permettent pas cependant de déterminer si l'amplitude du temps de travail du d.G en R. était équivalente à celle effectuée à Monaco alors qu'il était plus âgé ;

Que le d.G a par ailleurs fait le choix d'exercer sa profession en R. où la patientèle ne dispose pas des mêmes moyens financiers que celle d'une région française comparable d'un point de vue économique à la Principauté de Monaco ;

Qu'au vu de ces éléments et à la probabilité de réalisation de la chance, il convient de lui allouer au titre de sa perte de chance une somme de :

  • 4.459.304,05 euros x 15%= 668.895,61 euros qu'il y a lieu d'arrondir à 700.000 euros ;

Qu'il convient par conséquent de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a alloué à c. B une somme de 700.000 euros au titre de sa perte de chance ;

  • Sur le préjudice moral

Attendu que c. B sollicite une somme de 500.000 euros en réparation de son préjudice moral en raison de la brutalité et du caractère vexatoire de la rupture, des atteintes graves et répétées à son honneur et du préjudice émotionnel et psychologique en résultant ;

Qu'il affirme ne pas avoir été convoqué ni entendu sur les fautes qui lui ont été reprochées avant la notification de la rupture ;

Que la SAM D. réplique que c. B a été plusieurs fois mis en garde sur son comportement et le fonctionnement du service ;

Attendu toutefois que si Messieurs C., L., M.attestent d'entretiens avec c. B à trois reprises en mars et septembre 2010 ainsi qu'en janvier 2011 au cours desquels il a été abordé les problèmes de fonctionnement de son service et ses rapports humains avec le personnel, la Cour d'appel a relevé dans son arrêt du 7 juillet 2015 qu'il n'était pas donné de précision sur la nature des manquements qu'auraient commis c. B avant mars 2011, ces attestations étant en effet rédigées en termes généraux et ne faisant état d'aucun fait précis, aucun compte rendu de ces entretiens n'ayant été établi ni aucun avertissement donné à l'intimé ;

Que la SAM D. ne justifie pas au surplus avoir entendu, avant de lui notifier la lettre de rupture, c. B en ses explications sur les deux incidents des 30 et 31 mars 2011 qu'elle a visés dans sa lettre de rupture, sur son comportement et sa pratique qui auraient fait courir selon elle des risques majeurs à la sécurité et la santé des patients, griefs particulièrement graves eu égard à la qualité de l'intimé ;

Que lors du Conseil d'administration du D. du 28 juin 2011, son Président a d'ailleurs reconnu « avoir mis à la porte le 1er avril 2011 » le d.G qui ne connaissait pas à cette date les motifs de la rupture dans la mesure où la lettre du 31 mars 2011 n'a été présentée à son domicile que le 4 avril 2011 et distribuée le 8 avril suivant ;

Que la rupture de la convention a été au surplus brutale dans la mesure où elle l'a été sans préavis ;

Que les circonstances de la rupture ci-dessus rappelées caractérisent ainsi la légèreté blâmable avec laquelle la SAM D. a agi et la soudaineté de la rupture, la rendant d'autant plus abusive qu'elle s'est accompagnée d'une exclusion immédiate du d.G de la clinique de nature à jeter indubitablement le discrédit sur sa personne et ses qualités de médecin ;

Attendu que c. B fait également état du refus de la SAM D. de se concilier ;

Attendu que l'article 17 de la convention d'exercice libéral du 26 juillet 2010 stipule : « En cas de difficultés soulevées, soit par l'exécution, soit par l'interprétation ou la cessation du présent contrat, les parties s'engagent, préalablement à toute action contentieuse, à soumettre leur différend à deux conciliateurs, choisis parmi les membres du Conseil Scientifique, qu'elles auront respectivement désignés dans les quinze jours.

Faute pour l'une des parties de désigner son conciliateur dans le délai susmentionné, ce conciliateur pourra être désigné par le Président du Tribunal de Première Instance de Monaco, à l'initiative de l'autre partie.

