Cour d'appel, 14 mars 2023, État de Monaco c/ SAM A., Monsieur f. B., Monsieur f. C. et SAM D.

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Abstract🔗

Contrat d'entreprise - Travaux supplémentaire - Paiement - Bouleversement de l'économie du contrat - Montant - Charge de la preuve - Appel en garantie - Architectes - Preuve de la défaillance

Résumé🔗

Il résulte de l'article 1631 du Code civil que l'entrepreneur ne peut être rémunéré pour les travaux supplémentaires que s'ils ont été autorisés par écrit par le maître de l'ouvrage ou si, après leur exécution, ils ont été ratifiés par le maître de l'ouvrage par un accord exprès et non équivoque. En dehors d'une autorisation du maître de l'ouvrage ou d'une ratification de sa part, les travaux supplémentaires peuvent être payés s'ils entraînent un bouleversement de l'économie du marché pour autant qu'ils ont été voulus par le maître de l'ouvrage. Le bouleversement de l'économie du marché est caractérisé par l'importance des travaux supplémentaires ou la nature différente des prestations initialement prévues ou par leur coût rapporté au montant du marché. Il est ainsi nécessaire de déterminer le montant du marché initial pour pouvoir apprécier l'existence ou non d'un bouleversement de l'économie du marché.

En l'espèce, eu égard à l'accord des parties d'inclure au montant du marché initial le montant des travaux supplémentaires visés aux ordres de services édités entre le 4 janvier 2000 et le 9 mai 2000 d'un montant de 2.831.224,48 francs, ces travaux supplémentaires acceptés par le maître de l'ouvrage doivent être intégrés dans le montant du marché de base initial. Les travaux supplémentaires réalisés sans autorisation du maître de l'ouvrage ou de ratification de sa part, peuvent être payés s'ils entraînent un bouleversement de l'économie du marché et à condition qu'ils aient été voulus par le maître de l'ouvrage. Contrairement aux allégations de l'État de Monaco, l'appréciation du bouleversement de l'économie du marché nécessite de prendre en compte les travaux supplémentaires réalisés sans son autorisation.

Le bouleversement de l'économie du marché est caractérisé par l'importance des travaux supplémentaires ou la nature différente des prestations initialement prévues ou par leur coût rapporté au montant du marché de sorte que les malfaçons pouvant affecter ces travaux supplémentaires ne sont pas de nature à pouvoir écarter leur montant dans l'appréciation de ce bouleversement de l'économie du marché. En l'espèce, il résulte de ces explications circonstanciées de l'expert judiciaire que l'État de Monaco ne peut valablement opposer à la SAM A. les malfaçons affectant les travaux dans la mesure où elle n'en est pas responsable et où celles-ci résultent des modifications incessantes du projet qui ne sont pas de son fait.

Bien que l'État de Monaco conteste le calcul de ces sommes en raison de la complexité et l'opacité des formules mathématiques retenues par l'expert et de ce qu'elles intègrent le montant total des travaux supplémentaires de 12.512.329,48 francs au lieu de 10.114.871,76 francs, il ne verse aucun élément de preuve objectif émanant d'un homme de l'art contredisant les calculs tels qu'opérés par l'expert judiciaire dont la complexité se justifie par la matière et confirmant que les bases des chiffres retenues par l'expert judiciaire pour recalculer ces préjudices sont inexactes et devraient être modifiées, étant observé que l'expert judiciaire a retenu pour base le montant des travaux impayés qui est exactement le même quel que soit le montant retenu des travaux supplémentaires et que le bouleversement de l'économie du marché suite aux modifications voulues par le maître de l'ouvrage a en tout état de cause fait perdre au marché son caractère forfaitaire. Il convient dès lors de retenir les sommes telles que fixées par l'expert judiciaire.

L'État de Monaco demande à être relevé et garanti des condamnations prononcées à son encontre par f. B. et f. C. architectes, aux motifs que ces derniers avaient en charge en vertu de l'article 10.3 du contrat la mission de recueillir les avis des services concernés en matière de sécurité incendie et de réaliser les plans et les vérifications techniques détaillées des travaux des divers corps d'état dont la sécurité incendie. C'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que la coordination des travaux SSI (système de sécurité incendie) relevait de la mission des architectes, notamment en jugeant que :

  • si la coordination incendie est exclue, à Monaco, de l'activité des architectes dont les devoirs et obligations sont fixés par ordonnance princière, les architectes ne justifient cependant pas de cette règle qui ferait obstacle à ce qu'ils soient chargés d'une telle mission,

  • il ne ressort pas de la règlementation de la profession d'architecte (l'ordonnance-loi modifiée n° 341 du 24 mars 1942 et l'ordonnance n° 3.269 du 12 mai 2011) que la coordination de travaux d'installation d'un SSI ne puisse pas faire partie des missions données à ces professionnels.

Pour autant, l'État de Monaco ne démontre pas en quoi ces travaux supplémentaires résultent de la défaillance des architectes dans leur mission de coordination du système de sécurité incendie, compte tenu du bouleversement de l'économie du chantier.


COUR D'APPEL

ARRÊT DU 14 MARS 2023

En la cause de :

  • l'État de Monaco, représenté conformément à l'article 139 du Code de procédure civile par Son Excellence Monsieur le Ministre d'État, demeurant en cette qualité Palais du Gouvernement, Place de la Visitation à Monaco (98000) ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

APPELANT,

d'une part,

contre :

  • 1/La société anonyme de droit monégasque dénommée « A. », en abrégé A. actuellement en liquidation amiable, dont le siège social se situe X1 à Monaco et le siège de la liquidation se trouve X2à Monaco, représentée par son liquidateur amiable, domicilié en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

  • 2/Monsieur f. B., architecte, demeurant le « X2 », X3 à Monaco ou encore X4 à Monaco ;

  • 3/Monsieur f. C., architecte, demeurant « X5 », X6 à Monaco ;

Ayant tous deux élu domicile en l'Étude de Maître Patricia REY, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Françoise ASSUS-JUTTNER, avocat au barreau de Nice ;

  • 4/la société anonyme de droit monégasque dénommée « D. », anciennement « E. », venant aux droits de la F. dont le siège social se situe au sein de l'immeuble « X7 », X8 à Monaco, prise en la personne de son Président Directeur général en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Anissa BAALBAKI, avocat au barreau de Nice, substituant Maître Laurent BELFIORE, avocat en ce même barreau ;

5/La société à responsabilité limitée de droit français dénommée « F. », dont le siège social est sis X92 avenue Docteur Robini à Nice (06200), prise en la personne de son gérant en exercice, demeurant en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Xavier-Alexandre BOYER, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Françoise ASSUS-JUTTNER, avocat au barreau de Nice ;

INTIMÉS,

d'autre part,

Visa🔗

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 14 janvier 2021 (R. 1896) ;

Vu l'exploit d'appel parte in qua et d'assignation du ministère de Maître Patricia GRIMAUD-PALMERO, huissier, en date du 14 avril 2021 (enrôlé sous le numéro 2021/000119) ;

Vu les conclusions déposées les 25 octobre 2021 et 3 novembre 2022 par Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, au nom de la société anonyme de droit monégasque dénommée « A. », en abrégé A. ;

Vu les conclusions déposées les 17 janvier 2022 et 11 mai 2022 par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de la société anonyme de droit monégasque dénommée « D. » anciennement E. venant elle-même aux droits de la F.;

Vu les conclusions déposées le 14 mars 2022 par Maître Patricia REY, avocat-défenseur, au nom de Monsieur f. B.et de Monsieur f. C. ;

Vu les conclusions déposées le 11 mai 2022 par Maître Xavier-Alexandre BOYER, avocat-défenseur, au nom de la société à responsabilité limitée de droit français dénommée « F. » ;

Vu les conclusions déposées le 12 juillet 2022 par Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur, au nom de l'État de Monaco ;

Vu l'ordonnance de clôture du 15 novembre 2022 ;

À l'audience du 22 novembre 2022, ouï les conseils des parties en leurs plaidoiries ;

Motifs🔗

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel parte in qua relevé par l'État de Monaco à l'encontre d'un jugement du Tribunal de première instance du 14 janvier 2021.

Considérant les faits suivants :

Par marché en date du 10 février 1998, le Ministre d'État de la Principauté de Monaco confiait à un groupement conjoint et solidaire composé des sociétés G. H. A/ A., I. J.et K.la réalisation du lot n° 16-3 dans le cadre du projet de construction du L.

Ce lot était désigné de la façon suivante : « Courants faibles : intrusion - Contrôle d'accès et de ronde- Vidéo surveillance, sécurité des tiers et des personnes - Détection incendie ».

Le montant du marché s'élevait initialement à 1.475.874,94 euros HT.

Dans ce contexte, la SAM A. était chargée de réaliser les travaux de contrôle d'accès et de ronde, de verrouillage des portes, détection vol, contrôle intrusion, unité de gestion des issues de secours et barrières automatiques.

Par avenant en date du 26 mai 2000, la A. était désignée mandataire du groupement conjoint et solidaire au lieu et place de la société G.

Cette société indiquait qu'au cours de la réalisation des travaux, le groupement avait été confronté à d'importantes difficultés tenant notamment au fait que la maîtrise d'ouvrage avait apporté des modifications fondamentales à la conception de l'ouvrage impliquant la réalisation de travaux supplémentaires.

Au cours des années 2000 à 2003, le Président du Tribunal de première instance de MONACO, saisi par les sociétés G.et A. dans deux procédures distinctes, désignait comme expert Monsieur MANGIALETTO avec pour missions, notamment, de faire les comptes entre les entreprises membre du Groupement, de procéder à une étude des travaux réalisés, de chiffrer le cas échéant les travaux réalisés non prévus dans le marché de base et de dire si des retards étaient survenus dans la réalisation des travaux, si ceux-ci avaient été exécutés dans les règles de l'art et si des reprises ou achèvements étaient nécessaires.

Des ordonnances de référé déclaraient communes aux entreprises, aux architectes et aux sociétés ayant participé au chantier du L. les opérations d'expertise entreprises par Monsieur MANGIALETTO dans les deux procédures.

L'expert déposait ses deux rapports d'expertise concernant le chantier du L. le 17 novembre 2008.

Par acte d'huissier en date du 30 septembre 2013 (2014/000119), la SAM A. faisait assigner l'État de Monaco devant le Tribunal de première instance de Monaco afin d'obtenir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, sa condamnation au paiement d'une somme de 2.867.144,78 euros HT soit 3.144.621,94 euros TTC augmentée des intérêts au taux légal à compter du dépôt du rapport d'expertise.

Par jugement en date du 6 mars 2014, le Tribunal de première instance autorisait l'État de Monaco à appeler en garantie les architectes, maîtres d'œuvre des travaux de construction du L. Messieurs B.et C.

Par acte d'huissier en date du 3 avril 2014 (2014/000515), l'État de Monaco donnait assignation à f. B. et à f. C. devant le Tribunal de première instance aux fins de les voir condamner conjointement et solidairement à le relever et garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.

Ces derniers soutenant qu'une partie de leur mission avait été sous-traitée à la F. par jugement en date du 18 décembre 2014, le Tribunal de première instance autorisait Messieurs C.et B. à appeler en garantie la F.

Par acte d'huissier en date du 20 janvier 2015 (2015/000326), Messieurs C.et B. donnaient assignation à la E. anciennement dénommée F. aux fins d'être relevés et garantis par cette dernière des condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre.

Par jugement en date du 25 février 2016, ce Tribunal autorisait la E. venant aux droits de la F. à appeler en garantie la société F.au motif que celle-ci s'était vue confier une partie des travaux en qualité de sous-traitant.

Selon exploit du 8 mars 2016 (2016/000492), la E. faisait assigner la société F. aux fins d'appel en garantie.

Par jugement en date du 14 janvier 2021, le Tribunal de première instance statuait comme suit :

« - ordonne la jonction des procédures engagées sous les n° 2014/000119, 2014/000515, 2015/000326 et 2016/000492,

  • déboute l'État de Monaco de ses exceptions d'irrecevabilité et déclare recevable l'action engagée par la SAM A. par acte d'huissier en date du 30 septembre 2013,

  • déboute Messieurs C. et B. la D. et la SARL F. de leurs exceptions visant à voir reconnaître une péremption et une prescription de l'action engagée par la SAM A.

  • condamne l'État de Monaco à payer à la SAM A. la somme de 2.867.144,78 euros HT, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2013, date de la demande en justice,

  • déboute l'État de Monaco de sa demande aux fins d'être relevé et garanti par f. B. et f. C. de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,

  • déclare sans objet les autres demandes aux fins de garantie,

  • déboute les parties de leurs demandes de dommages et intérêts et du surplus de leurs demandes,

  • condamne l'État de Monaco aux entiers dépens de l'instance, qui comprendront ceux réservés par jugements des 6 mars 2014, 18 décembre 2014 et 25 février 2016, ainsi que les frais d'expertise diligentée par Joseph MANGIALETTO, avec distraction au profit de Maîtres Frank MICHEL, Patricia REY, Sophie LAVAGNA et Joëlle PASTOR-BENSA, avocats-défenseurs sous leur due affirmation de droit, chacun pour ce qui le concerne,

  • ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable » .

