Cour d'appel, 18 octobre 2022, Société A. c/ Monsieur B.

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Abstract🔗

Accidents du travail - Indemnités journalières et rente - Calcul et fixation - Compétence du Juge des accidents du travail - Courrier de l'assureur-loi à la victime - Qualification de demande en justice (non) - Interruption du délai de prescription (non) - Applicabilité de l'article 238-1 CPC (oui)

Résumé🔗

Les termes de la loi n° 636 du 11 janvier 1958, modifiée, permettent de considérer que le Juge chargé des accidents du travail, qui connaît de « toutes » les demandes concernant le paiement de l'indemnité journalière et procède à la « fixation des indemnités journalières », est parfaitement compétent pour statuer sur l'assiette de calcul et le montant du salaire journalier. En effet, le législateur a entendu voir la fixation de l'indemnité journalière rapidement réglée par le Juge chargé des accidents du travail et non par les juridictions du fond, s'agissant de la compensation partielle de la perte de salaire de la victime, liée à un arrêt de travail des suites de l'accident du travail.

Le législateur ne s'est pas expressément référé, pour le calcul de la rente (article 6 de la loi n° 636), à la prise en considération des primes, bien qu'il ait visé la notion de « rémunération effective totale » annuelle, laquelle a été interprétée comme intégrant certaines primes.

Si le législateur a choisi prioritairement le cadre hebdomadaire pour le calcul du salaire journalier de l'indemnité de repos, il s'est également placé, pour d'autres hypothèses, dans le cadre mensuel (alinéa 2 de l'article 5) et annuel (alinéa 3 de l'article 5 renvoyant à l'article 6 alinéa 3 relatif au salaire annuel en cas de travail non continu). L'article 21 ter relatif aux indemnités journalières et aux rentes impose la transmission au Juge chargé des accidents du travail d'éléments concernant le salaire annuel de la victime. Il s'ensuit que la pratique, qui conduit régulièrement à calculer le salaire journalier sur la base d'une rémunération annuelle, n'apparaît pas contraire aux dispositions légales précitées. En outre, en cas de rémunération mensuelle variable des accidentés, le lissage annuel, en vue du calcul du salaire journalier, permet d'éviter l'écueil de l'inégalité résultant de la date de survenance de l'accident, ce que ne permet pas le lissage, trimestriel initialement mis en place, ou mensuel désormais proposé par l'assureur-loi.

En application de l'article 2062 du Code civil, la demande en justice interrompt le délai (non contesté) de prescription quinquennale. Le courrier de l'assureur-loi du 27 avril 2021 adressé à la victime, dont le Juge chargé des accidents du travail a été avisé sans saisine particulière, ne constitue pas une demande en justice, bien que celle-ci ait été formalisée par l'assureur-loi, dans sa correspondance adressée au Juge chargé des accidents du travail le 2 août 2021. Faute d'exclusion légale, les dispositions de l'article 238-1 du Code de procédure civile sont bien applicables en matière d'accidents du travail, même si le bénéfice de l'assistance judiciaire est de droit.


Motifs🔗

ARRÊT DU 18 OCTOBRE 2022

En la cause de :

  • La société A., société anonyme à conseil d'administration, au capital de 193.107.400 euros, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Paris sous le n° Z. inscrite au Répertoire du Commerce et de l'Industrie de Monaco sous le n° Z1 dont le siège social est établi à Paris (75008), X1 agissant poursuites et diligences du Président de son Conseil d'administration en exercice, demeurant en cette qualité audit siège de la société ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;

APPELANTE,

d'une part,

contre :

  • Monsieur B., né le 10 février 1974 à Troyes (France), chauffeur livreur, célibataire, demeurant X2 à Cap-d'Ail 06320 (France) ;

Bénéficiaire de plein droit de l'assistance judiciaire au titre de la législation sur les accidents du travail

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Pierre-Anne NOGHES-DU MONCEAU, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;

INTIMÉ,

d'autre part,

LA COUR,

Vu l'ordonnance rendue par le juge chargé des accidents du travail, le 18 février 2022 (R.2387) ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Frédéric LEFEVRE, huissier, en date du 3 mars 2022 (enrôlé sous le numéro 2022/000065) ;

Vu l'arrêt avant dire droit en date du 29 mars 2022 ;

Vu les conclusions déposées les 9 mai 2022 et 20 juin 2022 par Maître Pierre-Anne NOGHES-DU MONCEAU, avocat-défenseur, au nom de Monsieur B. ;

Vu les conclusions déposées le 25 mai 2022 par Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de la société A. ;

Vu l'ordonnance de clôture du 24 juin 2022 ;

À l'audience du 28 juin 2022, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par la société A. à l'encontre d'une ordonnance rendue par le juge chargé des accidents du travail le 18 février 2022.

Considérant les faits suivants :

B. exerçant la profession de chauffeur livreur manutentionnaire pour le compte de la société anonyme monégasque C. dont l'assureur-loi est la compagnie d'assurances A. a été victime le 16 février 2015 d'un accident du travail.

Ses arrêts de travail ont été régulièrement renouvelés depuis cette date, son état n'étant pas consolidé au 19 mars 2021, date de l'expertise du Docteur D. désigné par le Juge chargé des accidents du travail, sur laquelle les parties se sont conciliées le 20 avril 2021.

Par courrier du 27 avril 2021, l'assureur-loi, estimant qu'une erreur avait été commise dans le calcul des indemnités journalières, s'est adressé à la victime dans les termes suivants :

« (...) il apparaît que la base de calcul que nous retenions jusqu'à présent pour déterminer vos indemnités journalières est erronée.

