Cour d'appel, 29 mars 2022, Mme A. c/ M. B.

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Abstract🔗

Vente - Vente immobilière - Cession de parts sociales négociables - Vente parfaite (non)

Action en justice – Abus du droit d'ester en justice (non)

Résumé🔗

Dans le cadre d'un contrat de vente, l'accord sur la chose et sur le prix, élément essentiel prévu à l'article 1426 du Code civil, ne suffit pas notamment lorsque les parties sont convenues de signer un avant-contrat et doivent s'accorder sur les éléments substantiels du contrat auxquels les parties ont entendu subordonner leur consentement et leur conférer un caractère essentiel.

Mme A. et M. B. sont restés, après leur divorce, titulaires chacun de 50 % des parts de la société de droit panaméen, propriétaire d'un bien immobilier pour lequel M. B. bénéficiait d'un droit d'occupation à titre gratuit, prenant fin au plus tard aux 21 ans de l'enfant commun ou si celui-ci se trouvait scolarisé à plus de 100 km de distance de Monaco, ce qui est arrivé avec la poursuite de son cursus scolaire au Royaume-Uni. À la suite de l'engagement d'une procédure d'expulsion et de pourparlers, l'appelante a accepté la vente des biens immobiliers ou le rachat de ses parts sociales qu'elle a confirmé dans un courriel.

Le Tribunal de Première Instance a estimé que les échanges n'étaient que des négociations et que les parties étaient toujours en discussion sur les éléments essentiels de l'accord. Il a condamné Mme A. à verser des dommages et intérêts en raison de sa mauvaise foi persistante dans la procédure, celle-ci ayant procédé à une présentation dénaturée des faits et tenté d'obtenir un jugement de cession forcée de ses actions alors même que les notaires monégasques n'étaient pas autorisés à dresser un acte de cession de parts de sociétés étrangères. La Cour d'appel rejette le pourvoi de Mme A., considérant que les parties étaient restés au stade des pourparlers et avaient d'un commun accord soumis la rencontre de leurs volontés respectives d'acheter les parts sociales et de les vendre à la signature d'un avant-contrat. La Cour révise le jugement en ce qu'il avait condamné l'appelante à verser 30 000 € de dommages et intérêts au motif que cette procédure qui porte sur l'existence d'une vente parfaite est différente de celle de l'occupation de l'appartement et que seuls les juges chargés de ce contentieux sont compétents pour apprécier la mauvaise foi de A. ainsi que ses manquements dans l'exécution de l'accord homologué par le Tribunal. Le droit au recours étant un droit fondamental, Mme A. n'a pas fait dégénérer en abus par une multiplication de procédures ou une intention de nuire son droit d'interjeter appel.


En la cause de :

-  Madame A., née le 1er février 1968 à Rome (Italie), de nationalité italienne, demeurant et domiciliée X1à Monaco (98000) ;

Ayant primitivement élu domicile en l'Étude de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, puis en celle de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur en cette même Cour et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;

APPELANTE,

d'une part,

contre :

-  Monsieur B., né le 11 juin 1944 à Rome (Italie), de nationalité italienne, demeurant et domicilié X1à Monaco (98000) ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;

INTIMÉ,

d'autre part,

Visa🔗

LA COUR,

 

Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 27 juin 2019 (R. 5758) ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Patricia GRIMAUD-PALMERO, huissier, en date du 12 août 2019 (enrôlé sous le numéro 2020/000025) ;

Vu les conclusions déposées les 10 décembre 2019 et 4 novembre 2020 par Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur, au nom de Monsieur B. ;

Vu les conclusions déposées le 22 juillet 2020 par Maître Christine PASQUIER-CIULLA, alors avocat-défenseur, au nom de Madame A. ;

À l'audience du 4 janvier 2022, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;

Motifs🔗

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par Madame A. à l'encontre d'un jugement du Tribunal de première instance du 27 juin 2019.

Considérant les faits suivants :

B.et A. contractaient mariage à Monaco, le 27 mars 1997, sans contrat préalable.

Au cours de la vie commune, ils constituaient la société de droit panaméen C.CORP, chacun étant titulaire de 50 % des actions.

Le 12 décembre 2000, cette société faisait l'acquisition d'un bien immobilier constitué d'un appartement de 3 pièces et dépendances, une cave et un parking dans l'ensemble immobilier X1à Monaco.

