Cour d'appel, 3 avril 2023, la Société Anonyme Monégasque dénommée A. et B. c/ C.

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Abstract🔗

Règle una electa via – Applicabilité (non) – Conditions.

Autorité de la chose jugée du pénal sur le civil – Conditions – Recevabilité des demandes des parties civiles (oui).

Résumé🔗

L'action publique a été mise en mouvement par les parties civiles. C. soulève l'irrecevabilité des demandes de B. et de la société A. en vertu du principe una electa via. L'article 81 du Code de procédure pénale dispose : « La partie civile qui s'est désistée devant la juridiction répressive ne peut plus porter son action devant la même juridiction, mais conserve la faculté de saisir la juridiction civile. La partie qui a exercé son action devant la juridiction civile compétente ne peut la porter devant la juridiction répressive. Il n'en est autrement que si celle-ci est saisie par le Ministère public, postérieurement à l'introduction de la demande devant la juridiction civile, et si le désistement de la partie lésée est intervenu avant que les débats ne soient liés devant la juridiction civile. ». La règle una electa via consacrée par ce texte n'est susceptible de recevoir application qu'autant que les demandes de la partie civile respectivement portées devant le juge pénal et devant le juge civil possèdent la même cause, le même objet et mettent en cause les mêmes parties.

La société A. demande de juger que C. a commis une faute en consacrant son temps de travail et les moyens mis à sa disposition par la SAM A. pour développer une activité concurrente, et en s'appropriant les fichiers informatiques, propriété de la SAM A. et en les transmettant à une société concurrente dont il est l'associé. C. soulève l'irrecevabilité des demandes de la société A. en raison de l'autorité de la chose jugée du pénal sur le civil dans la mesure où le Tribunal correctionnel l'a relaxé des faits de vols et d'abus de confiance. Dans la mesure toutefois où la Cour n'est saisie que du seul appel des parties civiles suite à un jugement de relaxe, lequel a pour effet de ne lui déférer que l'action en réparation des conséquences dommageables qui peuvent résulter de la faute civile du prévenu définitivement relaxé, cette faute devant être démontrée à partir et dans la limite des faits objets de la poursuite, l'autorité de la chose jugée ne s'attache ainsi à aucune des dispositions du jugement entrepris de sorte qu'il convient d'écarter ce moyen.


Cour d'appel correctionnelle JI n° CAB1/19/06

statuant sur les dispositions civiles

ARRÊT DU 3 AVRIL 2023

En la cause de :

1) la Société Anonyme Monégasque dénommée A., ayant son siège social X à MONACO (98000), prise en la personne de B., président administrateur délégué, domicilié en cette qualité audit siège, constituée partie civile,

représentée par Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, chez lequel elle a élu domicile, et par Maître Frédéric de BAETS, avocat au Barreau de Nice, plaidant par ledit avocat ;

2) B., né le jma à SORA (Italie), de nationalité dominicaine, demeurant x2 à MONACO (98000), constitué partie civile,

NON COMPARANT, représenté par Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, chez lequel il a élu domicile, et par Maître Frédéric de BAETS, avocat au Barreau de Nice, plaidant par ledit avocat ;

APPELANTS

Contre :

C., né le jma à PARIS (France), de r. et de l. D., de nationalité française, sans emploi, demeurant x3 à MONACO (98000),

COMPARANT, assisté de Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, plaidant par ledit avocat-défenseur ;

Prévenu de :

  • VOLS

  • ESCROQUERIE

  • ABUS DE CONFIANCE ;

INTIMÉ

En présence du MINISTÈRE PUBLIC ;

Visa🔗

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO, jugeant correctionnellement, après débats à l'audience du 9 janvier 2023 ;

Vu le jugement contradictoirement rendu par le Tribunal correctionnel, le 28 juin 2022 ;

Vu l'appel interjeté par Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur et celui de la SAM A. et de B., parties civiles, le 6 juillet 2022 ;

Vu l'ordonnance présidentielle en date du 19 juillet 2022 ;

Vu la citation à prévenu, suivant exploit, enregistré, de Maître Patricia GRIMAUD-PALMERO, Huissier, en date du 5 août 2022 ;

Vu les pièces du dossier ;

Vu les conclusions de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur, pour la SAM A. et pour B., parties civiles, en date des 4 novembre et 14 décembre 2022 ;

Vu les conclusions de Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur, pour C., prévenu, en date des 7 et 21 décembre 2022 ;

Ouï E., Conseiller, en son rapport ;

Ouï Maître Frédéric de BAETS, avocat au Barreau de Nice, régulièrement autorisé à plaider pour la SAM A. et pour B., parties civiles, en ses moyens d'appel et plaidoiries ;

Ouï le Ministère public ;

Ouï Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur, pour C., prévenu, en ses plaidoiries ;

Ouï C., prévenu, en dernier, en ses moyens de défense ;

Motifs🔗

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Par jugement contradictoire en date du 28 juin 2022, le Tribunal correctionnel a, sous la prévention :

« D'avoir à Monaco, courant 2015, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, frauduleusement soustrait des fichiers informatiques au préjudice de la SAM A. », DÉLIT prévu et réprimé par les articles 26 et 309 du Code pénal,

« D'avoir à Monaco, courant 2015, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, escroqué tout ou partie de la fortune d'autrui en se faisant remettre des fonds en usant de manoeuvres frauduleuses, en l'espèce en présentant, en connaissance de cause, des notes de frais fondées sur des justificatifs déjà produits, en modifiant les montants, en les présentant au titre de périodes sans rapport avec la dépense engagée, en retenant une devise étrangère, ou en y associant des dépenses non justifiées par son activité professionnelle au profit de la SAM A., le tout au préjudice de cette dernière », DÉLIT prévu et réprimé par les articles 26 et 330 du Code pénal,

« D'avoir à Monaco, courant 2015 et depuis temps non couvert par la prescription, détourné ou dissipé, au préjudice des propriétaires, possesseurs ou détenteurs, des fonds, meubles, effets, deniers, marchandises, billets, promesses, quittances, ou tous autres écrits contenant ou opérant obligation ou décharge, qui ne lui auraient été remis qu'à titre de louage, de dépôt, de mandat, de nantissement, de prêt à usage ou pour un travail, salarié ou non, à charge de les rendre ou représenter, ou d'en faire usage ou un emploi déterminé, en l'espèce en détournant son contrat de travail et les moyens mis à sa disposition par son employeur, s'agissant de son ordinateur et de la connexion internet, pour des activités personnelles », DÉLIT prévu et réprimé par les articles 26 et 337 du Code pénal,

sur l'action publique,

  • relaxé C. de l'ensemble des faits qui lui sont reprochés,

sur l'action civile,

  • reçu B. et la SAM A. en leur constitution de partie civile mais les a déboutés de leurs demandes,

  • laissé les frais de la procédure à la charge du Trésor.

Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur, pour la SAM A. et pour B., parties civiles, a interjeté appel de cette décision le 6 juillet 2022.

Considérant les faits suivants :

Le 12 juin 2017, B., dirigeant de la SAM A. déposait plainte à l'encontre de son ancien associé, puis employé, C., des chefs d'abus de confiance, d'escroquerie, de révélation de secret de fabrique et de vol. Partenaires d'affaires depuis des années, B. acquérait en 2007, 60 % des parts sociales de la société de C., F., avant que le nom ne soit changé en A. en 2013. Puis, le 29 décembre 2014, il faisait l'acquisition des 40 % restants pour 4 millions d'euros. Le contrat prévoyait le maintien de C. dans la société en tant qu'employé en qualité de vice-président ainsi qu'une clause de non-concurrence d'une valeur de 2,5 millions d'euros. En septembre 2015, les fonctions de C. devenaient celles de directeur des ventes France.