Pour calculer votre salaire journalier de base, il convient de prendre en compte la moyenne des 3 bulletins de paie précédant l'accident, et de diviser cette somme par 25.

En l'occurrence, vos 3 bulletins de paie précédant l'accident sont ceux de novembre 2014, décembre 2014 et janvier 2015.

Il s'avère que votre bulletin de novembre 2014 contient une prime exceptionnelle de 250 euros, et votre bulletin de paie de décembre 2014 une prime de Noël de 1.400 euros, lesquelles ont été prises en compte à tort.

En effet, il serait inéquitable de prendre en compte ces primes parce que votre accident de travail s'est produit en février, alors que pour le même accident produit en avril, ces primes n'auraient pas été prises en compte.

Votre salaire journalier de base doit être reconstitué comme suit :

Salaire brut novembre 2014 : 1.972,49 euros (déduction faite de la prime exceptionnelle de 250 euros), Salaire brut décembre 2014: 1.921,73 euros (déduction faite de la prime de Noël de 1.400 euros),

Salaire brut janvier 2015 : 1.923,25 euros,

Soit une moyenne de 1.939,16 euros (5.817,47/25), soit un salaire journalier de base de 77,57 euros (1.939,16/25).

À compter du 29ème jour d'arrêt de travail, l'indemnité journalière correspond aux 2/3 de ce salaire journalier de base, soit une somme de 51,71 euros.

Pour information, pour les mois de 30 jours, cela nous donne un montant mensuel de 1.551,30 euros, et pour les mois de 31 jours, un montant mensuel de 1.603,01 euros.

A. vous aurait donc dû (sic) vous verser, entre le 16 février 2015 et le 3 janvier 2021 une somme de 110.718,25 euros, alors que nous vous avons versé la somme de 140.645,77 euros, soit un trop perçu de 29.927,52 euros, que nous entendons récupérer, en retenant sur vos indemnités journalières dans un premier temps, et sur votre rente à intervenir dans un second temps, une somme de 100 euros par mois (...) ».

S'opposant à cette réduction du montant des indemnités journalières, accompagnée d'une retenue mensuelle de 100 euros, B. a saisi le 25 juin 2021 le Juge chargé des accidents du travail sur le fondement des articles 18 et 8 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958 aux fins de :

  • voir reprendre le paiement des indemnités journalières telles que réglées avant le mois de janvier 2021,

  • lui voir verser les sommes ne lui ayant pas été servies,

  • lui voir verser l'astreinte de 1 % prévue par l'article 8 de la loi précitée, outre diverses demandes subsidiaires.

Il a par la suite actualisé ses demandes.

L'assureur-loi a sollicité du magistrat le 2 août 2021 qu'il :

  • fixe à la somme de 1.538,70 euros pour les mois de 30 jours et de 1.589,99 euros pour les mois de 31 jours le montant des indemnités journalières dues à B.

  • fixe à 23.717,47 euros le montant des indemnités journalières indument versées depuis 5 années,

  • ordonne qu'il pourra déduire une somme mensuelle de 100 euros sur les versements à venir au titre des indemnités journalières et au besoin de la rente jusqu'à parfait remboursement.

Aux termes d'une ordonnance du 18 février 2022, le Juge chargé des accidents du travail a :

  • déclaré B. recevable en ses demandes,

  • condamné la compagnie A. à reprendre le paiement de l'indemnité journalière due au titre de l'accident du travail, sans diminution du montant initialement calculé,

  • condamné la compagnie A. à payer à B.la somme de 7.326,14 euros arrêtée au 31 décembre 2021 au titre des sommes retenues sur les indemnités journalières et dit que ce montant devra être actualisé au jour du versement effectif par addition du solde d'indemnités journalières restant dû sur une base journalière de 87,23 euros,

  • dit que l'ensemble des sommes dues au titre des deux condamnations ci-dessus sera assorti d'une astreinte de 1% courant du 8 janvier 2021 et jusqu'à parfait paiement,

  • condamné provisoirement la compagnie A. à payer à B.la somme de 17.426 euros en règlement de l'astreinte échue pour la période du 8 janvier 2021 au 31 décembre 2021,

  • rappelé que la présente décision est assortie de l'exécution provisoire de droit,

  • rejeté le surplus des demandes,

  • condamné la compagnie A. aux dépens.

Le premier juge a estimé pour l'essentiel que :

  • l'assiette de calcul de l'indemnité journalière relève de la compétence de la juridiction du fond en l'absence de texte précis sur ce point,

  • les différents courriers du conseil de B. caractérisent une contestation sans qu'aucun élément ne vienne établir que la victime aurait reconnu le bien fondé de la position de l'assureur-loi, en sorte que les demandes doivent être déclarées recevables,

  • l'assureur-loi a, à partir du mois de janvier 2021, appliqué unilatéralement sur le versement de l'indemnité journalière une réduction de l'ordre de 600 euros par mois mais a attendu le 27 avril suivant pour fournir par courrier des motifs à cette décision, invoquant la nécessité de supprimer les primes de l'assiette de calcul,

  • si certaines administrations ou organismes sociaux dûment autorisés disposent du droit de récupérer un trop perçu sur un bénéficiaire, tel n'est pas le cas d'un assureur-loi qui ne dispose d'aucun droit de se faire justice à sa propre initiative, en l'absence d'accord de la victime, bénéficiaire de l'indemnité journalière,