Par jugement du 15 novembre 2007, le Tribunal de première instance prononçait le divorce des parties, le lieu de résidence de l'enfant mineur commun étant fixé chez la mère.

Par ce même jugement, sur l'accord des parties, A. était autorisée à occuper l'appartement susvisé gratuitement, étant précisé que cette mise à disposition cesserait aux 21 ans de l'enfant ou si celui-ci se trouvait scolarisé à plus de 100 km de distance de Monaco.

Un différend survenait entre les ex-conjoints à l'occasion du départ de leur fils prévu pour le 30 septembre 2016, en Angleterre pour y entreprendre un cursus scolaire, B. sollicitant la libération des lieux par A. en s'appuyant sur le jugement précité qui avait pris acte de cet accord, celle-ci estimant au contraire devoir s'y maintenir.

Des discussions entre les parties, incluant leurs conseils, étaient alors engagées à l'initiative de B. en vue du rachat par lui des actions de A.

Alléguant avoir vendu le 14 mars 2018 ses actions par son acceptation d'une offre émise par B. qui refusait néanmoins de réaliser les actes nécessaires à la matérialisation de la cession des actions, A. le faisait assigner, par acte d'huissier du 30 août 2018, devant le Tribunal de première instance notamment aux fins de dire et juger parfaite la vente de l'ensemble des actions détenues par elle au sein de la société de droit panaméen C.CORP., à B. au prix de 4.500.000 euros.

Par jugement en date du 27 juin 2019, le Tribunal de première instance statuait en ce sens :

  • -  déboute A. de l'ensemble de ses demandes,

  • -  condamne A. à payer à B.la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice,

  • -  condamne A. aux dépens de l'instance, avec distraction au profit de Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation de droit,

  • -  ordonne que lesdits dépens soient provisoirement liquidés sur état par le Greffier en Chef, au vu du tarif applicable.

Pour statuer en ce sens, les premiers juges estimaient en substance qu'il ne résultait ni de la réponse du 23 mars 2018 de A. ni des courriers échangés entre les parties dans le cadre des négociations son acceptation de l'offre d'achat des actions de B. et que les parties étaient toujours en discussion sur les éléments essentiels de l'accord.

Ils condamnaient A. à verser des dommages et intérêts à la partie adverse en raison de sa mauvaise foi persistante dans la procédure, celle-ci ayant procédé à une présentation dénaturée des faits et tenté d'obtenir un jugement de cession forcée de ses actions alors même que les notaires monégasques n'étaient pas autorisés à dresser un acte de cession de parts de sociétés étrangères.

Par acte d'huissier en date du 12 août 2019, A. interjetait appel du jugement.

Aux termes de son acte d'appel et de ses conclusions en date du 20 juillet 2020, A. demandait à la Cour de :

  • -  l'accueillir en son appel, l'y déclarer fondée, 

  • -  infirmer le jugement rendu par le Tribunal de première instance en date du 27 juin 2019 signifié le 12 juillet 2019 en toutes ses dispositions,

Faisant ce que le premier juge aurait dû faire et statuant de nouveau,

-  dire et juger parfaite la vente de l'ensemble de ses actions au sein de la société de droit panaméen C.CORP. à B.au prix de 4.500.000 euros,

 

En conséquence,

  • -  condamner B. à signer l' instrumentum actant de la cession à son profit de l'ensemble des actions détenues par A.au sein de la société de droit panaméen C.CORP. ainsi que tous autres documents nécessaires en ce sens, et d'effectuer toutes démarches et formalités nécessaires en ce sens, et notamment de publicité à l'égard des tiers dans le mois de la signification du jugement à intervenir, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard,

  • -  condamner B. au paiement du prix de 4.500.000 euros ainsi qu'au paiement de l'ensemble des frais, honoraires et droits de ladite cession des actions et y afférent, dans le mois de la signification du jugement à intervenir, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard,

  • -  dire et juger que si B. n'y déférait pas, le jugement à intervenir tiendra lieu d'acte de cession de l'ensemble des actions détenues par A. à B.

  • -  condamner B.au paiement de la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts, toutes causes de préjudices confondues,

En tout état de cause,

  • -  débouter B.de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

  • -  condamner B. aux entiers dépens distraits au profit de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Après un rappel des faits et de la procédure, A. soutenait que B. lui avait fait une offre d'achat de ses actions le 14 mars 2018.