À compter du 12 octobre 2015, C. était placé en arrêt de travail. À cette occasion, B. découvrait dans son bureau un dossier relatif à une société dénommée H., créée le 23 mai 2014 entre C. et son épouse, dont l'objet social était identique à celui de la société A. et commercialisant des produits concurrents. C. était alors licencié. Lors de la restitution de son ordinateur professionnel, B. déplorait l'effacement intégral des données, qui n'avaient pu être récupérées que par un expert. Il découvrait en outre que C. s'était fait rembourser plusieurs fois les mêmes notes de frais et avait ainsi escroqué son employeur.

Enfin, B. découvrait, dans les échanges d'emails de C., qu'il avait transmis à sa fille, G., travaillant pour la société H., des données confidentielles de A., ainsi que des propositions commerciales, rejetées par C. en qualité d'employé de A..

À l'issue de l'enquête préliminaire, C. était renvoyé devant le Tribunal correctionnel du chef d'abus de confiance commis courant juillet 2015, pour avoir rejeté une proposition commerciale et l'avoir transmise à une société concurrente dirigée par sa fille dans laquelle il avait des intérêts personnels.

Par jugement du 4 décembre 2018, le Tribunal correctionnel relaxait C. au motif que l'offre n'entrait pas dans la liste limitative des contrats de l'article 337 du Code pénal.

En parallèle, C. déposait plainte à l'encontre de B. pour violation du secret des correspondances, violation de la vie privée, vols, faux et usage de faux et tentative d'escroquerie au jugement le 31 mars 2017. Il reprochait en effet à son employeur d'avoir dérobé des documents personnels dans son bureau et d'avoir récupéré et utilisé ses emails privés. Il déplorait en outre la production, dans l'instance devant le Tribunal du travail les opposant, d'un faux email.

Cette plainte faisait l'objet d'un classement sans suite au motif, d'une part, que les documents utilisés par B. avaient été trouvés dans les locaux et l'ordinateur de la société et, d'autre part, que l'enquête avait établi que les emails n'avaient pas été volontairement altérés mais que cela s'était produit lors de l'opération de récupération de données.

Le 5 février 2019, la société A. et B. déposaient plainte avec constitution de partie civile à l'encontre de C. pour les faits dénoncés dès 2017 et non poursuivis par le Parquet Général ainsi que pour recel de ces infractions à l'encontre d'G. et de la société H.

Une information judiciaire était ouverte des chefs d'escroquerie, de vol, de révélation de secret de fabrique, d'abus de confiance et de recel d'abus de confiance commis courant 2015. Les éléments déjà recueillis par l'enquête diligentée par le Parquet Général étaient joints au dossier. Concernant les notes de frais doublement remboursées, C. plaidait des erreurs. Son assistante personnelle expliquait qu'il se chargeait lui-même de solliciter les remboursements de frais. La comptable de la société A. s'était aperçue d'un doublon dans une demande de remboursement et en informait B. qui lui demandait de procéder à des vérifications. Ces vérifications n'avaient pas été poussées sur une longue période. Elle estimait qu'il y avait eu double demande de remboursements entre 5 et 6 fois, le doublon intervenant suite à un remboursement dès le paiement au moment de la réservation, puis à une nouvelle présentation de la facture suite au déplacement. La comptable ne pouvait affirmer que C. avait agi intentionnellement.

Lors de son audition, B. apportait des précisions. S'il avait connaissance de l'existence de la société H., il ne savait pas qu'elle était détenue par C. Il avait accepté de lui octroyer une licence de marque gratuite pour un produit dénommé Immunix en novembre 2014 car il ne pensait pas qu'il s'agissait d'une société concurrente et qu'il avait souhaité soutenir la fille de son ancien associé et ami. Il ne découvrait qu'à l'occasion de l'arrêt de travail de C. qu'elle était détenue par lui et son épouse et que son objet social était identique à sa société. En se renseignant, il s'apercevait alors que, dès le mois de juin 2014, lors de la demande d'inscription à la Direction de l'Expansion Économique, la société H. s'était prévalue de la commercialisation du produit Immunix, alors que la licence ne lui avait pas encore été accordée, et que cela démontrait l'intention frauduleuse initiale de son ancien associé. Il reprochait à C. d'avoir utilisé sa qualité d'employé de A. pour négocier des contrats aux intérêts d'H., détournant ainsi des produits qui auraient pu être commercialisés par A. Il s'appuyait sur un email de la société I., demandant avec quelle entité le contrat devait être signé, pour étayer ses propos. Il déplorait également le vol de fichiers (liste des grossistes, liste des gynécologues), en précisant que ces documents appartenaient à A. et n'étaient pas publics.

La société A. remettait la documentation relative à tous les remboursements indument perçus. Elle ajoutait que certains déplacements ne correspondaient pas à des déplacements professionnels et que le mis en cause avait en réalité travaillé pour H. à ces occasions et notamment :

  • lors d'un déplacement à Berlin, suite à un échange de mail avec M. J. pour la société H.,

  • lors d'un voyage à Paris concomitant à un rendez-vous avec ses avocats,

  • lors de son déplacement du 13 au 19 juillet au cours duquel il organisait une réunion avec sa fille à Orly le 15,

  • lors d'un déplacement pour un congrès en septembre 2015, son vol ne décollant que le 24 à 8 heures 20 mais son véhicule se stationnant au parking le 23 à 12 heures 02,

  • lors d'un déplacement pour un congrès à Tarbes en octobre 2015 lors duquel il aurait travaillé sur le stand de la société H.

Le plaignant déplorait également que C. ait obtenu le remboursement de toutes ses factures téléphoniques, mêmes celles relatives aux communications passées pendant ses vacances.

Pour étayer ses contestations, le conseil des plaignants produisait :

  • une attestation de l'ancienne comptable (de 2010 à 2012) indiquant qu'elle n'avait pas constaté de dépenses ne correspondant pas à la politique de remboursement de la société A.,

  • une attestation de K., visiteuse médicale, affirmant que les fichiers gynécologiques transmis à H. étaient bien la propriété de A.,

  • des emails de C. en rapport avec son activité H.,

  • deux emails du mois d'octobre 2015 dans lesquels C. sollicitait que son adresse A. ne soit plus utilisée.

L'expertise technique de l'ordinateur professionnel de C. permettait la découverte d'emails échangés avec des tiers au sujet de fichiers de A. Suite à la demande du conseil des plaignants, l'expert confirmait n'avoir pas trouvé trace dans les fichiers d'une étude de marché relative à un produit dénommé K. et expliquait qu'il aurait été récupéré par un logiciel de récupération de données en sorte qu'il n'était pas contenu dans l'ordinateur.

C. était inculpé des chefs d'escroqueries, par remboursement indu de notes de frais, de vol de documents de son employeur et d'abus de confiance par détournement de son contrat de travail et des moyens mis à sa disposition par son employeur, commis courant 2015 au préjudice de A.