  • la compagnie A.ne pouvait valablement opérer les retenues décidées par ses soins,

  • à supposer qu'une erreur ait été commise, une importante part de la créance de l'assureur-loi serait susceptible d'être prescrite, le point de départ restant à déterminer,

  • il convient dès lors de condamner la compagnie A. à reprendre sans délai le paiement des indemnités journalières telles que précédemment réglées et à lui verser les montants retenus qui devront être réactualisés à la date du paiement,

  • en opérant de manière brutale une diminution des montants versés à B. sans transparence, ni débat préalable, alors que ce montant est sujet à discussion notamment sur l'assiette de calcul (en l'état de la pratique générale d'user d'une base annuelle intégrant les éléments effectifs de rémunération, en ce inclus certaines primes), que s'agissant d'une compagnie d'assurances dotée de moyens juridiques importants, elle ne pouvait ignorer tant l'existence de cette question d'assiette que de la prescription partielle de la créance, l'assureur-loi a suffisamment caractérisé sa mauvaise foi et une attitude abusive dans le traitement des droits de B.

  • aucun motif ne justifie de ne pas lui appliquer les dispositions relatives à l'astreinte,

  • le chiffrage établi par B. n'étant pas contesté en son montant, il conviendra d'y faire droit, en tenant compte d'un point de départ au 8 janvier 2021, correspondant au 8ème jour de la défaillance de l'assureur-loi au sens de l'article 8 de la loi n° 636, le montant dû s'élevant ainsi à la somme de 17.426 euros, laquelle devra être actualisée au jour du versement effectif des indemnités journalières.

Selon exploit du 3 mars 2022, la société A. a sollicité la réformation de l'ordonnance dont s'agit en toutes ses dispositions et demandé à la Cour, statuant à nouveau, de :

  • dire et juger que les primes exceptionnelles perçues par un salarié ne doivent pas être comprises dans l'assiette de calcul du salaire journalier,

  • fixer le montant des indemnités journalières dues à B. à la somme de 1.538,70 euros pour les mois de 30 jours et de 1.589,99 euros pour les mois à 31 jours,

  • dire et juger qu'elle a versé un trop-perçu d'indemnités de 32.844,90 euros depuis le 27 avril 2016 jusqu'au mois de février 2022, à parfaire au jour de l'arrêt à intervenir,

  • condamner B. à lui rembourser ladite somme en l'autorisant à déduire une somme mensuelle de 400 euros sur le versement des prochaines indemnités journalières et au besoin sur le paiement de la rente,

  • condamner B. à lui rembourser la somme de 20.013 euros versée au titre de l'astreinte en exécution de l'ordonnance querellée,

  • rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de B.

  • condamner B. aux dépens, avec distraction au profit de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Aux termes de ses écritures judiciaires récapitulatives du 25 mai 2022, la société A. a réitéré ses prétentions. Elle fait valoir en substance que :

  • le Juge chargé des accidents du travail ayant compétence, aux termes de l'article 18 de la loi n° 636, pour statuer sur « toutes les demandes concernant le paiement de l'indemnité journalière », avait nécessairement compétence pour déterminer le salaire journalier devant servir de base au calcul des indemnités journalières, étant souligné que l'article 21 ter de la même loi le précise expressément,

  • l'ordonnance devra être réformée puisque la condamnation au paiement devait nécessairement être précédée d'une analyse de l'assiette de calcul, la partie adverse le reconnaissant d'ailleurs aux termes de ses conclusions,

  • une erreur de calcul de l'assureur-loi ne saurait entraîner une novation des obligations mises à sa charge par la loi n° 636 qui est d'ordre public,

  • le Juge chargé des accidents du travail ne pouvait pas lui imposer de reprendre le paiement d'indemnités journalières qui ne seraient pas dues en application de la loi,

  • l'assureur-loi peut tout à fait, s'il s'aperçoit d'une erreur, modifier le montant de l'indemnité de repos antérieurement versée et opérer des retenues, dans la mesure du raisonnable, sur le service des indemnités journalières ultérieures pour obtenir le remboursement du trop-perçu, tandis qu'il en est de même s'agissant du service d'une rente (TPI, 11 avril 2002 C c/AGF),

  • le montant des indemnités n'étant pas initialement fixé par le Juge chargé des accidents du travail, ce n'est qu'en cas de contestation sur le paiement desdites indemnités qu'il appartient au magistrat de se prononcer en application de l'article 18 de la loi n° 636, l'assureur-loi pouvait ainsi modifier unilatéralement le montant du service sans avoir à saisir préalablement une juridiction,

  • une astreinte ne peut être prononcée « tant que la fixation des sommes dues n'est pas intervenue par suite d'une contestation sur le droit aux prestations » (TPI, 15 juin 1989),

  • tel est précisément le cas en l'espèce puisque tout l'objet des demandes formées devant le Juge chargé des accidents du travail était de voir, pour la première fois, le montant dû à la victime judiciairement fixé au titre de ses indemnités journalières en l'état des contestations élevées par les parties sur sa base de calcul,

  • l'astreinte se calcule en fonction des indemnités journalières ou rentes légalement dues lorsque celles-ci ont été préalablement fixées par un juge,

  • aucune astreinte ne saurait pouvoir courir sur le montant d'une indemnité journalière que l'assureur-loi aurait mal calculée, la partie adverse admettant également une erreur de calcul du salaire journalier,

