Cour d'appel, 24 janvier 2023, SCP A. c/ SAM C.

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Abstract🔗

Bail commercial - Indemnité d'éviction - Évaluation - Valeur du droit au bail - Critères d'évaluation - Locataire évincé - Préjudices - Réparation

Résumé🔗

En vertu de l'article 9 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948, modifiée, le montant de l'indemnité d'éviction est « égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement » du bail commercial. En cas de réinstallation ou de transfert de l'activité, l'indemnité représentera notamment la valeur du droit au bail d'un local de remplacement ou d'un local équivalent à celui, objet de l'éviction, les frais de réinstallation et de déménagement. L'indemnité d'éviction doit être évaluée à la date du départ des lieux par le locataire.

Concernant la pondération, le principe de l'application de coefficients en tenant compte de l'usage, la commodité, de l'étage et de l'utilité de chaque surface par rapport à celle accueillant le cœur du métier de locataire est communément retenu. La notion de « centre-ville », qui est utilisée dans le pays voisin pour distinguer les emplacements commerciaux, ne trouve pas nécessairement le même écho en Principauté de Monaco - qui constitue un Etat-Commune de seulement de 2 km² - au sein duquel l'intérêt commercial d'une installation ainsi que la rareté d'un local en fonction de sa surface peuvent avoir une incidence sur la valeur du droit au bail et la perspective de profit.

Le locataire évincé est également fondé à solliciter réparation des autres préjudices liés au transfert de l'activité. Le locataire évincé ne rapporte pas concrètement la preuve du délai nécessaire pour faire procéder au déménagement et le nombre de ses salariés mobilisés pour ce faire, en sorte que les premiers juges l'ont justement débouté de ce chef de demande. La CALC a également estimé à bon droit que la C. était fondée à obtenir remboursement des frais d'aménagement et d'agencement des nouveaux locaux de l'impasse des carrières au sein desquels elle exerce l'activité précédemment mise en œuvre dans le local dont elle a été évincé.

Le coût de remise en état du local, objet de l'éviction, est sans incidence sur le montant de l'indemnité d'éviction, laquelle évalue le préjudice subi par le locataire évincé du fait de son éviction et ne pourrait, en tout état de cause, donner lieu à aucune condamnation et compensation à l'occasion de la présente instance qui s'inscrit dans le cadre de la compétence d'attribution de la CALC dans les conditions fixées par la loi n° 490 du 24 novembre 1948.

Le locataire évincé est en droit d'obtenir réparation du trouble commercial pendant le temps nécessaire à la réinstallation mais également de la perte partielle de sa clientèle liée à la réduction de ses locaux.


COUR D'APPEL

R.

ARRÊT DU 24 JANVIER 2023

En la cause de :

  • La société civile particulière monégasque dénommée A., dont le siège est sis X1 à Monaco, agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice, Monsieur j-p. B. demeurant en cette qualité à X2 X2à Monaco ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

APPELANTE,

d'une part,

contre :

  • La société anonyme monégasque dénommée C., dont le siège est sis à Monaco, X3 prise en la personne de son administrateur délégué en exercice, Monsieur m. D. demeurant en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

INTIMÉE,

d'autre part,

Visa🔗

LA COUR,

Vu le jugement rendu par la Commission Arbitrale des Loyers Commerciaux, le 7 juillet 2021 (R. 5231) ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Frédéric LEFEVRE, huissier, en date du 14 octobre 2021 (enrôlé sous le numéro 2022/000027) ;

Vu les conclusions déposées les 31 janvier 2022 et 31 mai 2022 par Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, au nom de la société anonyme monégasque dénommée C. ;

Vu les conclusions déposées le 26 avril 2022 par Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de la société civile particulière monégasque dénommée A. ;

À l'audience du 14 juin 2022, ouï les conseils des parties en leurs plaidoiries ;

Motifs🔗

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par la société civile particulière monégasque dénommée A. à l'encontre d'un jugement rendu par la Commission Arbitrale des Loyers Commerciaux le 7 juillet 2021.

Considérant les faits suivants :

Suivant acte du 3 janvier 1990, enregistré, la A. a donné à bail à compter du 1er novembre 1989 à la C. pour l'exercice de son activité commerciale, un local à usage de garage, avec entrepôts attenants, situé au rez-de-chaussée de l'immeuble X4à Monaco, pour une période de trois années, renouvelable pour de mêmes périodes par tacite reconduction, sauf dénonciation par l'une ou l'autre des parties en lettre recommandée avec accusé de réception six mois avant l'échéance de chaque période triennale, moyennant un loyer annuel révisable de 144.000 francs.

Par acte d'huissier signifié le 17 avril 2001, la A. a délivré congé à la C. (ci-après C. conformément aux dispositions de l'article 4 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 sur les loyers commerciaux, l'échéance du bail étant le 31 octobre 2001.

Selon exploit en date du 16 mai 2002, la C. a fait assigner la A. devant la Commission arbitrale des loyers commerciaux en paiement d'une indemnité d'éviction de 3.593.528,20 euros, en se fondant sur le rapport d'évaluation de Bettina DOTTA-RAGAZZONI.

Par jugement du 16 décembre 2009, ladite Commission s'est déclarée incompétente pour connaître de la question inhérente à l'existence d'un fonds de commerce et a sursis à statuer sur le surplus des demandes.

Suivant jugement du 2 juin 2010, la même Commission a dit et jugé que la C. était en droit de prétendre à une indemnité d'éviction et a ordonné une expertise avant dire droit au fond sur le montant de cette indemnité.

L'expert initialement commis a été remplacé par Patricia MANNARINI-SEURT, laquelle a déposé son rapport le 27 mai 2015.

Selon jugement du 14 octobre 2020, la C. a été déboutée de sa demande de nouvelle expertise par la Commission arbitrale des loyers commerciaux.

Dans le cadre d'une procédure parallèle, le Tribunal de première instance a, par jugement du 24 mars 2016, ordonné l'expulsion de la C. desdits locaux dans le délai d'un mois à compter de sa signification, au besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier, et en cas d'inexécution, sous peine d'astreinte de 200 euros par jour de retard.

Le Président de la Commission arbitrale des loyers commerciaux a fixé, par ordonnance du 25 novembre 2016, à la somme de 662.934,90 euros le montant de l'indemnité d'éviction provisionnelle devant être versée par la A. à la C. en ordonnant l'expulsion de cette dernière dans le délai de deux mois à compter du paiement de ladite indemnité provisionnelle, et si besoin, avec le concours de la force publique et d'un serrurier.

Cette décision a été confirmée en toutes ses dispositions selon arrêt de la Cour d'appel du 13 juin 2017, tandis que le pourvoi a été rejeté suivant arrêt de la Cour de révision du 27 novembre 2017.

Un procès-verbal d'expulsion a été établi le 30 janvier 2018 par huissier, à la requête de la A. tandis que la C.a transféré son activité au 8 Impasse des carrières à Monaco.

Par jugement du 7 juillet 2021, la Commission arbitrale des loyers commerciaux a fixé à la somme de 2.618.963,84 euros le montant de l'indemnité d'éviction due par la A. à la C. en la condamnant au paiement de cette somme sous déduction de la provision de 662.934,90 euros déjà perçue, rejeté le surplus des demandes des parties, condamné la A. aux dépens comprenant ceux réservés par jugements des 16 décembre 2009, 2 juin 2010 et 14 octobre 2020, avec distraction au profit de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur sous sa due affirmation.