Lors de son interrogatoire, C. apportait une version différente de celle de B.. Les termes de la cession des 40 % de ses parts dans la société auraient été décidés par B. qui souhaitait prendre le contrôle total tout en conservant C. au sein de la société. Puis, au mois d'août 2015, il l'aurait, sans explication ni logique, rétrogradé à un poste de directeur des ventes France, créé pour l'occasion, et aurait engagé le Docteur L. pour prendre sa place, ce dernier quittant d'ailleurs l'entreprise dès le mois de décembre. Le 8 octobre 2015, il s'absentait pour motif personnel et recevait un mail de reproches le lendemain. Il s'effondrait et était placé en arrêt de travail avant d'être licencié pour faute grave en décembre 2015.

C. affirmait que B. était parfaitement informé de la création de la société H. et que c'était même lui qui leur avait conseillé de confier la gérance à son épouse pour des questions fiscales. Il savait en outre que cette activité était destinée intégralement à sa fille. B. avait accepté de céder gratuitement la licence Immunix à sa fille, d'une part, pour lui rendre service et, d'autre part, afin de pouvoir continuer à le vendre sans avoir à payer le développement d'un produit qui nécessitait

un investissement et n'entrait pas dans le domaine d'action de A.. Si l'exploitation de cette marque avait été évoquée dès la constitution de la société en juin 2014 c'était parce que B. avait déjà donné son accord verbal. Puis, lors de la première mise sur le marché du produit en mars 2015, B. avait proposé de conditionner gratuitement la marchandise dans ses locaux. Depuis son licenciement, B. avait introduit une action en France aux fins de recouvrement d'une prétendue facture impayée et pour contrefaçon, alors qu'il avait mis lui-même le logo A. sur les emballages. Il avait été intégralement débouté.

C. contestait avoir détourné des propositions commerciales. Au sujet des produits K., M. etN., il expliquait que B. était parfaitement au courant des intentions d'H. et qu'il ne souhaitait pas les commercialiser au profit de A.

C. affirmait que les fichiers transférés à H. étaient un regroupement de données publiques et ne constituaient pas la propriété de son employeur. Il n'avait pas cherché à dissimuler ses activités et avait demandé à ses contacts de cesser d'utiliser son email chez A., sachant qu'il allait être écarté. Il n'avait cherché à supprimer que ses fichiers personnels de l'ordinateur et avait effacé par erreur les emails, mais les avait remis par la suite. Il contestait avoir supprimé un quelconque fichier de A. et présentait l'attestation de remise de la directrice juridique pour corroborer ses dires.

Au sujet des notes de frais, C. contestait toute intention frauduleuse et affirmait qu'il s'agissait d'erreurs. Il affirmait que tous les déplacements réglés par A. correspondaient à ses fonctions au sein de la société et n'étaient pas personnels. Ainsi, il déniait avoir rencontré M. J. à Berlin, celui-ci demeurant à Francfort. Au mois de janvier 2015, il avait peut-être rencontré ses avocats à Paris, mais avait bien accompli sa mission pour A.

Concernant le déplacement du mois de juillet 2015 au cours duquel il avait rejoint sa fille, il expliquait sa présence par l'existence du partenariat de distribution d'Immunix entre les deux sociétés.

Il critiquait l'attestation de Madame K. qui avait indiqué que lors du congrès T. il avait travaillé sur le stand d'H., aux motifs d'une part, qu'elle participait à un autre congrès et n'était pas présente pendant toute la durée du salon et, d'autre part, qu'elle était salariée de B. et sous sa dépendance.

Concernant sa prétendue présence sur le stand de K. lors du congrès de Tarbes, il produisait trois attestations de professionnels présents qui témoignaient que ce n'était pas le cas. Il précisait que l'attestation de Madame O. était mensongère et qu'elle avait elle aussi subi la pression de B. par l'intermédiaire de Madame K.

Le 29 mars 2021, le juge d'instruction rendait une ordonnance de non-lieu partiel des chefs de révélation de secret de fabrique, recel d'abus de confiance, escroqueries et vol et de renvoi de C. devant le Tribunal correctionnel du seul chef d'abus de confiance.

Par acte du 2 avril 2021, B. et la SAM A., pris en la personne de leur conseil, interjetaient appel parte in qua à l'encontre de l'ordonnance de non-lieu partiel et de renvoi devant le Tribunal correctionnel rendue le 29 mars 2021 par le juge d'instruction.

La Chambre du Conseil de la Cour d'appel statuant comme juridiction d'instruction dans son arrêt du 18 novembre 2021 infirmait l'ordonnance de non-lieu partiel et renvoyait C. également des faits d'escroquerie et de vol pour lesquels il avait été inculpé.

Par jugement du 28 juin 2022, le Tribunal correctionnel relaxait C. de l'ensemble des faits qui lui étaient reprochés, recevait B. et la SAM A. en leur constitution de partie civile mais les déboutait de leurs demandes, laissant les frais de la procédure à la charge du Trésor.

Pour statuer ainsi, les premiers juges ont retenu pour l'essentiel les éléments suivants :

  • s'agissant des faits d'escroquerie, les éléments issus de l'information judiciaire ne permettaient pas de rapporter la preuve d'une intention frauduleuse de C. qui invoquait des erreurs et devait bénéficier du doute,

  • s'agissant du délit de vol, il n'était pas démontré que les trois fichiers informatiques, à savoir un « listing grossiste », un fichier « Pharmacie Paris » et un fichier « GYNECO », qui étaient en réalité des listings ou encore une compilation de références et de coordonnées de professionnels exerçant dans le même domaine d'activité que la SAM A. et qui n'avaient aucunement un caractère confidentiel, contenaient des informations appartenant exclusivement à cette société qui ne pouvait donc en revendiquer la pleine propriété et en dénoncer une soustraction frauduleuse,

  • le délit d'abus de confiance n'était pas suffisamment caractérisé : si C. avait utilisé son ordinateur de travail mis à sa disposition par la SAM A. mais aussi son temps de travail et la connexion internet pour exercer des activités ne relevant pas de sa mission, les fonctions de directeur qu'occupait au moment des faits C. qui est le fondateur de la SAM A. permettaient d'estimer qu'il pouvait se considérer légitime à utiliser à des fins personnelles en journée dans son bureau et en soirée à son domicile s'agissant de l'ordinateur portable, des biens mis à sa disposition par son employeur pour lequel ses heures de travail n'étaient manifestement pas comptées,

  • les présents faits s'inscrivaient dans un litige « civilo-commercial » comme avaient pu le préciser les parties civiles elles-mêmes dès la troisième page de leur plainte et ne relevant en aucun cas du droit pénal qui devait être d'interprétation stricte et en application duquel le prévenu devait bénéficier du doute.

Par acte de son conseil en date du 6 juillet 2022, B. et la SAM A. interjetaient appel à l'encontre du jugement contradictoire rendu le 28 juin 2022 par le Tribunal correctionnel.

À la requête du Procureur Général, C. était cité à l'audience correctionnelle du 7 novembre 2022 de la Cour d'appel par acte d'huissier en date du 5 août 2022, la citation étant remise en mairie et l'accusé de réception étant signé et daté du 9 août 2022.

La citation à l'attention des parties civiles était remise au collaborateur de Maître MULLOT, avocat-défenseur de B. et de la SAM A. au cabinet duquel ces derniers avaient élu domicile.