  • le Juge chargé des accidents du travail ne pouvait ainsi nullement la condamner au paiement d'une astreinte en fonction d'un montant d'indemnité journalière que toutes les parties reconnaissent être erronée et qui n'a pas été fixée préalablement par le juge,

  • la décision dont l'intimé se prévaut est sans lien avec le présent débat puisqu'il était question du non-règlement d'une rente dont le montant avait été préalablement fixé par un jugement,

  • la mauvaise foi n'est pas une condition permettant d'ordonner le paiement de l'astreinte prévue par l'article 8 de la loi n° 636,

  • la sanction encourue est automatique, ne laissant aucune marge d'appréciation au juge lorsque l'assureur-loi ne s'acquitte pas, à bonne date, du montant des indemnités journalières ou de la rente préalablement fixée par un juge,

  • la CCSS avait pris le relais dans le paiement des indemnités journalières au cours de la période comprise entre le 4 janvier 2021 et 20 avril 2021, si bien qu'il ne peut être allégué qu'elle aurait opéré une réduction des indemnités journalières à compter du mois de janvier 2021 et attendu le mois d'avril suivant pour en informer la victime,

  • elle ne s'est aperçue de son erreur de calcul qu'après l'ordonnance de conciliation du 20 avril 2021 et a ainsi régularisé la situation en avisant immédiatement B.et son conseil le 27 avril 2021, tout comme le Juge chargé des accidents du travail, de sorte que les motifs des premiers juges sont erronés à cet égard,

  • le courrier adressé au Juge chargé des accidents du travail était destiné à lui permettre d'opérer son contrôle et le calcul de l'indemnité journalière ainsi que de la retenue à opérer, conformément à l'article 21 septies alinéa 4 de la loi n° 636,

  • par ailleurs, le Juge chargé des accidents du travail condamne l'assureur-loi à reprendre le paiement des indemnités journalières sans modification du montant initialement calculé tout en faisant état d'un salaire journalier de 87,23 euros, différent de celui de 99,56 euros initialement retenus,

  • aucune des parties n'est en mesure d'expliquer ce montant, tandis que B. prétend finalement à un salaire journalier de 83,07 euros, si bien que la réformation s'impose,

  • elle n'a soulevé aucune exception d'irrecevabilité,

  • depuis tout temps, le salaire journalier servant de base au calcul des indemnités journalières se détermine, en application de l'article 5 de la loi n° 636, sans tenir compte des primes exceptionnelles que la victime aurait pu éventuellement percevoir, et ce, à la différence du calcul de la rente viagère pour lequel le salaire de base s'entend de la rémunération effective totale allouée durant l'année ayant précédé l'accident,

  • en effet, l'article 5 ne prévoit pas que l'assiette du salaire journalier doit comprendre la rémunération effective totale,

  • si le législateur avait eu l'intention d'inclure les primes exceptionnelles dans l'assiette de calcul du salaire journalier, il l'aurait prévu comme pour le service des rentes,

  • la partie adverse ne peut se prévaloir des dispositions réglementaires françaises du code de la sécurité sociale qui visent expressément la prise en considération de telles primes sous certaines conditions pour le calcul des indemnités journalières servies par les caisses sociales françaises,

  • cette exclusion s'explique par le fait qu'il serait inéquitable et illégitime de faire supporter à l'assureur-loi le paiement, sur une période déterminée, d'une quote-part de prime exceptionnelle que le salarié n'aurait pas vocation à recevoir sur la période considérée même s'il avait travaillé,

  • de plus, le versement d'une indemnité journalière tend à assurer à la victime, pendant son arrêt de travail, la perception d'une quote-part de son salaire brut de base, variant en fonction de la durée de l'arrêt de travail,

  • le service de la rente est quant à lui viager et destiné à réparer un préjudice corporel selon un taux d'incapacité déterminé par expertise,

  • le rejet d'un tel mode de calcul engendrerait d'innommables inégalités quant au calcul des indemnités journalières puisque leur montant varierait en fonction du mois au cours duquel l'accident serait survenu,

  • la Cour devra dire et juger que les primes exceptionnelles ne peuvent être comprises dans l'assiette de calcul du salaire journalier,

  • rien n'impose davantage, en application des dispositions de l'article 5 qui est sujet à interprétation, pour calculer le salaire journalier de prendre en considération les trois derniers bulletins de salaire précédant l'accident,

  • en l'espèce, il suffit d'examiner le salaire du mois de janvier 2015 de 1.923,25 euros et de le diviser par 25 pour obtenir un salaire journalier de 76,93 euros, base sur laquelle il a sollicité la fixation des indemnités journalières,

  • la prescription quinquennale conduit à tenir compte d'un trop-perçu depuis le 27 avril 2016 de 32.844,90 euros,

  • elle sollicite que cette somme puisse être remboursée au moyen de retenues mensuelles de 400 euros,

  • elle a procédé au règlement d'une astreinte de 20.013 euros qui devra également lui être restituée,

  • les dispositions de l'article 238-1 2°) ne sont pas applicables en matière d'accidents du travail puisque le bénéfice de l'assistance judiciaire est de droit, indépendamment de la situation économique de la victime,

  • la présente procédure n'a d'existence que dans la mesure où aucun juge n'a fixé le montant des indemnités journalières dues,

  • il serait inéquitable de le condamner au paiement de la somme de 17.200 euros réclamée par l'avocat-défenseur de la partie adverse.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives du 17 juin 2022, B. demande à la Cour :