Les premiers juges ont estimé pour l'essentiel que :

  • en l'état du transfert d'activité de la C. il convient d'évaluer la valeur locative d'un nouveau droit au bail équivalent, outre les frais accessoires,

  • la commission n'est pas liée par les conclusions de l'expert, dont la valeur probatoire est soumise à l'appréciation souveraine des juges du fond,

  • la valeur du droit au bail de remplacement doit être fixée à la somme de 2.200.000 euros en tenant compte des caractéristiques des locaux (situation, configuration des lieux, surface pondérée, loyer annuel révisé, marché immobilier monégasque, vétusté des équipements, absence de vitrine sur la rue), des éléments développés par l'expert et des estimations produites (agences immobilières, rapport BRYCH à l'exclusion du rapport RAGAZZONI qui ne concernait pas le transfert d'activité dans un nouveau local),

  • la C. ne produit aucune pièce susceptible de démontrer la réalité ou l'ampleur du préjudice concernant le déménagement, si bien que la demande formulée de ce chef doit être rejetée,

  • en l'état de la note d'honoraires finale du Cabinet d'architectes NOTARI (326.463,83 euros HT) ainsi que des diverses factures non comprises dans cette note concernant le matériel et les interventions justifiées pour le réaménagement du local, dont il est démontré la réalité du paiement au moyen d'extraits du grand livre fournisseurs, il doit être alloué la somme de 418.963,84 euros au titre des frais d'agencement,

  • la C. ne peut prétendre -à l'exclusion de la perte du chiffre d'affaires de l'activité exercée dans les nouveaux locaux- qu'à la perte d'exploitation pendant le temps nécessaire à la réinstallation dont il n'est pas justifié en l'espèce.

Suivant assignation du 14 octobre 2021, la A. a interjeté appel de ladite décision en sollicitant sa réformation en toutes ses dispositions et a demandé à la Cour, statuant à nouveau, de :

  • constater que la C. s'est réinstallée en Principauté de Monaco dans son local sis X5 à 50 mètres du local objet de l'éviction,

  • dire et juger que, dans la mesure où la C. disposait déjà de ce local avant l'éviction, elle ne peut prétendre à aucune indemnité de remploi,

  • dire et juger que la C. n'a subi aucun trouble commercial du fait de l'éviction,

  • dire et juger que la C. n'a engagé aucun frais de déménagement,

  • dire et juger que la C. ne justifie pas de la nécessité de réaliser des travaux de rénovation du local sis X5pour sa réinstallation,

En conséquence,

  • fixer l'indemnité d'éviction à la somme de 270.000 euros, correspondant à la valeur du droit au bail,

  • dire et juger que la A. a d'ores et déjà versé à la C.la somme de 662.934,90 euros à titre d'indemnité d'éviction provisionnelle en exécution de l'ordonnance rendue par le Président de la Commission Arbitrale des Loyers Commerciaux le 25 novembre 2016, confirmée par arrêt de la Cour d'appel du 13 juin 2017,

  • condamner la C. en fonction de l'indemnité d'éviction qui sera retenue par la Commission, à rembourser à la A. le surplus des sommes en sa possession,

  • débouter la C. de toutes ses demandes, fins et prétentions,

  • condamner la C. aux entiers dépens de première instance et d'appel, distraits au profit de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Par des conclusions ultérieures du 26 avril 2022, la A. a maintenu ses prétentions, y ajoutant une demande de condamnation de la partie adverse au paiement de la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 238-1 du Code de procédure civile au titre des frais exposés pour faire valoir ses droits.

Elle soutient en substance que :

  • si le juge n'est pas lié par l'avis de l'expert judiciaire, en application de l'article 368 du Code de procédure civile, il lui appartient toutefois d'indiquer pour quels motifs il choisit d'écarter ses conclusions, alors que tel n'est pas le cas en l'espèce,

  • l'expert a pourtant effectué, durant 4 années, un travail particulièrement minutieux, détaillé et précis pour évaluer objectivement l'indemnité d'éviction, et a même pris la peine de le faire en fonction de 4 hypothèses suivant la réinstallation ou non en Principauté ou dans les communes limitrophes, pour des montants compris entre 443.655 euros et 968.275 euros, tandis que la valeur du droit au bail a été fixée à 270.000 euros,

  • le rapport d'expertise ne souffre d'aucun manquement, ni omission, en sorte qu'elle ignore pour quelles raisons la CALC l'a écarté aux termes d'un jugement qui souffre d'un manque évident de motivation sur ce point,

  • les estimations des agences immobilières produites par l'intimée ont été analysées par l'expert judiciaire qui a expliqué de manière exhaustive qu'elles n'étaient pas justifiées (page 67 de la pièce n° 8),

  • la CALC semble s'être fondée sur l'analyse de Monsieur BRYCH dont l'exposé des spécificités de la Principauté est sans rapport avec le débat et ne peut suffire à remettre en cause le rapport d'expertise,

  • la réinstallation du fonds de commerce en France ne constitue un « exil » que du point de vue de la C. puisque d'autres marques ont décidé stratégiquement de réinstaller leurs ateliers en France, dont la marque AUDI, concession que l'intimée exploitait avant de la perdre, certainement au regard des avantages à tirer (montant des loyers inférieur), alors qu'en tout état de cause, ce débat n'a pas lieu d'être puisqu'une réinstallation est effective en Principauté, à proximité du local, objet de l'éviction,

  • Monsieur BRYCH se contente de se référer aux 3 attestations des agences immobilières qui ne sont pas pertinentes, affirme que le bien est rare tout en faisant référence à sa vétusté et manifeste un parti-pris en faveur du locataire,

  • le prétendu acharnement judiciaire est inexistant et ce d'autant que depuis le congé du 17 avril 2001, la C. a pu se maintenir dans les lieux et exercer son activité,

  • l'évaluation de Monsieur BRYCH à 4,5 millions d'euros ne repose sur aucune appréciation d'ordre technique et relève de la simple affirmation, si bien qu'elle ne peut contredire celle de l'expert,

  • la Cour d'appel avait déjà relevé, dans son arrêt du 13 juin 2017, que le rapport privé du cabinet BRYCH ne contient aucune démonstration sérieuse et rigoureuse sur le plan méthodologique pour parvenir à l'évaluation de 4,5 millions d'euros,

  • la CALC ne pouvait dès lors sérieusement se référer à ce rapport de Monsieur BRYCH,

  • les premiers juges ont écarté les conclusions de l'expert pour retenir les estimations pour le moins critiquables des agences immobilières et retenir une valeur de droit au bail de 2.200.000 euros, ce chiffrage étant dépourvu de toute motivation, et faisant une moyenne entre la valeur la plus haute et la plus basse,

  • la valorisation du droit au bail ne peut être fondée sur les quelques constatations énumérées aux termes du jugement,

  • l'expert a qualifié le bien de rare mais pas de manière positive et en décorrélant cette rareté de la valeur au droit du bail, si bien que la CALC ne pouvait retenir une valeur 8 fois supérieure à celle de l'expert sans s'expliquer sur la méthodologie de calcul retenue,

  • s'agissant de la surface, celles citées par les agences immobilières variant entre 680 et 851m2 ne sont pas pertinentes puisque ces dernières n'ont pas visité les lieux et se sont contentées de la déclaration du locataire, tandis que l'expert a procédé à un mesurage précis et que les premiers juges n'ont pas mentionné la surface finalement retenue,

  • si l'intimée évoque une réinstallation provisoire au X5 force est de constater qu'elle dispose de ce local depuis le début de la procédure (pièce n° 15),