Il résultait de la jurisprudence française, à laquelle elle se référait en raison du caractère identique des dispositions de l'article 1426 alinéa 1er du Code civil monégasque et de celles de l'article 1583 du Code civil français, que cette offre était distincte de simples négociations comme l'avaient retenu à tort les premiers juges, B.ne l'ayant soumise à aucun accord sur d'autres modalités constituant des éléments essentiels du contrat.

A. affirmait par ailleurs avoir accepté sans réserve cette offre par courriel du 23 mars 2018, faisant une analyse des termes usités dans ce courriel qu'elle estimait dépourvus de toute ambiguïté, rappelant que B. avait pris acte de sa décision de lui vendre ses parts par courriel du 24 mars 2018 et qu'elle avait entrepris des recherches d'appartement dès le mois de mai 2018 en raison de la vente parfaite de ses actions intervenue entre les parties.

Elle soutenait que :

  • -  cette vente des actions était parfaite dans la mesure où les parties s'étaient accordées sur les éléments essentiels du contrat, à savoir la chose et le prix, en vertu de l'article 989 du Code civil,

  • -  la juridiction monégasque était compétente en vertu des articles 4 et 6 1° et 2° du Code de droit international privé pour procéder à l'exécution de cette vente aux motifs que les parties étaient domiciliées en Principauté de Monaco, que la société de droit panaméen C.CORP. était propriétaire d'un bien immobilier à Monaco, que les actions objet de la vente étaient déposées en Principauté de Monaco et y seront livrées et l'acceptation de l'offre de la vente avait été formalisée à Monaco,

  • -  la cession des actions ne devait pas nécessairement être formalisée par acte authentique.

A. contestait enfin être de mauvaise foi, affirmant que :

  • -  le Tribunal de première instance avait lié à tort le présent contentieux à l'exécution du jugement de divorce dont ils avaient dénaturé les termes, ce dernier ne prévoyant pas la libération des lieux mais la fin de l'attribution à titre gratuit du logement appartenant à la société de droit panaméen C.CORP.,

  • -  B.ne pouvait arguer d'un préjudice résultant de l'absence de libération des lieux dans la mesure où seule la société de droit panaméen C.CORP. en était propriétaire.

Aux termes de ses conclusions des 10 décembre 2019 et 30 octobre 2020, B. demandait à la Cour :

  • -  débouter A.de son exploit d'appel et d'assignation signifié le 12 août 2019,

  • -  le recevoir en son appel incident parte in qua du jugement rendu par le Tribunal de première instance le 27 juin 2019, du chef du quantum des dommages et intérêts et le dire bien fondé,

En conséquence,

  • -  confirmer le jugement rendu par le Tribunal de première instance le 27 juin 2019 en ce qu'il a débouté A. de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

  • -  le réformer en ce qu'il a condamné A. à lui payer la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice,

Et statuant de nouveau,

  • -  condamner A. à lui régler la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts pour toutes causes de préjudices confondues,

  • -  la condamner à lui régler la somme complémentaire de 20.000 euros de dommages et intérêts pour appel abusif,

  • -  condamner A. aux entiers dépens de première instance et d'appel distraits au profit de Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Après un rappel des faits et de la procédure, B. affirmait que les parties ne s'étaient pas accordées sur tous les éléments essentiels de la cession des actions, notamment sur le montant des indemnités d'occupation dues par A. au-delà du 30 septembre 2016, la date de prise de possession des lieux, la charge fiscale, les frais afférents à la vente qui constituaient la base de leurs négociations, de sorte que ces dernières n'avaient pu aboutir et étaient restées au stade des pourparlers.

Il ajoutait que la vente était subordonnée à la signature d'un contrat préliminaire fixant des conditions et des éléments essentiels visés au courrier de son Conseil en date du 6 avril 2018 et sur lesquels les parties ne s'étaient pas accordées de sorte que la vente n'avait pas été formée par un échange de consentements définitifs. Aussi l'acceptation de l'offre d'achat par A. aux termes de son courriel du 23 mars 2018 ne constituait pas un avant-contrat.