  • à titre principal, de confirmer l'ordonnance du 18 février 2022 en toutes ses dispositions,

  • à titre subsidiaire, dans l'hypothèse d'une révision de l'indemnité journalière, de dire que le salaire journalier de référence est de 87,20 euros, de condamner l'assureur-loi à poursuivre le paiement des indemnités journalières sur cette base, de confirmer l'ordonnance pour le surplus et de débouter la société A.de ses autres demandes, fins et prétentions,

  • en tout état de cause, de condamner la société A. à payer à Maître Pierre-Anne NOGHES DU MONCEAU, avocat-défenseur, la somme de 27.000 euros au titre des frais et honoraires non compris dans les dépens, conformément à la lettre de l'article 238-1 du Code de procédure civile,

  • de condamner la société A. aux dépens, avec distraction au profit de Maître Pierre-Anne NOGHES DU MONCEAU, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Il soutient pour l'essentiel que :

  • la société A. lui a versé la somme mensuelle de 2.057,57 euros au titre des indemnités journalières calculées sur la base d'un salaire journalier de 99,56 euros,

  • le 4 janvier 2021, l'assureur-loi a cru bon de modifier unilatéralement le montant de cette indemnité pour la réduire à la somme de 1.451,50 euros en tenant compte d'un salaire journalier de 77,57 euros, et d'y ajouter une retenue mensuelle de 100 euros afin de rembourser les sommes indument payées,

  • le Juge chargé des accidents du travail s'en est tenu à la question dont il était saisi à titre principal, à savoir la validité de la cessation de paiement de l'indemnité, et a refusé de répondre aux demandes de l'assureur-loi concernant le calcul de cette indemnité, si bien que la demande de réformation ne peut prospérer,

  • la loi n° 636 ne donne aucun pouvoir à l'assureur-loi pour modifier à sa guise le montant des indemnités journalières,

  • la partie adverse a fait preuve d'un manque de transparence, persiste à travestir la réalité, et ne peut se réfugier derrière l'intervention de la CCSS à titre gracieux et solidaire,

  • l'indemnité journalière constitue une compensation de la perte de salaire (en ce compris les primes) à hauteur des 2/3, et dans de nombreux cas, comme celui de l'espèce, à travers un montant peu élevé permettant à l'accidenté de subvenir à ses besoins vitaux, alors qu'il est placé dans une situation précaire jusqu'à sa reprise effective de travail,

  • l'accord bilatéral sur le montant initialement proposé par l'assureur-loi (soit 99,56 euros) ne pouvait être modifié par une seule partie et d'autorité,

  • il est possible de raisonner par analogie avec le mécanisme de la saisie sur salaire, qui implique une procédure spécifique, garantie indispensable assurant la sauvegarde des droits du salarié sous le contrôle du juge,

  • le principe de protection également mis en œuvre par la loi n° 636 ne peut subir le bon vouloir de l'assureur-loi, en sorte qu'une diminution des indemnités journalières ne pouvait intervenir sans l'aval du juge compétent, pas plus que la retenue mensuelle opérée,

  • les abus commis par l'assureur-loi justifiaient la demande de paiement des sommes mentionnées et de versement d'une astreinte,

  • la décision produite par la partie adverse (TPI, 15 juin 1989) vise un rejet de condamnation au paiement d'une astreinte dans la mesure où l'assureur-loi était dans l'attente de la décision du Juge chargé des accidents du travail, qui devait statuer sur la date et les modalités de reprise du travail, ce qui n'est pas le cas en l'espèce,

  • la pénalité de l'astreinte vise à éviter à la victime d'être dans une situation aussi préjudiciable que la sienne, alors que la Cour se réfèrera à une décision du Tribunal de première instance (TPI 2 avril 2015, B contre AXA France IARD), transposable au cas d'espèce, puisque le montant de la rente faisait l'objet de discussions,

  • le montant sur lequel l'assureur-loi a opéré une diminution aurait dû le conduire à saisir le juge compétent, ce qu'il n'a pas fait,

  • l'article 21 ter se réfère au salaire annuel de la victime, soit en décembre 2014, 26.169,81 euros, correspondant à un salaire journalier de 87,20 euros bruts,

  • l'article 5 de la loi n° 636 n'exclut pas les primes du calcul du salaire journalier, tandis qu'il est à noter qu'en France, l'article R433-5 du Code de la sécurité sociale le prévoit expressément, la Cour de Cassation ayant précisé les primes concernées,

  • bien que l'assistance judiciaire soit de droit, les deniers de l'État n'ont pas vocation à financer une procédure dont l'existence ne trouve son origine que dans les fautes commises par la société A.

  • le nouvel article 238-1 du code de procédure civile est bien applicable à la présente procédure et n'opère aucune distinction,

  • la société A. est à l'origine de la présente procédure, en ayant diminué sans motif valable ses indemnités journalières, a formé appel en contraignant son conseil à de nouvelles conclusions, recherches et échanges, afin de veiller à la sauvegarde de ses intérêts, et est aussi à l'origine d'une autre procédure ayant abouti au jugement du 13 juin 2019,

  • la partie adverse est coutumière des procédures intentées avec une certaine légèreté, n'hésitant pas à se défaire de ses responsabilités au détriment des caisses sociales qui pallient ses carences,

  • l'examen du dossier ayant nécessité 69 heures de travail pour un taux horaire habituel de 400 euros, la somme de 27.000 euros réclamée devra être allouée.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

Attendu que l'appel formé par la société A. le 3 mars 2022 à l'encontre d'une ordonnance du 18 février 2022, qui est conforme aux conditions de forme et de délai prévues par la loi, doit être déclaré recevable ;

Attendu que l'ordonnance n'a pas été critiquée en ce qu'elle a déclaré les demandes de B. recevables, bien que l'assureur-loi ait souligné n'avoir soulevé aucune fin de non-recevoir ; que la décision de première instance sera dès lors confirmée à cet égard ;

Attendu qu'en vertu de l'article 18 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958, modifiée, « En cas d'accident mortel, le juge chargé des accidents du travail connaît en dernier ressort des contestations relatives aux frais funéraires prévus par l'article 11.