  • l'hypothèse de réinstallation dans ce local, lequel est situé à 50 mètres de celui, objet de l'éviction, n'a jamais été envisagée, ni proposée au cours de l'expertise même si elle constitue une solution tout à fait pertinente laquelle a donné lieu à un accord du groupe G. et reste pérenne trois années plus tard, avec des installations manifestement définitives (façade repeinte, logo posé),

  • le local initial situé au sein d'une impasse privée n'avait pas plus de visibilité que celui aujourd'hui occupé, seul un panneau permettant de guider le client vers le garage,

  • l'intérêt d'une vitrine s'agissant d'un atelier de service après-vente dont la clientèle ne passe pas par hasard est mineur,

  • l'expert s'est parfaitement expliqué sur sa méthode de calcul du droit au bail, en sorte que devra être retenue la somme de 270.000 euros, étant souligné que le droit au bail du local exploité par le garage E. au X6 a été cédé pour un prix de 230.000 euros,

  • contrairement aux affirmations de l'intimée sur ce point, la CALC n'a pas suivi son argumentation sur les critiques du rapport d'expertise mais s'est basée sur les constatations de l'expert pour faire ensuite sa propre évaluation de l'indemnité d'éviction,

  • le dire du 27 avril 2015 qui comporte l'ensemble des critiques renouvelées à propos du rapport d'expertise a donné lieu à une réponse pertinente de l'expert mais ne saurait remettre en cause le travail réalisé,

  • l'expert a utilisé deux méthodes de valorisation du fonds de commerce qui aboutissent à une valorisation quasi similaire à la méthode des barèmes professionnels,

  • la vente d'un bien immobilier (s'agissant d'un parking) ne peut être comparée à la valeur d'un droit au bail,

  • l'expert a procédé à une analyse précise du marché monégasque qui lui a permis de retenir une valeur pondérée du droit au bail de 750 euros le m2, alors que la situation du local (à usage de SAV automobile, en mauvais état, en périphérie de Monaco et sans vitrine) ne peut être comparée avec celles qualifiées de prestigieuses du carré d'or ou du boulevard des moulins, ou avec celle d'un local de 100 m2 situé au sein de l'hôtel de Paris, et vient confirmer le caractère irréaliste de la valorisation à 2.000.000 euros au regard du marché monégasque,

  • de surcroît, la rareté des locaux à Monaco ou l'ancienneté de l'exploitation n'implique pas une valorisation démesurée du droit du bail,

  • le local a été restitué dans un état avancé de délabrement et ne pouvait être exploité avant une remise en état complète selon l'inspection du travail,

  • il n'est fourni aucun justificatif s'agissant de la cession du droit au bail de locaux situés à l'impasse des carrières, envisagée avec la SAM F. pour un montant d'un millions d'euros, dont il n'a jamais été fait état auparavant,

  • la pondération des surfaces est parfaitement fondée et se justifie dans la mesure où les différentes parties du local ne sont pas interchangeables ou équivalentes, l'expert ayant très clairement analysé la situation, étant rappelé que les locaux étaient atypiques, composés de trois étages dont le dernier était dans un état de délabrement avancé, avec une configuration peu commode,

  • la surface utile de 645 m2 était dès lors justifiée alors que la portée de son courrier de 1996 évoquant une surface de 851m2 est relative puisqu'elle n'est pas géomètre et que cette déclaration n'est pas de nature à remettre en cause la pondération retenue,

  • l'expert s'est justifié sur la méthode du différentiel de loyer en indiquant que la comparaison restait possible (page 63 de son rapport),

  • il a été tenu justement compte des facteurs négatifs pour déterminer la valeur du droit au bail, tels que le manque de visibilité du local, la largeur de la voie d'accès, la configuration atypique des lieux et l'état dégradé du local, avec la production de clichés et une réponse aux critiques,

  • la lettre établie le 18 avril 2017 par le chef de département du Groupe G. x. H. n'est pas pertinente pour contester le rapport d'expertise,

  • cette correspondance confirme l'indépendance des contrats de concession et réparation, alors que l'activité de réparation de la C. est largement déficitaire,

  • l'hypothétique préjudice lié à l'activité de distribution n'entre pas en ligne de compte dans l'évaluation de l'indemnité d'éviction,

  • à suivre l'intimée, l'indemnité d'éviction devrait prendre en considération le profit que la A. devrait réaliser grâce au projet immobilier en cours,

  • ce n'est qu'au mois de juin 2015, soit 14 ans après le congé, qu'elle a entendu reprendre la jouissance de ses locaux et a attendu que l'expert judiciaire fixe l'indemnité d'éviction pour solliciter l'expulsion,

  • il n'est dès lors pas sérieux de soutenir que l'éviction aurait été motivée par une opération immobilière intervenue 18 années après le congé,

  • l'indemnité d'éviction vise à réparer le préjudice causé par le défaut de renouvellement du bail et en aucune manière en tenant compte du profit susceptible d'être réalisé par la reprise des locaux,

  • s'agissant des indemnités accessoires, il n'est pas établi que les travaux étaient nécessaires à la réinstallation de la C. dans les locaux, alors que les factures produites ne détaillent pas précisément les travaux en cause,

  • les extraits des grands livres ne sont pas certifiés par les commissaires aux comptes et sont inexploitables faute d'explication, alors que seulement certaines factures s'y retrouvent,

  • le fait que le local ait été utilisé comme atelier pour les véhicules utilitaires démontre qu'il était déjà aux normes G.

  • le constat d'état des lieux de sortie du 30 janvier 2018 établit l'état avancé de délabrement des locaux loués, alors qu'il incombait au preneur d'entretenir le local,

  • elle a fait réaliser en 2014 les réparations relatives aux infiltrations d'eau et à la fin du mois de décembre 2016, la C. a déclaré faire une déclaration de sinistre auprès de son assureur et indiqué qu'elle n'a subi aucun dommage,

  • l'état du local n'a pas empêché d'exploiter le fonds de commerce même s'il ne correspondait pas aux standards du groupe G.

  • le devis établi selon les préconisations de l'inspection du travail chiffre les travaux de remise en conformité du local loué pour un montant de 227.478,24 euros TTC, dont le coût devra être supporté par l'intimée,

  • la CALC a justement rejeté les autres demandes formulées par la C. concernant l'indemnité de remploi (local déjà disponible avant l'éviction, absence de frais à cet égard), le trouble commercial (déménagement préparé 10 mois avant le départ, proposition d'honoraires de l'architecte NOTARI du 10 mars 2017, absence d'interruption d'activité), les frais de déménagement (aucune justification en ce sens),

  • la perte du chiffre d'affaires de 100.100 euros par an ne repose sur aucun élément objectif mais sur une estimation arbitraire des entrées théoriques de véhicules utilitaires par mois et celles effectivement réalisées, en sorte que cette demande ne saurait davantage prospérer.

Suivant conclusions du 28 janvier 2022, la C. a sollicité la réformation partielle de la décision entreprise et la fixation de l'indemnité d'éviction à la somme globale de 5.502.000 euros, et ce, après que la Cour, si elle l'estimait nécessaire, au regard de l'évolution de la situation en cours de procédure, de désigner un nouvel expert judiciaire parmi les professionnels de la place afin d'évaluer l'indemnité d'éviction définitive.

Par des conclusions du 31 mai 2022, elle a ajouté une demande en paiement de la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 238-1 du Code de procédure civile.