Les conciliateurs s'efforceront de trouver une solution amiable dans un délai maximum de 3 mois à compter de leur désignation.

Faute par les conciliateurs d'amener un accord dans le délai imparti, les parties font expressément attribution de compétence au Tribunal de Première Instance de Monaco. »

Que la procédure de conciliation sera examinée au vu des stipulations de cet article 17 sans que la SAM D. puisse faire état de la Charte Médicale de l'Ordre des Médecins de la Principauté de Monaco ou du Code de déontologie qui ne s'appliquent qu'aux litiges entre médecins, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ainsi que l'avait déjà souligné la Cour d'appel dans son arrêt du 7 juillet 2015 ;

Attendu que le Conseil de c. B a notifié le 26 septembre 2011 à la SAM D. la désignation d'un conciliateur en la personne du docteur N., lequel a remplacé le docteur O., préalablement désigné par lettre du 12 septembre 2011, faute pour ce dernier d'être inscrit sur la liste des membres du Conseil Scientifique ;

Que la SAM D. a désigné le docteur P. le 18 octobre 2011 ;

Que ces deux médecins conciliateurs indiquent dans leur compte-rendu respectif s'être rencontrés le 11 novembre 2011 puis ultérieurement pour évoquer ce différend ;

Qu'aux termes de son compte-rendu du 22 janvier 2022, le docteur P. souligne l'absence de respect par le d. G de la désignation d'un conciliateur dans les délais prévus par l'article 17 et de la sienne par voie de conséquence ainsi que l'absence d'exposé ou d'évocation d'éventuels griefs à l'égard du D. et de demande transmise au nom du d. G tandis que le docteur N. affirme que les griefs de c. B ont fait partie des entretiens avec le docteur P.;

Attendu que dans son arrêt du 7 juillet 2015, la Cour, qui a relevé une désignation du conciliateur par le d.G hors délais, a néanmoins souligné l'absence de sanction en cas de non-respect de ces délais ;

Qu'il y a lieu également de relever que la mission principale du docteur P.était d'examiner avec le docteur N. le différend des parties, qui porte nécessairement sur le fond du litige, de sorte que ses arguments relatifs au non-respect des délais par le d.G apparaissent dénués de pertinence pour pouvoir mettre fin à eux seuls aux discussions engagées ;

Que la Cour ne disposant toutefois que de ces deux seuls comptes rendus qui sont contraires sur la teneur des échanges, ces éléments sont insuffisants pour en tirer la preuve d'une opposition de la SAM D. à toute tentative de conciliation et d'un traitement méprisant de sa part envers le d. G ;

Que les moyens développés par la SAM D. sur l'obtention par le d. G d'une ordonnance sur requête l'autorisant à être assisté par un huissier de justice lors du conseil d'administration du centre thoracique sont totalement inopérants pour apprécier son attitude envers l'intimé lors de la phase de conciliation ;

Attendu que c. B fait état également à l'appui de sa demande des atteintes graves et continues à sa réputation et à son honneur ;

Qu'il produit à l'appui de ses dires un procès-verbal du 28 juin 2011 aux termes duquel l'huissier de justice a relevé la teneur des échanges intervenus lors du Conseil d'administration du centre en présence de 22 actionnaires sur les 72 qu'il compte, et notamment ceux de son Président, le p.C, à l'attention de c. B qui était présent et assisté de son avocat :

« je ne comprends pas comment la personne assise à votre droite ose être ici »

« monsieur, je voudrais que ce personnage ait un peu de dignité en ce moment »

« venir parler d'un cas particulier, d'un fautif qui essaie de couvrir ses fautes par un comportement qui est insupportable est intolérable »

« l'assemblée n'a pas à savoir le comportement d'un pistachier qui nous embête ici »