Pour statuer en ce sens, les premiers juges retenaient en substance que :

  • le groupement dont faisait partie la SAM A. ne disposant pas de la personnalité morale, cette dernière ne pouvait agir qu'à titre individuel en vue de la reconnaissance de ses droits en justice et était dès lors recevable en son action,

  • la SAM A. était valablement représentée par son liquidateur amiable sans qu'aucune disposition légale n'impose à ce dernier de justifier d'un pouvoir spécifique pour agir en justice de sorte que l'irrecevabilité pour défaut de qualité à agir de ce liquidateur était rejetée,

  • il n'y avait aucune péremption des instances dans la mesure où l'appel régulier du dossier aux audiences du Tribunal aux fins de mise en état exprimait la volonté non équivoque de l'État de Monaco de poursuivre l'instance et où la disparition de l'existence de la SAM A. ne constituait pas un moyen pertinent,

  • en l'absence de péremption de l'instance, il ne pouvait être considéré que l'action de l'État de Monaco était intervenue accessoirement à une instance périmée de sorte que le moyen d'irrecevabilité de l'action de l'État de Monaco était rejeté,

  • il y avait lieu au vu des conclusions de l'expert judiciaire de retenir un bouleversement de l'économie du marché à forfait initialement conclu par les parties au vu de la nature des travaux supplémentaires réalisés en cours de chantiers et de leurs conséquences sur le calendrier d'exécution,

  • l'évolution permanente du projet avait été le déterminant d'une instabilité structurelle dans laquelle les sociétés chargées des différentes missions s'étaient vu contraintes d'assurer leurs prestations,

  • si des insuffisances étaient établies dans la coordination des travaux SSI, les défaillances survenues au titre de la mission de coordination des architectes ne pouvaient pas leur être imputées en ce qu'elles résultaient de la désorganisation générale de ce chantier consécutive au bouleversement de son économie.

Le jugement était signifié à l'État de Monaco par acte d'huissier en date du 15 mars 2021.

Par exploit d'huissier en date du 14 avril 2021, l'État de Monaco interjetait appel parte in qua du jugement du 14 janvier 2021.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives en date du 12 juillet 2022, l'État de Monaco demandait à la Cour de :

  • l'accueillir en son appel, le dire recevable et bien fondé et y faire intégralement droit, Par conséquent,

  • réformer le jugement rendu par le Tribunal de première instance de Monaco le 14 janvier 2021 uniquement en ce qu'il a :

• condamné l'État de Monaco à payer à la SAM A. la somme de 2.867.144,78 euros HT, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2013, date de la demande en justice,

• débouté l'État de Monaco de sa demande aux fins d'être relevé et garanti par f. B.et f. C.de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,

• débouté l'État de Monaco de ses demandes indemnitaires à l'égard de la SAM A.

• condamné l'État de Monaco aux entiers dépens,

Et statuant de nouveau,

À titre principal,

  • dire et juger qu'en application de l'article 1631 du Code civil, de la jurisprudence constante et de la loi des parties et notamment de l'article 32 du CCCG, il n'y a pas eu de bouleversement de l'économie du contrat,

  • dire et juger les demandes indemnitaires de la SAM A. infondées,

Par conséquent,

  • débouter la SAM A. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions comme étant inopérantes et sans fondement,

À titre subsidiaire, si par extraordinaire un bouleversement de l'économie du marché était retenu par la Cour,

  • débouter la SAM A. de l'ensemble de ses demandes indemnitaires, fins et conclusions à son égard au titre :

des travaux réalisés en vertu de l'avenant n° 3 inclus au marché principal,

des travaux supplémentaires prétendument réalisés au titre de l'OS 50,

des travaux supplémentaires réalisés sans ordre de service et non autorisés par le maître de l'ouvrage, des indemnités correspondant à une révision du prix du marché et des frais financiers,

en ce qu'elles sont parfaitement infondées,

À titre reconventionnel,

  • le recevoir en sa demande reconventionnelle,

  • dire et juger que la SAM A. a failli à ses obligations contractuelles en ce qui concerne le lot 16-3,

  • dire et juger qu'il a subi un préjudice du fait de cette défaillance de la SAM A.

  • condamner la SAM A. à lui payer les sommes suivantes :

  1. 205.249,02 euros au titre des conséquences du retard des travaux,

  1. 191,27 euros au titre des moyens complémentaires pour le contrôle des installations qu'elle a dû mettre en place,

  1. 112,31 euros au titre des moyens mis en œuvre pour l'achèvement des travaux,

  1. 961.476,31 euros au titre des coûts de restructuration du SSI,

  1. 000 euros au titre des frais engagés pour la levée des autres réserves,

Soit 5.042.028,91 euros au total,

En tout état de cause,

  • condamner conjointement et solidairement f. B.et f. C. à la relever et garantir de toutes les condamnations qui pourraient être, par impossible, prononcées à son encontre et au profit de la SAM A.

  • condamner in solidum la SAM A. ainsi que f. B.et f. C. à lui payer la somme de 15.000 euros au titre des frais d'appel non compris dans les dépens en vertu de l'article 238-1 du Code de procédure civile,

  • confirmer le jugement entrepris pour le surplus,

  • débouter la SAM A. la D. nouvelle dénomination de la E. venant elle-même aux droits de la F. Messieurs C.et B. et la SARL F.de l'ensemble de leurs demandes indemnitaires dirigées à son encontre tant au titre d'une prétendue procédure abusive que des frais non compris dans les dépens en ce qu'elles sont infondées,

  • condamner tout succombant aux entiers dépens distraits au profit de Maître Hervé CAMAPAN, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

À l'appui de ses prétentions, l'État de Monaco contestait être à l'origine du bouleversement de l'économie du contrat à forfait.

Rappelant les éléments caractérisant selon la jurisprudence française le bouleversement de l'économie du contrat dont la charge de la preuve incombait à la partie adverse, l'État de Monaco contestait le montant de l'augmentation du coût des travaux telle que retenue par les premiers juges et par l'expert judiciaire, l'estimant à 17,78 % de sorte que cette augmentation n'était pas significative pour constituer un tel bouleversement.

L'État de Monaco soutenait à ce titre que :

  • il n'y avait eu aucune modification de la nature des travaux supplémentaires, seul le volume des dispositifs et des équipements de l'ouvrage n° 6 relevant du lot 16.3 ayant été augmenté mais l'ouvrage réalisé étant resté le même, à savoir la réalisation d'un système de sécurité incendie,

  • le montant initial des travaux devait comprendre le coût de l'avenant n° 3 qui ne pouvait pas être assimilé à des travaux supplémentaires, contestant sur ce point le rapport d'expertise qui les avait exclus du montant initial de marché,

  • le montant des travaux réalisés sans ordre de service ne devait pas être inclus dans celui des travaux supplémentaires susceptibles d'entraîner un bouleversement de l'économie dans la mesure où les travaux n'avaient pas été acceptés par le maître de l'ouvrage qui les avait refusés et qu'ils avaient été réalisés en raison de la défaillance et l'insuffisance du système de sécurité mis en place par la SAM A.

  • l'expert judiciaire avait chiffré de manière arbitraire le montant de l'OS 50 à la somme de 5.862.702 euros, laquelle était supérieure à celle du devis initial de l'entreprise et sans tenir compte des points contestables du devis au vu de la lettre de F. en date du 28 août 2000,

  • la SAM A. ne pouvait pas réclamer le paiement des travaux supplémentaires au titre de l'OS 50 ni sa revalorisation dans la mesure où ces travaux avaient porté sur un système sécurité incendie qui était défaillant et ne fonctionnait pas et où l'entreprise n'avait pas parfait son ouvrage, de sorte qu'il était fondé à lui opposer une exception d'inexécution à sa demande en paiement,

  • la contre-valeur de l'OS 50 ne devait en tout état de cause pas être prise en compte au titre des travaux supplémentaires,

  • la notion de bouleversement de l'économie du contrat avait été prévue par les parties à la clause 32 du CCCG qui ne pouvait être retenue qu'en cas de variation de plus de 50 % de certaines quantités par rapport au marché de base.

L'État de Monaco contestait par ailleurs être à l'origine des modifications intervenues en cours de chantier, soulignant à ce titre que :

  • l'expert judiciaire n'avait pas indiqué dans son rapport d'expertise les personnes responsables de ces modifications,

  • les intimés ne rapportaient pas la preuve qu'il était à l'origine de ces modifications,

  • les modifications qui avaient eu lieu en cours de chantiers avaient pour cause l'insuffisance des études techniques dont les architectes avaient la charge, celles-ci étant comprises dans leur mission complète de conception dont le SSI,

  • l'absence de finalisation, les erreurs de conception et d'exécution ayant conduit à la nécessité de modifier le projet initial et de restructurer le SSI étaient imputables à la carence des maîtres d'œuvre et à la défaillance du groupement d'entreprises titulaires du lot 16.3 dont la SAM A. ainsi que cela avait été jugé par les juges du Tribunal de première instance dans leur jugement en date du 1er mars 2007 de sorte que les dispositions protectrices de l'article 1631 du Code civil devait recevoir application.

À titre subsidiaire, l'État de Monaco contestait les demandes indemnitaires de la SAM A. en demandant d'y retrancher le montant des sommes de l'avenant n° 3, le montant des travaux réalisés sans ordre de service et par conséquent non autorisés par le maître de l'ouvrage ainsi que celui de l'OS 50 pour les raisons invoquées ci-dessus. Il estimait ainsi que le montant des travaux supplémentaires ne pouvait pas excéder la somme de 2.705.785,56 francs HT.

Il contestait au surplus devoir :

  • le montant de la révision du prix du marché et des prétendus frais financiers en raison de leur calcul par l'expert judiciaire avec des formules mathématiques complexes et opaques dont le fondement n'avait jamais été explicité,

  • la SAM A. n'avait jamais fourni de preuve des frais financiers.

L'État de Monaco affirmait que les premiers juges n'avaient pas tiré les conséquences de leurs constatations dans la mesure où ils l'avaient débouté de ses demandes indemnitaires alors même qu'ils avaient relevé que les insuffisances et les défaillances dans la réalisation du SSI incombait aux maîtres d'œuvre.

Il soutenait à ce titre que :

  • le bouleversement de l'économie du contrat ne pouvait en tout état de cause pas exonérer de toute responsabilité contractuelle les entreprises ayant commis des malfaçons structurelles et des non-conformités aux normes d'installation et de spécification de la part du constructeur, la SAM A. ayant au surplus une obligation de résultat et de parfait achèvement vis-à-vis du maître de l'ouvrage,

  • la SAM A. avait manqué à son obligation de conseil de le mettre en garde contre d'éventuelles malfaçons affectant les travaux qui relevaient de sa mission et de ce que le bon fonctionnement du système de sécurité incendie était susceptible d'être compromis du fait des modifications apportées à l'ouvrage,

  • la SAM A. ne pouvait se retrancher derrière une erreur de conception et des modifications intervenues sur le chantier pour s'exonérer de sa responsabilité.

L'État de Monaco sollicitait ainsi l'indemnisation de ses préjudices résultant de la carence de la SAM A. dans ses obligations dans la mesure où elle avait exposé de nombreux frais de plus de 5 millions d'euros afin de procéder à l'ouverture du L.au public et de procéder à l'achèvement des travaux aux lieu et place des entreprises qu'elle détaillait poste par poste aux termes de ses conclusions.

Il demandait par ailleurs à être relevé et garanti de toutes sommes qui seraient mises à sa charge au bénéfice de la SAM A. par les architectes eu égard aux missions dont ils étaient chargés et dans la mesure où le bouleversement de l'économie du contrat ne pouvait les exonérer de leurs erreurs de conception, de leurs manquements dans la réalisation de plans et de spécifications techniques ayant conduit aux malfaçons d'ordre structurel et de la non-conformité aux normes d'installation et de spécifications constructeur.