Il soutenait ainsi que :

  • -  les indemnités d'occupation faisaient partie de l'une des conditions essentielles du contrat préliminaire à conclure,

  • -  le sort des indemnités d'occupation le concernait dans la mesure où il détenait la moitié des actions du capital de la société de droit panaméen C.CORP. et où son préjudice était directement lié à celui de la société qui n'était qu'une forme d'organisation de son patrimoine personnel, faisant sienne l'analyse des premiers juges,

  • -  A. avait elle-même réservé son engagement à la résolution de l'ensemble des litiges entre les ex-conjoints,

  • -  A. n'avait pas respecté l'accord homologué par le Tribunal sur ses conditions d'occupation du bien,

  • -  l'appelante occupant l'appartement, la vente nécessitait un accord sur la date de jouissance du bien et sur la libération des lieux,

  • -  les modalités de cession des actions, qui étaient au porteur et par conséquent de nature à bloquer une vente en application des dispositions légales monégasques, n'avaient pas été définies par les parties,

  • -  l'engagement des parties était subordonné à la signature d'un contrat préliminaire,

  • -  en tout état de cause, la cession des actions détenues par A.au sein de la société de droit panaméen C.CORP. ne pouvait être réglée que par le droit panaméen et en aucun cas par la loi n° 1.381 du 19 juin 2011, s'agissant de titres composant le capital social d'une société de droit panaméen régie par les lois de ce pays.

B. soutenait au surplus qu'aucune condamnation à signer un acte de cession d'actions par acte authentique ne pouvait être prononcée à son encontre dans la mesure où :

  • -  les notaires monégasques n'étaient pas autorisés à dresser un tel acte,

  • -  A.ne précisait pas les documents qu'il était sensé régulariser.

L'intimé sollicitait la condamnation de A. au paiement de dommages et intérêts en vertu de l'article 1229 du Code civil, dont il sollicitait la fixation du montant à la somme de 100.000 euros, faisant sienne la motivation des premiers juges sur sa mauvaise foi et soulignant que :

  • -  A. était toujours domiciliée dans l'appartement sans verser la moindre indemnité d'occupation depuis le 1er octobre 2016,

  • -  l'appelante persistait à dénaturer les faits afin de s'attribuer une somme de 4.500.000 euros.

Il demandait enfin la condamnation de A. au paiement de dommages et intérêts pour appel abusif, en l'absence de critique concrète et explicite des motifs du jugement par la partie adverse et eu égard à la faiblesse de ses moyens aggravée par l'absence de nouveaux arguments ou de nouvelles pièces permettant à la Cour de réformer le jugement déféré, l'obligeant à exposer de nouveau des frais de justice.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

 

SUR CE,

 

Attendu que les appels principal et incident régulièrement formés dans les conditions de fond et de forme prévues par le Code de procédure civile, doivent être déclarés recevables ;

Sur l'existence d'une vente parfaite des actions

Attendu que l'article 989 du Code civil dispose en son alinéa premier que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ;

Que l'article 1426 du Code civil traitant de la vente dispose : « Elle est parfaite lorsque les parties sont d'accord sur la chose et sur le prix.

Toutefois, lorsque la convention a pour objet un immeuble situé dans la Principauté d'une valeur supérieure à 23 euros, elle ne produit ses effets qu'à partir du moment où elle est constatée par acte authentique passé devant un notaire monégasque.

En cas de refus d'une des parties contractantes de passer ledit acte, l'autre peut, à son choix, soit, si la propriété n'a pas été transférée à un tiers par un acte de vente authentique régulièrement transcrit, faire ordonner par justice qu'elle sera tenue de la passer et que, faute de ce faire, le jugement en tiendra lieu, soit réclamer des dommages-intérêts.

La vente judiciaire d'un immeuble situé dans la Principauté et d'une valeur supérieure à 23 euros n'est valable que si elle a eu lieu devant le Tribunal de première instance » ;

Qu'il résulte de ce dernier texte que la perfection du contrat repose sur la rencontre d'une offre et d'une acceptation, que cette offre doit être précise, renfermant les éléments essentiels du contrat projeté mais également ferme, c'est-à-dire manifestant la volonté d'être lié en cas d'acceptation ;

Qu'à cette offre doit correspondre une acceptation, portant sur les éléments essentiels du contrat projeté, et ne contenant aucun élément de contre-proposition, lequel disqualifierait alors immédiatement l'acceptation en offre ;

Que l'accord des parties doit être néanmoins distingué des avant-contrats : négociations, pourparlers ou documents contractuels ;