« la plupart des dires mensongers de M. d. G se promènent dans tout Monaco alors que je voudrais savoir d'où sont partis ces racontars totalement faux. Nous attendons avec impatience qu'il y ait un procès au tribunal pour pouvoir faire la lumière sur toutes les imbécilités qui sont racontées. »

« Vous êtes un menteur permanent. Vous mentez sans arrêt et vous n'avez pas le courage de vos opinions.(…) Cet homme nous a causé un préjudice invraisemblable. (…) Nous avons les preuves de toutes ses fautes et vous venez nous donner des leçons de maintien » ;

Que s'il n'est pas démontré que l'intégralité de ces propos ait été acté au procès-verbal du conseil d'administration, ils ont toutefois été tenus en présence de 22 actionnaires dont plusieurs exercent la profession de médecin ;

Que si ces propos ne font pas état précisément des fautes reprochées au d.G, les termes employés à son encontre ont porté sans contestation possible atteinte à son honneur et à sa réputation ;

Attendu que la SAM D. soutient toutefois que c. B ne justifie d'aucun préjudice émotionnel ou psychologique ;

Attendu que le docteur J., qui avait fourni au d.G une attestation, a accepté de la retirer aux termes du procès-verbal de conciliation intervenu lors de la procédure engagée à son encontre par la SAM D. devant le Conseil départemental de l'Ordre des médecins du Rhône ;

Que le docteur K. attestait le 12 mai 2011 : « je soussigné, certifie que Monsieur d.G Christian, né le 31/07/1948, présente actuellement les signes d'un état dépressif réactionnel avec un cortège de manifestations anxieuses. Cet état fait suite à l'annonce brutale et sans véritable avertissement d'une rupture de convention vécue comme injustifiée. Cet état qui associe une douleur morale, une dévalorisation narcissique, une perplexité anxieuse majeure, une insomnie rebelle, est aggravé par le sentiment d'insécurité que génère la situation. La nécessité d'un soutien psychothérapeutique et un traitement antidépresseur s'impose. »

Que suite à la saisine par l'appelante du Conseil départemental de l'Ordre des médecins des Alpes-Maritimes à l'encontre du docteur K., ce dernier a de nouveau attesté le 24 octobre 2013 : «Dans le cadre de la réunion de conciliation entre Conseil départemental de l'Ordre des médecins des am- de ce jour, je précise les faits suivants :

  • 1/j'ai rencontré le d.G le 12 mai 2011

  • 2/je n'ai aucun lien quelqu'il soit avec lui

  • 3/À la fin de cette consultation du 12 mai 2011 il a sollicité l'établissement d'un certificat médical

  • 4/Concernant ce certificat : la phrase : « cet état fait suite à l'annonce brutale et sans véritable avertissement d'une rupture de convention » est la retranscription des dires de mon patient » ;

Qu'il résulte de ces éléments que le d.G présentait bien ainsi les signes d'un état dépressif réactionnel le 12 mai 2011 ainsi qu'en atteste ce médecin psychiatre, soit un peu plus d'un mois après la notification de la rupture de la convention et se voyait prescrire par ce médecin des médicaments, même si l'intimé ne produit aux débats aucun élément médical postérieur attestant d'un suivi thérapeutique ou de la poursuite de la prise des médicaments pour traiter cet état ;

Que si c. B soutient que son état anxio-dépressif a été alimenté par la multiplication et l'inanité des procédures qui s'en sont suivies depuis 2012, il ne produit toutefois aucun élément médical corroborant ses dires ;

Qu'il n'en demeure pas moins que les circonstances brutales de la rupture ainsi que les propos blessants et durs tenus à l'encontre de c. B lors du Conseil d'administration en présence de confrères n'ont pu que l'affecter sur le plan moral, ce que corroborent au demeurant les constatations du psychiatre faites sur son état de santé psychique dans un laps de temps très proche de la rupture de la convention ;

Qu'au vu de ces éléments, la somme de 200.000 euros allouée constituant une juste indemnisation de ce préjudice, il convient par conséquent de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SAM D. à verser au d.G la somme de 200.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