Sollicitant une indemnité fondée sur l'article 238-1 du Code de procédure civile en raison des frais qu'il avait dû exposer dans la cadre de la procédure d'appel, l'État de Monaco s'opposait enfin :

  • aux demandes de dommages et intérêts des parties adverses qui n'explicitaient pas en quoi son comportement aurait excédé l'exercice légitime de son droit d'ester en justice ni ne justifiaient des préjudices allégués, son recours étant au surplus argumenté, précis et légitime,

  • aux demandes d'indemnité des intimés comprenant les frais d'expertise et la procédure de première instance fondées sur l'article 238-1 du Code de procédure civile dans la mesure où les dispositions de ce texte n'étaient pas encore en vigueur, sauf à les faire rétroagir en violation des dispositions de l'article 2 du Code civil, et dans la mesure où les intimés ne justifiaient pas des sommes réclamées.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives en date du 28 octobre 2022, la SAM A. demandait à la Cour de :

  • confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions appelées,

  • débouter l'État de Monaco des fins de son appel comme de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, à la fois irrecevables et mal fondées,

  • condamner l'État de Monaco à lui payer les sommes suivantes :

  1. 867.144,78 euros HT augmentée des intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2013, date de la demande en justice,

  1. 000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif,

  1. 000 euros sur le fondement de l'article 238-1 du Code de procédure civile,

  • débouter les parties de toutes demandes éventuelles qui pourraient être dirigées à son encontre, à la fois irrecevables et infondées,

  • condamner l'État de Monaco aux entiers frais et dépens de première instance qui comprendront les frais d'expertise, et d'appel dont distraction au profit de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, aux offres de droit.

Après un rappel des faits, de la procédure et des conclusions de l'expert judiciaire qui excluait toute responsabilité du groupement des entreprises dans le retard pris par les travaux et concluait à la conformité des travaux réalisés avec les règles de l'art, la SAM A. sollicitait la confirmation du jugement déféré en ce qu'il avait retenu un bouleversement du projet et de l'économie du contrat imputable à l'État de Monaco.

Elle exposait avoir été dans l'obligation d'achever seule les travaux d'asservissement de la détection incendie du L. indispensable à la sécurité des personnes et des biens pour permettre son exploitation mais dont l'État de Monaco avait pourtant refusé de lui régler le montant.

Faisant sienne la motivation des premiers juges sur le bouleversement de l'économie du contrat, la SAM A. soulignait en substance que :

  • en cours de travaux, le maître de l'ouvrage, l'État de Monaco, avait apporté des modifications fondamentales et incessantes au projet de sorte que la conception de l'ouvrage avait été profondément modifiée, entraînant l'exécution d'importants travaux supplémentaires, une redéfinition complète de l'ouvrage initial sans aucune mesure avec le marché de base, ainsi qu'en attestait l'expert judiciaire dans son rapport d'expertise,

  • les règles du marché à forfait ne pouvaient s'appliquer dans la mesure où les travaux supplémentaires n'étaient pas prévisibles,

  • elle avait droit au paiement des travaux supplémentaires qui résultaient du bouleversement de l'économie du contrat quand bien même ils n'avaient pas reçu préalablement à leur exécution un ordre de service du maître de l'ouvrage,

  • elle s'était en effet trouvée dans l'obligation d'effectuer des travaux supplémentaires nécessaires à la mise en sécurité du bâtiment mais non commandés en raison de l'exploitation de l'établissement et dans un contexte conflictuel incessant entre le maître de l'ouvrage et les maîtres d'œuvre, tous deux conscients de la nécessité d'une coordination SSI mais refusant chacun de la prendre en charge,

  • les conditions dans lesquelles le chantier s'était déroulé n'étaient plus celles prévues contractuellement à l'origine et prévisibles à la signature du contrat, l'expert judiciaire ayant notamment relevé que le montant définitif du SSI était supérieur de 270 % aux prévisions du maître de l'ouvrage,

  • elle avait réalisé ces travaux supplémentaires conformément aux stipulations de l'article 29 du CCCG, auquel renvoyait l'article 13.1 du CPS, qui autorisait l'entrepreneur de faire exécuter un travail sans ordre écrit en cas d'urgence ou la sécurité des biens et des personnes est compromise, ce qui avait été le cas en l'espèce notamment pour l'OS 50,

  • elle avait justifié dans ses mémoires adressés à l'expert judiciaire le bouleversement de l'économie du contrat,

  • l'appréciation du bouleversement de l'économie du contrat, qui ne pouvait être remise en cause par les principes d'indemnisation du CCCG, devait se faire in concreto et en général et non poste par poste de travaux comme le faisait à tort l'État de Monaco,

  • le coût total des travaux avait été de 22.649.966,91 francs HT pour un marché de base de 9.681.105 francs HT soit une augmentation de 135 %.

La SAM A. contestait la position de l'État de Monaco qui consistait à intégrer au marché de base les travaux supplémentaires, lesquels avaient au demeurant été acceptés par l'État de Monaco de sorte que le marché avait perdu son caractère forfaitaire.

Elle affirmait que l'expert judiciaire avait répondu à tous les griefs du maître de l'ouvrage quant aux méthodes de calcul des travaux supplémentaires, l'État de Monaco ayant au surplus accepté la méthodologie de l'expert et de son sapiteur, économiste en construction, qui l'avaient explicitée dans le rapport d'expertise.

La SAM A. soutenait également que dans la mesure où la désorganisation du chantier et la refonte totale du système de sécurité incendie (SSI) étaient imputables à l'État de Monaco, ce dernier ne pouvait prétendre à la réparation de ses prétendus préjudices, les travaux supplémentaires ne pouvant s'apparenter à des travaux réparatoires pour remédier aux malfaçons qui seraient imputables au groupement d'entreprises.

Elle contestait tout manquement à son obligation de résultat, l'installation prévue à l'origine correspondant bien au fonctionnement nécessaire des équipements et dispositifs prévus dans l'appel d'offre et les modifications successives avec adjonction de matériels n'ayant été rendue nécessaires que du fait des modifications et des extensions demandées par le maître de l'ouvrage, ainsi que cela résultait du rapport d'expertise.

Elle rappelait à ce titre les conclusions de l'expert judiciaire qui avait exclu toute exécution défectueuse des travaux mais une modification permanente des ouvrages ne permettant plus un fonctionnement normal.

La SAM A. réfutait également tout manquement à son devoir de conseil, rappelant que :

  • la modification permanente de l'ouvrage n'était pas de son fait mais de celui du maître de l'ouvrage, ces modifications étant à l'origine d'une désorganisation complète du chantier ayant nécessité de repenser le système de sécurité,

  • elle était allée au-delà d'une simple obligation de conseil en achevant les travaux pour mettre en sécurité le site en dépit du refus du maître de l'ouvrage,

  • elle n'avait à sa charge aucune prestation d'ingénierie, de conseil, de maîtrise d'œuvre ni la coordination SSI, ce que l'État de Monaco avait expressément confirmé,

  • l'attention de l'État de Monaco avait été attirée à plusieurs reprises par les architectes sur ces aspects.

La SAM A. concluait à l'irrecevabilité de la demande en paiement de la somme de 4.992.028,91 euros de l'État de Monaco en réparation de ses préjudices aux motifs que :

  • cette demande aurait dû être formulée à l'encontre de l'ensemble des entreprises, faute notamment de personnalité morale du groupement des entreprises,

  • l'État de Monaco sollicitait le paiement de la somme à son encontre alors qu'il ne faisait état à ce titre que de la seule responsabilité des architectes et qu'il avait été débouté de ses demandes dirigées à leur encontre relative au lot 16-3 dans le jugement du 1er mars 2007 qui ne lui était pas opposable, n'étant pas partie à cette instance,

  • l'expert judiciaire avait exclu toute responsabilité des entreprises dans les délais d'exécution qui avaient pour origine les modifications substantielles apportées au projet par le maître de l'ouvrage,

  • le système de sécurité incendie réalisé n'était plus viable en raison même de l'évolution incessante du projet,

  • toutes les demandes de l'État de Monaco quant à ses préjudices avaient été invalidées par l'expert judiciaire dans son rapport d'expertise.

La SAM A. sollicitait enfin, en sus d'une indemnité fondée sur l'article 238-1 du Code de procédure civile, des dommages et intérêts à l'encontre de l'État de Monaco pour appel abusif aux motifs qu'il avait résisté de manière abusive tant dans le cadre de l'expertise que dans le cadre de la procédure d'appel au paiement de sa créance ; elle affirmait à ce titre avoir été privée de la trésorerie correspondante depuis de trop nombreuses années.

Aux termes de leurs conclusions en date du 14 mars 2022, f. B.et f. C. demandaient à la Cour de :

  • confirmer le jugement du 14 janvier 2021 qui retient avec fondement que les demandes de A/à l'État relèvent d'un bouleversement du marché de la SMEG dont seul l'État est responsable pour avoir modifié son projet et son programme,

  • confirmer le jugement du 14 janvier 2021 en ce qu'il ne prononce pas leur condamnation y compris par substitution éventuelle de motifs,

  • les mettre hors de cause,

  • leur allouer par condamnation de la partie succombante, 70.000 euros compte tenu de l'importance du litige, de son coût relatif au suivi de l'expertise et de la procédure, au titre de l'article 238-1 du Code de procédure civile,

  • leur allouer à chacun 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour instance abusive,

  • condamner la partie succombante aux entiers frais et dépens de l'instance ainsi que tous les frais et accessoires, tels que frais de greffe et d'enregistrement, frais d'huissier, procès-verbaux de constat, sommations, frais d'expertise et de traductions éventuels dont distraction au profit de Maître Patricia REY, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,

Subsidiairement,

  • juger en cas d'infirmation que les architectes sont justifiés, au visa du contrat de sous-traitance conclu avec F. aux droits duquel vient la société D. et au visa des conclusions de l'expert judiciaire, à demander d'être relevés et garantis indemne de condamnation par ce bureau d'études qu'ils ont appelé à la cause et qu'il les relèvera indemne de toute condamnation,

  • leur allouer par condamnation de la partie succombante, 70.000 euros compte tenu de l'importance du litige, de son coût relatif au suivi de l'expertise et de la procédure, au titre de l'article 238-1 du Code de procédure civile,

  • leur allouer à chacun 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour instance abusive,

  • condamner la partie succombante aux entiers frais et dépens de l'instance ainsi que tous les frais et accessoires, tels que frais de greffe et d'enregistrement, frais d'huissier, procès-verbaux de constat, sommations, frais d'expertise et de traductions éventuels dont distraction au profit de Maître Patricia REY, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Après un rappel des faits et de la procédure, f. B.et f. C. exposaient avoir assuré la maîtrise d'œuvre du projet dont ils avaient toutefois sous-traité une partie, notamment l'étude des lots 16-3 à la F. devenue D. laquelle devait assurer la gestion de tous les incidents relevant du litige.

Ils sollicitaient la confirmation du jugement déféré en ce qu'il avait retenu un bouleversement de l'économie du contrat, s'appuyant en cela sur les conclusions de l'expert judiciaire.

Ils contestaient à cet égard la méthode de l'État de Monaco consistant à retirer à son gré des prestations qu'il estimait faire partie de l'évaluation du forfait, les premiers juges ayant exactement retenu que c'était la réalisation dans son ensemble qui avait été modifiée radicalement par le maître de l'ouvrage.

Ils rappelaient à ce titre la jurisprudence française de la Cour de cassation en matière de bouleversement de l'économie du contrat, le prix étant certes un élément nécessaire mais insuffisant pour rapporter la preuve d'un tel bouleversement de sorte que toutes les considérations de prix que faisait l'État de Monaco pour rectifier les calculs de l'expert judiciaire et de son sapiteur étaient sans pertinence.

f. B.et f. C. soutenaient par ailleurs que des travaux supplémentaires, qui n'avaient pas fait l'objet d'ordre de service, avaient toutefois été ultérieurement acceptés par l'ETAT De MONACO ce qui équivalait à l'ordre donné, et que le maître de l'ouvrage n'avait contesté pour certains de ces travaux que le calcul de leur évaluation.

Les architectes affirmaient ainsi en substance que :

  • l'État de Monaco était le seul responsable de ce bouleversement de l'économie du contrat,

  • le maître de l'ouvrage ne rapportait pas la preuve de leur responsabilité,

  • l'État de Monaco avait chargé l'entreprise G.de la maîtrise d'œuvre de l'ouvrage nécessaire pour le système de sécurité incendie alors même qu'il n'avait pas été mis fin à leur contrat et à leurs sous-traitants,

  • la coordination du système de sécurité incendie ne faisait pas partie des missions confiées aux architectes monégasques,

  • ils n'avaient jamais eu à contrôler la valeur et l'opportunité des travaux supplémentaires réalisés par la SAM A.

  • dans le jugement du 1er mars 2007, en incluant dans la mission des architectes le seul établissement du dossier du système de sécurité incendie hors mission de coordination, le Tribunal avait exclu toute responsabilité des architectes pour une mauvaise coordination de l'exécution de ce lot,

  • l'État de Monaco ne pouvait pas être relevé et garanti par les architectes dans la mesure où il était seul responsable du bouleversement de l'économie du contrat qui avait généré des surcoûts réclamés par la SAM A. et où le jugement avait retenu le principe de ce bouleversement.