Aux termes de leurs conclusions en date du 14 décembre 2022, la SAM A. et B. demandaient à la Cour d'appel de :

  • les recevoir en leur appel,

  • juger que C. a commis une faute en consacrant son temps de travail et les moyens mis à sa disposition par la SAM A. pour développer une activité concurrente,

  • juger que C. a commis une faute en présentant à plusieurs reprises des demandes de remboursement des mêmes notes de frais,

  • juger que C. a commis une faute en s'appropriant les fichiers informatiques, propriété de la SAM A. et en les transmettant à une société concurrente dont il est l'associé,

en conséquence,

  • condamner C. à payer à la SAM A. en réparation de ses préjudices matériels les sommes suivantes :

  • 64.750,00 € au titre du temps de travail payé à C. alors qu'il le consacrait aux activités de la société concurrente H.,

  • 1.363.346,00 € au titre des investissements réalisés par la SAM A. pour constituer des fichiers « Grossistes, Gynécologues et Pharmaciens », soit une somme totale de 1.428.096 € (un million quatre cent vingt-huit mille quatre-vingt-seize euros),

  • condamner C. à payer à la SAM A. la somme de 10.000 € (dix mille euros) en réparation de son préjudice moral,

  • condamner C. à payer à B. la somme de 50.000 € (cinquante mille euros) à titre de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices matériels et moraux.

Après un rappel des faits et de la procédure, la SAM A. et B. concluaient à la recevabilité de leur appel interjeté dans les forme et délai prévus par les articles 406 et 411 du Code de procédure pénale.

Étant les seuls à avoir interjeté appel du jugement de relaxe, la SAM A. et B. sollicitaient des dommages et intérêts aux motifs que C. avait commis des fautes civiles leur occasionnant un préjudice direct et personnel. Ils soutenaient ainsi que C. avait commis une faute en détournant son contrat de travail et utilisé les moyens mis à sa disposition par son employeur à des fins personnelles en utilisant son ordinateur de travail, mais également son temps de travail pour développer l'activité de la société concurrente H. alors qu'il était salarié de la SAM A.. Ils s'appuyaient à ce titre sur les conclusions du rapport d'expertise informatique portant sur l'ordinateur professionnel de C. qui établissaient que :

  • pendant ses horaires de travail, C. utilisait son ordinateur et consacrait une grande partie de son temps de travail à des activités personnelles et se rattachant à la société H.,

  • entre le 11 juin 2014 et le 10 décembre 2015, C. avait adressé au moins 286 courriels concernant les activités de la société H. qu'il développait en utilisant l'ordinateur de la SAM A.,

  • alors qu'il était en arrêt maladie, C. avait été en mesure d'adresser au moins 40 courriels pour les activités de la société H., concurrente de la SAM A.,

  • C. avait effectué des déplacements financés par la SAM A. et pendant ses heures de travail pour les besoins de la société H.

La SAM A. et B. soutenaient que le comportement fautif de C. avait incontestablement causé un préjudice à son employeur qui lui avait réglé des salaires alors qu'il ne consacrait pas la totalité de son temps, comme prévu au contrat de travail.

Estimant à un tiers le temps ainsi consacré par C. à d'autres tâches que celles de son contrat de travail, ils sollicitaient la condamnation de ce dernier au paiement de la somme de 64.750 euros représentant un tiers des salaires et des charges patronales réglés sur la période allant de juin 2014 à décembre 2015.

Les parties civiles affirmaient par ailleurs que C. avait commis une faute au préjudice de son employeur en se faisant rembourser à 13 reprises les mêmes notes de frais qu'il préparait et signait, ce comportement ne relevant pas de simples erreurs comme l'affirmait ce dernier mais d'une volonté délictuelle dans la mesure où l'information avait révélé que ces demandes de remboursement avaient commencé à partir du moment où C. n'était plus associé de la SAM A., mais simple salarié, qu'elles étaient systématiques et sur une courte période et dans la mesure où C. ne pouvait pas ignorer solliciter à plusieurs reprises le remboursement d'un même billet d'avion ou de la même réservation d'hôtel, certains des déplacements dont il avait sollicité le remboursement des frais ayant au surplus été réalisés au profit de la société H.

Elles rappelaient à ce titre les déclarations de leur comptable, U., attestant qu'il ne pouvait s'agir d'erreurs dans la mesure où sur la dizaine de salariés que comptait la société A., et après une vérification poussée, les problèmes de double remboursement de notes de frais identiques n'avaient concerné que C.

Aussi, si les demandes de C. de remboursement de même notes de frais à de multiples reprises ne constituaient pas une faute pénale à défaut d'intention frauduleuse, la SAM A. et B. soutenaient qu'elles constituaient incontestablement une faute civile ayant causé à la société un préjudice dans la mesure où cette dernière lui avait indûment remboursé des sommes à hauteur de 6.319,94 € dont ils sollicitaient le paiement par conclusions du 4 novembre 2022.

Les parties civiles soutenaient par ailleurs que C. avait commis une faute en volant 3 fichiers informatiques de la SAM A. (le fichier gynécologues, le fichier Grossistes Prestataires et le fichier Pharmacie) afin de permettre le développement de son entreprise concurrente : la SARL H. dont il était associé avec son épouse, lui évitant ainsi d'engager d'importantes dépenses pour constituer ces fichiers, et lui causant un préjudice financier très important.

Elles rappelaient que C. avait reconnu lors de son interrogatoire avoir transmis à son neveu, P.et à sa fille, des fichiers de la SAM A., ce que confirmaient au demeurant les courriels trouvés dans son ordinateur professionnel. Ils estimaient ainsi que C. avait commis une faute en transmettant les fichiers informatiques appartenant à la SAM A. à une société concurrente.

Elles contestaient à ce titre les affirmations de C. qui prétendait que ces fichiers n'avaient aucune valeur et que les documents accessibles publiquement n'étaient pas la propriété de la SAM A. mais relevaient du domaine public, faisant état à cet égard :

  • de la teneur du courriel du 12 novembre 2015 de C. adressé à son neveu P.,

  • que les fichiers étaient constitués par les seuls gynécologues ou pharmaciens travaillant avec la SAM A.,

  • que le fichier « pharmacie » était une compilation de données constituées pendant plusieurs années à la suite de démarchages par le réseau de commerciaux engagés par la SAM A. et qui avaient visité toutesles pharmacies de France avant que puisse être établie la liste des seules pharmacies françaises achetant les produits de la SAM A.,

  • que le fichier « Pharmacie » contenait la liste des 2.100 pharmacies sur les 22.000 pharmacies en France travaillant avec la SAM A. et constituait une oeuvre de l'esprit appartenant à ladite société,

  • que sur le plan commercial, les informations de ce fichier étaient essentielles puisqu'elles permettaient lors de la commercialisation de produits de contacter des pharmacies susceptibles de les acheter sans avoir à démarcher 22.000 officines,

  • que la valeur de ce seul fichier représentait plusieurs millions d'euros d'investissement, ce qui correspondait aux sommes dépensées par la SAM A. pour constituer son réseau de clientèle,

  • que Zarha K., employée de la société Q., en charge de 2015 à 2018 du réseau de distribution des produits de la SAM A., avait attesté que lefichier « Pharmacie » était la propriété de la SAM A., au même titre que le fichier « Gynécologues »,

  • que le fichier « Gynécologues » comportait la liste des seuls gynécologues en France travaillant et prescrivant les produits de la SAM A.