Dans les autres cas, il connaît en dernier ressort jusqu'à trois cents francs et à charge d'appel si l'intérêt du litige excède ce montant, de toutes les demandes concernant : le paiement de l'indemnité journalière prévue par le chiffre 1 de l'article 4, pendant la période d'incapacité temporaire comprise entre le jour de l'accident et la date de guérison ou de consolidation ; le paiement des frais médicaux, chirurgicaux, pharmaceutiques et accessoires prévus par l'article 10 et, s'il y a lieu, l'application des dispositions relatives à la fourniture des appareils de prothèse conformément aux dispositions réglementaires. L'ordonnance rendue est exécutoire par provision nonobstant opposition ou appel » ;

Que l'article 21 ter de cette même loi dispose que « Si les conséquences pécuniaires de l'accident incombent à l'assureur, ou, le cas échéant, à l'employeur, le juge procède à la fixation des indemnités et frais visés à l'article 18, ainsi qu'au règlement des rentes dues au cas d'accident mortel ou d'accident suivi d'incapacité permanente. Il se fait remettre par l'employeur, s'il y a lieu, un état en double exemplaire précisant le salaire annuel de la victime et, en cas de décès de celle-ci, la liste des ayants droit » ;

Attendu que contrairement à la position du premier juge sur ce point, les termes de la loi permettent de considérer que le Juge chargé des accidents du travail, qui connaît de « toutes » les demandes concernant le paiement de l'indemnité journalière et procède à la « fixation des indemnités journalières », est parfaitement compétent pour statuer sur l'assiette de calcul et le montant du salaire journalier ; qu'en effet, le législateur a entendu voir la fixation de l'indemnité journalière rapidement réglée par le Juge chargé des accidents du travail et non par les juridictions du fond, s'agissant de la compensation partielle de la perte de salaire de la victime, liée à un arrêt de travail des suites de l'accident du travail ;

Qu'en conséquence, l'ordonnance doit être infirmée en toutes ses autres dispositions (sauf en ce qui concerne les dépens), le Juge chargé des accidents du travail étant compétent pour fixer le montant des indemnités journalières ou leur assiette de calcul ; que la Cour, faisant application des règles de droit commun, conformément à l'article 22 de la loi n° 636 précitée, entend user de son pouvoir d'évocation prévue par l'article 433 du Code de procédure civile, l'affaire étant en état d'être jugée, en l'état du débat contradictoire complet qui s'est instauré entre les parties ;

Attendu que l'article 5 de la loi n° 636 modifiée prévoit que :

« Le salaire journalier servant au calcul de l'indemnité de repos s'entend du salaire hebdomadaire divisé par six.

Si le salaire est variable, l'indemnité journalière est égale à la moitié du salaire moyen des journées de travail pendant le mois qui a précédé l'accident.

Si le travail n'est pas continu, l'indemnité journalière sera calculée en divisant par le nombre de jours ouvrables le salaire annuel calculé conformément aux dispositions de l'article 6, paragraphe 3.

En aucun cas le montant du salaire journalier calculé en application des alinéas précédents ne pourra excéder le trois cent douzième de la somme définie au deuxième alinéa de l'article 3-1 ci-dessus » ;

Attendu que contrairement aux affirmations de l'appelant sur ce point, le législateur ne s'est pas expressément référé, pour le calcul de la rente (article 6 de la loi n° 636), à la prise en considération des primes, bien qu'il ait visé la notion de « rémunération effective totale » annuelle, laquelle a été interprétée comme intégrant certaines primes ;

Attendu que si le législateur a choisi prioritairement le cadre hebdomadaire pour le calcul du salaire journalier de l'indemnité de repos, il s'est également placé, pour d'autres hypothèses, dans le cadre mensuel (alinéa 2 de l'article 5) et annuel (alinéa 3 de l'article 5 renvoyant à l'article 6 alinéa 3 relatif au salaire annuel en cas de travail non continu) ; que l'article 21 ter relatif aux indemnités journalières et aux rentes impose la transmission au Juge chargé des accidents du travail d'éléments concernant le salaire annuel de la victime ;

Qu'il s'ensuit que la pratique, qui conduit régulièrement à calculer le salaire journalier sur la base d'une rémunération annuelle, n'apparaît pas contraire aux dispositions légales précitées ;

Qu'en outre, en cas de rémunération mensuelle variable des accidentés, le lissage annuel, en vue du calcul du salaire journalier, permet d'éviter l'écueil de l'inégalité résultant de la date de survenance de l'accident, ce que ne permet pas le lissage, trimestriel initialement mis en place, ou mensuel désormais proposé par l'assureur-loi ;

Attendu que les primes, qui participent de la rémunération effective de la victime, doivent ainsi être comprises dans l'assiette de calcul du salaire journalier ;