À titre subsidiaire, en cas de condamnation, f. B. et f. C. demandaient à être relevés et garantis par la société D. qui était leur sous-traitant spécialisé qu'ils avaient rémunéré pour l'exécution de ces prestations et dans la mesure où c'était dans la phase d'exécution relevant de la mission de son sous-traitant que le système de sécurité incendie (SSI) n'était plus adapté à la nouvelle configuration de l'immeuble en cours d'achèvement après que le maître de l'ouvrage a modifié de manière répétée et récurrente la conception d'origine.

Ils soulignaient à ce titre :

  • les contradictions dans les conclusions de la société D. qui rejetait la responsabilité des dysfonctionnements du système de sécurité incendie tantôt sur les architectes tantôt sur son sous-traitant,

  • que la maîtrise d'œuvre technique du système de sécurité incendie avait été sous-traitée à la société D. dès lors que le Tribunal avait inclus dans la maîtrise d'œuvre des architectes le système de sécurité incendie,

  • qu'aux termes des articles 2.3 et 2.4 du contrat de sous-traitance, il appartenait à la société D. bureau d'étude technique, d'adapter en cours de chantier à la nouvelle configuration de l'immeuble résultant des modifications incessantes apportées au projet par l'État de Monaco, les dispositions proposées pour le système de sécurité incendie et notamment de modifier l'ouvrage d'un point de vue purement technique dans ses calculs et les plans d'exécution,

  • que l'expert judiciaire avait mis en cause des problèmes de conception de l'installation de la société D. ayant dû appeler cette dernière pour le vérifier sans appeler les architectes.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives en date du 6 mai 2022, la société D., anciennement dénommée E. venant elle-même aux droits de la F. demandait à la Cour de :

  • confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions appelées,

  • débouter l'État de Monaco des fins de son appel comme de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, irrecevables et infondées,

  • lui donner acte du fait qu'aucune condamnation n'est sollicitée à son préjudice par l'État de Monaco ou la SAM A.

  • par voie de conséquence la tenir quitte de toute condamnation du chef des demandes régularisées par l'État de Monaco et la SAM A.

  • prendre note du changement de dénomination de la E. laquelle désormais se nomme « D. »,

  • lui donner acte que tous les moyens soulevés tant pour compte de la F. entreprise titulaire du marché d'origine, que de la E. qui lui a succédé, sont repris à son compte sans aucune restriction,

Et pour cause,

Constatant que :

  • l'expert judiciaire tout au long de son rapport implique les modifications quasi-permanentes au projet initial qui sont à l'origine de tous les retards et surcoûts du chantier,

  • la mission de coordination SSI ne pouvait avoir été confiée à F. par le groupement d'architectes puisque, jusqu'au jugement du 1er mars 2007, celui-ci affirmait ne pas l'avoir dans son marché,

  • la société F. a proposé aux architectes une mission de coordination SSI qui n'a pas été acceptée,

  • l'arrêt du 7 février 2012 établit que les travaux supplémentaires et les retards sont du seul fait de l'État de Monaco, les architectes étant mis hors de cause,

  • les architectes n'apportent aucune justification à l'éventuelle responsabilité de leur sous-traitant F.

  • rejeter toutes demandes du groupement d'architectes à son encontre,

  • la mettre purement et simplement hors de cause,

À titre subsidiaire,

Si par impossibilité une condamnation était prononcée à son encontre,

  • condamner la SARL F. qui avait en charge les études techniques à la relever et garantir,

En tout état de cause,

  • condamner le groupement d'architectes, l'État de Monaco ou tout autre succombant au paiement d'une somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et d'une somme de 50.000 euros au titre des frais de justice non compris dans les dépens, conformément aux dispositions de l'article 238-1 1° du Code de procédure civile,

  • condamner tout succombant aux entiers dépens distraits au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Après un rappel des faits et de la procédure, la société D. indiquait avoir eu en sous-traitance par les architectes des études qu'elle avait elle-même sous-traitées à la société F.SAM.

Elle concluait à la confirmation du jugement déféré au vu des conclusions de l'expert judiciaire qui avait imputé les travaux supplémentaires et les retards du chantier à l'État de Monaco en raison des modifications qu'il avait imposées tout au long du chantier, toute responsabilité des entreprises en charge du lot 16.3 ayant été exclue aux termes du rapport d'expertise.

Elle contestait toute responsabilité dans la mesure où :

  • l'État de Monaco n'était pas en mesure de justifier d'une faute commise par le groupement des architectes, ainsi que l'avait rappelé le jugement du 17 juin 2010 confirmé par l'arrêt de la Cour d'appel du 7 février 2012 qui avait relevé les nombreuses mises en garde faites par les maîtres d'œuvre,

  • l'absence de coordination notamment du système de sécurité incendie n'était pas à elle seule la cause des difficultés ainsi que l'avait relevé l'expert judiciaire, ce dernier rappelant que l'État de Monaco faisait abstraction des modifications quasi-permanente au projet d'origine,

  • en raison de la désorganisation du chantier, elle avait proposé par deux fois aux architectes une mission de coordination du système de sécurité incendie qu'ils avaient rejetée,

  • le groupement d'architectes avait reconnu en 1998 que la mission de coordination du système de sécurité incendie ne lui incombait pas de sorte qu'il ne pouvait soutenir lui avoir sous-traité la mission,

  • le jugement du 1er mars 2007 avait retenu dans la mission des architectes leur mission d'établissement du dossier du système de sécurité incendie,

  • le groupement d'architectes avait admis dans ses conclusions en date du 20 décembre 2001 que la société F. avait parfaitement exécuté sa mission,

  • elle n'était titulaire aux termes du contrat de sous-traitance que d'une mission de BET technique et non d'une maîtrise d'œuvre telle que dévolue aux architectes,

  • elle n'avait nullement rempli aux lieu et place des architectes la mission de maîtrise d'œuvre, ces derniers ayant toujours été informés des avenants et devis qu'ils avaient gérés, ayant rappelé à maintes reprises les entreprises et ayant appliqué des pénalités,

  • l'affirmation selon laquelle elle aurait reçu du maître de l'ouvrage la mission de coordination du système de sécurité incendie était gratuite et au surplus démentie par la procédure, l'État de Monaco ne s'étant nullement retournée contre elle.

À titre subsidiaire, la société D. demandait à être relevée et garantie de toute condamnation par son sous-traitant, la société F. chargée des études techniques dont elle n'avait fait qu'exécuter les préconisations.

Elle sollicitait enfin des dommages et intérêts pour procédure abusive aux motifs qu'elle avait dû engager de nouveaux frais de Conseil et de représentation dans une procédure où l'État de Monaco ne formulait aucune demande à son encontre.

Aux termes de ses conclusions en date du 9 mai 2022, la SARL F. demandait à la Cour de :

  • confirmer le jugement rendu le 14 janvier 2021 en toutes ses dispositions appelées, Ce faisant,

  • condamner la partie succombante, quelle qu'elle soit à la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts pour instance abusive, conformément à l'article 1229 du Code civil, outre la somme de 40.000 euros pour frais exposés et non compris dans les dépens, ayant nécessité pour elle de se défendre en expertise, en référé, au fond et maintenant en appel et ce pendant plus de 20 années de procédure sur le fondement de l'article 238-1 1° du Code de procédure civile,

  • la condamner aux entiers dépens distraits au profit de Maître MARQUET sous sa due affirmation.

En cas d'infirmation,

  • mettre hors de cause F. en tout état de cause, qui est recherchée comme sous-traitant par D. seul, à qui ce dernier n'a sous-traité à F. que la phase de conception du projet à une période où les modifications voulues par le maître de l'ouvrage n'étaient pas connues par F. qui n'était pas en charge du suivi du chantier et qui n'a pas été consulté sur ces modifications dont il n'a jamais eu connaissance,

  • ce faisant condamner D. à la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts pour instance abusive, conformément à l'article 1229 du Code civil, outre la somme de 40.000 euros pour frais exposés et non compris dans les dépens, ayant nécessité pour elle de se défendre en expertise, en référé, au fond et maintenant en appel et ce pendant plus de 20 années de procédure sur le fondement de l'article 238-1 1° du Code de procédure civile,

  • condamner D. aux entiers dépens distraits au profit de Maître Xavier-Alexandre BOYER, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Après un rappel des faits et de la procédure, la SARL F. rappelait être intervenue en sous-traitance du bureau d'étude technique F. pour la phase d'étude, la réalisation des CCTP, des plans DPGF ainsi que sur l'analyse des offres mais seulement dans la phase étude. Ainsi si elle avait bien eu la conception du lot SSI, elle n'avait pas assuré la coordination du chantier, la société D. avait eu en charge son exécution.

Elle contestait toute responsabilité dans la mesure où :

  • le rapport d'expertise attribuait les causes du litige aux modifications apportées en cours de chantier et décidées par l'État de Monaco,

  • les modifications voulues par l'État de Monaco l'ont été à un moment où elle n'intervenait plus et où sa mission était achevée sans en avoir jamais eu connaissance, la société D.ne l'ayant pas consulté à ce sujet,

  • la société D. avait participé aux réunions de chantiers nécessaires à la mise en place des modifications,

  • la société D. avait pris pour base les études faites à l'origine et qu'elle avait fournie en phase préalable à l'exécution du chantier, sous forme de disquettes informatiques,

  • elle n'avait jamais reçu le moindre procès-verbal de réunion de chantier tant en phase « études » qu'en phase « travaux » si bien qu'elle ignorait toutes les modifications, adjonctions, suppressions intervenues après sa mission d'études,

  • l'expert judiciaire n'avait mis en cause que des problèmes d'exécution après la modification du programme par le maître de l'ouvrage et non pas la conception initiale du lot dont elle avait eu la charge ni un défaut des études,

  • l'expert judiciaire avait relevé que le système mis en place n'était plus viable tant les travaux modificatifs avaient complètement transformé le projet initial,

  • elle n'était pas intervenue pendant la phase de coordination du chantier laquelle incombait à la société M.

  • elle n'avait pas été destinataire de la lettre recommandée du maître de l'ouvrage en date du 11 juin 1999 faisant état des comptes rendus de réunions de l'OPC et de la mise en demeure des architectes du 15 février 2000.

Par ordonnance en date du 15 novembre 2022, les débats étaient clôturés et l'affaire fixée à l'audience du 22 novembre 2022 pour y être plaidée.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

Attendu que l'appel parte in qua de l'État de Monaco régulièrement formé dans les conditions de fond et de forme prévues par le Code de procédure civile, doit être déclaré recevable ;

Attendu que les dispositions non appelées de la décision entreprise sont désormais définitives, s'agissant en l'espèce de la jonction des procédures, du rejet des exceptions d'irrecevabilité soulevées par l'État de Monaco, de la recevabilité de l'action de la SAM A. du rejet des exceptions soulevées par Messieurs C. et B. par la D. et par la SARL F. visant à voir reconnaître une péremption et une prescription de l'action engagée par la SAM A. ;

Sur le bouleversement de l'économie du contrat

Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats que le groupement conjoint et solidaire d'entreprises ayant pour mandataire commun la société G. s'est vu confier l'exécution des travaux du lot n° 16.3 « courants faibles : intrusion - contrôle d'accès et de ronde - vidéo surveillance, sécurité des tiers et des personnes - détection incendie » selon des dispositions antérieurement fixées et non contestées par les parties, le montant du marché ayant été arrêté à « la somme globale et forfaitaire » de 9.681.105 francs HT, soit 11.675.412,63 francs TTC ;

Que ce marché du 10 février 1998 a par la suite fait l'objet de trois avenants ayant pour objet de désigner la société A. en tant que représentant du groupement, de modifier la domiciliation bancaire de l'entrepreneur, puis de réajuster le montant de ce marché en considération de travaux supplémentaires ayant fait l'objet d'un ordre de service ;

Que la société A. a réalisé en sus du marché des travaux supplémentaires dont elle sollicite le paiement ;

Qu'aux termes de son rapport, l'expert judiciaire a chiffré le montant de ces travaux supplémentaires à la somme de 2.867.144,78 euros HT, dont le montant doit selon lui revenir en intégralité à la SAM A. et se décomposant comme suit :

Marché de base : 9.681.105,00 francs

Travaux supplémentaires : 12.968.861,92 francs

= 22.649.966,92 francs

Paiements effectués : - 13.363.585,00 francs

Révision : 699.301,38 francs

Frais financiers : 9.149.532,08 francs

Bilan total : 19.135.215,37 francs

soit 2.917.144,78 euros - 50.000 euros au titre de la non-conformité de l'alarme sonore et UGIS

= 2.867.144,78 euros TTC

Que retenant un bouleversement de l'économie du marché, les premiers juges ont condamné l'État de Monaco à payer à la SAM A. la somme de 2.867.144,78 euros HT, telle que retenue par l'expert judiciaire dans son rapport ;

Que l'État de Monaco conteste l'existence d'un bouleversement de l'économie du marché, soutenant que l'augmentation du coût global du marché n'est que de 17,78 % ;