Ils affirmaient que :

  • C. était conscient de la valeur de ces fichiers puisqu'il avait décidé de les transmettre à sa fille, G. qui travaillait dans une société concurrente de la SAM A. et à son neveu, P., qui avait démissionné de son ancien poste pour travailler dans sa propre société et avec notamment C. et sa fille,

  • la valeur de ces fichiers, qui ne relevaient pas du Domaine public, était de plusieurs dizaines de millions d'euros, qui correspondaient à l'investissement réalisé pendant plusieurs années auprès des représentants et des commerciaux se déplaçant dans toute la France pour constituer un réseau de distribution,

  • ils avaient réglé à la société Q., dont le travail avait consisté à constituer les fichiers informatiques « Grossistes », « gynécologues » et « Pharmacie », une somme totale de 2.726.691 euros,

  • la transmission de ces fichiers par C. à une société concurrente donnait à cette dernière un avantage concurrentiel important, leur permettant de prendre attache directement avec les prescripteurs et les revendeurs en évitant un démarchage long et couteux.

Ils sollicitaient ainsi la condamnation de C. au paiement de la somme de 1. 363.346 euros représentant la moitié des investissements réalisés pour constituer ces fichiers ainsi qu'une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et de l'atteinte portée à l'image de la SAM A..

B. sollicitait également des dommages et intérêts à hauteur de 50.000 euros en réparation de son préjudice moral causé par les fautes de C., qui avait abusé de la relation qu'ils entretenaient hors cadre professionnel pour le spolier et qui avait mis en avant cette amitié pour le convaincre de céder gratuitement une licence de marque pour le produit Immunix à sa fille qu'il avait faussement présentée comme la propriétaire et gérante de la société H.

En réponse aux moyens développés par la partie adverse, la SAM A. et B. concluaient à la recevabilité de leurs demandes, estimant que le principe electa una via n'était pas applicable en l'espèce aux motifs que :

  • la procédure pénale avait vocation à établir la culpabilité de C. et à faire sanctionner son comportement délictueux alors que les procédures civile et sociale visaient à obtenir la réparation des préjudices subis du fait des manquements de C. à ses obligations contractuelles,

  • l'objet de ces procédures était par conséquent différent.

La SAM A. et B. déclaraient renoncer à la demande en paiement des notes de frais indues qu'ils avaient portées devant le Tribunal du travail tout en indiquant qu'ils restaient fondés à solliciter la condamnation de C. au paiement de dommages et intérêts en réparation de leurs préjudice moral.

Ils soutenaient que leurs demandes étaient recevables dans la mesure où elles ne remettaient pas en cause l'autorité de la chose jugée sur le plan pénal, le jugement portant sur les dispositions ne l'ayant pas absous de toute faute.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives en date du 21 décembre 2022, C. demandait à la Cour de :

  • dire et juger que les demandes de la SAM A. et de B. sont irrecevables au regard du principe electa una via,

  • dire et juger que les demandes de la SAM A. et de B. sont irrecevables au regard du principe de l'autorité de la chose jugée du pénal sur le civil,

  • débouter la SAM A. et B. de l'ensemble de leurs demandes, fins, moyens et prétentions,

  • confirmer en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal correctionnel du 28 juin 2022,

  • condamner la SAM A. et B. au paiement de la somme de 10.000 euros en vertu de l'article 238-1 du Code de procédure civile,

  • condamner la SAM A. et B. aux entiers dépens distraits au profit de Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

À l'appui de ses prétentions, contestant toute activité concurrente de la société H. à celle de la SAM A. et soutenant que B. avait connaissance des modalités de la création de la société H., C. concluait à l'irrecevabilité des demandes des parties civiles en vertu du principe electa una via dans la mesure où :

  • ces dernières avaient saisi les juridictions civile et sociale des mêmes demandes avant de saisir la juridiction pénale,

  • elles avaient connaissance des faits qu'elles qualifiaient d'infractions lorsqu'elles avaient saisi les juridictions civile et sociale,

  • les instances civiles et pénales opposaient les mêmes parties, avaient le même objet et la même cause.

C. soutenait par ailleurs que les demandes des parties civiles étaient irrecevables au regard de l'autorité de la chose jugée du pénal sur le civil, rappelant la jurisprudence de la Cour de cassation française et de la Cour de révision en la matière et soulignant que :

  • le Tribunal correctionnel l'avait relaxé aux motifs qu'il n'avait eu aucun comportement fautif, qu'il n'avait commis aucune faute et aucune infraction,

  • il avait été relaxé des faits d'escroquerie en l'absence de preuve de toute intention frauduleuse,

  • il avait été relaxé des faits de vols aux motifs que le contenu des fichiers n'avait aucun caractère confidentiel et que ces derniers n'appartenaient pas à la SAM A.,

  • il avait été relaxé des faits d'abus de confiance aux motifs qu'il n'était soumis à aucun horaire de travail aux termes de son contrat de travail.

C. soutenait en tout état de cause n'avoir commis aucune faute, soulignant en substance que :

  • il n'avait pas développé l'activité de la société H. pendant ses heures de travail,

  • aux termes d'un arrêt de la Cour d'appel de Versailles, le fait pour l'employeur d'autoriser un salarié à emporter un ordinateur portable à son domicile valait nécessairement reconnaissance d'un usage privé de ce matériel,

  • aucune interdiction à usage privé de son ordinateur professionnel ne lui avait été faite, la SAM A. ayant au surplus parfaitement connaissance de ce qu'il emportait son ordinateur à son domicile,

  • son contrat de travail stipulant qu'il n'était pas soumis à un horaire déterminé en considération de la nature de ses responsabilités et de l'autonomie dont il bénéficiait et que les dispositions légales relatives à la durée du travail étant sans objet, il ne pouvait lui être reproché un détournement de son contrat de travail et par conséquent une quelconque faute,

  • il s'était totalement investi dans son travail pour le compte de la SAM A. et avait consacré son temps et les moyens mis à sa disposition pour le compte de son employeur, ainsi qu'en attestaient les nombreux déplacements qu'il avait effectués pour la société, les mails et les comptes rendus de missions,

  • contrairement aux allégations des parties civiles, l'expertise judiciaire de son ordinateur avait révélé l'envoi de 118 courriels sur la période de juin 2014 à décembre 2015, soit une moyenne d'un mail sur 5 jours ou 6,5 mails sur 30 jours,

  • les déplacements qu'il avait effectués l'avaient été pour le compte de la SAM A., ainsi qu'en attestaient plusieurs personnes,

  • il n'avait pas présenté des notes de frais à 3 ou 4 reprises comme l'affirmaient de manière mensongère les parties civiles qui s'abstenaient de préciser les notes en question, s'agissant de simples erreurs dépourvues de toute volonté délictuelle,

  • il n'avait procédé à aucune manoeuvre pour se faire rembourser les notes de frais, lesquelles correspondaient bien à des déplacements qu'il avait effectués, ainsi qu'en attestaient notamment les badges des congrès auxquels il avait assisté, et auxquelles il avait joint des justificatifs qui pouvaient faire l'objet de vérifications de la part de la comptable, ce qu'elle avait omis de faire,

  • il n'avait pas reconnu avoir transmis les fichiers à son neveu, Monsieur P., et il n'avait pas transmis de fichier « gynéco »,

  • les fichiers transmis à sa fille ne comportaient aucun fichier clients et ne comportaient aucune donnée confidentielle,

  • le fichier « grossiste » était un simple annuaire des grossistes prestataires pour toute l'industrie pharmaceutique, ces données étant accessibles publiquement et obsolète depuis 2005-2006, ainsi qu'en attestaient plusieurs personnes,

  • la SAM A. ne rapportait pas la preuve que le fichier « gynécos », dont il n'était pas établi sa transmission à sa fille, et le fichier « pharmacie » étaient constitués de la liste des seuls gynécologues ou pharmaciens prescrivant régulièrement les produits qu'elle commercialisait,

  • il résultait de l'analyse technique réalisée par R. que les 6 fichiers adressés à sa fille avaient été créés entre 2004 et 2006, époque à laquelle la SAM A. n'existait pas de sorte qu'ils ne pouvaient être la propriété de cette dernière qui prétendait de manière mensongère les avoir constitués au fil des ans.