Qu'en effet, l'accord sur la chose et sur le prix, élément essentiel prévu à l'article 1426 du Code civil, ne suffit pas notamment lorsque les parties sont convenues de signer un avant contrat et doivent s'accorder sur les éléments substantiels du contrat c'est-à-dire les éléments qui ne conditionnent pas nécessairement la conclusion d'un contrat mais auxquels les parties ont entendu subordonner leur consentement et de conférer un caractère essentiel (modalités de paiement, transfert de propriété, entrée en jouissance, et signature d'un avant-contrat) ;

Attendu que A.et B. sont restés, après leur divorce, titulaires chacun de 50 % des parts de la société C.CORP., propriétaire d'un bien immobilier sur lequel l'appelante bénéficiait d'un droit d'occupation à titre gratuit, prenant fin au plus tard aux 21 ans de l'enfant commun ou si celui-ci se trouvait scolarisé à plus de 100 km de distance de Monaco ;

Qu'il n'est pas contesté des parties que A. s'est maintenue dans les lieux sans verser d'indemnité, au-delà du 30 septembre 2016, date du départ de l'enfant pour un cursus scolaire au Royaume Uni ;

Que le maintien dans les lieux de A. a donné lieu à un contentieux avec B. qui a introduit le 10 février 2017 une procédure en référé aux fins d'obtenir l'expulsion de son ex-épouse des lieux appartenant à la société de droit panaméen C.CORP. ;

Que les parties ont néanmoins engagé des pourparlers portant sur la vente à un tiers de l'immeuble détenu par la société de droit panaméen C.CORP. ou sur le rachat par l'un des deux associés des parts sociales de l'autre ;

Que par lettre du 6 juillet 2017, le conseil de A. a notifié à l'avocat de B. l'accord de principe de sa cliente sur la vente du bien immobilier ou sur celle des droits qu'elle possède dans la société de droit panaméen C.CORP. à B. ou un tiers sur la base d'un prix entre 9.800.000 euros et 10.500.000 euros, tout en ajoutant les conditions suivantes : que les parties concluent un avant-contrat notarié aux termes duquel l'acheteur versera au notaire 15 % du prix d'achat à titre de caution, que A. s'engage à libérer les locaux au jour de la signature de l'acte authentique qui aura lieu au plus tard 12 mois après la signature de l'avant-contrat notarié et que A. conditionne la poursuite des négociations sur ces questions au nécessaire renvoi de la prochaine audience au 12 juillet prochain ;

Que par lettre du 7 août 2017, le conseil de A. a confirmé de nouveau l'intention de sa cliente de vendre le bien immobilier de la société de droit panaméen C.CORP. ou ses parts sociales au prix du marché soit un prix plancher de 9 millions d'euros net et son accord pour libérer le bien suite à la vente selon les usages ;

Que par courrier du 29 janvier 2018, le conseil de B. a accepté la proposition de A. soulignant : « les parties sont d'accord sur le principe de vendre les biens immobiliers dont la société C.CORP. est propriétaire en Principauté de Monaco, dans l'immeuble X1 au prix plancher de 9.000.000 euros nets. En l'état de cet accord, mon client en sa qualité de Président de la société de droit panaméen C.CORP. va faire le nécessaire en vue d'organiser une assemblée générale des actionnaires. Cette assemblée aura pour ordre du jour l'autorisation à donner au Président pour procéder à ladite vente dans les conditions convenues, c'est-à-dire au prix plancher de 9.000.000 euros nets. Je pense que vous ne verrez pas d'inconvénient à ce que cette assemblée se tienne à Monaco » ;

Que le 14 mars 2018, le conseil de B. a fait parvenir à l'avocate de A. l'offre suivante : « (...) Par la présente, au nom et pour le compte de B. qui signe la présente pour confirmation et acceptation, en exécution de l'accord déjà établi entre les partie concernant la cession de l'immeuble sis à Monaco, actif unique de la société C.CORP., au prix de 9.000.000 euros, nous vous formalisons l'offre d'acquisition de la participation de la Société C.CORP. appartenant à Madame A.(égale à 50 % de cette Société) en contrepartie du versement de la somme de 4.500.000,00 euros.

Pour les mêmes motifs, B. affirme alternativement (et de manière synallagmatique) être disposé à procéder à la vente de 50 % de la Société C.CORP. lui appartenant en contrepartie du versement de la somme de 4.500.000,00 euros.