Qu'il estime ainsi que le montant des travaux supplémentaires conclu à l'avenant n° 3 doit être intégré dans le prix du marché de base de 9.681.105,00 francs et non dans le montant des travaux supplémentaires comme l'a fait l'expert judiciaire ;

Attendu que l'article 1631 du Code civil dispose : « Lorsqu'un architecte ou un entrepreneur s'est chargé de la construction à forfait d'un bâtiment, d'après un plan arrêté et convenu avec le propriétaire du sol, il ne peut demander aucune augmentation de prix, ni sous le prétexte d'augmentation de la main-d'œuvre ou des matériaux, ni sous celui de changements ou d'augmentations faits sur ce plan, si ces changements ou augmentations n'ont pas été autorisés par écrit, et le prix convenu avec le propriétaire » ;

Qu'il résulte de l'article 1631 du Code civil que l'entrepreneur ne peut être rémunéré pour les travaux supplémentaires que s'ils ont été autorisés par écrit par le maître de l'ouvrage ou si, après leur exécution, ils ont été ratifiés par le maître de l'ouvrage par un accord exprès et non équivoque ;

Qu'en dehors d'une autorisation du maître de l'ouvrage ou d'une ratification de sa part, les travaux supplémentaires peuvent être payés s'ils entraînent un bouleversement de l'économie du marché pour autant qu'ils ont été voulus par le maître de l'ouvrage ;

Que le bouleversement de l'économie du marché est caractérisé par l'importance des travaux supplémentaires ou la nature différente des prestations initialement prévues ou par leur coût rapporté au montant du marché ;

Qu'il est ainsi nécessaire de déterminer le montant du marché initial pour pouvoir apprécier l'existence ou non d'un bouleversement de l'économie du marché ;

Attendu que l'État de Monaco et la SAM A. ont conclu un avenant n° 3 aux termes duquel les parties ont fixé le montant des travaux supplémentaires commandés sur la base des ordres de services n° 13, 14, 15, 16, 17, 20, 22, 23, 24, 25 et 26 à la somme de 2.831.224,48 francs ;

Que les parties ont ainsi convenu aux termes de cet avenant que le nouveau montant du marché global et forfaitaire s'établissait à la somme hors taxe de : 9.681.105,00 francs (marché initial) + 2.831.224,48 francs (avenant n° 3) = 12.512.329,48 francs ;

Qu'eu égard à l'accord des parties d'inclure au montant du marché initial le montant des travaux supplémentaires visés aux ordres de services édités entre le 4 janvier 2000 et le 9 mai 2000 d'un montant de 2.831.224,48 francs, ces travaux supplémentaires acceptés par le maître de l'ouvrage doivent être intégrés dans le montant du marché de base initial ;

Que le marché de base s'élève par conséquent à la somme de 12.512.329,48 francs (9.681.105,00 francs + 2.831.224,48 francs) et le montant des travaux supplémentaires à la somme de 10.137.637,44 francs (12.968.861,92 francs - 2.831.224,48 francs), le montant total des travaux s'élevant à la somme de 22.649.966,92 francs ;

Attendu que l'État de Monaco demande également de déduire du montant des travaux supplémentaires susceptibles d'avoir entraîné un bouleversement de l'économie du marché ceux réalisés sans ordre de service et par conséquent sans son accord, qu'il chiffre à la somme de 1.546.384,20 francs ;

Attendu toutefois que les travaux supplémentaires réalisés sans autorisation du maître de l'ouvrage ou de ratification de sa part, peuvent être payés s'ils entraînent un bouleversement de l'économie du marché et à condition qu'ils aient été voulus par le maître de l'ouvrage ;

Que contrairement aux allégations de l'État de Monaco, l'appréciation du bouleversement de l'économie du marché nécessite de prendre en compte les travaux supplémentaires réalisés sans son autorisation ;

Qu'il convient d'écarter le moyen ;

Attendu que l'État de Monaco demande de ne pas inclure dans le montant des travaux supplémentaires susceptibles d'avoir entraîné un bouleversement de l'économie du marché le montant de l'ordre de service n° 50 chiffré par l'expert judiciaire à la somme de 5.862.702 francs ;

Qu'il souligne que les travaux réalisés aux termes de cet ordre de service ont été évalués par les maîtres d'œuvre à la somme de 164.928 francs et par la SAM A. à la somme de 3.611.113,07 francs aux termes de son devis ;

Qu'il soutient que l'expert judiciaire a ainsi retenu un montant supérieur à celui demandé par la SAM A. sans la moindre justification ;

Attendu que contrairement aux affirmations de l'État de Monaco, le montant du devis présenté par la SAM A. au titre de l'ordre de service 50 portant sur les « asservissements » était de 5.862.702 francs (pour un montant retenu par les maîtres d'œuvre de 164.928 euros) ainsi que le mentionne expressément Monsieur GALLINELLI, technicien économiste de la construction, chargé en qualité de sapiteur de l'expert judiciaire de chiffrer le montant des travaux supplémentaires, dans son rapport d'expertise (page 8/10) ;

Que Monsieur GALLINELLI a retenu la somme de 5.862.702 francs au titre de l'ordre de service n° 50 en précisant que ces travaux étaient des travaux nouveaux et modificatifs au marché de base rendus indispensables par l'évolution constante du contexte ;

Qu'en page 34/49 de son pré-rapport d'expertise, l'expert judiciaire a au surplus rappelé explicitement les méthodes de calcul du sapiteur en indiquant que ce dernier n'avait indiqué aucun prix arbitraire qui ne puisse être justifié et que tous les montants retenus par l'expert dans son chiffrage ressortent des pièces qui lui ont été transmises ;

Que l'annexe A5.1 du rapport d'expertise du 13 septembre 2000 de Monsieur d'HOOP comporte au surplus le devis de la SAM A. portant « modifications des asservissements » pour un montant total de 5.862.702 francs, ce dernier ayant indiqué dans son rapport que ces travaux supplémentaires étaient essentiellement dûs au fait que le nombre nécessaire de DAS (dispositifs actionnés de sécurité) a été très fortement sous-estimé dans les études de maîtrise d'œuvre et que les nombreuses modifications des plans en cours de chantier ont nécessité la création de nombreux DAS pour permettre de respecter les exigences règlementaires de sécurité incendie ;

Que la Cour observe au demeurant que l'État de Monaco ne verse aucune pièce émanant d'un homme de l'art critiquant la méthode de calcul retenue par le sapiteur pour évaluer le coût des travaux supplémentaires et les évaluant à une somme moindre que celle retenue par ce dernier ;

Que bien que l'État de Monaco fasse grief à l'expert judiciaire de ne pas avoir examiné la lettre du 21 août 2000 de la société F. (et non du 28 août 2000 comme indiqué par erreur par ce dernier) contestant le devis, la Cour relève que dans son rapport du 13 septembre 2020, Monsieur d'HOOP a au contraire indiqué que le montant de ce devis est celui qui aurait dû faire l'objet d'un ordre de service conformément à ce qui était annoncé dans le courrier de F. du 21 août 2000 (page 9 du rapport du 13 septembre 2000) ;

Qu'au vu de ces éléments, il convient par conséquent de retenir la somme de 5.862.702 francs au titre du montant des travaux de l'ordre de service n° 50 tel que chiffrés par le sapiteur et repris par l'expert judiciaire ;

Attendu que l'État de Monaco demande d'écarter cette somme du montant des travaux supplémentaires en raison des malfaçons les affectant et de l'inachèvement du système de sécurité incendie, opposant ainsi une exception d'inexécution ;

Attendu toutefois que le bouleversement de l'économie du marché est caractérisé par l'importance des travaux supplémentaires ou la nature différente des prestations initialement prévues ou par leur coût rapporté au montant du marché de sorte que les malfaçons pouvant affecter ces travaux supplémentaires ne sont pas de nature à pouvoir écarter leur montant dans l'appréciation de ce bouleversement de l'économie du marché ;

Qu'en tout état de cause, l'expert judiciaire indique dans son rapport d'expertise que le marché de base prévoyait deux baies CMSI avec 16 bus d'asservissement pour 4 compartiments et 1042 DAS (dispositifs actionnés de sécurité hors sirènes), bases sur lesquelles le groupement a lancé ses études en juillet 1999, mais que « cette conception du marché n'a cessé d'évoluer en cours de chantier pour être portée à 1825 DAS sur 4 baies (CMSI) nécessitant non seulement les propres travaux liés à l'extension mais aussi la modification d'ouvrages déjà exécutés. En octobre 1999, le Groupement envoie ses plans à la Maîtrise d'œuvre (...). A la même date la Maîtrise d'œuvre demande au Groupement de modifier son devis n° 99.07.001 concernant la diffusion sonore pour tenir compte de 14 compartiments à la place de 4 prévus au Marché (PV de réunion n° 336 du 25/10/99- Annexe A.47 » ;

Qu'il précise qu'en raison de cette modification, toutes les études réalisées par le Groupement sont à refaire entièrement pour prendre en compte l'augmentation à 14 compartiments, que cette modification conditionne évidemment tout le projet de climatisation en augmentant le nombre de clapets coupe-feu, que les modifications sur plans se sont étalées jusqu'au mois de juillet 2000 et au-delà, jusqu'à octobre 2000, la maîtrise d'œuvre imposant continuellement des modifications en cours de réalisation ;

Que l'expert judiciaire souligne notamment :

  • « Finalement le Groupement a réalisé un système de sécurité incendie qui n'a plus rien en commun avec celui du Marché avec 1771 dispositifs actionnés de sécurité (hors sirènes) » (page 35-210),

  • « par ailleurs, le Groupement a dû travailler dans des conditions complètement différentes de celles prévue et prévisibles au moment de la signature du Marché, comme il a été amplement démontré dans le chapitre A.3.4.1 . » (page 36-210),

  • « par cette constante désorganisation, A. co-titulaire du Lot 16-3, a été mise dans l'obligation de réaliser des travaux dans des conditions anormales à quelques mois de la mise en service prévue le 19/10/2000 et n'a pu que subir un préjudice » (page 37-210) ;

Que si l'expert judiciaire reconnaît la nécessité pour le maître de l'ouvrage de restructurer le système de sécurité incendie en raison de l'insuffisance du système mis en place par le groupement, il précise néanmoins : « cette restructuration a été rendue nécessaire dans la mesure où le système mis en place n'est plus viable tant les travaux modificatifs avaient complètement transformé le projet initial (validé par ailleurs par N.. L'expert rappelle que les entreprises du lot 16.3 ne sont pas responsables de cet état de fait qui ne peut être en conséquence être interprétée comme une malfaçon. Il faut plutôt considérer que l'augmentation du prix considéré par l'état comme un préjudice n'est en fait que la rétribution de travaux supplémentaires et modificatifs du SSI non finalisé dans le projet et remanié sans cesse tout au long du chantier » ;

Qu'il rappelle que l'insuffisance du système était due pour l'essentiel à la non-finalisation du projet nécessitant des modifications permanentes apportées en cours d'exécution et à l'absence de coordination SSI (page 122/210) ;

Qu'il résulte de ces explications circonstanciées de l'expert judiciaire que l'État de Monaco ne peut valablement opposer à la SAM A. les malfaçons affectant les travaux dans la mesure où elle n'en est pas responsable et où celles-ci résultent des modifications incessantes du projet qui ne sont pas de son fait ;

Qu'il convient par conséquent d'écarter ce moyen ;

Attendu que l'article 32 du CCCG stipule : « lorsque le marché comporte un détail estimatif indiquant l'importance des diverses natures d'ouvrages et que les changements ordonnés par l'Administration ou résultant de circonstances qui ne sont ni de la faute, ni du fait de l'entrepreneur, modifient l'importance de certaines natures d'ouvrages de telle sorte que les quantités diffèrent de plus en plus de cinquante pour cent en plus ou en moins des quantités portées au détail estimatif, l'entrepreneur peut présenter en fin de compte, une demande d'indemnité basée sur le préjudice que lui ont causé les modifications survenus à cet égard dans les prévisions du projet. L'entrepreneur ne peut prétendre à aucune indemnité à l'occasion de l'exécution de natures d'ouvrages qui ne sont pas mentionnés au détail estimatif et dont les prix sont néanmoins à cet égard dans la prévision du projet (...) » ;

Que l'État de Monaco soutient avoir défini avec la SAM A. la notion de bouleversement de l'économie du marché aux termes de l'article 32 du CCCG, applicable au marché litigieux, lequel ne serait fondé qu'en cas de variation de plus de 50 % de certaines quantités par rapport au marché de base ;

Qu'il estime ainsi que l'augmentation du coût global du marché n'est que de 17,78 % calculé comme suit :

  • 2.705.785,56 francs (travaux supplémentaires faisant l'objet d'OS et dûment achevés tels que revalorisés par l'expert) / 15.218.115,04 francs (total marché + avenant n° 3) x 100 % = 17,78 % ;