Il contestait par ailleurs l'existence d'un quelconque préjudice dans la mesure où :

  • la SAM A. ne démontrait pas qu'il avait consacré un tiers de son temps à des activités ne relevant pas de son travail,

  • la SAM A. n'apportait aucune preuve factuelle et objective permettant d'établir une corrélation entre l'envoi de mails et un temps de travail,

  • il avait atteint et largement dépassé en 2015 ses objectifs, assurant ainsi une croissance du chiffre d'affaires et des profits de la société,

  • les parties civiles ne justifiaient nullement d'un préjudice moral résultant de la présentation des notes de frais,

  • B. sollicitait des dommages et intérêts en réparation d'un préjudice matériel qu'il n'explicitait pas et faisait état d'une spoliation au titre de son préjudice moral dont il ne justifiait nullement.

SUR CE,

Attendu que l'appel des parties civiles a été régulièrement formé dans les conditions de forme et de délai prescrites par le Code de procédure pénale et doit être déclaré recevable ;

Sur la règle una electa via

Attendu que l'action publique a été mise en mouvement par les parties civiles ;

Que C. soulève l'irrecevabilité des demandes de B. et de la société A. en vertu du principe una electa via ;

Attendu que l'article 81 du Code de procédure pénale dispose : « La partie civile qui s'est désistée devant la juridiction répressive ne peut plus porter son action devant la même juridiction, mais conserve la faculté de saisir la juridiction civile. La partie qui a exercé son action devant la juridiction civile compétente ne peut la porter devant la juridiction répressive. Il n'en est autrement que si celle-ci est saisie par le Ministère public, postérieurement à l'introduction de la demande devant la juridiction civile, et si le désistement de la partie lésée est intervenu avant que les débats ne soient liés devant la juridiction civile. » ;

Que la règle una electa via consacrée par ce texte n'est susceptible de recevoir application qu'autant que les demandes de la partie civile respectivement portées devant le juge pénal et devant le juge civil possèdent la même cause, le même objet et mettent en cause les mêmes parties ;

Qu'aux termes des motifs de leurs conclusions du 14 décembre 2022, B. et la société A. reconnaissent avoir porté devant le Tribunal du travail leur demande en remboursement des notes de frais indues et renoncent à leur demande en paiement s'y afférent ;

Que la Cour observe néanmoins que la société A. sollicite au dispositif de ses conclusions de dire et juger que C. a commis une faute en présentant à plusieurs reprises des demandes de remboursement des mêmes notes de frais bien qu'elle ne formule plus la demande en remboursement de ces notes ;

Attendu toutefois qu'aux termes des conclusions du 10 janvier 2020 déposées par la société A. devant le Tribunal du travail, cette dernière rappelle avoir saisi la juridiction sociale par requête en date du 30 mai 2016 afin d'obtenir la condamnation de C. au paiement d'une somme de 4.636,46 euros au titre des frais professionnels indument versés à ce dernier, somme réévaluée à 6.319,74 euros au dispositif de ses conclusions du 18 mars 2019 ;

Que dans la mesure où la société A. a saisi le Tribunal du travail de sa demande en remboursement des frais professionnels indûment versés à C. par requête du 30 mai 2016, avant sa saisine de la juridiction pénale, il convient dès lors de déclarer irrecevable sa demande de dire et juger que C. a commis une faute en présentant à plusieurs reprises des demandes de remboursement des mêmes notes de frais ;

Attendu que la société A. sollicite la condamnation de B. au paiement de la somme de 64.750,00 € au titre du temps de travail payé à C. alors qu'il le consacrait aux activités de la société concurrente H. ;

Que C. soutient que cette demande en paiement de 64.750,00 a également été formée par la société A. devant le Tribunal du travail dans ses conclusions en date du 18 mars 2019 (pièce n° 34) ;

Attendu que C. ne verse aux débats que les pages 1, 84, 86 et 87 des conclusions de la société A. en date du 18 mars 2019 ;

Qu'il est sollicité aux termes du dispositif de ces conclusions la condamnation de C. au paiement d'une somme de 5.760.932,77 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail comprenant :

  • 4.947.580 euros à titre de perte de chance du contrat de distribution exclusive des produits K.,

  • 250.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la destruction de 11.000 fichiers de la société A.,

  • 293.654 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de l'échec du lancement du produit X.,

  • 20.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'absence d'augmentation de 3 % des prix sur le produit S. auprès des pharmacies,

  • 150.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de tous les préjudices de la société A. et notamment de son préjudice d'image,

  • 99.698,77 euros à titre de pénalités contractuelles pour la violation de la clause de non-concurrence,

  • 6.319,74 euros au titre des remboursements de frais professionnels ;

Qu'il ne ressort pas de ce dispositif que la société A. a sollicité le paiement d'une somme de 64.750,00 € au titre du temps de travail payé à C. et consacré aux activités de la société concurrente H. ;

Que cette demande est par conséquent recevable ;

Attendu que C. soutient que la société A. a également sollicité le paiement de la somme de 1.363.346,00 € au titre des investissements réalisés par la SAM A. pour constituer des fichiers « Grossistes, Gynécologues et Pharmaciens » dans l'instance engagée devant le Tribunal de première instance au titre de sa prétendue violation de la clause de non-concurrence et dans l'instance engagée devant le Tribunal du travail (pièce n° 34) ;

Que bien que C. ne verse aux débats que les pages 1, 6, 8, 10, 14, 18, 19 et 20 de l'assignation de la société A. en date du 27 décembre 2016, l'intégralité de cette assignation est cotée au dossier d'instruction en D41 ;

Que l'examen de cette assignation de la société A. ne comporte aucune demande en paiement de la somme de 1.363.346,00 € au titre de ses investissements réalisés pour constituer des fichiers « Grossistes », «Gynécologues » et « Pharmaciens » ;

Que cette demande est par conséquent recevable ;

Attendu que la société A. sollicite la condamnation de C. au paiement d'une somme de 10.000 euros en réparation de son préjudice moral et un préjudice d'image « du fait de ses comportements fautifs » ;

Que si la société A. a sollicité une somme de 150.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de tous ses préjudices et notamment de son préjudice d'image dans ses conclusions prises devant le Tribunal du travail, le préjudice d'atteinte à l'image est explicité comme suit en page 84 des conclusions du 18 mars 2019 (pièce n° 34) : « Sans compter, l'image et la notoriété de la société A. qui ont été manifestement ternies par les nombreux témoignages de complaisance pour la plupart fallacieux ou totalement farfelus produits par Monsieur C. et provenant de sa famille ou de ses amis. (…) Il est certain que l'image négative que Monsieur C. ne doit pas manquer de relayer sur la SAM A. nonobstant ses actes déloyaux qui ont d'ores et déjà terni l'image de la SAM A. et occasionnait à cette dernière un préjudice certain. » ;

Que cette demande n'a pas ainsi le même objet que celle portée devant la présente juridiction de sorte qu'il convient d'écarter le moyen ;