  • Sur les autres préjudices financiers

Attendu que c. B sollicite la condamnation de la SAM D. au paiement des sommes suivantes :

  • 192.054 euros représentant la rémunération dont il a été privé pendant les trois mois et demi ayant suivi la rupture de la convention d'exercice libéral du 26 juillet 2010,

  • 6.500,99 euros en remboursement des frais de déménagement et de douanes qu'il a dû exposer pour venir exercer au D.,

  • 49.266,73 euros représentant le montant des travaux qu'il a fait dans l'appartement de Beausoleil qu'il a acheté en février 2011 pour travailler à proximité du D. ;

Attendu toutefois que c'est à juste titre que les premiers juges ont débouté c. B de la demande en paiement de la somme de 192.054 euros dans la mesure où l'indemnité de préavis représentant 6 mois d'honoraires indemnise déjà ce préjudice ;

Attendu par ailleurs que les frais de déménagement exposés par c. B pour revenir en Métropole résultent de sa seule décision d'accepter le poste au D. et ne constituent pas un préjudice résultant de la rupture fautive de la convention d'exercice libéral du 26 juillet 2010 par la SAM D. ;

Attendu enfin qu'à son arrivée au D. le d.G était domicilié sis x3. où il est propriétaire d'une maison depuis 2007 ainsi qu'en attestent les mentions de domiciliation sur les conventions d'exercice libéral des 11 mai 2010 et 26 juillet 2010 et les pièces versées aux débats ;

Qu'il reconnaît avoir été domicilié à cette adresse jusqu'en avril 2011, mois à compter duquel il soutient s'être installé dans son appartement à Beausoleil, soit postérieurement à la rupture de la convention d'exercice libéral du 26 juillet 2010 ;

Que c. B affirme avoir acquis cet appartement à proximité du D. et entrepris des travaux de rénovation en raison des contraintes liées à son activité de médecin anesthésiste-réanimateur au sein du centre et dans la mesure où il était convaincu de son installation définitive dans la région en raison de la signature de la convention d'exercice libéral du 26 juillet 2010 ;

Attendu toutefois que c'est à juste titre que les premiers juges ont débouté c. B de cette demande dans la mesure où cette acquisition immobilière par c. B ne relève que d'une décision personnelle qui ne lui a été nullement imposée par la SAM D. dans le cadre de la convention d'exercice libéral du 26 juillet 2010 ;

Qu'il convient par conséquent de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté c. B de sa demande en paiement de ces sommes ;

  • Sur la clause de non-réinstallation

Attendu que la SAM D. soutient qu'il appartenait à c. B, qui a accepté la clause de non-réinstallation, de demander l'avis du Conseil de l'Ordre des médecins et de la contester en temps voulu avant toute signature si une incertitude pesait sur sa licéité ;

Attendu toutefois que la SAM D. ne justifie pas de ce que l'absence de saisine préalable du Conseil de l'Ordre des médecins serait de nature à l'empêcher d'en faire apprécier le caractère illicite par une juridiction ;

Qu'il convient d'écarter ce moyen ;

Attendu qu'une clause de non-réinstallation, pour être valable, ne doit pas avoir pour conséquence de rendre impossible l'exercice par le médecin de son activité professionnelle, doit être proportionnée aux intérêts légitimes qu'elle a pour objet de protéger compte tenu de la durée du contrat et du lieu d'exercice de la profession et doit être limitée dans le temps et dans l'espace ;

Qu'il y a lieu ainsi d'apprécier à la fois l'intérêt légitime du créancier, c'est-à-dire la protection et la préservation de sa clientèle, et la sauvegarde de la liberté du débiteur ;

Attendu qu'aux termes de l'attestation d'inscription du 20 janvier 2010 de l'Ordre des médecins de Monaco, le d.G a été inscrit au tableau dans les spécialités d'anesthésie et de réanimation ;