Elle fait valoir pour l'essentiel que :

  • la CALC n'a pas homologué le rapport d'expertise judiciaire mais a nécessairement et implicitement constaté que ses conclusions ne pouvaient être entérinées tant il est manifeste que la valorisation de l'indemnité d'éviction et tout particulièrement du droit au bail était éloignée de la réalité du marché monégasque et de ses spécificités,

  • la CALC, qui n'était pas tenue par l'intégralité desdites conclusions expertales conformément à l'article 368 du Code de procédure civile, a tenu compte des critiques formulées à son égard qui sont réitérées en cause d'appel,

  • la CALC (composée de professionnels qui connaissent parfaitement le marché monégasque) a pris en considération l'ensemble des éléments à sa disposition (en ce compris le rapport d'expertise non entériné) pour retenir une évaluation non satisfactoire (car inférieure à la valorisation objective à laquelle elle prétend) mais néanmoins plus conforme au marché monégasque,

  • elle a mis en lumière, à travers son dire adressé à l'expert le 27 avril 2015, la sous-évaluation du préjudice lié au non-renouvellement de son bail commercial, lequel consiste notamment dans les frais de déménagement et de réinstallation, la perte de chiffre d'affaires lors du transfert d'activité, l'indemnisation du supplément éventuel de loyer et surtout l'indemnisation de la valeur du droit au bail perdu,

  • en Principauté, vu l'exigüité du territoire et de la difficulté à trouver un local équivalent (impossible dans le cas d'espèce), le chef de préjudice le plus important consiste en la perte du droit au bail,

  • la méthode d'évaluation du droit au bail par comparaison est la seule qui peut être retenue à Monaco pour s'attacher à une nécessaire approche du marché immobilier monégasque,

  • les évaluations réalisées par des professionnels, dont elle justifie, sont ainsi bien plus conformes au marché monégasque que l'évaluation surréaliste de l'expert à la somme de 270.000 euros qui correspond à peine au prix d'un parking,

  • les locaux occupés depuis 1957 comportent une superficie commercialisable de 851 m2 (comme l'a reconnu la A. dans un courrier adressé au locataire en se basant sur un plan des lieux, pièce n° 66), alors qu'il n'y a pas lieu à une quelconque pondération (non visée par le bailleur lors de la fixation d'un nouveau loyer, facteurs de commercialité encensés à l'époque),

  • l'expert a utilisé un coefficient d'emplacement comme appliqué en France, ce qui n'a aucun sens en Principauté, la circonstance que les locaux se situent à Monaco étant au demeurant un avantage considérable,

  • les professionnels de la place ont fourni des évaluations comprises entre 4.080.000 euros et 5.500.000 euros HT, et deux d'entre eux ont eu accès à la base des données informatiques de la Chambre immobilière monégasque (13 produits à la vente recensés par L.et 8 locaux à usage de garage automobile ou d'atelier de réparation par l K., alors que dans tous les cas, il a été tenu compte de la situation du local, les points négatifs et positifs (facteurs de commercialité) ayant été intégrés à l'estimation, en ce compris la rareté du bien, ce qui aboutit à une valorisation du m2 à 6.000 euros,

  • elle avait attiré l'attention de l'expert sur l'existence d'un local comprenant un atelier d'une surface brute de 790 m2 disponible pour un prix de 7,5 millions d'euros, à savoir la station-service sous l'enseigne I(dont il n'a pas tenu compte s'agissant d'une convention d'occupation consentie par l'Etat qui accepte pourtant le principe de la cessibilité sous son autorisation), ainsi que sur une précédente transaction portant sur des locaux sis impasse des carrières (promesse de cession de droit au bail conclue en 2006 pour un montant de 1.000.000 euros avec versement d'un acompte de 100.000 euros qui n'a pas abouti pour diverses raisons, pièces justificatives contradictoirement débattues),

  • de même, un local situé impasse des carrières à Monaco d'une superficie de 200m2 aurait fait l'objet d'une cession en 2010, pour un montant de 650.000 euros, du droit au bail d'un fonds de commerce de réparation et d'entretien de véhicules (pour une superficie 3 fois inférieure à celle de ses locaux en retenant la surface de l'expert),

  • plus récemment, l'indemnité d'éviction provisionnelle pour un local de 210m2 situé rue de la source, dans lequel y était initialement exploitée une même activité, aurait judiciairement été fixée à 330.000 euros,

  • or, pour déterminer un tel montant, il aurait été constaté que l'activité du preneur était en réalité en sommeil depuis des années du fait de la rupture des relations commerciales avec un important constructeur automobile et que la plus grande partie desdits locaux (80 %), désaffectés, était située en France,

  • tel n'est pas le cas de ses locaux qui sont exclusivement situés à Monaco et sont donc beaucoup plus attractifs,

  • en annexe de son dire du 17 décembre 2010, elle avait également communiqué l'offre d'une agence immobilière concernant un local de 200 m2 sis rue de Millo pouvant faire office de garage mais uniquement pour des deux-roues, à hauteur de la somme de 660.000 euros, la valeur de ce local commercial ayant nécessairement augmenté depuis lors,

  • la CALC a fixé à 1,5 million d'euros le montant de l'indemnité définitive d'éviction pour un local de 89 m2 (plus vestiaire soit 118m2) situé dans un couloir de l'hôtel de Paris à Monaco, alors que la Cour a récemment fixé (arrêt du 3 mars 2020) le montant de l'indemnité d'éviction provisionnelle, correspondant à la seule valeur du droit au bail, à la somme de 1.075.000 euros pour des locaux de 50 m2 sis avenue Princesse Alice,

  • la transaction invoquée par la partie adverse pour un prix prétendu de cession de 230.000 euros d'un local dans lequel la société E. exploitait le garage BMW n'est pas justifiée, alors que les facteurs de commercialité sont très inférieurs à celui de ses locaux s'agissant d'un simple algeco,

  • la méthode des barèmes professionnels visée par l'expert n'est pas utilisable en l'espèce puisqu'elle constitue un outil purement fiscal utilisé en France par les services fiscaux pour obtenir un ordre de grandeur sur la cohérence des prix de transaction sur le marché,

  • Monsieur BRYCH, expert-comptable et fin connaisseur du marché monégasque, a évalué le droit au bail à la somme de 4,5 millions d'euros et établi un rapport critique de l'expertise laquelle propose au demeurant l'exil et l'installation en France, alors qu'il est notoire que les conditions économiques, fiscales et sociales y sont bien moins favorables qu'à Monaco,

  • la Cour, saisie d'un appel relatif à la fixation de l'indemnité provisionnelle, avait seulement renvoyé le débat concernant les critiques des conclusions expertales, aux juges du fond c'est-à-dire à la CALC chargée de fixer l'indemnité définitive,

  • Monsieur BRYCH a effectué une moyenne arithmétique des estimations produites et a retenu une valeur qui tient compte des dimensions du local, de son état de vétusté partiel, de l'extrême rareté d'un tel bien dans le secteur, de la notoriété de la société et de l'utilisation favorable du local pour son activité ainsi que du prix du loyer au m2, tandis que la méthodologie utilisée est tout à fait sérieuse et habituelle, si bien que la Cour devra en tenir compte, comme l'a fait la Commission en première instance,

  • l'hypothèse d'un transfert de l'activité en France, émise par l'expert judiciaire et soutenue par la A. au demeurant parfaitement fantaisiste, n'est désormais plus d'actualité en l'état de la réinstallation par nature provisoire de la société C. à Monaco au sein de locaux dans lesquels elle exploitait déjà une partie de son activité (véhicules utilitaires),