Que la somme de 2.705.785,56 francs retenue par l'État de Monaco correspond au montant des travaux supplémentaires de 10.114.871,76 francs dont il a déduit les travaux supplémentaires sans ordre de service (1.546.384,20 francs ) et l'OS 50 de 5.862.702 francs ;

Que ce calcul n'est toutefois pas pertinent dans la mesure où la Cour a débouté l'État de Monaco de sa demande de déduire ces sommes du montant total des travaux supplémentaires ;

Attendu au surplus que l'article 32 susvisé fait référence à une augmentation de 50 % des quantités portées au devis estimatif et non pas à une augmentation du coût des travaux telle que calculés par l'État de Monaco ;

Attendu que dans un rapport en date du 17 janvier 2001, Monsieur D'HOOP, ingénieur ETP et expert près de la Cour d'appel de Paris, a fait une étude sur les conditions dans lesquelles se sont déroulées les différentes phases des travaux concernant la détection incendie et les organes de mises en sécurité contre l'incendie asservis à cette détection, ce dernier précisant que l'ensemble détection et l'asservissement correspond à ce que l'on nomme le système de sécurité incendie ;

Qu'il a procédé à une comparaison entre ce qui avait été commandé dans le marché initial concernant le système de sécurité incendie et celui finalement réalisé après les demandes de modifications faites au fur et à mesure du chantier ;

Qu'il précise que 2 tableaux ont été ajoutés, un spécifique aux détecteurs linéaires optiques DLO non prévus au DCE et un tableau supplémentaire pour faire face à l'augmentation des organes ;

Qu'il souligne que l'architecture de la CMSI initiale (Centrale de mise en sécurité incendie qui transmet les instructions nécessaires aux différents dispositifs actionnés de sécurité (DAS) par l'intermédiaire de modules) a due être doublée du fait de l'augmentation très importante du nombre de DAS, augmentation effectuée au fur et à mesure de la mise au point du projet par la maîtrise d'œuvre ;

Qu'il a récapitulé dans un tableau les quantités des DAS réalisées :

Nature des DAS

Nombre prévu

Nombre réalisé

Écarts

portes asservies

(compartimentage)

1143

++ 180

++ 417

clapets coupe-feu

++ 211

moteurs de désenfumage

++ 14

commandes de coupures (clim.,

divers, etc)

-- 49

centrales de traitement d'air

-- 17

écrans mobiles de cantonnement

-- 26

pyrodomes

Qu'il conclut que l'évolution de l'ensemble du projet a eu des importantes répercussions sur le système de sécurité incendie, entraînant presque le doublement des travaux initialement prévus ;

Qu'il ressort au surplus de l'expertise que :

  • le marché initial prévoyait 2 baies CMSI avec 16 bus d'asservissement pour 4 compartiments et 1042 DAS (page 24/210 du rapport),

  • au final, il a été réalisé 4 baies CMSI pour 14 compartiments et 1771 DAS conformément aux demandes de modification faites (page 25/210 du rapport) ;

Qu'il résulte ainsi de ces éléments que la quantité des baies a augmenté de 100 %, celle des compartiments de 69 % et celle des DAS de 250 % ;

Que l'expert judiciaire a par ailleurs relevé 241 modifications apportées au projet initial du marché, nécessitant notamment la refonte de toutes les études en raison des changements de la conception du projet ;

Qu'il souligne que l'évolution de la conception du projet en cours de chantier a nécessité non seulement les propres travaux liés à l'extension mais aussi « la modification d'ouvrages déjà exécutés » ;

Qu'il ne s'agit plus en l'espèce de « changements modifiant l'importance de certaines natures d'ouvrages » tels que visés à l'article 32 mais d'une modification d'ouvrages déjà exécutés de sorte que l'État de Monaco ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 32 du CCCP ;

Qu'aux termes de son rapport, l'expert judiciaire précise également qu'il ne s'agit plus d'ouvrages complémentaires au sens habituel admis dans la profession mais bien de bouleversement des ouvrages ;

Qu'il convient par conséquent d'écarter ce moyen ;

Attendu que l'État de Monaco soutient ne pas être à l'origine des modifications intervenues en cours de chantier ;

Attendu toutefois qu'il résulte des pièces versées aux débats par la SAM A. et notamment des ordres de service signés par le représentant de l'État de Monaco que ce dernier a expressément demandé au groupement des entreprises de réaliser de nouveaux travaux tels que :

  • la mise en place des détecteurs sismiques sur chaque paroi de la salle FORTE Ilot 1 en plus des détections déjà prévues selon l'ordre de service en date du 4 janvier 2000,

  • l'augmentation du nombre de points à transmettre sur le frontal de communication ainsi que l'ajout de centrales d'incendie et intrusion selon l'ordre de service du 21 août 2000,

  • la réalisation de différents travaux correspondant aux modifications des portes S2 du rez-de-jardin selon l'ordre de service du 1er septembre 2000,

  • la fourniture et la pose de commandes d'ouvertures de local par boitiers bris de glace selon l'ordre de service du 17 octobre 2000,

  • des transformateurs pour portes ouvrantes au RI et MZ et la reprise du câblage des portes espace RAVEL selon l'ordre de service n°232 en date du 3 avril 2001,

  • l'installation de 5 caméras de surveillance aux issues de secours selon l'ordre de service n°8341 en date du 17 avril 2001,

  • le déplacement de la caméra MZ03 selon l'ordre de service n°448 en date du 22 juin 2001,

  • la modification de câblage suite au déplacement du TD2 selon l'ordre de service n°458 en date du 25 juin 2001,

  • la modification du seuil de détection incendie par 10 détecteurs compartiments 11 par lettre du 18 juin 2001,

  • des équipements de portes en ventouses dans la cuisine du S1 par lettre du 26 juillet 2001,

  • l'ajout de deux caméras pour la surveillance des SAS « entrée des artistes » et « entrée du personnel » par lettre du 26 juillet 2001,

  • l'adjonction de diffuseurs sonores de messages de sécurité par lettre du 26 juillet 2001,

  • la modification de type de détecteur DO en DOT par lettre du 26 juillet 2001,

  • la reprise et la modification du câblage des trappes CF niveau S2 par lettre du 26 juillet 2001,

  • la modification de la porte 14 E en porte « issues de secours » par lettre du 26 juillet 2001 ;

Qu'aux termes des ordres de service n° 16, 19, 20 visés et signés par l'État de Monaco, il a été demandé au groupement des entreprises de prendre en compte :

  • « suite à l'évolution des matériels et aux modifications des implantations » la moins-value à son marché initial concernant l'installation de la vidéosurveillance,

  • la plus-value à son marché initial suite aux compléments sur les installations de contrôle intrusion,

  • la plus-value à son marché initial suite aux compléments apportés sur les installations de contrôle d'accès et de ronde concernant l'installation de la vidéosurveillance,

  • la plus-value à son marché initial suite aux compléments et modifications apportées au système de gestion d'issues de secours ;

Que lors de l'accedit du 11 octobre 2005, l'expert judiciaire a relevé que le maître de l'ouvrage avait reconnu que des modifications et des extensions étaient intervenues en cours de chantier ;

Qu'il résulte de ces éléments que les modifications du projet initial et les travaux supplémentaires en résultant ont bien été voulus par l'État de Monaco qui les a expressément sollicités ;

Qu'au vu de ces éléments, la multiplicité des modifications apportées aux ouvrages au cours du chantier (241 modifications selon le rapport d'expertise), qui ont nécessité pour certaines d'entre elles de refaire des études et ont obligé le groupement des entreprises dont la SAM A. à travailler dans des conditions complètement différentes de celles prévues et prévisibles au moment de la signature du marché ainsi que le coût global des travaux s'élevant à 22.649.966,19 francs sur un marché initial de 12.512.329,48 francs caractérisent le bouleversement de l'économie générale du marché dès lors que les travaux supplémentaires ont bien été voulus par l'État de Monaco ;

Sur les demandes de la SAM A.

Attendu que l'État de Monaco conteste les demandes indemnitaires de la SAM A. que l'expert judiciaire a fixé aux sommes suivantes :

Révision : 699.301,38 francs

Frais financiers : 9.149.532,08 francs

Qu'il soutient que les calculs de ces sommes l'ont été sur la base de formules mathématiques complexes et opaques et dont le fondement n'a jamais été explicité et que la SAM A. n'a jamais fourni la moindre preuve des frais financiers et du coût de la révision ;

Attendu toutefois qu'aux termes de son pré-rapport (pages 43/49 et 44/49), l'expert judiciaire a précisé que :

  • les frais financiers de la SAM A. consistaient en des intérêts compensatoires réclamés indépendamment des intérêts moratoires en réparation du préjudice spécial causé par le retard du débiteur (en l'espèce le maître de l'ouvrage) à s'acquitter de sa dette,

  • la révision consiste à ajuster le prix du marché aux conditions économiques lorsque l'exécution s'étend sur une longue période et ne peut jouer que si elle est prévue au marché, ce qui est le cas en l'espèce au vu des clauses du marché ;

Que la SAM A. a adressé à l'expert judiciaire et aux parties dans le cadre des opérations un mémoire en indemnisation du 31 mars 2001 aux termes duquel elle a explicité les préjudices résultant des modifications incessantes des ouvrages qu'elle devait réaliser l'ayant notamment obligée à réaliser des travaux qui n'étaient pas prévus aux ordres de service partiels afin d'assurer la sécurité des biens et des services, à changer certaines pièces qu'elle avait posées et qui avaient été endommagées par des interventions extérieures, à faire réaliser de nouvelles études et des recherches d'informations, à exposer des frais liés aux heures supplémentaires nécessaires pour réaliser tous les travaux supplémentaires avec leur incidence financière, à recourir à un encadrement du chantier en raison de l'augmentation anormale des prestations à exécuter et à faire des essais supplémentaires ;

Qu'elle a joint à son mémoire un tableau explicitant le calcul de ses frais financiers qui consistent à appliquer un taux annuel égal au taux de base bancaire sur le montant de tous les frais qu'elle a soutenu avoir exposés pour réaliser les travaux supplémentaires ainsi qu'un détail du coefficient de révision des prix qui constitue l'incidence financière d'un décalage d'exécution des travaux dans le temps existant entre le jour du devis et le jour de son acceptation (annexe B23 de son mémoire) ;

Que suite au dire du 29 septembre 2008 de la SAM A. réévaluant le montant des frais financiers et le coût de révision, l'expert judiciaire n'a pas retenu les sommes réclamées par la SAM A. qu'il a recalculées à la somme de 699.301,38 francs pour les coûts de révision et à celle de 9.149.532,08 francs pour les frais financiers aux termes de formules mathématiques complexes ainsi qu'en attestent leurs détails figurant au rapport ;

Que bien que l'État de Monaco conteste le calcul de ces sommes en raison de la complexité et l'opacité des formules mathématiques retenues par l'expert et de ce qu'elles intègrent le montant total des travaux supplémentaires de 12.512.329,48 francs au lieu de 10.114.871,76 francs, il ne verse aucun élément de preuve objectif émanant d'un homme de l'art contredisant les calculs tels qu'opérés par l'expert judiciaire dont la complexité se justifie par la matière et confirmant que les bases des chiffres retenues par l'expert judiciaire pour recalculer ces préjudices sont inexactes et devraient être modifiées, étant observé que l'expert judiciaire a retenu pour base le montant des travaux impayés qui est exactement le même quel que soit le montant retenu des travaux supplémentaires et que le bouleversement de l'économie du marché suite aux modifications voulues par le maître de l'ouvrage a en tout état de cause fait perdre au marché son caractère forfaitaire ;

Qu'il convient dès lors de retenir les sommes telles que fixées par l'expert judiciaire ;

Que c'est par conséquent à juste titre que les premiers juges ont condamné l'État de Monaco à payer à la SAM A. la somme de 2.867.144,78 euros HT, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2013, date de la demande en justice ;

Sur les demandes reconventionnelles de l'État de Monaco

Attendu que l'État de Monaco soutient que les travaux réalisés par la SAM A. sont affectés de malfaçons ;

Qu'il sollicite ainsi sa condamnation au paiement d'une somme totale de 5.042.028,91 euros en réparation de ses préjudices résultant des manquements de l'entreprise à son obligation de résultat et de parfait achèvement des ouvrages qu'elle a réalisés ainsi qu'à son obligation de conseil ;

Attendu que la somme de 50.000 euros au titre des frais engagés pour la levée des autres réserves concernant le système de diffusion d'alarme sonore et l'unité de gestion des sorties de secours a déjà été déduite de la somme de 2.867.144,78 euros TTC à laquelle l'État de Monaco a été condamné, ainsi que cela ressort du décompte susvisé ;

Qu'il a déjà ainsi été fait droit à cette demande, à laquelle la SAM A. ne s'est pas opposée dans la mesure où elle sollicite la confirmation sur ce point du jugement déféré ;