Que l'article 16 de la convention d'exercice libéral du 26 juillet 2010 stipule : « En cas de rupture du contrat, le praticien s'engage à ne pas s'installer en clientèle privée, dans une clinique privée ou un hôpital public, à temps plein ou à temps partiel, dans un rayon de 150 km à vol d'oiseau autour de la clinique et ce durant un délai de 2 ans »;

Que cette clause ne limite pas expressément la non-réinstallation du d.G dans ses spécialités d'anesthésie et de réanimation quand bien même d'autres articles de la convention d'exercice libéral du 26 juillet 2010 rappellent la spécialité de l'intimé ;

Que le fait que la SAM D. soit autorisée à exercer ses activités limitées à la chirurgie cardio-thoracique selon l'arrêté ministériel n° 2009 du 18 décembre 2009 ne saurait être un moyen pour pallier l'imprécision de cette clause ;

Attendu que la SAM D. se prévaut des dispositions de l'article 1016 du Code civil aux termes desquels toutes les clauses des conventions s'interprètent les unes par les autres, en donnant à chacune le sens qui résulte de l'acte entier pour conclure au caractère limité de l'atteinte à la liberté d'exercice du praticien ;

Attendu toutefois que la validité d'une clause de non réinstallation suppose que l'activité interdite soit déterminée avec suffisamment de précision ;

Que la SAM D. ne peut dès lors se retrancher derrière la possibilité d'interpréter la clause en vertu de l'article 1016 du Code civil pour pallier cette absence de précision ;

Qu'il convient d'écarter ces moyens ;

Que la clause telle que stipulée interdit ainsi au d.G d'exercer son art dans tous les hôpitaux publics et les cliniques privées sans limitation au seul domaine de la chirurgie cardiaque ;

Que la Cour observe au surplus que si la clause est limitée dans l'espace à un rayon de 150 km à vol d'oiseau autour de la clinique, l'interdiction s'étend ainsi non seulement au département limitrophe français des Alpes-Maritimes mais également aux départements français du Var, des Hautes-Alpes, des Alpes-de-Haute-Provence ainsi qu'à l'Italie au-delà de Gênes ;

Que par comparaison, l'article 24 du Code de déontologie des médecins de Monaco stipule qu'il est interdit au médecin appelé par un confrère comme remplaçant de s'installer pour une période de 5 ans à dater de l'époque du remplacement dans la Principauté de Monaco et les communes limitrophes de Beausoleil, Cap-d'Ail, Roquebrune-Cap-Martin (Saint-Roman) ;

Que quand bien même cet article 24 ne s'applique pas au cas de l'espèce, c. B n'ayant pas été recruté comme médecin remplaçant, il constitue un indice sur le périmètre autour duquel peut s'appliquer une clause de non-réinstallation ;

Qu'il convient ainsi de relever l'écart important entre ce périmètre de non-réinstallation qui se limite aux communes limitrophes françaises de la Principauté de Monaco toutes situées dans le département des Alpes-Maritimes par rapport à la clause litigieuse qui concerne quatre départements français, sans limitation expresse au secteur de la chirurgie cardiaque ;

Que cette clause, stipulée au profit d'une société d'exercice libéral pour éviter que l'un de ses membres exerce une concurrence relativement à la clientèle qu'elle exploite, interdit également au d.G d'exercer son activité dans les hôpitaux publics qui ne sont pas directement en concurrence avec la SAM D. en termes de patientèle ;

Que la clause de non-réinstallation n'est pas ainsi proportionnée aux intérêts légitimes qu'elle a pour objet de protéger et a des limites spatiales excessives ;

Attendu que c. B sollicite en raison du caractère illicite de la clause une somme totale de 152.064,45 euros se décomposant comme suit :

  • une somme de 144.040 euros au titre de la perte de chance de percevoir sa rémunération représentant 75% de sa rémunération moyenne monégasque (3,5 mois x 54.872,57 euros (moyenne de ses honoraires à Monaco) x 75%),