  • cet aménagement provisoire a imposé la réalisation de travaux pour lesquels elle a obtenu une autorisation administrative et qui ont nécessité l'accord de principe du groupe G. après soumission d'un cahier des charges, le tout sous réserve que l'audit à venir qu'il doit réaliser aboutisse à un résultat favorable,

  • cet aménagement permet uniquement de maintenir l'activité au lieu de la cesser brutalement et totalement, en ce compris l'activité de distribution étroitement liée à celle de réparateur agréé, mais n'a pas vocation à se pérenniser puisqu'elle est toujours à la recherche active de locaux en Principauté,

  • les locaux en question présentent des facteurs de commercialité bien inférieurs à ceux dans lesquels elle exerçait son activité (430/460 m2 hors pondération ; moins de ponts de levage, 3 au lieu de 5, permettant l'accueil de véhicules à la réparation ou révision avec une nécessaire baisse du chiffre d'affaires de 25 à 30 % ; moins bonne situation en raison d'un accès moins aisé, la circulation et le stationnement des véhicules y étant plus délicats ; absence de visibilité depuis le rond-point du Pont Sainte-Dévote),

  • elle a été contrainte de réunir dans ces locaux plusieurs de ses activités comme le SAV et la préparation de véhicules neufs au détriment du stockage en particulier de véhicules neufs, et de louer des emplacements de parkings à Fontvieille pour y stocker les véhicules dans l'attente de leur préparation, outre les allers et venues entre Fontvieille et l'impasse des carrières, ce qui engendre un coût supplémentaire,

  • elle a été obligée de revoir l'ensemble de son fonctionnement en effectuant des changements d'horaires de travail des mécanos et en augmentant l'amplitude horaire du responsable atelier et du magasinier,

  • cette situation étant provisoire, elle devra acquérir un nouveau droit au bail, alors qu'elle a perdu le sien,

  • ce réaménagement intervenu le 22 janvier 2018 a impliqué des travaux de rénovation d'un montant de 479.101 euros HT qui doivent être mis en parallèle avec le montant de l'indemnité provisionnelle perçue de 662.000 euros,

  • le préjudice est largement documenté, tandis que l'appelante principale ne tient pas compte de certaines factures et ne veut même pas retenir les honoraires d'architecte, et que des travaux supplémentaires ont même été effectués sans l'intervention de ce dernier (pièces n° 38 à 47),

  • elle a versé aux débats des pièces justificatives complémentaires relatives à la réalité des travaux réalisés, les extraits des grands livres fournisseurs pour les années 2018 et 2019, qui concernent uniquement les travaux du local de l'atelier de l'impasse des carrières et permettent de vérifier l'effectivité du règlement, ainsi que les écritures comptables d'immobilisations pour les factures des travaux déjà communiquées,

  • le lien de causalité est parfaitement établi et s'induit de la nécessité de transférer l'activité dans les nouveaux locaux et de les adapter aux besoins de l'activité,

  • la responsabilité de l'état de vétusté des locaux incombait à la A. qui n'a pas effectué les travaux relevant de ses obligations de propriétaire,

  • depuis 2013 au moins, elle se plaint auprès du bailleur d'infiltrations d'eaux pluviales qui affectaient l'atelier et a sollicité la réalisation des travaux de mise en conformité,

  • le devis versé aux débats par la A. portant sur la somme de 227.478,24 euros concerne des travaux qui doivent être à la charge du propriétaire, alors que cette dernière n'entend nullement les faire réaliser puisqu'il est acquis qu'elle a présenté une demande de démolition de l'immeuble dont en cause dont tout porte à croire qu'elle a pour finalité la construction d'un nouvel immeuble d'habitation,

  • elle a dès lors été expulsée de ses locaux commerciaux pour permettre au bailleur de réaliser une opération de promotion immobilière d'envergure, qui devra être mise en perspective avec le montant de l'indemnité d'éviction proposée par la A.

  • le délai écoulé entre le congé donné en 2001 et la demande d'expulsion intervenue en 2015 ne relève pas de la bienveillance du bailleur qui a contesté pendant plus de neuf années son droit à l'indemnité d'éviction qu'elle revendiquait,

  • la A.ne devait certainement pas, du fait de contraintes externes au litige, être en mesure de concrétiser l'opération immobilière envisagée si bien qu'elle n'était pas pressée d'autant qu'elle continuait à percevoir les loyers,

  • si le bailleur avait été réellement pressé, il aurait contraint le locataire à solliciter judiciairement un sursis à expulsion moyennant le paiement d'une indemnité provisionnelle d'éviction, ce qu'il n'a pas fait dès lors qu'il n'y avait pas urgence à l'expulser au regard des retards pris pour la réalisation de l'opération immobilière,

  • cette opération a nécessairement eu une incidence au regard des critiques formulées sur l'état de vétusté et les travaux de remise en état que la A. voudrait lui faire supporter,

  • s'agissant de son appel incident, il apparaît que la CALC a sous-estimé la valeur du droit au bail d'un local de remplacement, en retenant un prix au m2 de 2.585,20 euros, qui est très inférieur au prix du marché, l'expert l'ayant quant à lui fixé à 630 euros le m2,

  • elle sollicite ainsi, au regard de l'évaluation des professionnels de la place, de fixer la valeur du droit au bail perdu à la somme de 5 millions d'euros HT,

  • les coûts de rénovation de l'atelier portent en réalité sur la somme de 479.101 euros HT et non de 418.963,84 euros, telle que fixée par la CALC,

  • au coût des travaux, s'ajoute celui lié à la valorisation des salaires du personnel (environ 7.900 euros pour 6 personnes) ayant effectué pendant 15 jours le déménagement de l'ancien atelier et le réaménagement du nouveau,

  • l'activité sur cette période a tourné au ralenti et a engendré une perte du chiffre d'affaires d'environ 15.000 euros,

  • c'est également à tort que la CALC a rejeté la demande au titre de la perte du chiffre d'affaires évaluée à la somme de 100.100 euros par an,

  • en effet, la perte d'environ 2 à 3 entrées de voitures par jour représente une perte du chiffre d'affaires sur l'atelier,

  • la marque VU (contrat signé en 2016) qu'elle devait développer a été en quelque sorte étouffée afin de laisser la place à l'activité VP qui génère 90 % du chiffre d'affaires,

  • aucune valorisation définitive de cette perte de chiffre d'affaires n'a encore été faite,

  • cependant, quelques éléments de projection effectuée lors de la demande du contrat VU, permettent déjà d'envisager ce poste de préjudice,

  • à l'occasion de l'analyse du marché sur sa zone de chalandise validée par le constructeur G. utilitaires, il était prévu de réaliser environ 20 entrées par mois,

  • du fait que les ponts sont utilisés pour les VP, elle n'en réalise actuellement que 7 par mois, ce qui constitue un manque, lissé sur une année de 13 entrées x 11x 700 euros = 100.100 euros HT/an,

  • la décision de première instance sera ainsi réformée pour fixer le montant de l'indemnité d'éviction à la somme de 5.502.000 euros,

  • la A. sera également condamnée à lui payer la somme de 15.000 euros au titre des frais qu'elle a été contrainte d'exposer en première instance et en appel et qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

Attendu que les appels principal et incident formés dans les conditions de forme et de délai édictées par la loi doivent être déclarés recevables ;

Attendu qu'en vertu de l'article 9 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948, modifiée, le montant de l'indemnité d'éviction est « égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement » du bail commercial ;

Qu'en cas de réinstallation ou de transfert de l'activité, l'indemnité représentera notamment la valeur du droit au bail d'un local de remplacement ou d'un local équivalent à celui, objet de l'éviction, les frais de réinstallation et de déménagement ;