Attendu que l'État de Monaco sollicite l'indemnisation des conséquences financières qu'il dit avoir assumées en raison des retards de livraison des travaux par le lot 16.3 dans la mesure où il sollicite une somme totale de 1.205.249,02 euros au titre des conséquences du retard des travaux se décomposant comme suit :

  • 628.429,87 euros TTC au titre des astreintes réalisées par la société O. pour la mise en route des installations de désenfumage,

  • 466.396,23 euros TTC au titre des frais correspondants à la mise en place du personnel de gardiennage à la demande de la commission de sécurité refacturé à l'État de Monaco par la société d'exploitation du bâtiment,

  • 110.422,92 euros TTC au titre du surcoût de la police d'assurance tous risques chantier ;

Attendu toutefois qu'en page 41/210 du rapport d'expertise, s'agissant des retards dans l'exécution du lot 16.3 et procédant à une analyse de l'ensemble des procès-verbaux (architectes, OPC), l'expert judiciaire a fait les constats suivants :

  • de sérieux conflits entre maîtrise d'œuvre et d'ouvrage dès le début de l'opération,

  • un bouleversement permanent des plannings ayant en finalité aucun rapport avec ceux prévus aux marchés,

  • des retards mentionnés aux procès-verbaux des plannings en conséquence maintes fois recalés,

  • de nombreux retards non imputables au lot 16.3 (retard général et permanent de plusieurs corps d'état),

  • la désignation tardive des lots de grande importance et non prise en compte dans le report des délais de travaux des corps d'état secondaires,

  • des retards importants ressortent dès mars 1998 alors que le lot 16.3 n'a pas encore signé son marché (ce qui sera fait le 10 février 1998),

  • que 6 mois après avoir signé son marché le lot 16.3 ne pouvait démarrer,

  • des délais anormaux entre date des devis et OS (ordres de service),

  • un lien difficilement compréhensible entre honoraires du maître d'oeuvre et faisabilité du chantier,

  • des interférences « anormales » entre plusieurs entreprises de lots différents traitant le SSI (système de sécurité incendie),

  • un problème récurrent de communication et de coordination du chantier du fait de l'absence de coordonnateur SSI, qui s'avérera pourtant indispensable et mis en place lors de la phase de restructuration,

  • une non-finalisation du projet et ce même encore 10 mois après la signature du marché entraînant par des modifications apportées en cours d'exécution des glissements permanents de planning ;

Que l'expert judiciaire conclut : « Dans de telles conditions, de modification permanente du projet en cours de chantier et de succession de planning de recalage, il n'est pas possible de se référer aux engagements de délais contractuels. L'expert rappelle que l'adjonction d'un équipement ne touche pas ce seul élément mais se répercute aussi sur un nombre important d'autres parties d'ouvrages avec les conséquences d'effectifs et d'approvisionnements en matériels qui s'en suivent,

  • la date d'achèvement prévue au marché ne pouvait supporter un tel bouleversement en cours de chantier,

  • les travaux modificatifs et supplémentaires postérieurs à la mise en service, tout autant que la phase de restructuration qui s'en suivra (voir par ailleurs) démontrent, s'il était nécessaire, que le projet n'était pas finalisé,

  • un tel accroissement de travaux « à délai constant » ne pouvait que provoquer la situation qui s'est révélée,

  • si des retards ont bien été enregistrés dans l'exécution du lot 16.3, au vu des éléments rapportés ci-avant, ils ont été chroniques et ne pouvaient être résorbés dans le contexte perpétuel de glissement de planning qui ne permet ni de les quantifier, ni d'en attribuer les causes au Groupement d'entreprises confrontées à une situation anormale » ;

Qu'il résulte de ces éléments que les retards dans le déroulement du lot 16.3 ne sont pas imputables à la SAM A. mais aux modifications apportées au projet initial par le maître de l'ouvrage, au retard pris également par les autres corps d'état et à l'absence de finalisation du projet ;

Qu'il ne peut être au surplus reproché à la SAM A. un manquement à son obligation de conseil quant au retard nécessairement pris par ses travaux en raison des modifications dans la mesure où cette dernière a adressé dès le 30 septembre 1999 un courrier au directeur des travaux publics de l'État de Monaco l'alertant notamment sur le fait qu'elle ne pouvait mettre en œuvre les modifications demandées en l'absence d'ordres de service acceptant les devis portant sur les travaux supplémentaires ;

Que la Cour observe enfin que :

  • l'État de Monaco ne justifie nullement que la somme de 628.429,87 euros TTC au titre des astreintes réalisées par la société O.et la prime supplémentaire pour le chantier du L. qu'il a réglée à son assurance résultent directement des retards du lot 16.3,

  • l'État de Monaco ne produit aucune facture justifiant du paiement de la somme de 466.396,23 euros TTC au titre des frais correspondants à la mise en place du personnel de gardiennage à la demande de la commission de sécurité, la pièce 33 constituant un dire qu'il a adressé à l'expert judiciaire portant uniquement détail en page 42 de la somme ;

Qu'au vu de ces éléments, il convient par conséquent de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté l'État de Monaco de sa demande en paiement de la somme de 1.205.249,02 euros au titre des conséquences du retard des travaux ;

Attendu que l'État de Monaco sollicite le paiement des sommes suivantes :

  • 568.191,27 euros au titre des moyens complémentaires pour le contrôle des installations qu'il a dû mettre en place se décomposant comme suit :

• 435.882,95 euros TTC au titre de la mission complémentaire du BUREAU VERITAS pour le contrôle systématique de l'ensemble des installations du SSI inachevées,

• 89.094,58 euros TTC au titre de la participation de la société O. aux essais,

• 23.819,40 euros TTC au titre de la participation de la société N. aux essais,

• 19.394,34 euros TTC au titre des détériorations sur les installations achevées par d'autres corps d'état,

  • 257.112,31 euros au titre des moyens mis en œuvre pour l'achèvement des travaux se décomposant comme suit :

• 148.072,82 euros TTC au titre de la présence des agents du service des travaux publics sur le chantier, occasionnant ainsi des charges supplémentaires évaluées à 5 % du marché de restructuration du système de sécurité incendie, soit 5 % de 2.961.476,31 euros,

• 31.036,96 euros TTC au titre de la mission complémentaire confiée à F. pour la planification et l'encadrement de l'équipe du lot 16.3 en vue de la finalisation du système de sécurité incendie,

• 62.466,60 euros TTC correspondant à 30 % des dépenses au titre de l'assistance des sociétés P. et Q. pour assurer le suivi de la levée des réserves,

• 15.535,93 euros TTC correspondant à 30 % des dépenses au titre de frais de secrétariat spécifique sur le chantier,

  • 2.961.476,31 euros au titre des coûts de restructuration du SSI ;

Que la plupart de ces sommes avancées par l'État de Monaco ont ainsi eu pour objet de pourvoir aux dysfonctionnements du système de sécurité incendie ;

Attendu toutefois qu'aux termes du rapport du 17 janvier 2001 portant étude des travaux du système de sécurité incendie versé aux débats par la SAM A. et non utilement critiqué par les parties, Monsieur D'HOOP indique que les modifications effectuées ou à effectuer sur l'ensemble des corps d'état ont retardé la mise en fonctionnement définitive du système de sécurité incendie, qu'au 12 janvier 2001, les travaux du système de sécurité incendie étaient terminés et pouvaient être réceptionnés sous réserve de nouvelles modifications demandées ultérieurement ou à venir, que les entreprises du groupement ayant réalisé le système de sécurité incendie avaient effectué un travail correct ;

Qu'il indique que les mises au point encore nécessaires et les finitions concernant le système de sécurité incendie sont principalement du fait d'autres entreprises : R. O. S.ET T.;

Que l'expert judiciaire a par ailleurs relevé dans son pré-rapport que l'absence de coordination du système de sécurité incendie indispensable (bien que non obligatoire à Monaco) avait été la cause majeure de la situation, l'étude Uayant bien prévu une telle coordination ;

Qu'en page 45/49 de son pré-rapport, l'expert judiciaire a précisé que le maître de l'ouvrage a été dans l'obligation de restructurer le système de sécurité incendie et à faire reprendre le système de diffusion d'alarme sonore ainsi que l'unité de gestion des issues de secours, tout en soulignant : « Cette restructuration rendue nécessaire dans la mesure où le système mis en place n'était plus viable tant les travaux modificatifs avaient complètement transformé le projet initial (validé par ailleurs par N.. L'expert rappelle que les entreprises du lot 16.3 ne sont pas responsables de cet état de fait qui ne peut en conséquence être interprété comme une malfaçon. Il faut plutôt considérer que l'augmentation du prix considéré par l'état comme un préjudice n'est en fait que la rétribution de travaux supplémentaires et modificatifs du SSI (système de sécurité incendie) non finalisé dans le projet remanié sans cesse tout au long du chantier. Les non-conformités touchant le système de diffusion d'alarme sonore ainsi que l'unité de gestion des issues de secours ont été retenues par l'expert pour un montant de 50.000 euros » ;

Qu'en page 23/210 de son rapport d'expertise, après avoir listé les réserves sur les travaux réalisés au titre du lot 16/3 et les observations des parties lors de ces réunions, Monsieur MANGIALETTO indique : « Toutefois à ce jour et après restructuration du SSI, d'après les lots fournis par l'État de Monaco, toutes les réserves sont levées et l'ensemble des ouvrages ont été réceptionnés. Comme précisé à plusieurs reprises (réponses aux dires des parties) la non-finalisation du projet et la non prise en compte par l'État des travaux réalisés par A/(concernant l'OS 50 essentiellement) ont abouti à une situation de blocage nécessitant une remise à niveau des installations touchant la sécurité incendie » ;

Qu'il résulte de ces éléments l'absence de tout manquement de la SAM A. dans ses obligations dans la mesure où elle n'était pas chargée de la coordination du système de sécurité incendie, où la remise à niveau des installations du système de sécurité incendie résulte d'une situation de blocage de l'État de Monaco concernant l'ordre de service 50 prévoyant des travaux d'asservissement en raison des modifications apportées au projet initial ;

Que l'État de Monaco ne peut valablement reprocher à la SAM A. de ne pas l'avoir informé de ce que le bon fonctionnement du système de sécurité incendie était susceptible d'être compromis du fait des modifications apportées à l'ouvrage dans la mesure où l'expert judiciaire indique en page 153/210 : « la cause principale des non-terminaisons était qu'à l'époque, on ne pouvait se rendre compte que le système tel que réalisé avec des modifications successives ne pourrait pas fonctionner correctement. On s'apercevra en 2003 de la nécessité d'une restructuration du SSI pour répondre aux besoins nouveaux par rapport au marché de base », Monsieur D'HOOP ayant par ailleurs indiqué dans son rapport du 17 janvier 2001 concernant le système de sécurité incendie : « toutes ces modifications sont étudiées au fur et à mesure de l'avancement des travaux par le bureau d'étude technique agissant directement sur le chantier. Les instructions sont données souvent le jour même aux entreprises » ;

Que l'expert judiciaire précise au surplus en page 163/210 : « il ressort que le projet d'origine s'est avéré très insuffisant à la suite des différentes modifications et extensions en cours de chantier. Sur ce constat, le groupement sur demande du maître de l'ouvrage (faisant fonction à cette époque de maître d'œuvre) a établi le devis du 3 août 2000 d'un montant de 5.875.179 francs prévoyant les extensions nécessaires pour remédier aux dysfonctionnements (extensions qui sont reconnus nécessaires puisque reprises dans la refonte ultérieure du SSI par UN V. A/a donc été amenée « en quelque sorte » à établir un cahier des charges redéfinissant le projet en raison de l'absence de maîtrise d'œuvre (architectes). Le maître de l'ouvrage, en possession du devis, ne pouvait en ignorer la teneur (...) » ;

Qu'il résulte de ces éléments que la SAM A. a bien informé l'État de Monaco des dysfonctionnements affectant le système en raison des modifications dans la mesure où il lui a transmis un devis pour y remédier, l'État de Monaco ayant toutefois mis 6 mois pour accepter ce devis tout en n'acceptant de payer les travaux une fois réalisés qu'à hauteur de 3 % du devis ;

Que la Cour observe au surplus que l'État de Monaco ne verse aucune facture attestant de ce qu'il a réglé 19.394,34 euros TTC au titre des détériorations sur les installations achevées par d'autres corps d'état et ne justifie pas non plus avoir exposé des frais de secrétariat spécifiques au chantier en lien avec le lot 16.3 et une somme de 148.072,82 euros TTC au titre de la présence des agents du service des travaux publics sur le chantier en lien avec le lot 16.3 de sorte qu'il ne justifie d'aucun préjudice à ce titre ;

Attendu enfin que l'État de Monaco indique s'être attaché les services de P. et Q. pour assurer le suivi des levées des réserves de l'ensemble des lots dont les ouvrages n'ont pas été terminés au 15 septembre 2000 ;