Nous restons dans l'attente de recevoir, dans un délai de trente jours, la confirmation de l'éventuelle volonté de Madame A.de procéder à l'acquisition de la Société C.CORP. en contrepartie du versement de la somme de 4.500.000,00 euros.

En exécution de l'accord déjà établi entre les parties, nous fixerons -en l'absence de toute volonté contraire que Madame A. pourra, si elle le désire, exprimer avant le 14 avril 2018- une rencontre chez le notaire à Monaco à une date à convenir entre les parties, aux fins de procéder au transfert, au bénéfice de notre client, de la participation de la Société C.CORP. appartenant à Madame A. en contrepartie du versement, effectué par Monsieur B. de la somme de 4.500.000,00 euros » ;

Que A. a envoyé à B. un mail du 23 mars 2018 aux termes duquel elle lui indique avoir lu les différentes lettres qui lui avait transmises et lui écrit notamment : « en ce qui me concerne, je te confirme l'ensemble des positions exposées dans les précédentes lettres de Maître PASQUIER-CIULLA, y compris la vente de ma participation/mes parts dans la société C. Si tu souhaites en faire l'acquisition et ainsi éventuellement permettra à Carlo de profiter de la maison dans laquelle il a grandi ; je ne peux que me réjouir de cette solution qui me semble être la meilleurs pour nous tous. Je suis sûre que tes explications vont te permettre de débloquer la situation avec Maître BENSA (qui devra informer Maître PASQUIER-CIULLA que tu as mis un terme à son mandat), afin que nous puissions passer à la phase pratique de la cession » ;

Que par courriel du 24 mars 2018, B. lui a répondu : « je prends acte de ta décision de me vendre tes parts de la société C. Je mettrai mes avocats au courant de nos échanges dès lundi. Il est certain qu'ils parviendront à régler leurs différends réciproques et j'espère qu'ils pourront ainsi travailler sereinement afin que l'on puisse finaliser cette opération au plus tôt » ;

Que par lettre du 6 avril 2018, l'avocat de B. a écrit à celui de A.: « Eu égard à l'objet de la présente, nous prenons acte du fait que Madame A. par son e-mail du 23 mars 2018 dont vous avez certainement pris connaissance, a accepté l'offre réelle formulée par B.(qui signe la présente pour acceptation) relativement à l'acquisition de la participation de la Société C.CORP. appartenant à votre cliente (égale à 50 % de cette Société) en contrepartie du versement de la somme de 4.500.000,00 euros.

Afin de procéder à la formalisation de l'accord déjà établi entre les parties, il est nécessaire, à ce stade, de fixer une rencontre chez un notaire à Monaco à une date à convenir entre les parties, aux fins d'établir le contrat préliminaire relatif à l'achat, par Monsieur B. de la participation de la Société C.CORP. appartenant à Madame A. en contrepartie du versement, effectué par ce dernier, de la somme de 4.500.000,00 euros. À cet effet, il paraît opportun de respecter les étapes suivantes :

  • a) désignation d'un notaire à Monaco, par Monsieur B. parmi les professionnels suivants : (...),

  • b)  entente sur le contenu du contrat préliminaire dans le respect des indications et des délais précisés/recommandés par le notaire lui-même à l'issue de l'analyse des documents produits par la société,

  • c)  versement d'un acompte pour confirmation,

  • d)  tous les frais de la procédure précitée seront à la charge de Monsieur B.

    Dans l'attente d'une réponse de votre part (...) » ;

Que Maître PASQUIER-CIULLA lui a répondu le 19 avril 2018 : « je fais suite à votre courrier officiel du 6 avril 2018 dans le cadre du dossier cité en référence, aux termes duquel vous sollicitez la définition de la vente de 50 % des actions de la Société C.CORP., de la part de Madame A. en faveur de votre client, Monsieur B. Nous allons nous charger de transmettre le texte d'un contrat préliminaire de cession qui en cas d'accord pourra être conclu entre les parties (...) » ;

Qu'aux termes d'un courrier du 9 juillet 2018, Maître PASQUIER-CIULLA a de nouveau écrit au conseil de B. : « je vous rappelle qu'aux termes de votre courrier en date du 14 mars 2018 et en exécution de l'accord intervenu entre les parties, Monsieur B. a formalisé une offre réelle d'achat de la totalité des parts détenues par Madame A.au sein de la société de droit panaméen dénommée C.CORP. au prix de 4.500.000 euros.