Que l'indemnité d'éviction doit être évaluée à la date du départ des lieux par le locataire, soit en l'espèce, le 30 janvier 2018 ;

Sur l'expertise et la demande d'organisation d'une nouvelle expertise

Attendu s'agissant tout d'abord des critiques formulées par la C. à l'égard du rapport d'expertise aux termes de son dire du 27 mai 2015, repris in extenso dans ses dernières écritures judiciaires, auquel l'expert a répondu précisément :

  • il n'est pas clairement démontré que les deux « constats » de l'expert concernant l'absence d'incidence de la perte de la branche SAV sur la perte de l'activité de vente ou sur les conséquences commerciales sur la vente de véhicules de la perte du service SAV auraient une quelconque influence à l'égard des évaluations effectuées à propos du droit au bail, objet du présent litige,

  • l'expert avait envisagé plusieurs hypothèses (dont la perte du fonds de commerce) et effectué les évaluations s'y rapportant sans qu'il puisse lui en être fait grief puisque la situation restait encore incertaine à l'époque de l'expertise,

  • les considérations évoquées à propos d'un transfert d'activité en France qui n'est pas concrètement intervenu sont sans portée ;

Attendu que les questions relatives à la pondération des surfaces, les méthodes d'évaluation de la valeur du droit au bail ou les caractéristiques du local seront analysées par la Cour, à l'occasion de l'évaluation du préjudice dans le cadre de son appréciation souveraine, en tenant compte de l'ensemble des éléments débattus contradictoirement, dont le rapport d'expertise, lequel n'a pas lieu d'être écarté en tant que tel au profit de l'organisation d'une nouvelle expertise, puisqu'il relève d'un travail sérieux, quand bien même certaines conclusions ou constatations ne seraient pas retenues pour des motifs qui seront explicités ci-dessous ;

Que les rapports de Bettina RAGAZZONI des 7 novembre 2001 et 31 janvier 2006 n'envisagent que la cessation d'activité et la perte du fonds de commerce, en sorte qu'ils n'ont pas lieu d'être examinés puisque l'indemnisation envisagée s'inscrit dans le cadre d'un transfert d'activité et d'une réinstallation ;

Sur la valeur du droit au bail

Attendu qu'il est constant que le service de réparation de la C. s'est désormais installé au 8 Impasse des carrières à Monaco, à quelques mètres du local, objet de l'éviction, en sorte que l'indemnité d'éviction doit comprendre, non pas l'évaluation de la perte du fonds de commerce, mais la valeur du droit au bail d'un local de remplacement ou d'un local équivalent à celui, objet de l'éviction ;

Que le caractère provisoire ou non de cette installation apparaît à ce jour indifférent puisqu'il n'est pas démontré qu'un projet de réinstallation dans d'autres locaux pourrait concrètement affecter l'évaluation du préjudice indemnisable ;

Attendu s'agissant tout d'abord de la surface « utile », l'expert a procédé à une description détaillée des locaux en se fondant sur les plans transmis par la A.et sur sa visite des lieux effectuée le 22 novembre 2011, dont il résulte que :

  • le rez-de-chaussée d'une surface utile de 384 m2 est composé d'un atelier et une réserve-stockage, de deux bureaux - salle de stockage ainsi qu'un wc et d'une douche, qui sont globalement en bon état, à l'exception de la partie réserve-stockage et du wc/douche (traces d'usage intensif des lieux, traces d'infiltration d'eau, faïence murale cassée), et est accessible par une voie d'accès située dans un extérieur privatif de 72 m2 ,

  • un étage intermédiaire de 123 m2 est composé d'une réserve globalement en assez bon état d'utilisation, et est accessible au moyen d'un escalier métallique droit depuis l'atelier du rez-de-chaussée, s'agissant d'un « accès étroit et incommode »,

  • un étage de 140 m2 est composé de locaux sociaux (vestiaires, cuisine, pièce avec évier), d'un bureau, d'une salle d'archives, de réserves et stockage (6 pièces), dont l'état est décrit comme « dégradé et suranné » (revêtements muraux salis, peintures écaillées, traces d'infiltration, revêtements PVC au sol abimés par l'usure de passage, menuiseries extérieures en bois avec simple vitrage à l'exception des vestiaires, électricité sans baguettes (partiellement refaite), et est accessible par un escalier métallique droit depuis l'étage intermédiaire, s'agissant d'un « accès étroit et incommode », ou par l'extérieur depuis la cour en rez-de-chaussée, à travers une cage d'escalier débouchant sur un balcon extérieur de 8m2 , ledit niveau étant également doté d'une courette extérieure de 49 m2 , (avec wc et sanitaires présentant un tel état de vétusté que l'expert ne les a pas intégrés à la surface utile) ;

Que l'expert précise qu'il existe une différence significative entre la surface « utile » et la surface indiquée sur les plans (surface hors d'oeuvres incluant les éléments structuraux et la surface extérieure), dès lors que dans le cadre de la démarche locative commerciale, seule la surface « utile » ou « balayable », englobant la surface commerciale effectivement mise à la disposition du locataire, mérite d'être retenue ;

Qu'en conséquence, l'expert estime que les locaux correspondent à une surface totale « utile » de 647 m2 (et non 645 m2 comme indiqué par erreur, et ce, par suite de l'addition des surfaces précitées), outre 129 m2 de surface extérieure (par suite également de l'addition des surfaces précitées) ;

Que la Cour considère cette analyse pertinente, étant souligné que les 851 m2 visés (non pas dans le bail lui-même mais) dans le courrier du bailleur du 15 octobre 1996, lequel se réfère aux plans, ou dans une décision ancienne de la CALC - dont les vérifications à cet égard ne sont pas précisées - peuvent tout à fait correspondre à la surface globale des locaux sur plans ;

Qu'en tout état de cause, la C. ne rapporte pas concrètement la preuve que les constatations de l'expert sur ce point seraient erronées et ce d'autant qu'il n'est nullement établi que les trois agences immobilières, Monsieur BRYCH ou Madame RAGAZZONI auraient réalisé leurs évaluations à la suite d'une appréciation concrète de la surface « utile », indépendamment des seules données communiquées par le locataire lui-même ou éventuellement sur plans (ce qui ne peut être vérifié) ;

Attendu concernant la pondération , que le principe de l'application de coefficients en tenant compte de l'usage, la commodité, de l'étage et de l'utilité de chaque surface par rapport à celle accueillant le cœur du métier de locataire est communément retenu et apparaît justifié en l'espèce s'agissant des locaux situés en étage et en extérieur ; que toutefois, l'application d'un coefficient identique à l'étage intermédiaire - dont l'état est décrit comme « assez bon » et qui constitue une réserve, notamment de pièces, particulièrement utile pour un garage de réparation de véhicules - et à l'étage, dont l'état est mentionné comme dégradé suivant les précisions susvisées, n'est pas adaptée et suppose de les distinguer en doublant le coefficient applicable à l'étage intermédiaire, bien que celui pris pour les extérieurs mérite d'être maintenu ;

Que la Cour estime dès lors, en fonction des éléments dont elle dispose, que la surface totale pondérée doit s'établir comme suit :

  • Rez-de-chaussée : 384, coefficient 1, soit 384 m2,

  • Étage intermédiaire : 123, coefficient 0,30, soit 36,90 m2,

  • Étage : 140, coefficient 0,15, 21 m2,

  • Surfaces extérieures 129, coefficient 0,05, soit 6,45 m2,

  • Total 448,35 arrondis à 449 m2 ;