Qu'en l'espèce, en l'état des seules pièces relatives aux salaires communiquées au Juge chargé des accidents du travail, le salaire journalier doit être calculé de la manière suivante :

Salaire annuel visé dans le bulletin de salaire de décembre 2016 : 26.169,81 euros (intégrant les primes), Salaire journalier : 26.169,91/12/25 = 87,23 euros,

bien qu'il convienne de retenir la somme sollicitée par B. à concurrence de 87,20 euros ;

Qu'il y a lieu de fixer le salaire journalier devant servir de base au calcul de l'indemnité journalière à la somme de 87,20 euros depuis l'accident du travail du 16 février 2015 et de condamner l'assureur-loi à reprendre le paiement d'indemnités journalières, au profit de B. calculées sur cette base ;

Attendu qu'en vertu de l'article 8 de la loi n° 636, modifiée, « (...) Tout retard apporté au paiement, soit de l'indemnité temporaire, soit des rentes, donnera droit au créancier, à partir du huitième jour de leur échéance, à une astreinte quotidienne de 1 % du montant des sommes non payées » ;

Attendu qu'aux termes de l'article 21 septies alinéa 4, « Dans le cas où le montant de l'indemnité ou de la provision excède les arrérages dus jusqu'à la date de la fixation de la rente, le juge ou le tribunal peut ordonner que le surplus sera précompté sur les arrérages ultérieurs dans la proportion qu'il détermine » ;

Attendu qu'il résulte du dossier d'accident du travail ainsi que des pièces versées aux débats que :

  • le Docteur BU., médecin-conseil de la compagnie d'assurances, a considéré, aux termes d'un rapport du 16 novembre 2020, que la consolidation pouvait être fixée au 4 janvier 2021,

  • la victime ayant contesté lesdites conclusions, le Docteur D. a été désigné en qualité d'expert par le Juge chargé des accidents du travail le 2 février 2021,

  • la société A. a suspendu le paiement des indemnités journalières à compter du 4 janvier 2021, les caisses sociales monégasques ayant pris le relai de ce règlement, sans que puisse être déterminée une quelconque influence de l'assureur-loi sur le calcul des indemnités ainsi servies par ces dernières,

  • l'expert D. a conclu à une absence de consolidation au 19 mars 2021,

  • son rapport a été homologué par le Juge chargé des accidents du travail le 20 avril 2021 en l'état de l'accord des parties,

  • la société A. a repris le paiement des indemnités journalières le 20 avril 2021 mais a modifié le montant servi pour les motifs exposés dans son courrier du 27 avril 2021 ;

Attendu que la société A. qui avait accepté de poursuivre la prise en charge des conséquences pécuniaires de l'accident du travail à compter du 20 avril 2021 (et rétroactivement depuis le 4 janvier 2021 en procédant au remboursement des sommes réglées par les caisses sociales) - alors que le montant de l'indemnité journalière avait donné lieu à un accord des parties (salaire journalier 99,56 euros) depuis l'accident du travail du 16 février 2015 - ne pouvait procéder d'autorité, sans intervention du Juge chargé des accidents du travail, à une minoration des indemnités servies (sur le base d'un salaire journalier de 77,57 ou 76,93 euros) ou à une quelconque retenue supplémentaire pour un trop-perçu (100 euros par mois), et ce, en application des articles 21 ter et 21 septies alinéa 4 précités, étant relevé à cet égard que la société A. s'est simplement contentée d'aviser le magistrat de son courrier du 27 avril 2021 ;

Qu'en effet, si la société A. a, à l'occasion de la saisine du Juge chargé des accidents du travail par la victime en juin 2021, sollicité le 2 août 2021 la fixation de l'indemnité journalière sur la base qu'elle avait mise en place dès le 20 avril 2021 et une autorisation de retenue mensuelle de 100 euros, elle n'a pas attendu la décision du Juge chargé des accidents du travail ou du Tribunal sur ces points pour mettre en œuvre sa position ;

Qu'en conséquence, la société A.a, indépendamment de la question de la mauvaise foi (non pertinente au regard des termes de l'article 8 susvisé), pris un retard de paiement pour la partie de l'indemnité journalière non réglée, calculée sur la base du salaire journalier fixé ci-dessus à 87,20 euros (en tenant compte de la minoration de ce salaire journalier ainsi que de la retenue), peu important le trop-perçu déjà existant à l'époque, lequel n'avait donné lieu à aucune autorisation de retenue dans une proportion judiciairement fixée ;

Que l'astreinte de 1 % est dès lors due, en application de l'article 8 de la loi n° 636 précité, 8 jours à compter du 20 avril 2021 (reprise du paiement des indemnités journalières), soit à compter du 29 avril 2021, puis 8 jours après chacune des échéances, sur la partie de l'indemnité journalière non réglée (différence entre la somme de 87,20 x 2/3 x 30 = 1.744 euros pour 30 jours ou 87,20 x 2/3 x 31 = 1.802,13 euros pour 31 jours et celles effectivement versées), et ce, sous déduction des sommes déjà réglées à ce titre (20.013 euros) ; qu'un éventuel remboursement au profit de l'assureur-loi ne pourra intervenir que si les sommes versées au titre de l'astreinte des suites de l'ordonnance du 18 février 2022 s'avèrent supérieures à celles dues en vertu du présent arrêt ;