Attendu que B. sollicite la condamnation de C. au paiement d'une somme de 10.000 euros en réparation de ses préjudices moral et matériel aux motifs qu'ils entretenaient une relation personnelle en dehors du cadre professionnel et que la trahison de C. en abusant de cette relation pour le spolier lui a causé un préjudice moral ;

Que la demande de B. de condamnation des époux C. au paiement d'une somme de 80.000 euros faite aux termes de son assignation en date du 27 décembre 2016 à l'encontre des époux C. l'est en réparation de son préjudice moral qu'il a subi du fait de l'activité concurrente illicite de ces derniers ;

Que cette demande n'a pas le même fondement que celle présentée devant la présente juridiction de sorte qu'elle est recevable ;

Sur l'irrecevabilité des demandes des parties civiles au regard de l'autorité de la chose jugée du pénal sur le civil

Attendu que la société A. demande de juger que C. a commis une faute :

  • en consacrant son temps de travail et les moyens mis à sa disposition par la SAM A. pour développer une activité concurrente,

  • en s'appropriant les fichiers informatiques, propriété de la SAM A. et en les transmettant à une société concurrente dont il est l'associé ;

Que C. soulève l'irrecevabilité des demandes de la société A. en raison de l'autorité de la chose jugée du pénal sur le civil dans la mesure où le Tribunal correctionnel l'a relaxé des faits de vols et d'abus de confiance ;

Que dans la mesure toutefois où la Cour n'est saisie que du seul appel des parties civiles suite à un jugement de relaxe, lequel a pour effet de ne lui déférer que l'action en réparation des conséquences dommageables qui peuvent résulter de la faute civile du prévenu définitivement relaxé, cette faute devant être démontrée à partir et dans la limite des faits objets de la poursuite, l'autorité de la chose jugée ne s'attache ainsi à aucune des dispositions du jugement entrepris de sorte qu'il convient d'écarter ce moyen ;

Sur le détournement du contrat de travail et des moyens mis à la disposition de C. par la société A.

Attendu que la partie civile peut solliciter une indemnisation dès lors qu'elle démontre l'existence d'une faute civile à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite ;

Attendu que C. a été poursuivi devant le Tribunal correctionnel du chef d'abus de confiance courant 2015, en l'espèce en détournant son contrat de travail et les moyens mis à sa disposition par son employeur, s'agissant de son ordinateur, et de la connexion internet pour des activités personnelles, faits pour lesquels il a été relaxé aux motifs que si ces utilisations sont avérées, il n'en demeure pas moins que les fonctions de directeur qu'occupait au moment des faits C. qui est le fondateur de la SAM A. permettent d'estimer qu'il pouvait se considérer légitime à utiliser à des fins personnelles en journée dans son bureau et en soirée à son domicile s'agissant de l'ordinateur portable, des biens mis à sa disposition par son employeur pour lequel ses heures de travail n'étaient manifestement pas comptées ;

Qu'aux termes de ses conclusions, la société A. soutient que C. a envoyé depuis son ordinateur professionnel 286 courriels concernant les activités de la société H. entre le 11 juin 2014 et le 10 décembre 2015, pendant ses heures de travail en violation de son contrat de travail lui faisant obligation de se consacrer à plein temps à l'activité de son employeur, caractérisant ainsi une faute civile ;

Que les courriels adressés par C. en 2014 étant hors de la période de prévention, la société A. ne saurait toutefois s'en prévaloir ;

Attendu par ailleurs que la Cour dénombre sur la liste des courriels adressés par C. sur l'année 2015 (pièce n° 2 de la société A.) 242 courriels envoyés sur la période du 14 janvier au 10 décembre 2015 ;

Que C. a ainsi adressé le nombre suivant de courriels n'ayant pas de lien avec son activité professionnelle : 4 courriels en janvier, 2 courriels en février, 10 courriels en mars, 5 courriels en avril, 34 courriels en mai, 36 courriels en juin, 44 courriels en juillet, 26 courriels en août, 41 courriels en septembre, 12 courriels en octobre, 23 courriels en novembre et 5 courriels en décembre, étant observé que C. était en arrêt maladie à compter du 12 octobre 2015 et qu'il n'est nullement précisé les périodes de congés de C. sur l'année 2015 ;

Attendu toutefois que le document versé aux débats par la société A. ne précise pas toutefois la durée des connexions et ne démontre pas que l'utilisation du courrier électronique ait affecté de quelque manière que ce soit le trafic normal des messages professionnels de la société A. ;

Qu'aux termes du contrat de travail du 31 décembre 2014, C. occupait par ailleurs le poste d'exécutive vice-président marketing et était membre du comité de direction ;

Que ce contrat de travail stipule expressément : « En considération de la nature des responsabilités et de l'importance de l'autonomie dont il bénéficie dans l'exercice de ses fonctions, Monsieur C. n'est pas soumis à un horaire déterminé et doit consacrée le temps nécessaire au bon exercice de ses fonctions. Les dispositions légales relatives à la durée du travail, aux repos et aux jours fériés deviennent sans objet. Néanmoins, il s'engage, dans la mesure du possible, à s'organiser afin de bénéficier de repos quotidien et hebdomadaires suffisants. » ;

Que dans la mesure où C. occupait une poste de direction pour lequel aucun horaire de travail n'était fixé et en l'absence de tout document émanant de la société A. lui interdisant d'utiliser à des fins personnelles son ordinateur professionnel et la connexion internet, l'usage privé ponctuel dont C. a fait de son ordinateur et de sa connexion internet n'a pas été de nature à priver la société A. de l'utilisation de son bien ni de la gêner dans l'exercice de ses propres prérogatives telle qu'une gêne dans l'accès au réseau du fait d'un usage abusif ou un comportement de nature à lui porter préjudice, de sorte qu'il ne saurait être retenu à l'encontre de l'intimé une faute civile ;

Attendu que le contrat de travail de C. stipule que son emploi implique de nombreux déplacements à l'international qu'il s'engage à effectuer ;

Que la société A. soutient que C. a effectué des déplacements qu'il s'est fait rembourser par son employeur pour les besoins de la société H., détournant ainsi son contrat de travail ;

Attendu que C. s'est rendu en avion à Paris le 2 février 2015 ;

Qu'en réponse à un courriel du 20 janvier 2015 de C. lui indiquant être à Paris le 2 février et pouvoir ainsi se rendre à son cabinet, l'avocat lui a fixé un rendez-vous à 18h30 dans un mail de réponse du même jour ;

Que C. ne conteste pas qu'il s'agit d'un rendez-vous ne concernant pas son activité au sein de la société A. ;

Qu'il indique toutefois s'être rendu les 2 et 3 février 2015 à Paris pour un rendez-vous professionnel pour le compte de son employeur à Clichy avec V. le 2 février 2015 à 19h30 et un rendez-vous professionnel avec le professeur W. le 3 février 2015 ;

Attendu que V., pharmacien, atteste en effet avoir rencontré le 2 février 2015 C. dans la soirée au cours de laquelle ce dernier lui a présenté son projet de lancement d'un nouveau produit de la société A. ;

Que le professeur W. certifie également avoir assuré le lancement d'un produit de la société A. en collaboration avec C. en 2015 ;

Que le fait ainsi de fixer un rendez-vous personnel lors d'un déplacement professionnel qui comportait effectivement des entretiens professionnels ne saurait être constitutif d'une faute civile ;