Qu'il sollicite ainsi le paiement d'une somme de 62.466,60 euros TTC correspondant à 30 % des dépenses au titre de l'assistance des sociétés P. et Q. pour assurer le suivi de la levée des réserves ;

Attendu toutefois que le contrat conclu avec P. avait pour objet de définir la mission d'études consistant à assister le maître de l'ouvrage pour la supervision des travaux de finition, en suppléance du maître d'œuvre ;

Que l'intervention de cette société l'ayant été en suppléance des architectes sans que l'État de Monaco ne démontre en quoi le coût de cette intervention est imputable à la SAM A. ;

Qu'au vu de ces éléments, il convient par conséquent de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté l'État de Monaco de ses demandes reconventionnelles ;

Sur l'appel en garantie de l'État de Monaco à l'encontre des architectes

Attendu que l'État de Monaco demande à être relevé et garanti des condamnations prononcées à son encontre par f. B. et f. C. architectes, aux motifs que ces derniers avaient en charge en vertu de l'article 10.3 du contrat la mission de recueillir les avis des services concernés en matière de sécurité incendie et de réaliser les plans et les vérifications techniques détaillées des travaux des divers corps d'état dont la sécurité incendie ;

Qu'il indique ainsi : « qu'à supposer que la société A. puisse réclamer l'allocation de sommes représentant des travaux rendus nécessaires par la défaillance des architectes dans la conception, la finalisation et la conception du système de sécurité incendie, f. B. et f. C. doivent le relever et garantir » ;

Attendu que c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que la coordination des travaux SSI (système de sécurité incendie) relevait de la mission des architectes ;

Qu'il résulte en effet que :

  • si une mission de coordination portant sur le lot SSI n'a pas été expressément confiée aux architectes aux termes du contrat d'études, de contrôle et de coordination conclu entre l'État de Monaco, f. B. et f. C. le 14 mai 1996, les articles 10.2 et 10.3 de ce contrat au titre des « prestations dues par l'architecte » stipulent que le recueil de l'avis du service de sécurité incendie fait partie des démarches qui doivent être réalisées par le maître d'œuvre tant au titre de l'avant-projet que du projet général,

  • la partie SSI n'est pas mentionnée dans les prestations exclues des architectes telles que visées à l'article 2.5 du contrat,

  • dans la partie de ce contrat relative à la direction du chantier et au contrôle général des travaux (10.7), il est indiqué que « l'Architecte assure la direction des travaux. Elle s'effectue à compter du 11 mai 1995 jusque et y compris les essais de réception de l'ouvrage. L'architecte a pleine autorité sur le chantier, et donne aux entrepreneurs les directives propres à assurer le respect des dispositions prévues au marché, sans pour autant dégager les entreprises de leurs obligations contractuelles et de leur responsabilité d'étude technique, de mise en œuvre, de surveillance et de sécurité »,

  • le contrat stipule également que : « l'Architecte assure notamment :

a) La fourniture de tous les éléments nécessaires à l'OPC en vue de l'organisation et de la mise au point du planning général définitif en liaison avec les entreprises qui devront l'accepter, en vue de la coordination dans le temps et dans l'espace de l'exécution des travaux et fournitures faisant l'objet des divers lots techniques entrant dans la composition des marchés »,

  • aux termes du jugement du 1er mars 2007 intervenu dans le cadre d'une instance engagée devant le Tribunal de première instance de Monaco entre le Groupement des architectes pour la construction du L. et Messieurs C. et B. d'une part, et l'État de Monaco d'autre part, le lot n° 16-3 a donné lieu à la condamnation de l'État à payer aux architectes la somme de 349.750 Francs HT représentant le cout des études d'exécution sur les asservissements incendie,

  • le jugement du 1er mars 2013 se réfère également à l'article 10.3 du Contrat d'études et retient que « les architectes sont donc mal fondés à soutenir, comme ils l'ont déjà fait en cours de chantier (...) que l'établissement du dossier du système de sécurité incendie ne leur incombait pas, mais aurait dû faire l'objet d'une mission complémentaire confiée à un bureau d'études spécialisé »,

  • aux termes de ce jugement, pour retenir l'intégration de cette tâche à la mission des architectes, il est mentionné en page 39 : « Attendu que l'article 10.3 du contrat d'études, de contrôle et de coordination donne notamment aux architectes la mission de recueillir les avis des services concernés en matière de sécurité incendie et de réaliser les plans et spécifications techniques détaillées des travaux des divers corps d'état en ce qui concerne les équipements techniques des différents lots secondaires parmi lesquels figure la protection incendie »,

  • en page 35 de son rapport, l'expert indique que « le marché du Groupement prévoyait la fourniture d'un dossier SSI : La Maîtrise d'œuvre a obligé le Groupement à mettre à sa disposition un ingénieur agréé APMIS pour réaliser la coordination SSI (prestation à la charge de la Maîtrise d'œuvre) tout en lui refusant le devis correspondant de prise en charge une tâche qui ne lui incombait pas » ;

Que les premiers juges ont également estimé à juste titre que :

  • si la coordination incendie est exclue, à Monaco, de l'activité des architectes dont les devoirs et obligations sont fixés par ordonnance princière, les architectes ne justifient cependant pas de cette règle qui ferait obstacle à ce qu'ils soient chargés d'une telle mission,

  • il ne ressort pas de la règlementation de la profession d'architecte (l'ordonnance-loi modifiée n° 341 du 24 mars 1942 et l'ordonnance n° 3.269 du 12 mai 2011) que la coordination de travaux d'installation d'un SSI ne puisse pas faire partie des missions données à ces professionnels ;

Qu'il résulte ainsi du contrat entre le maître d'ouvrage et le maître d'œuvre et du jugement du 1er mars 2007 que la coordination de la partie SYSTÈME DE SÉCURITÉ INCENDIE du chantier entrait bien dans la mission des architectes ;

Que pour autant, l'État de Monaco ne sollicite pas la condamnation des architectes au paiement des frais qu'il a dû engager pour remettre à niveau le système de sécurité incendie, étant observé qu'il a été débouté de cette demande à l'encontre de la SAM A. ;

Que l'État de Monaco a en effet été condamné à verser à la SAM A. la somme de 2.867.144,78 euros HT au titre des travaux supplémentaires impayés dont il demande à être relevé et garanti par les architectes ;

Attendu toutefois que ces travaux supplémentaires ont été voulus par l'État de Monaco ;

Que ce dernier ne démontre pas en quoi ces travaux supplémentaires résultent de la défaillance des architectes dans leur mission de coordination du système de sécurité incendie, compte tenu du bouleversement de l'économie du chantier ;

Qu'il convient dès lors de confirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a débouté de son appel en garantie à l'encontre des architectes ;

Que l'État de Monaco étant débouté de son appel en garantie à l'encontre des architectes, c'est à bon droit que les premiers juges ont constaté que l'appel en garantie des architectes à l'encontre de la E. venant aux droits de F.et à l'encontre de la SARL F. sont sans objet ;

Sur les demandes de dommages et intérêts

Attendu que la SAM A. f. B.et f. C. n'ont pas interjeté appel du chef de jugement les déboutant de leur demande de condamnation de l'État de Monaco pour instance abusive de sorte que ces chefs de jugement sont définitifs ;

Attendu que la SAM A. sollicite la condamnation de l'État de Monaco au paiement de la somme de 50.000 euros pour appel abusif aux motifs que la résistance de l'État de Monaco dans le cadre des opérations d'expertise qui ont consacré sa créance et dans le cadre de la procédure d'appel apparaît abusive, qu'elle a été privée de trésorerie depuis de nombreuses années et qu'elle doit engager des frais de conseil et de représentation non compris dans les dépens ;

Attendu que si l'exercice des voies de droit constitue un droit fondamental, il n'en est pas pour autant absolu et peut être sanctionné en cas d'abus, lequel est caractérisé notamment lorsque la procédure est particulièrement infondée, téméraire ou malveillante ;

Que le fait de présenter en cause d'appel des critiques déjà soumises aux premiers juges ne caractérise pas en soi un exercice abusif de la voie de recours exercée ;

Qu'il convient par conséquent de débouter la SAM A. de sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif ;

Attendu que f. B.et f. C. qui sollicitent la condamnation de l'État de Monaco au paiement de la somme de 50.000 euros ne démontrent pas en quoi l'appel de l'État de Monaco serait abusif en l'absence de démonstration d'une procédure infondée, téméraire ou malveillante à leur encontre ;

Qu'il convient par conséquent de les débouter de leur demande de dommages et intérêts ;

Attendu que la société D. anciennement dénommée E. venant elle-même aux droits de la F. sollicite la condamnation du groupement d'architectes, l'État de Monaco ou de tout autre succombant à 50.000 euros de dommages et intérêts pour instance abusive, soulignant que l'État de Monaco ne formule aucune demande à son encontre ;

Que la société F. sollicite également la condamnation de toute partie succombante à 10.000 euros de dommages et intérêts pour instance abusive, conformément à l'article 1229 du Code civil ;

Que si l'État de Monaco a assigné en appel la société D. et la société F. à l'encontre desquelles il ne formule en effet aucune demande ni ne met en cause leur responsabilité, cet élément est insuffisant pour caractériser toute intention de nuire, malveillance ou intention de nuire de ce dernier, étant observé au surplus que ces sociétés ne démontrent aucune faute susceptible de caractériser un appel abusif des architectes, qui ne les ont pas attraites en appel ;

Qu'il convient dès lors de les débouter de leur demande de dommages et intérêts pour appel abusif ;

Sur les dépens de l'instance

Que compte tenu de la solution du litige, il convient de condamner l'État de Monaco aux entiers dépens de l'appel, le jugement déféré étant confirmé en ce qu'il l'a condamné aux dépens de première instance ;

Sur les demandes fondées sur l'article 238-1 du Code de procédure civile

Attendu que l'État de Monaco qui succombe est débouté de sa demande de condamnation de la SAM A. de f. B.et de f. C.au paiement de la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 238-1 du Code de procédure civile ;

Attendu que non sans contradiction, l'État de Monaco, qui sollicite une indemnité fondée sur l'article 238-1 du Code de procédure civile, s'oppose à sa condamnation au paiement de cette indemnité au profit des intimés, soutenant que ces dispositions n'étaient pas en vigueur et que l'octroi d'une telle indemnité reviendrait à donner un effet rétroactif à la loi en violation de l'article 2 du Code civil ;

Attendu toutefois que l'article 69 de la loi n° 1.511 du 2 décembre 2021 portant modification de la procédure civile dispose : « Les dispositions suivantes dans leur rédaction issue de la présente loi sont d'application immédiate à toutes les procédures en cours à la date d'entrée en vigueur de la présente loi : (...) les articles 237 et 238-1 du Code de procédure civile » ;

Que l'instance opposant les parties étant ainsi en cours à la date d'entrée en vigueur de la loi n° 1.511 du 2 décembre 2021 et les dispositions transitoires pouvant déroger à l'article 2 du Code civil, c'est à bon droit que les intimés formulent des demandes sur le fondement de l'article 238-1 du Code de procédure civile ;

Qu'il est équitable de condamner l'État de Monaco qui succombe à verser en vertu de l'article 238-1 du Code de procédure civile :

  • la somme de 25.000 euros à la SAM A.

  • la somme de 15.000 euros à f. B. et à f. C. pris ensemble,

  • la somme de 15.000 euros à la société D.

  • la somme de 15.000 euros à la société F.;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant publiquement et contradictoirement,

Déclare l'appel de l'État de Monaco recevable,

Confirme le jugement rendu par le Tribunal de première instance en date du 14 janvier 2021 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute la SAM A. f. B. f. C. la société D.et la société F.de leur demande de dommages et intérêts pour appel abusif,

Condamne l'État de Monaco à verser en vertu de l'article 238-1 du Code de procédure civile :

  • la somme de 25.000 euros à la SAM A.

  • la somme de 15.000 euros à f. B. et à f. C. pris ensemble,

  • la somme de 15.000 euros à la société D.

  • la somme de 15.000 euros à la société F.

Condamne l'État de Monaco aux dépens d'appel, distraits au profit de Maître Frank MICHEL, Maître Patricia REY, Maître Joëlle PASTOR-BENSA, Maître Xavier-Alexandre BOYER, avocats-défenseurs, sous leur due affirmation, chacun en ce qui le concerne,

Ordonne que les dépens distraits seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,

Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, et qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement,

Composition🔗

Ainsi jugé et rendu au Palais de Justice, à Monaco, le 14 MARS 2023, par Madame Françoise CARRACHA, Conseiller, faisant fonction de Président, Madame Sandrine LEFEBVRE, Conseiller, Madame Marie-Hélène PAVON-CABANNES, Conseiller, assistées de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Monsieur Morgan RAYMOND, Procureur général adjoint.

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