Aux termes de votre courrier du 6 avril 2018, vous avez confirmé l'acceptation de ladite offre réelle par Madame A. le 23 mars 2018, en précisant les modalités de cette vente et notamment que l'ensemble des frais seront à l'entière charge de Monsieur B.

Je vous remercie de bien vouloir nous tenir informés de la situation quant à l'exécution de cette vente (...) » ;

Que contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, il résulte du courriel du 23 mars 2018 que A. a bien accepté l'offre d'achat de ses parts qu'elle détenait dans la société de droit panaméen C.CORP. faite par B. le 14 mars 2018, ce que confirment au demeurant les lettres de son avocate des 19 avril et 9 juillet 2018 ;

Que les échanges entre A.et B. établissent toutefois qu'ils avaient, d'un commun accord, soumis la rencontre de leur volonté respective d'acheter les parts sociales et de les vendre à la signature d'un avant-contrat de sorte que les parties en sont restées au stade des pourparlers, rendant ainsi inopérants les moyens développés par les parties sur les éléments essentiels ou non de l'accord ;

Qu'il convient dès lors de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté A.de sa demande de dire et juger parfaite la vente de l'ensemble de ses actions au sein de la société de droit panaméen C.CORP. à B.au prix de 4.500.000 euros et de condamner B. à signer l'instrumentum de la cession de ses actions ;

Sur les demandes réciproques de dommages et intérêts

Attendu qu'il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté A.de sa demande de dommages et intérêts dans la mesure où elle succombe dans ses demandes principales ;

Attendu que les premiers juges ont condamné A. à verser à B. une somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Que B. demande de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné A. au paiement de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices dont il sollicite toutefois la fixation à la somme de 100.000 euros, demandant en outre celle de 20.000 euros pour appel abusif ;

Attendu toutefois que la présente procédure est distincte de celle afférant à l'occupation par A. de l'appartement de la société de droit panaméen C.CORP. au-delà des dates convenues à l'accord homologué par le Tribunal de première instance dans le cadre de la procédure de divorce des époux ;

Qu'en effet, seuls les juges chargés de ce contentieux seront compétents pour apprécier la mauvaise foi de A. et ses manquements dans l'exécution de l'accord homologué par le Tribunal ;

Que seule son attitude dans le présent litige qui porte exclusivement sur l'existence ou non d'une vente parfaite de ses actions doit être examinée pour apprécier un quelconque abus ;

Que contrairement aux affirmations de B. l'appel de A. formule des critiques du jugement déféré et explicite les moyens en vertu desquels elle considère qu'il existait une vente parfaite de ses actions entre les parties ;

Que la Cour a au surplus estimé, contrairement aux premiers juges, que A. avait bien accepté l'offre d'achat de ses parts sociales dans la société de droit panaméen C.CORP. ;

Attendu enfin qu'il n'est pas justifié d'une faute de A. faisant dégénérer en abus l'exercice du droit d'ester en justice ou d'interjeter appel, faute de preuve notamment d'une absence manifeste de tout fondement à l'action, du caractère malveillant de celle-ci, de la multiplication de procédures, de l'intention de nuire ou d'une mauvaise foi évidente, la Cour rappelant à ce titre que le recours contre une décision de justice est un droit fondamental ;

Qu'il convient dès lors d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné A.au paiement de la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts et y ajoutant, de débouter B.de sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif ;

 

Sur les dépens

 

Attendu que A. qui succombe supportera la charge des dépens de l'appel avec distraction au profit de Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation, le jugement déféré étant par ailleurs confirmé en ce qu'il a condamné A. aux dépens de première instance ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

 

statuant contradictoirement,

Déclare recevables les appels principal et incident,

Confirme le jugement du Tribunal de première instance en date du 27 juin 2019 sauf en ce qu'il a condamné A. à verser à B.la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Et statuant de nouveau sur ce chef infirmé et y ajoutant,

Déboute B. de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Déboute B. de sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif,

Condamne A. aux dépens de l'appel, distraits au profit de Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,

Ordonne que les dépens distraits seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,

Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, et qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement,

Composition🔗

Ainsi jugé et rendu au Palais de Justice, à Monaco, le 29 MARS 2022, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Madame Françoise CARRACHA, Conseiller, Madame Sandrine LEFEBVRE, Conseiller, assistées de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Madame Valérie SAGNE, Premier Substitut du Procureur général.

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