Attendu que la société A. soutient que C. s'est rendu au congrès de Tarbes à ses frais en octobre 2015 pour se rendre sur le stand de la société H., société concurrente ;

Attendu toutefois que Monsieur Y., qui était sur le stand d'H., atteste que C. n'était pas présent sur son stand ;

Que Madame Hélène O., atteste avoir été présente du 1(er) au 3 octobre 2015 au congrès de Tarbes sur le stand de la société A. en tant que déléguée médicale de cette société en compagnie de K. et de C. et que cedernier n'était présent à aucun moment sur le stand K. ;

Que ces éléments établissent ainsi que C. s'est bien rendu au congrès de Tarbes pour exécuter ses obligations professionnelles envers la société A. ;

Attendu que la société A. soutient que C. s'est rendu au congrès T. à Paris en septembre 2015 pour échanger au profit des sociétés H. et K., versant à l'appui de ses dires une attestation de K., directrice de réseau de la société T., qui indique : « (…) les 24 et 25 septembre 2015 à Paris, j'ai assisté au Congrès T. sur le stand A. en tant que directrice du réseau Serelys-Q.. Monsieur C. était présent à ce congrès. Il venait de temps à autre sur le stand la société A.. Le reste du temps il était sur le stand K. car sa fille n'était pas présente ce jour-là. Le 25 septembre, je me suis rendue vers 11 h sur un autre congrès à Paris- les journées St-Louis. Ce matin-là en quittant T.- Je n'ai pas vu M. C. » ;

Attendu toutefois que K. ne donne aucune indication sur l'emplacement du stand K. permettant à la Cour de s'assurer que depuis le stand de la société A. où elle se trouvait, elle pouvait apercevoir celui de la société K. et attester de la présence de C. sur celui-ci ;

Que l'attestation de K. n'est pas ainsi suffisamment probante, étant au surplus observé que le professeur W., présent au congrès T., qu'il dit avoir créé et organisé depuis 20 ans, atteste y avoir rencontré C., lequel lui a fait un point sur de nombreux projets de développements qu'il prévoyait avec la société A. en 2015 et 2016 et indique que s'agissant de la pommade K., ce produit n'a rien à voir avec ceux proposés par la société A. ;

Qu'il n'existe ainsi aucun élément démontrant que C. a détourné son contrat de travail pour des activités personnelles ;

Qu'il convient par conséquent de débouter la société A. de sa demande en paiement de la somme de 64.750 euros représentant un tiers de son salaire ;

Sur les fichiers informatiques

Attendu que C. a été poursuivi devant le Tribunal correctionnel du chef de vols de fichiers informatiques au préjudice de la société A., faits pour lesquels il a été relaxé aux motifs qu'il n'est pas démontré que ces fichiers contenaient des informations appartenant exclusivement à la société A. qui ne peut donc en revendiquer la propriété et en dénoncer une soustraction frauduleuse ;

Qu'aux termes de ses conclusions, la société A. soutient que C. a commis un vol des fichiers informatiques à l'origine d'un préjudice financier important dont elle sollicite l'indemnisation ;

Qu'elle indique ainsi que le fait pour C. de transmettre ces fichiers, qui étaient sa propriété, à une société concurrente est constitutif d'une faute ;

Attendu qu'il résulte de la procédure que C. a envoyé depuis son ordinateur professionnel à sa fille Aurélie :

  • par courriel le 8 juin 2015 à 15h19 un fichier de grossistes,

  • par courriel du 13 novembre 2015 à 8h06 un fichier dénommé VM 2015 comportant une liste de plusieurs pharmacies parisiennes ;

Qu'aux termes de son interrogatoire, C. a reconnu avoir transféré depuis son ordinateur professionnel à sa fille Aurélie ces deux fichiers informatiques ;

Qu'il ne résulte pas toutefois des pièces de la procédure que C. a envoyé le fichier « gynéco » à P.dans la mesure où c'est ce dernier qui a mis en copie ce fichier dans un courriel adressé à C. ;

Que C. a au demeurant contesté avoir transmis ce fichier à P lors de son interrogatoire par le juge d'instruction ;

Qu'en tout état de cause, la faute reprochée par la société A. à son ex-salarié est identique à la faute pénale dont a été relaxé C. par le Tribunal correctionnel dans la mesure où elle lui reproche la soustraction frauduleuse de fichiers lui appartenant ;

Qu'en l'absence ainsi de toute démonstration d'une faute civile de C. à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite, la société A. est déboutée de sa demande de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices matériel et moral ;

Sur les autres préjudices

Attendu que B. sollicite également la condamnation de C. du fait des fautes commises par ce dernier, soutenant qu'il a profité de leur amitié pour le spolier ;

Qu'aucune faute civile n'ayant été retenue à l'encontre de C. et les faits poursuivis à l'encontre de ce dernier ne l'ayant été qu'au préjudice de son seul employeur, la société A., il convient de débouter B. de ses demandes ;

Sur la demande d'indemnité de C.

Attendu que C. sollicite la condamnation de B. et la société A. au paiement d'une somme de 10.000 euros en vertu de l'article 238-1 du Code de procédure civile ;

Que l'article 238-1 du Code de procédure civile n'étant applicable qu'aux instances engagées devant les juridictions civiles, il convient de débouter C. de cette demande ;

Que B. et la société A. qui succombent seront condamnés aux frais de la présente instance ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO, statuant en matière correctionnelle, publiquement et contradictoirement à l'égard du prévenu, et contradictoirement conformément aux dispositions de l'article 377 du Code de procédure pénale à l'égard des parties civiles,

Déclare B. et la société A., parties civiles, recevables en leur appel,

Déclare les demandes de B. et de la société A. recevables,

Confirme le jugement du 28 juin 2022 rendu par le Tribunal correctionnel en ce qu'il a reçu la société A. et B. en leur constitution de partie civile et les a déboutés de leurs demandes,

Y ajoutant,

Déboute C. de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 238-1 du Code de procédure civile,

Condamne B. et la société A. aux frais de l'instance ;

Composition🔗

Après débats en audience publique de la Cour d'appel de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le neuf janvier deux mille vingt-trois, qui se sont tenus devant Madame E., Conseiller, faisant fonction de Président, Monsieur Sébastien BIANCHERI, Conseiller, Madame Marie-Hélène PAVON-CABANNES, Conseiller, en présence de Madame Valérie SAGNÉ, Premier Substitut du Procureur général, assistés de Madame Sandra MILLIEN, Greffier ;

Après qu'il en ait été délibéré et jugé, le présent arrêt a été signé par Madame E., Conseiller, faisant fonction de Président, Monsieur Sébastien BIANCHERI, Conseiller, Madame Marie-Hélène PAVON-CABANNES, Conseiller, magistrats en ayant délibéré et ce en application des articles 58 à 62 de la Loi n° 1.398 du 24 juin 2013, relative à l'administration et à l'organisation judiciaires, le présent arrêt a été signé seulement par Monsieur Sébastien BIANCHERI et Madame Marie-Hélène PAVON-CABANNES, Conseillers, en l'état de l'empêchement de signer de Madame E., Conseiller, faisant fonction de Président, conformément à l'article 60 de ladite loi.

Lecture étant donnée à l'audience publique du trois avril deux mille vingt-trois par Monsieur Sébastien BIANCHERI, Conseiller, assisté de Madame Sandra MILLIEN, Greffier, en présence de Monsieur Morgan RAYMOND, Procureur général par intérim, et ce en application des dispositions des articles 58 à 62 de ladite loi.

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