  • une somme de 8.024,45 euros représentant ses frais de déménagement, des frais de douane et les frais de billet d'avion,

Que la SAM D. réplique que la sanction d'une clause de non-réinstallation illicite est la nullité mais nullement l'octroi d'une indemnité ;

Attendu toutefois que c. B est fondé à solliciter des dommages et intérêts dès lors qu'il démontre l'existence de préjudices résultant de son respect de la clause illicite ;

Attendu que le respect par le d.G de la clause illicite l'a obligé à déménager ;

Qu'en effet, quand bien même le d.G se serait installé dans les hôpitaux ou cliniques de Marseille ou d'Aubagne (situés au-delà d'un rayon de 150 km depuis la clinique monégasque), il n'aurait pas pu faire les trajets aller-retour dans la journée depuis son domicile (en moyenne 2 heures de route à l'aller) eu égard aux horaires et les astreintes que doivent assurer les médecins à temps complet ;

Que c. B justifie avoir déboursé une somme totale de 8.024,45 euros au titre de ses frais de déménagement, de douanes et de billet d'avion, lesquels constituent un préjudice résultant directement du respect par ce dernier de la clause illicite ;

Attendu toutefois que la perte d'opportunité, c'est-à-dire le gain supplémentaire que le d.G aurait pu retirer en l'absence de stipulation de la clause, a déjà été indemnisée au titre de la perte de chance de poursuivre son activité professionnelle à Monaco ;

Qu'il n'y a pas lieu par conséquent de faire droit à sa demande en paiement d'une somme de 144.040 euros au titre de la perte de chance de percevoir sa rémunération représentant 75% de sa rémunération moyenne monégasque ;

Qu'au vu de ces éléments, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a indemnisé c. B des préjudices résultant du caractère illicite de la clause de non-réinstallation mais de l'infirmer sur son quantum qu'il convient de fixer à la somme de 8.024,45 euros ;

  • Sur l'appel abusif

Attendu que l'exercice d'une action en justice de même que la défense à une telle action constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à l'octroi de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou erreur grossière équipollente au dol ;

Attendu que c. B sollicite une somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts, soutenant que l'appel de la partie adverse constitue un acte de malice ou de mauvaise foi et que l'appelante a commis de nombreuses erreurs de droit équivalentes au dol ;

Qu'il souligne à ce titre les longs développements de la SAM D. pour revenir sur l'autorité de la chose jugée de l'arrêt de la Cour d'appel du 7 juillet 2015 en s'obstinant à nier la rupture fautive de la convention, en faisant état de pièces jugées nulles, en soutenant que sa situation administrative serait un motif valable de résiliation de la convention après avoir soutenu dans une procédure distincte que c'était une cause de nullité de la convention et en invoquant les circonstances de son départ du CHU de R.suite à son dépôt de plainte à l'encontre du professeur P.à l'origine d'une désorganisation du service, tous ces moyens n'ayant pour objet que de lui nuire, de le blesser et de prolonger sa souffrance ;

Que si la SAM D. tente en effet aux termes de longs développements dans ses conclusions, de revenir sur l'autorité de la chose jugée de l'arrêt de la Cour d'appel du 7 juillet 2015 qui a retenu à son encontre une rupture fautive de la convention, elle prospère partiellement en ses demandes en appel de sorte que la demande de dommages et intérêts pour appel abusif de c. B doit être rejetée ;

  • Sur les dépens

Attendu que c'est à juste titre que les premiers juges ont condamné la SAM D. aux dépens de première instance dans la mesure où il a été fait droit à la demande de c. B de juger fautive la rupture de la convention ainsi qu'à ses demandes d'indemnisation en découlant ;

Que ce chef de jugement sera par conséquent confirmé ;

Que la SAM D. succombant partiellement en ses demandes en appel, il convient de laisser à sa charge les dépens de l'appel ;