Attendu qu'en application de l'article 2062 du Code civil, la demande en justice interrompt le délai (non contesté) de prescription quinquennale ; que le courrier de l'assureur-loi du 27 avril 2021 adressé à la victime, dont le Juge chargé des accidents du travail a été avisé sans saisine particulière, ne constitue pas une demande en justice, bien que celle-ci ait été formalisée par l'assureur-loi, dans sa correspondance adressée au Juge chargé des accidents du travail le 2 août 2021 ;

Qu'en l'espèce, au regard des tableaux récapitulatifs de l'assureur-loi, le trop-perçu par la victime remontant au 2 août 2016 s'établit en définitive jusqu'au 28 février 2022 à la somme de :

Sommes dues sur la période du 2 août 2016 au 28 février 2022 :

  1. 037 jours x 87,2 x 2/3 = 118.417,60 euros,

Sommes réglées sur la même période par l'assureur-loi et au titre de la condamnation du Juge chargé des accidents du travail :

  1. 300,55 (2 août 2016 au 31 juillet 2021) + 10.773,69 (août 2021 à février 2022) + 7.880,60 euros (condamnation du Juge chargé des accidents du travail) = 135.954,84 euros,

Trop perçu : 135.954,84 - 118.417,60 = 17.537,24 euros ;

Que dans ces conditions, la société A. doit être autorisée à obtenir le remboursement des sommes qui lui sont dues, si nécessaire, par des retenues mensuelles de 200 euros à valoir sur les indemnités journalières à venir ou la rente qui sera éventuellement servie à B. conformément à l'article 21 septies alinéa 4 de la loi n° 636 ;

Attendu que l'article 238-1 du Code de procédure civile énonce que « Le juge condamnera la partie tenue aux dépens ou qui perdra son procès à payer :

1° à l'autre partie la somme qu'il déterminera, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens,

2° et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'assistance judiciaire une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'assistance aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide.

Dans tous les cas, le juge tiendra compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il pourra, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. Néanmoins, s'il alloue une somme au titre du 2° du présent article, celle-ci ne pourra être inférieure à la part contributive de l'État.

L'avocat du bénéficiaire de l'assistance judiciaire ne pourra cumuler la somme prévue au titre du 2° du présent article avec la part contributive de l'État » ;

Que faute d'exclusion légale, lesdites dispositions sont bien applicables en matière d'accidents du travail, même si le bénéfice de l'assistance judiciaire est de droit ;

Que l'équité ne commande pas en l'espèce de condamner la société A. à payer à l'avocat du bénéficiaire de l'assistance judiciaire une somme au titre des frais et honoraires non compris dans les dépens, que ledit bénéficiaire aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide ; que si l'assureur-loi a été condamné à régler une astreinte compte tenu du retard pris dans le paiement d'une partie des indemnités journalières, il dispose d'une créance non négligeable à l'encontre de la victime qui justifiait la mise en œuvre légitime de son recours, en sorte qu'il ne serait pas équitable de lui faire supporter les frais et honoraires de l'avocat de la partie adverse, bénéficiaire de l'assistance judiciaire ;

Attendu que les dépens de première instance doivent demeurer à la charge de la société A. l'ordonnance du Juge chargé des accidents du travail devant être confirmée sur ce point ;

Attendu qu'il convient toutefois d'ordonner la compensation totale des dépens d'appel, en l'état de la succombance respective des parties ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO, statuant contradictoirement,

Déclare recevable l'appel formé par la société A.

Infirme en toutes ses dispositions l'ordonnance du Juge chargé des accidents du travail du 18 février 2022, sauf en ce qu'elle a déclaré recevables les demandes de B.et a condamné la société A. aux dépens,

Statuant à nouveau,

Dit que le Juge chargé des accidents du travail est compétent pour fixer le montant de l'indemnité journalière due par l'assureur-loi et l'assiette de calcul du salaire journalier prévu par l'article 5 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958, modifiée,

Usant de son pouvoir d'évocation,

Fixe le montant dudit salaire journalier à la somme de 87,20 euros,

Condamne la société A. à poursuivre le paiement des indemnités journalières sur la base dudit salaire journalier au profit de B.

Condamne la société A. à payer à B. une astreinte de 1 % des indemnités journalières, demeurées impayées, calculées sur la base d'un salaire journalier de 87,20 euros, à compter du 29 avril 2021, et puis 8 jours à compter de chaque nouvelle échéance, et ce, sous déduction des sommes versées en exécution de l'ordonnance du 18 février 2022,

Dit que la société A. est fondée à obtenir remboursement des sommes qu'elle a déjà versées à B.au titre de l'astreinte, au-delà de celles dues en vertu du présent arrêt,

Constate que la société A. a versé un trop perçu d'indemnités journalières de 17.537,24 euros à B. pour la période comprise entre le 2 août 2016 et le 28 février 2022,

Autorise la société A. à obtenir le remboursement des sommes qui lui sont ainsi dues, si nécessaire, par des retenues mensuelles de 200 euros à valoir sur les indemnités journalières à venir ou la rente qui sera

éventuellement servie,

Y ajoutant, rejette la demande fondée sur l'article 238-1 du Code de procédure civile, Ordonne la compensation totale des dépens d'appel,

Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, et qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement,

Composition🔗

Ainsi jugé et rendu au Palais de Justice, à Monaco, le 18 OCTOBRE 2022, par Madame Claire GHERA, Conseiller, faisant fonction de Président, Madame Sandrine LEFEBVRE, Conseiller, Madame Magali GHENASSIA, Conseiller, assistées de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Madame Emmanuelle CARNIELLO, Substitut du Procureur général.

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