Attendu s'agissant de l'évaluation du droit au bail , que les méthodes proposées par l'expert peuvent servir de base à la détermination de cette valeur, bien que l'appréciation souveraine dont disposent les juges du fond à cet égard puisse amener à s'écarter de l'application combinée de la méthode du différentiel de loyer (218.328 euros, soit 510 euros le m2 pour 428 m2, par application d'un coefficient d'emplacement de 6 à l'économie de loyer, en tenant compte d'une valeur locative unitaire de 175 euros le m2) et de la méthode de comparaison (321.000 euros, soit 750 euros le m2 pour 428 m2), laquelle a conduit l'expert à fixer la valeur du droit au bail à la somme de 270.000 euros (soit 630 euros le m2 pour 428 m2), et ce, afin de privilégier la seconde, laquelle permet de se rapprocher au mieux de la date d'évaluation et de s'attacher tout particulièrement à la spécificité ainsi qu'à la réalité du marché monégasque, en prenant en considération les caractéristiques du local et les facteurs de commercialité ;

Qu'en effet, les valeurs déterminées par l'expert en mai 2015 - déjà très antérieurement à celle qui doit désormais être fixée à la fin du mois de janvier 2018 - l'ont été par référence à des baux anciens (2004 à 2008, comparés pour aboutir à la valeur locative unitaire ancienne de 175 euros le m2 servant de base à la méthode du différentiel de loyer) mais de cessions de droit au bail (2006 à 2011, méthode de comparaison) plus récentes ;

Qu'il apparaît également regrettable que les comparaisons n'aient pas davantage été étendues par l'expert à des locaux distincts mais pouvant présenter d'autres caractéristiques communes, et ce, en dépit du faible nombre de baux ou de cessions de droit au bail pouvant se rapprocher au plus près du cas d'espèce, comme ce peut être souvent le cas en Principauté de Monaco, compte tenu de l'exigüité du territoire et de la nature des commerces en cause ;

Que concernant les caractéristiques et facteurs de commercialité, il convient tout d'abord de constater que le local, objet de l'éviction, présente l'avantage non négligeable de disposer d'une surface importante au rez-de-chaussée, destinée à la réparation de véhicules, ainsi que d'une réserve en étage, et constitue incontestablement un local commercial rare, en raison du nombre de garages continuant à être exploités en Principauté et de la superficie disponible en vue des réparations, mais également adapté à l'activité exercée, en dépit de la non-exploitation d'une partie de la surface (prise en considération à travers la pondération) ;

Que la notion de « centre-ville », qui est utilisée dans le pays voisin pour distinguer les emplacements commerciaux, ne trouve pas nécessairement le même écho en Principauté de Monaco - qui constitue un État-Commune de seulement de 2 km2 - au sein duquel l'intérêt commercial d'une installation ainsi que la rareté d'un local en fonction de sa surface peuvent avoir une incidence sur la valeur du droit au bail et la perspective de profit ;

Que si le local, objet de l'éviction, ne peut bien évidemment être comparé à ceux qui se situent dans le quartier d'excellence dénommé « carré d'or » au sein duquel sont notamment exploités des commerces et hôtels de luxe à proximité de la Place du Casino, il n'en demeure pas moins qu'il permettait une activité de réparation importante de véhicules, en particulier de la marque G. à Monaco ;

Que par ailleurs, ce local se situe au droit du Carrefour du Pont Saint-Dévote et de la Gare de Monaco, sur un des grands accès menant au cœur de la Principauté, en limite avec la commune de Beausoleil, et se trouve dans un secteur enregistrant un passage automobile intense et régulier, ainsi que l'a rappelé l'expert ;

Que si la visibilité du local n'est assurée que par une enseigne au droit de la voie extérieure d'accès, tandis qu'il n'existe aucune vitrine, fort logiquement, pour un garage, il apparaît que cet aspect doit également être mis en perspective avec la circonstance que le local sert essentiellement au service après-vente de la marque G. dont la C. assure également la vente de véhicules neufs ou d'occasion en qualité de concessionnaire, si bien que la clientèle de la concession est naturellement dirigée vers le service après-vente dans un lieu déterminé ;

Qu'il n'en demeure pas moins toutefois que l'accès à l'atelier de réparation se fait par une voie incommode et étroite (2,80 mètres de large) ; que de même, la configuration des lieux est atypique et l'accès aux étages supérieurs malaisé, dans un bâtiment ancien comprenant des recoins et éléments structuraux importants (piliers) gênant la circulation, comme le relève l'expert ;

Que la pondération des surfaces a permis de prendre en compte l'état des locaux, leur usage et utilité à l'égard de l'activité principale de réparation, alors qu'il n'est pas clairement démontré que le bailleur serait à l'origine de l'état dégradé des lieux précédemment décrit ;

Que le bail ancien (location à compter du 1er novembre 1989) portait sur un loyer annuel de 38.512,19 euros à la date de l'expertise, alors que la destination du local autorisée par le contrat est en adéquation avec le secteur dans lequel il se situe ;

Que s'agissant des évaluations contraires à celles de l'expert, la Cour ne peut que relever que celles opérées par les agences immobilières « K. » et « L. » ainsi que par Monsieur BRYCH peuvent difficilement constituer une base utile d'estimation du droit au bail puisqu'elles ne détaillent pas, ni ne précisent quels éléments de comparaison concrets leur ont permis de parvenir à leurs conclusions pour des montants plus que conséquents (notamment prix moyen du loyer pour de grandes surfaces, montant moyen estimé du droit au bail au m2 pour la première ; 13 produits à la vente non détaillés pour la seconde ; absence de toute référence en dehors desdites évaluations des agences immobilières pour le troisième) ; que le rapport de l'agence DOTTA, qui propose une méthode d'évaluation, concrètement critiquée par l'expert, et sans référence susceptible d'être vérifiée par la Cour, n'apparaît pas davantage pertinent ;

Qu'en l'absence d'une documentation plus précise concernant la cession du fonds de commerce de la station-service I quand bien même elle n'était pas exactement comparable au local, objet de l'éviction, les affirmations avancées par la C.ne peuvent être retenues ;

Que cette dernière produit un projet de promesse de cession du droit au bail (ayant donné lieu au versement d'un acompte en avril 2006 de 100.000 euros mais qui n'a pas abouti pour des raisons ignorées), pour le prix de 1.000.000 euros, laquelle devait être conclue entre elle et la SAM F. pour un local sis 3-4 Impasse des carrières, dont le dernier loyer annuel fixé le 14 avril 2005 était de 42.000 euros, étant souligné que l'expert relève que le garage situé au 3-4 impasse des carrières dispose d'une surface de 892 m2 et que cette donnée est effectivement indicative d'une tendance du marché ;

Que les autres ventes invoquées par la C. ou la A. sont insuffisamment justifiées ;

Que les éléments de comparaison cités par l'expert en pages 44 et 45 de son rapport sont en réalité les seuls sur lesquels la Cour peut se fonder pour apprécier la valeur unitaire du droit du bail, étant relevé que celle fixée par l'expert sur ces bases apparaît insuffisante (750 euros le m2), dès lors qu'il n'est pas avéré que la surface utile pondérée retenue pour chacun des locaux comparés ait été examinée par l'expert dans des conditions identiques à celles ayant donné lieu au calcul précité de la surface utile pondérée du local, objet de l'éviction, et que les dates de cessions de droit de bail de comparaison, qui remontent aux années 2006 à 2011, obligent à une nécessaire prise en considération de la hausse des prix du marché jusqu'au 30 janvier 2018 ;