  • Sur la publication de l'arrêt

Attendu que c. B sollicite pour la première fois en appel la publication de la décision à intervenir afin de rétablir selon lui la vérité aux yeux de tout le monde, soutenant avoir été présenté de manière extrêmement dévalorisante par la SAM D., au-delà de la sphère judiciaire, devant les Conseils départementaux de plusieurs ordres français de médecin, les administrations et les autorités monégasques et françaises, ayant été insulté publiquement devant des personnalités du monde médical résidant dans plusieurs pays et en raison de la persistance de l'appelante à nier publiquement toute responsabilité et à l'indemniser, faisant ainsi échec au rétablissement de son honneur ;

Attendu toutefois que c. B ne justifie pas d'un fondement légal lui permettant de solliciter la publication de la présente décision qui s'inscrit dans le cadre d'un litige privé ;

Que les procédures engagées par la SAM D. devant les Conseils départementaux de plusieurs ordres français de médecin à l'encontre des docteurs J. et K. étaient manifestement fondées dans la mesure où le docteur J. a accepté de retirer son attestation tandis que le docteur K. a apporté à la sienne des précisions importantes ;

Que c. B ne démontre pas au surplus en quoi ces procédures ainsi que les demandes faites par l'appelante auprès de certaines administrations et autorités monégasques et françaises l'ont présenté de manière dévalorisante ;

Que si les propos tenus lors du Conseil d'Administration de la SAM D. le 28 juin 2011 étaient de nature à porter atteinte à son honneur et sa réputation, c. B ne démontre pas qu'ils ont été repris in extenso dans le procès-verbal du Conseil d'administration diffusé aux autres actionnaires ;

Que bien que la SAM D. persiste manifestement au travers de ses conclusions à attribuer la rupture de la convention au comportement fautif de c. B en dépit des décisions rendues, cet élément inhérent au seul débat judiciaire est insuffisant pour justifier une publication de la présente décision ;

Qu'il convient par conséquent de débouter c. B de sa demande ;

  • Sur le préjudice correspondant aux frais de justice

Attendu que les premiers juges ont alloué à c. B la somme de 112.085,95 euros représentant le montant des frais qu'il a exposés pour se défendre sur le fondement de l'article 234 du Code de procédure civile renvoyant à l'article 1229 du Code civil ;

Que c. B sollicite en appel l'augmentation de cette somme à celle de 195.165 euros en vertu des articles 234 et 238-1 du Code de procédure civile ;

Attendu que selon l'article 238-1 du Code de procédure civile, le juge condamnera la partie tenue aux dépens ou qui perdra son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il déterminera, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Que la SAM D. étant condamnée aux dépens de première instance et d'appel, le d.G est fondé à solliciter sa condamnation au paiement des frais qu'il a exposés pour se défendre et non compris dans les dépens, sans qu'il soit dès lors nécessaire d'examiner la demande sur le fondement de l'article 234 du Code de procédure civile renvoyant à l'article 1229 du Code civil ;

Attendu que le d.G verse une « attestation comptable » du cabinet d'avocats CMS du 27 juin 2022 certifiant lui avoir facturé une somme de 22.328,95 euros pour la procédure en nullité de la convention d'exercice libéral du 26 juillet 2010 et celle de 159.042,43 euros pour la présente procédure (pièce 38 de l'intimé) ;

Que si c. B ne produit pas en effet les factures afférentes aux honoraires, ainsi que le souligne la SAM D., il n'en demeure pas moins que l'intimé a constitué un Conseil pour se défendre dans la présente instance et a ainsi nécessairement acquitté des honoraires dont aucun élément ne permet de mettre en doute le montant tel qu'attesté par son propre Conseil qui le représente dans la présente procédure ;

Attendu cependant que la Cour n'est saisi que du litige sur la rupture fautive de la convention d'exercice libéral du 26 juillet 2010 de sorte que c. B n'est pas fondé à solliciter le paiement des honoraires qu'il a réglés dans le cadre d'une instance distincte engagée par la SAM D. aux fins de déclarer nulles les conventions d'exercice libéral, étant au surplus observé que la Cour de révision a cassé le 7 octobre 2019 l'arrêt de la Cour d'appel du 29 janvier 2019 qui avait condamné l'appelante à 10.000 euros pour abus de son droit d'ester en justice et pour appel abusif sur le fondement de l'article 1229 du Code civil dans cette procédure distincte ;

Qu'il convient dès lors de débouter c. B de sa demande en paiement de la somme de 22.328,95 euros exposée pour sa défense dans la procédure en nullité de la convention d'exercice libéral ;

Que le montant des honoraires réglés pour la présente instance s'élevant à 159.042,43 euros, il convient d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SAM D. à verser à c. B une somme de 112.085,95 euros au titre du préjudice causé par l'obligation d'exposer des frais de justice en application de l'article 234 du Code de procédure civile (et non l'article 134 du Code civil tel que mentionné par erreur dans le dispositif du jugement) et statuant de nouveau, de condamner la SAM D. à lui verser une somme de 159.042,43 euros en vertu de l'article 238-1 du Code de procédure civile ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

Déclare les appels recevables,

Confirme le jugement du Tribunal de première instance en date du 23 septembre 2021 en ce qu'il a :

  • rejeté la demande incidente de communication de pièces formulée par la SAM D.,

  • débouté c.B de sa demande de dommages et intérêts pour caractère abusif de la demande de communication de pièces,

  • débouté c.B de ses demandes tendant au paiement d'une somme de 192.054 euros à titre de dommages et intérêts pour la perte de revenus pendant les trois mois et demi précédant son retour en R.,

  • débouté c.B de ses demandes tendant au paiement d'une somme de 55.767,72 euros au titre des frais d'aménagement et de travaux du logement,

  • condamné la SAM D. à payer à c.B :

  • • la somme de 329.235,42 euros au titre de l'indemnité de préavis conventionnel, assortie des intérêts légaux depuis le 12 avril 2012, date de l'assignation, et avec capitalisation des intérêts par année entière ;

  • • la somme de 700.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du caractère fautif de la rupture pour la perte de chance de poursuivre son contrat jusqu'à son terme ;

  • • la somme de 200.000 euros au titre de la réparation du préjudice moral subi ;

  • condamné la SAM D. aux dépens de l'instance qui comprendront ceux réservés par jugements en date des 16 octobre 2014 et 19 janvier 2017, et dit qu'il en sera opéré distraction au profit de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,

Infirme les autres dispositions du jugement du Tribunal de première instance en date du 23 septembre 2021 ;

Et statuant de nouveau et y ajoutant,

Déclare irrecevable la demande de la SAM D. aux fins de juger que les multiples fautes commises par c.B ont justifié la rupture immédiate de la convention d'exercice libéral intervenue le 31 mars 2011 et l'absence de respect du préavis conventionnel stipulé ;

Condamne la SAM D. à payer à c. B :

  • la somme de 8.024,45 euros à titre de dommages et intérêts au titre de l'indemnisation de la clause contractuelle de non-réinstallation ;

  • la somme de 159.042,43 euros sur le fondement de l'article 238-1 du Code de procédure civile ;

Déboute c.B de sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif,

Déboute c.B de sa demande de publication du présent arrêt,

Condamne la SAM D. aux dépens de l'appel, distraits au profit de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,

Ordonne que les dépens distraits seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,

Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,

Composition🔗

Ainsi jugé et rendu au Palais de Justice, à Monaco, le 13 JUIN 2023, par Madame Françoise CARRACHA, Conseiller, faisant fonction de Président, Madame Sandrine LEFEBVRE, Conseiller, Madame Magali GHENASSIA, Conseiller, assistées de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Monsieur Morgan RAYMOND, Procureur général adjoint.

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