Qu'en définitive, l'ensemble de ces considérations doit conduire à fixer la valeur du droit au bail de remplacement à la somme de 673.500 euros (soit 1.500 le m2 pour une surface utile pondérée de 449m2) ;

Sur les autres préjudices

Attendu que la C. est également fondée à solliciter réparation des autres préjudices liés au transfert de l'activité ;

Attendu que le locataire évincé ne rapporte pas concrètement la preuve du délai nécessaire pour faire procéder au déménagement et le nombre de ses salariés mobilisés pour ce faire, en sorte que les premiers juges l'ont justement débouté de ce chef de demande ;

Attendu que la CALC a également estimé à bon droit que la C. était fondée à obtenir remboursement des frais d'aménagement et d'agencement des nouveaux locaux de l'impasse des carrières au sein desquels elle exerce l'activité précédemment mise en œuvre dans le local dont elle a été évincée ;

Attendu que la A. soutient à cet égard qu'il n'est pas établi que les travaux, qui ont été partiellement détaillés dans les factures produites, seraient nécessaires à la réinstallation de son ancien locataire dans ses nouveaux locaux, alors que les documents comptables, qui démontreraient leur règlement, ne sont pas certifiés par les commissaires aux comptes et seraient inexploitables ;

Attendu sur ce point, que l'appelante principale justifie, à travers ses pièces 22 à 24, avoir reçu du conseiller architecture pour G. GROUPE FRANCE la directive architecturale G. le plan présenté avec les modifications décidées d'un commun accord à l'occasion d'une réunion du 8 février 2017 et les exigences ainsi imposées pour l'aménagement du nouveau local de service après-vente (anciennement utilisé pour la préparation des véhicules notamment et le service après-vente ou réparations des véhicules utilitaires de la marque), documents qui sont particulièrement détaillés et révèlent des impératifs précis en termes d'agencement des locaux pour la réception des clients, l'atelier, le magasin ou la façade ;

Qu'il ressort de la note d'honoraires finale du 19 février 2018 (suite à une proposition de mission du 10 mars 2017) de l'architecte Fabrice NOTARI à propos du « projet de rénovation du local service après-vente G. sis 6-8 Impasse des carrières » que le montant de ses honoraires s'élevait à la somme de 39.703,57 euros TTC et le montant réel des marchés arrêté aux 16 février 2018 à la somme de 326.463,83 euros HT (entreprises N. O. P. Q.et R., soit 391.756,60 euros (TVA comprise), pour un montant total de 431.460,17 euros ; que le lien entre les travaux réalisés sous le contrôle de Fabrice NOTARI suivant proposition de mission du 10 mars 2017 et les exigences imposées par le groupe G.à propos de l'aménagement du nouveau local de service après-vente après une réunion du 8 février 2017 apparaît suffisamment établi, ainsi que le caractère nécessaire desdits travaux ;

Que la note d'honoraires est confortée par la production des factures correspondantes, lesquelles ont manifestement été acquittées en l'état des mentions figurant aux extraits du grand livre fournisseurs versés aux débats ; qu'il convient de préciser à cet égard qu'il n'entre pas dans la mission des commissaires aux comptes auxquels incombe « une mission générale et permanente de surveillance, avec les pouvoirs les plus étendus d'investigation, portant sur la régularité des opérations et des comptes de la société et sur l'observation des dispositions légales et statutaires régissant son fonctionnement » de certifier les « grands livres » et que la tenue des livres de commerce (livre-journal et livre des inventaires), au sens des articles 10 et suivants du Code de commerce, n'impose au demeurant pas le visa des commissaires aux comptes ;

Que les autres factures versées aux débats, adressées à la C. SAINTE DEVOTE (pièces n° 41 à 47), qui ont été émises à partir du mois de mars 2017 et jusqu'en avril 2018, soit pendant la période des travaux et de la réinstallation, et acquittées par cette dernière (grand livre fournisseurs) concernent manifestement la rénovation du local service après-vente (enseignes, fourniture de meubles, matériels y compris pour les salariés, remontage des ponts, installation du câblage, création de prises, informatique), en sorte qu'elles sont en lien avec l'éviction et doivent être prises en considération pour l'évaluation du préjudice subi, et ce, à concurrence de la somme totale de 80.115,15 euros ;

Que les frais de réaménagement et d'adaptation du nouveau local justifiés correspondent ainsi à la somme de 511.575,32 euros (TVA comprise) ;

Attendu que le coût de remise en état du local, objet de l'éviction, est sans incidence sur le montant de l'indemnité d'éviction, laquelle évalue le préjudice subi par le locataire évincé du fait de son éviction et ne pourrait, en tout état de cause, donner lieu à aucune condamnation et compensation à l'occasion de la présente instance qui s'inscrit dans le cadre de la compétence d'attribution de la CALC dans les conditions fixées par la loi n° 490 du 24 novembre 1948 ; que la Cour relève au demeurant que les locaux ont fait l'objet d'une démolition et qu'aucun frais n'a ainsi été exposé par la A. à ce titre ;

Attendu enfin que si le locataire évincé est en droit d'obtenir réparation du trouble commercial pendant le temps nécessaire à la réinstallation mais également de la perte partielle de sa clientèle liée à la réduction de ses locaux, force est de constater que la C.ne fournit pas le moindre élément permettant de chiffrer un tel préjudice, en sorte que la demande formée de ce chef ne pouvait être accueillie, comme l'ont estimé les premiers juges ;

Attendu qu'en définitive, le jugement de la Commission arbitrale des loyers commerciaux du 7 juillet 2021 doit être infirmé uniquement en ce qu'il a fixé l'indemnité d'éviction à la somme de 2.618.963,84 euros, la Cour estimant devoir la ramener à la somme de 1.185.075,32 euros ; que la décision de première instance sera en effet confirmée en ce qui concerne la déduction de la somme de 662.934,90 euros perçue au titre de l'indemnité d'éviction provisionnelle, le rejet du surplus des demandes et la condamnation aux dépens ;

Attendu que les dépens d'appel doivent également être supportés par la A. qui ne peut ainsi obtenir paiement d'une quelconque somme sur le fondement de l'article 238-1 du Code de procédure civile au titre des frais non compris dans les dépens ; qu'il n'est pas inéquitable de laisser la C. supporter la charge de ses frais non compris dans les dépens d'appel, en ne faisant pas droit à sa demande fondée sur l'article 238-1 du Code de procédure civile ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant publiquement et contradictoirement,

Déclare recevables les appels principal et incident formés par la A. et la C.

Confirme en toutes ses dispositions le jugement de la Commission arbitrale des loyers commerciaux du 7 juillet 2021 sauf en ce qu'il a fixé le montant de l'indemnité d'éviction à la somme de 2.618.963,84 euros,

Statuant à nouveau,

Fixe à la somme de 1.185.075,32 euros le montant de l'indemnité d'éviction due par la A.à la C.

Y ajoutant,

Déboute la A.et la C.de leur demande en paiement fondée sur l'article 238-1 du Code de procédure civile,

Condamne la A. aux dépens d'appel, avec distraction au profit de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,

Ordonne que les dépens distraits seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,

Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, et qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement,

Composition🔗

Ainsi jugé et rendu au Palais de Justice, à Monaco, le 24 JANVIER 2023, par Madame Françoise CARRACHA, Conseiller, faisant fonction de Président, Madame Claire GHERA, Conseiller, Madame Magali GHENASSIA, Conseiller, assistées de Madame Nathalie SALMASSI, Greffier, en présence de Monsieur Morgan RAYMOND, Procureur général adjoint.

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